Dans la cabine du voilier, qui puait la merde et l’humidité, McCoy attendit que sa vue s’habitue à la pénombre. La première chose qu’il remarqua fut que le sol était recouvert d’une eau rougeâtre. Puis il vit le jeune homme. Il était nu, attaché au mur, le corps saucissonné par des cordes serrées. Lindsay avait manifestement été interrompu. Le bras et la jambe gauches de l’homme étaient lardés d’entailles, certaines incrustées de sang séché, d’autres encore humides. McCoy baissa rapidement les yeux. Puis prit sur lui et les releva.
La tête de l’homme était penchée en avant, le menton sur la poitrine, ses cheveux blonds parsemés de croûtes de sang. On voyait mal son visage, mais il avait l’air grand, menu. C’était forcément lui.
– Donny ? dit McCoy.
Pas de réponse. Il y avait une gourde qui traînait par terre au fond de la cabine. Il la ramassa et la secoua, elle semblait contenir un liquide. Il dévissa le bouchon. Goûta. De l’eau. Il la porta aux lèvres de Donny.
– Il a dû s’épuiser en criant, dit Wattie. Il était comme ça quand je suis arrivé.
– Donny ? insista McCoy. Vous m’entendez ? Essayez de boire un peu.
Rien.
– Attendez, fit Wattie en s’approchant.
Il tint la tête de Donny en arrière, et McCoy versa l’eau dans sa bouche. Donny crachota, puis ses yeux s’ouvrirent, s’écarquillèrent. McCoy parvint à verser presque toute l’eau dans sa bouche, en y allant doucement, il ne voulait pas qu’il s’étouffe, mais Donny buvait, il était assoiffé. Une fois la gourde vide, McCoy la reposa.
– Donny ? répéta-t-il.
Donny acquiesça. Réussit à prononcer ces mots, dans un quasi-murmure :
– Quel jour on est ?
– Dimanche, dit McCoy.
Donny le regarda, horrifié. McCoy secoua la tête.
– Il ne s’est rien passé. Pas encore. On va te détacher, d’accord ?
Donny acquiesça.
McCoy retourna sur le pont après qu’ils l’eurent libéré des premières cordes. Il laissa Wattie terminer. Il ne supportait pas ses cris lorsqu’ils coupaient les liens et que le sang revenait dans ses membres traumatisés.
Il espéra que Donny serait capable de parler quand ils l’auraient ramené à la maison. Il n’avait pas l’air bien du tout. Il était déshydraté, avait perdu beaucoup de sang, il devait être attaché là depuis des jours. Dieu sait à quel point il avait dû souffrir dans cette cabine. Un nouveau cri se fit entendre, et McCoy eut un haut-le-cœur. Il avait vu la peur sur son visage quand il lui avait annoncé qu’on était dimanche. C’était le jour de la dernière bombe. Celle de Crawford. Ça devait être quelque chose d’important à en juger par la réaction de Donny.
Il se retourna. Wattie était en haut de l’escalier. Il était couvert de sang. McCoy ignorait si c’était le sien ou celui de Donny.
– C’est bon, il est détaché, dit-il. Mais il est très faible. Je ne suis pas sûr qu’il s’en tire.
– Il s’en tirera, dit McCoy. Il le faut. Chargeons-le dans la barque.