– Recommencez, demanda Murray. Qu’est-ce qu’il a dit exactement ?
Ils étaient dans un café de High Street, assis à une table près de la vitre. On voyait les tours du Royal au-dessus des immeubles. Alors que lui-même ne pouvait rien avaler d’autre qu’une tasse de thé, McCoy avait regardé Wattie et Murray s’enfiler deux tournées de toasts chacun.
– Il a dit : « Midi. Boum ! »
– Merde, dit Murray en tirant une serviette du distributeur argenté pour essuyer ses doigts couverts de beurre fondu. Rien d’autre ?
McCoy secoua la tête.
– Il va y avoir un attentat à midi. Il a dit que tout était en place et que ses hommes allaient exécuter son plan.
Murray roula sa serviette en boule et la laissa tomber dans son assiette.
– Des chances qu’il bluffe ?
– Je ne crois pas. Ce n’est pas son genre. Ça va vraiment se passer. J’étais là. Il était sérieux, Murray. Il ne plaisantait pas.
– Qu’est-ce qu’on fait, maintenant, putain ? s’agaça Murray en rougissant. On fait évacuer Glasgow ?
– Je ne sais pas. Je vous répète seulement ce qu’il a dit. Il a dit qu’il y en aurait un aujourd’hui à midi et que d’autres suivraient.
– Et vous êtes sûr que c’est bien lui qui a organisé le dernier ?
– Oui, dit McCoy en prenant une cigarette dans le paquet de N° 6 posé sur la table. Aussi sûr que je peux l’être.
Murray trouva ses allumettes, alluma sa pipe.
– Des idées brillantes ?
– Il faut choper un de ses gars et essayer de le retourner. Avec Wattie, on va aller voir Meiklejohn, on va lui demander lequel lui semble le plus susceptible de craquer.
Murray tira sur sa pipe en chassant la fumée de son visage, au mépris des claquements de langue réprobateurs des deux femmes à la table voisine, envahies par un nuage.
– Vous êtes sûr qu’il ne nous dira rien quand il reprendra connaissance ? demanda-t-il. Lindsay ?
– Il est au stade terminal d’un cancer du foie, dit McCoy. Il a bu deux gorgées de morphine quand j’étais là-bas. Il va rester dans les vapes au moins jusqu’à cet après-midi, d’après le médecin.
Murray n’avait pas l’air content.
– Et qui l’a tabassé ? C’est vous ?
– Non ! Enfin, quoi, Murray, je ne suis pas comme ça.
– C’est qui, alors ?
– Aucune idée, dit McCoy, mentant comme un arracheur de dents.
– Bon, qu’est-ce qu’il va faire sauter, alors ?
Murray s’aperçut que Wattie ne disait rien depuis le début :
– Eh bien, Watson ? Vous avez un lieu à proposer, ou vous allez rester assis là, sur votre gros cul, à enfourner des toasts ?
Wattie réagit comme s’il avait été pris en faute.
– Un pub ? dit-il. Un magasin d’alcools, peut-être ? Un établissement lié à l’Angleterre ?
– Super, dit Murray. Ça va restreindre les recherches. Merci pour votre perspicacité.
Il se tourna vers McCoy :
– Vous êtes sûr pour cette histoire d’attentat ?
McCoy acquiesça.
– Je vais aller à Pitt Street, soupira Murray. Je vais voir si je peux les convaincre de faire appeler les cibles probables, de sensibiliser le personnel aux bagages abandonnés, ce genre de choses. Comment ils vont s’y prendre sans semer la panique, Dieu seul le sait, mais ça, c’est leur problème.
Il se leva.
– Ça ne va pas leur plaire, et je vais devoir me montrer persuasif. On est à Glasgow, les pubs et les magasins d’alcools, il n’y a que ça, ici. Je doute qu’on réussisse à les joindre tous avant midi. Et dans tous les cas de figure, on sera perdants. S’il n’y a pas d’attentat, je passerai pour un idiot, s’il y en a un, des gens perdront la vie. C’est la merde, McCoy, une belle merde. D’autres idées ?
McCoy secoua la tête.
– Allez-y, alors, allez voir Meiklejohn. Espérons qu’on ait de la chance.