471. Cette dédicace fut remaniée plusieurs fois. Wilde voulait dans un premier temps dissimuler le nom véritable du condamné sous de fausses initiales. Il choisit en fin de compte de rendre à l’homme son identité : « C. T. W. », pour Charles Thomas Wooldridge.
472. La tunique de ce soldat, qui appartenait au corps des Royal Horse Guards (surnommés « the Blues », les Bleus), n’était pas rouge, mais bleu nuit ; seuls le col et les manchettes étaient incarnats. Cette entorse à la vérité s’explique pour diverses raisons. Tout d’abord, Wilde songea sans doute au manteau dont les soldats romains revêtent les épaules du Christ, la « chlamyde écarlate » – manteau large et flottant porté par les soldats –, évoquée par Matthieu (27, 27) ; ensuite, le rouge est la couleur du sang, donc de la vie et de la mort, et sa puissance symbolique est évidemment considérable. Cette couleur a de plus une valeur métaphorique ; voir, par exemple, « Le déclin du mensonge », Intentions : « [L’Art] crée et détruit une multitude d’univers et, au moyen d’un fil écarlate, peut attraper la lune » (Complete Works of Oscar Wilde, op. cit., p. 1082).
473. Le 19 novembre 1897, Wilde fit la remarque suivante à son éditeur Leonard Smithers à propos de l’orthographe de l’adjectif « grey » : « Vous suggérez gray au lieu de grey à un moment donné. Mais j’ai écrit grey partout ailleurs. Y a-t-il une règle ? Ce que je sais est que Dorian Gray est un classique, et à juste titre. »
474. Ce soldat avait conservé les vêtements qu’il portait lors de son arrestation.
475. Les détenus faisaient leur promenade dans la cour de la prison en tournant en rond et en marchant les uns derrière les autres.
476. Allusion au « Dit du vieux marin » (1798) de Coleridge, II, v. 29 : « Dans un brûlant ciel d’airain,/Le soleil ensanglanté/Se levait au-dessus des mâts. »
477. Voir Genèse 9, 6 : « Celui qui répand le sang de l’homme, par l’homme son sang sera répandu. »
478. Voir Shakespeare, Le Marchand de Venise, IV, 1, v. 66-67 : « BASSANIO : Est-ce que tous les hommes tuent les êtres qu’ils n’aiment point ?/SHYLOCK : Est-ce qu’on hait un être qu’on ne veut pas tuer ? »
479. Allusion aux scènes que Bosie faisait à Wilde (voir De profundis, p. 63).
480. Allusion au baiser donné par Judas à Jésus juste avant l’arrestation de celui-ci par les soldats romains (Matthieu 26, 49).
481. « Comme il est mal d’acheter l’amour et comme il est mal de le vendre ! » écrivit Wilde à Robert Ross, le 14 mai 1900. Wilde fréquenta des prostitués avant et après son procès et son incarcération.
482. Les condamnés à mort étaient soumis à la surveillance permanente de leurs gardiens.
483. L’aumônier était le révérend Martin Thomas Friend (1843-1934), nommé à la prison de Reading en 1872, où il passa quarante et un ans.
484. Wilde emploie le mot « Sheriff » ; en Angleterre, le shérif est un « magistrat responsable de l’application de la loi dans un comté » (Le Petit Robert).
485. Henry Bevan Isaacson (1842-1915) : lieutenant-colonel à la retraite. Il passa deux ans à Reading (1895-1896). Dans une lettre adressée à Leonard Smithers (19 novembre 1897), Wilde dit au contraire du directeur de la prison, très porté sur l’alcool, qu’il avait une « grosse figure rouge ». Le changement de couleur s’explique par la crainte de trop charger le portrait (l’éditeur redoutait un procès en diffamation) ; en outre, le jaune est symboliquement associé à la traîtrise et à des comportements tels que la dissimulation ou le cynisme. Dans cette même lettre, enfin, Wilde, en proie à des préjugés antisémites, décrit Isaacson comme « un Juif boursouflé ». Isaacson, en fait, n’était pas juif ; il était le fils du révérend Stuteville William Isaacson, recteur de Bradfield St. Clare, dans le Suffolk.
486. Juste avant sa pendaison, le condamné avait les poignets, les coudes et les genoux ligotés par des lanières de cuir.
