McCoy se déconnecta des excuses excessives de Finch et profita de la vue sur l’eau tandis qu’ils roulaient vers Dunoon. Ça l’ennuyait de le reconnaître, mais il aurait dû écouter Murray et tout revérifier. Selon Murray, les seuls flics dignes de confiance étaient ceux de Glasgow, les autres étaient des incompétents. En général, McCoy n’était pas d’accord avec lui, mais en l’occurrence il y avait des chances qu’il se rallie à son opinion.
– Garez-vous à la fête foraine, dit McCoy lorsqu’ils entrèrent dans Dunoon.
– La fête foraine ? s’étonna Finch. Pourquoi ?
– Garez-vous là-bas.
McCoy n’avait pas envie d’en dire plus.
Finch entra sur le parking dans le champ à côté de la fête. McCoy sortit, lui dit qu’il en avait pour dix minutes. Il claqua la portière derrière lui. Il avait besoin de se défouler d’une manière ou d’une autre.
La fête s’installait pour la journée, on débâchait les stands, contrôlait les manèges. Quelqu’un avait commencé la cuisson des burgers et des oignons, leurs odeurs se mêlaient à celle de la barbe à papa, déjà omniprésente. McCoy s’approcha d’un jeune vêtu d’un tee-shirt de Black Sabbath et d’un short en jean.
– Salut, mon gars, dit-il. Y a quelqu’un de la famille de Patsy Hearne dans le coin ?
Le jeune le dévisagea d’un air soupçonneux.
– Qui veut le savoir ?
– Moi. Harry McCoy. Je suis un copain de Patsy, on était chez Barnardo’s ensemble. Je l’ai vu l’autre soir à l’Edrom. J’ai besoin d’un service.
La présentation de McCoy sembla convaincre. Il se félicita de ne pas avoir parlé du fait qu’il était policier.
Le type pointa le doigt vers la chenille.
– Tu vois le type là-bas en maillot de corps noir ? C’est Tommy, le cousin de Patsy.
McCoy le remercia. Il espéra que son plan allait fonctionner. Sinon, ils allaient devoir prendre le ferry pour Gourock. Il aperçut Finch qui traînait aux abords de la fête. Il fallait qu’il règle cette affaire avant que celui-ci ne décide de les rejoindre. Il se hâta vers le manège.
– Tommy ? dit-il. Je peux te parler ?
Tommy posa sa clef à molette et le regarda.
– Je m’appelle Harry McCoy. Je suis un copain de ton cousin Patsy, on s’est connus gamins chez Barnardo’s. Je peux te demander un service ? T’aurais pas un outil pour couper un cadenas ?
Tommy acquiesça. Il n’avait pas l’air bavard.
– Super. Y a un billet de cinq à gagner pour toi. J’ai une voiture, c’est à dix minutes de là. T’es accord ?
Tommy acquiesça à nouveau. C’était comme essayer de faire la conversation à une statue.
– La voiture est près de l’entrée, c’est une Cortina bleue. On s’y retrouve dans cinq minutes ?
McCoy partit en courant à petites foulées avant que Finch n’arrive, ou, Dieu l’en garde, que Tommy ne puisse poser des questions.
Ils attendaient dans la voiture, Finch interrogeait McCoy sur le travail à Glasgow, quand Tommy apparut au sommet de la colline, un lourd sac de toile à l’épaule. Il était de petite taille mais semblait costaud, rompu aux tâches physiques. À une dizaine de mètres – McCoy s’apprêtait à lui ouvrir la portière –, il s’arrêta, posa son sac et resta planté là, le regard fixé sur la voiture.
– Qu’est-ce qu’il fait ? demanda Finch.
– Allez savoir, dit McCoy en ouvrant la portière. Attendez.
Il s’approcha de Tommy, s’efforçant d’avoir l’air sympathique.
– Tout va bien, Tommy ?
– Non, dit Tommy avec un fort accent du Donegal. Pas question que je monte dans une bagnole avec un flic.
Dix minutes plus tard, après négociation et la rémunération de Tommy ayant été portée à dix livres, ils s’arrêtèrent devant le portail de Knockland. Tommy n’avait toujours pas l’air content. Comme on pouvait s’y attendre, il n’avait pas dit un mot de tout le trajet. Il était resté muet, l’air maussade, à l’arrière, son sac de toile sur les genoux.
Faulds était assis sur le même tronc d’arbre que McCoy lors de sa dernière visite. Il avait retiré sa veste et chassait les moustiques avec ses mains.
– J’amène du renfort, dit McCoy.
Faulds se leva.
– Super. Je suis en train de me faire bouffer, ici.
Tommy s’approcha du portail et examina le cadenas.
– On l’enlève, c’est ça ?
McCoy confirma de la tête, et Tommy sortit de son sac un énorme coupe-boulon.
– Où tu l’as trouvé ? demanda Faulds.
– Je suis un copain de son cousin.
Tommy engagea l’anneau du cadenas entre les grosses mâchoires du coupe-boulon, appuya, grogna et redoubla d’efforts. Son visage rougit, puis il y eut un tintement, un morceau de cadenas vola à côté de la tête de McCoy, et le portail s’ouvrit.
– Mieux vaut prendre la voiture, dit McCoy. L’allée est assez longue.
– Moi, j’y vais à pied, dit Tommy.
Manifestement, l’idée de remonter en voiture avec un flic était au-dessus de ses forces.
McCoy ne savait guère à quoi s’attendre tandis qu’ils roulaient vers la maison. Des chiens de garde ? Un groupe d’hommes armés ? Le mieux qu’il pouvait espérer était quatre adolescents qui auraient compris que leur chef avait disparu et que leur rêve d’une Écosse sans alcool était terminé. Quelque chose lui disait que ce ne serait pas aussi simple. L’expression que Lindsay avait employée en parlant de Donny Stewart résonnait encore dans sa tête. « Un des Morts d’avril. » Cela voulait-il dire qu’il était déjà mort ? Ou devait-il participer à une mission suicide, équipé d’une bombe, à la manière d’un pilote kamikaze. La vache, ce serait le pompon.
Ils s’arrêtèrent près de l’entrée, et tout le monde descendit.
– Qu’est-ce qu’on fait maintenant ? demanda Faulds en mesurant le bâtiment du regard.
McCoy s’avança.
– Ça, dit-il.
Et il sonna.