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McCoy laissa Faulds et Wattie à la maison pour s’occuper de la scène de crime sur le voilier et de la fin de la battue. Il n’en pouvait plus de rester là à admirer la vue en attendant que le téléphone sonne pour qu’on leur dise que la bombe avait explosé. Il supposa que si Andy Stewart n’était pas à son hôtel à Glasgow, il devait être à Dunoon en train de distribuer ses photos. Il monta dans la voiture et prit l’allée vers la sortie de la propriété. Autant qu’il lui annonce la nouvelle.

Il se gara près de la fête foraine. Apparemment, elle déménageait. Les hommes démontaient les manèges à l’aide d’énormes clefs, on pliait les stands. McCoy descendit de voiture et se dirigea vers le centre-ville. Il comptait dire à Stewart que son fils était en route pour l’hôpital de Greenock, puis rentrer à Glasgow. Même s’il ne pouvait rien faire pour empêcher l’attentat, il lui semblait qu’il devait être avec Murray quand on les appellerait.

Il venait de retirer sa veste et de la plier sur son bras et s’apprêtait à défaire le haut de sa chemise quand il entendit un cri.

– McCoy !

Il se retourna et vit Patsy Hearne en train de courir vers lui depuis la fête. C’était la dernière personne qu’il s’attendait à voir. Patsy s’arrêta, et ils se serrèrent la main.

– Qu’est-ce que tu fais là ? demanda McCoy.

– J’aide au démontage. Il leur manque quelques gars, je me suis fait réquisitionner. Et toi ?

– Un truc de flic. J’ai quelqu’un à voir à Dunoon. Après, je rentre à Glasgow. Je te ramène ?

– Tu parles. Je suis ici jusqu’à la nuit. T’as trouvé ce qui était arrivé à Jamsie Dixon, au fait ?

McCoy secoua la tête.

– Je sais pas si on le saura un jour. Il faut se faire une raison.

– Merde. Je pensais que si vous chopiez le coupable, on risquait de récupérer notre argent. Tu connais un certain Ronnie Naismith ?

McCoy acquiesça.

– Apparemment, c’est pour lui que Jamsie encaissait. Maintenant, il dit que c’est pas sa faute si l’argent a disparu et qu’on doit payer.

– C’est dur.

– Tu l’as dit. Deux cent soixante-dix livres foutues en l’air, je sais pas comment on va retrouver ça.

McCoy le regarda fixement.

– Combien t’as dit ?

– Deux cent soixante-dix livres, putain.

Patsy poursuivit en enchaînant sur la baisse de leurs recettes cette année-là et sur la difficulté qu’ils allaient avoir à réunir une telle somme, mais McCoy n’écoutait pas. Il dit au revoir à Patsy, lui promit de voir ce qu’il pourrait faire au sujet de Ronnie Naismith et gagna le centre-ville. Tout le mystère qui entourait la mort de Jamsie Dixon semblait soudain s’éclaircir.

Il venait de passer devant le grand hôtel lorsqu’il aperçut Andy Stewart. Il se trouvait devant le Paul Jones avec des photos imprimées de Donny à la main, abordait les jeunes qui entraient et sortaient. Pour une fois, McCoy avait une bonne nouvelle à annoncer, ça le changeait. Il s’arrêta, alluma une cigarette et le regarda quelques instants. Il voyait que la plupart des marins qui entraient et sortaient du pub l’avaient déjà vu, lui et ses photos. Ils lui disaient bonjour, lui souhaitaient bonne chance, poursuivaient leur chemin sans s’attarder.

McCoy s’apprêtait à le rejoindre quand Stewart le vit. Il lui fit un signe de la main, rangea ses papiers dans un sac plastique et vint dans sa direction en courant à petites foulées.

– Harry ! dit-il. Content de vous voir.

Il serra la main de McCoy.

– Je commence à en avoir marre de distribuer ces photos toute la journée, je vous prie de me…

– On a retrouvé Donny, dit McCoy.

Stewart se figea. Il laissa tomber son sac plastique. Le dévisagea.

– Il est vivant, reprit McCoy. Mais il est dans un sale état.

– Oh mon Dieu…

Stewart tremblait, on aurait dit qu’il allait s’évanouir. McCoy montra du doigt un banc près de la jetée.

– Venez vous asseoir, dit-il.

Ils s’assirent sur le banc, et McCoy lui raconta l’histoire. Stewart l’écoutait, essuyait de temps en temps des larmes avec la manche de sa chemise.

– Où est-il ?

– Il devrait être à l’hôpital de Greenock à l’heure qu’il est. C’est juste en face.

Stewart se précipita vers lui, le prit dans ses bras.

– Merci, dit-il. Merci.

McCoy se sentit lui-même gagné par l’émotion, tapota le dos de Stewart, lui dit que ça allait aller à présent. Stewart finit par le lâcher. Se radossa au dossier.

– Le prochain ferry est dans une demi-heure, dit McCoy.

Stewart sourit.

– Dans ce cas, ça me laisse le temps de vous payer un verre.

Il se leva :

– Ça ne vous ennuie pas si on va au Paul Jones ? J’aimerais dire aux gars qu’il va bien.

– Pas du tout, dit McCoy.

C’était le dernier endroit où il avait envie d’aller, mais il ne voulait pas gâcher la joie de Stewart.