487. Les exécutions n’avaient plus lieu en public, mais dans l’enceinte même des prisons (la précédente exécution à Reading avait eu lieu en 1873). Dans une lettre à Robert Ross du 8 octobre 1897, Wilde s’attarde longuement sur ce « hangar » : « le hangar dans lequel on pend les condamnés est une petite baraque à toit de verre, semblable à un studio de photographe sur la plage de Margate. Pendant dix-huit mois, j’ai cru que c’était vraiment un studio où l’on photographiait des prisonniers. Il n’est pas d’adjectif pour le décrire. Je le qualifie de “hideux” parce qu’il me le devint quand j’appris à quoi il servait. »
488. Caïphe est le nom du grand prêtre qui offrit de l’argent à Judas en l’échange de sa trahison. Voir Matthieu 26, 65 et Jean 18, 14 : « Caïphe était celui qui avait donné ce conseil aux Juifs : “Mieux vaut qu’un seul homme meure pour le peuple.” » Cela dit, ce n’est pas Caïphe, mais Judas, qui donna à Jésus le baiser félon. Dans une lettre adressée à Smithers, le 19 novembre 1897, Wilde apporta la précision suivante : « En écrivant Caïphe, je ne songe pas à l’actuel aumônier de Reading : c’est un imbécile pas méchant pour un sou, l’une des plus sottes brebis de Dieu. À vrai dire, le parfait clergyman. En écrivant cela, je pense à tous ces prêtres de Dieu qui prêtent assistance aux châtiments injustes et cruels infligés aux hommes. »
489. Wilde écrit de façon erronée « peek and pine » pour « peak and pine », doublet prosodique synonyme de « waste away » qui signifie « dépérir », « languir », « perdre lentement ses forces ». Shakespeare l’emploie dans Macbeth, I, 3, v. 22-23 : « Weary sev’n-nights, nine times nine,/Shall he dwindle, peak, and pine » (« Neuf fois neuf semaines, las, il s’étiolera et dépérira »).
490. Voir Le Portrait de Dorian Gray, chapitre II : « Lord Henry sortit dans le jardin et trouva Dorian Gray, le visage enfoui dans les grands et frais lilas en fleurs dont il buvait fébrilement le parfum comme si c’était du vin » (op. cit., p. 65).
491. Avant l’invention de la potence moderne, on pendait les condamnés aux branches de chênes et d’ormes. Si la vipère est un symbole du mal évident, Wilde se réfère aussi à une croyance populaire selon laquelle les feuilles et les fruits d’un arbre dont les racines ont été mordues par une vipère sont détruits pour une saison entière. Le « bois sec » et le « bois vert » sont empruntés à Luc 23, 31 : « Car si l’on fait cela avec le bois vert, avec le sec qu’arrivera-t-il ? » Dans cette question posée par Luc, le bois vert représente la parole vivifiante de Jésus, et le bois sec le peuple juif.
492. Allusion au « trône glorieux » de Dieu (Dante, Le Paradis, XXXII).
493. Voir « La tombe de Keats », poème publié par Wilde en 1877 (v. 3) : « Arraché à la vie, quand neufs étaient la vie et l’amour » ; ce vers, qui apparaît également dans un autre poème de Wilde, « Ravenna » (1878 ; v. 63), a été emprunté à « À Thyrza » de lord Byron (v. 42).
494. Les condamnés à mort étaient séparés des autres prisonniers.
495. Allusion à un vers extrêmement célèbre tiré de la quatrième partie du « Conte du théologien : Elizabeth », de Henry Wadsworth Longfellow (1873) : « Ships that pass in the night, and speak with each other in passing » (« Des navires qui se croisent dans la nuit et se parlent en se croisant »). Par ailleurs, Wilde fait aussi allusion au mythe du vaisseau fantôme (voir par exemple l’opéra de Richard Wagner, Le Vaisseau fantôme, 1843).
496. Wilde commente ce mot dans une lettre d’avril 1898 adressée à son traducteur, Henry D. Davray : « Est-ce que “réprouvé” est bon pour outcast ? “Déshérité” ne vaudrait-il pas mieux ? Lord Byron était un outcast. »
497. Le mot « trébuchet » (« gin ») est un emprunt probable à Algernon Charles Swinburne, « Laus Veneris » (1866), strophe 68, v. 272 : « And lo, one springe and you are fast in hell,/Fast as the gin’s grip of a wayfarer » (« Voyez plutôt, un piège, et l’on est prisonnier de l’enfer,/ Prisonnier comme un voyageur pris dans un trébuchet »).
498. Les hommes emprisonnés pour dettes avaient un espace réservé dans la cour de la prison.
499. En fait, ces « