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McCoy ne voyait pas du tout qui à Glasgow pouvait vouloir acheter une Rolls ou une Bentley, pourtant elles étaient là, toutes bien astiquées, bien brillantes, alignées derrière l’immense vitrine.

– Ça, c’est une Rolls Silver Phantom, dit Wattie en pointant du doigt l’une des voitures à l’intérieur du showroom. Et ça, c’est une Corniche. On n’en voit pas beaucoup, surtout à Glasgow.

McCoy hocha la tête, peu intéressé par tout ça. Wattie, lui, était radieux, on aurait dit un enfant admirant la vitrine d’un magasin de jouets une veille de Noël. McCoy n’avait pas besoin de chauffeur, il aurait pu venir là seul, mais il avait un peu pitié de Wattie. Il avait vraiment fait de son mieux lors de l’interrogatoire de Cooper, et McCoy trouvait qu’il ne s’en était pas si mal sorti, il trouvait la sévérité de Murray injustifiée. Il chercha dans sa mémoire si Murray avait été comme ça avec lui à ses débuts. Sans doute que oui, mais McCoy n’avait jamais été aussi naïf que Wattie. Au contraire. Il avait toujours été cynique, il avait toujours présumé le pire à propos de tout le monde.

– Combien coûtent ces engins ? demanda-t-il.

Wattie montra une étiquette discrète près d’une grosse voiture gris métallisé.

– Treize mille livres, dit-il.

– Quoi ? On peut s’acheter une baraque pour ce prix-là !

– Oui, mais les baraques, ça roule pas.

Prenant la mesure de la stupidité de leurs propos, tous deux se mirent à rire.

– Allez, viens, dit McCoy. Allons voir de plus près les grosses tutures.

Parce qu’ils ne ressemblaient pas beaucoup à des acheteurs de Rolls potentiels, peut-être, le vendeur s’approcha d’eux comme s’il avait senti une mauvaise odeur dès leur entrée.

– Je peux vous aider, messieurs ? demanda-t-il.

McCoy sortit sa carte, la lui montra.

– On vous a apporté une Daimler pour une visite d’entretien ? D’une couleur dorée, au nom de Lindsay ?

Le vendeur gagna le bureau, consulta un registre. McCoy se tourna pour parler à Wattie et s’aperçut qu’il était déjà de l’autre côté du showroom, en train de baver sur une grosse décapotable. Murray avait raison. Il était temps qu’il grandisse.

– Nous avons bien eu une Daimler Majestic de 1968, confirma le vendeur en relevant les yeux. Peinture dorée, intérieur rouge. Une voiture magnifique, on n’en voit pas tous les…

– Vous ne l’avez plus ?

Le vendeur n’eut pas l’air très content d’être interrompu.

– Non. Vous venez de la rater, elle est repartie il y a environ une demi-heure.

– Merde. Qui est venu la chercher ?

– C’est le colonel Lindsay lui-même, cette fois. Il était accompagné d’un jeune ami. En général, il envoie un chauffeur. Il était charmant, il m’a dit…

– Qu’est-ce qui a été fait dessus ?

Cette nouvelle interruption froissa vraiment le vendeur.

– Rien, dit-il. Une visite d’entretien était prévue pour demain, ainsi qu’un nettoyage à fond. Le colonel nous a dit qu’il en avait un besoin urgent. Un changement d’organisation.

– Tiens donc. Je peux utiliser votre téléphone ? Vous avez l’immatriculation de la voiture ?

Le vendeur l’écrivit sur un bout de papier, qu’il donna à McCoy avant de lui montrer un téléphone sur un bureau près de la vitrine.

– Vous pouvez utiliser ce téléphone, sur le bureau de l’assistant, dit-il, comme si McCoy ne valait pas mieux.

McCoy décrocha le combiné et composa le numéro du commissariat.

– Billy, c’est McCoy. Je suis chez Gauld. J’ai besoin que tu lances une alerte. Je veux qu’on intercepte une voiture, une Daimler Majestic. Couleur dorée. Immatriculation : Alpha, Novembre, Papa, 3, 6, 2, Hôtel.

Il écouta Billy lui relire l’immatriculation.

– C’est ça. Et c’est en lien avec l’attentat de cet après-midi, alors priorité numéro un, d’accord ?

Il raccrocha, et, alors qu’il s’éloignait, le téléphone se mit à sonner. Il revint sur ses pas, décrocha, écouta.

– OK. J’arrive.

Il reposa le combiné et cria :

– Wattie ! On y va !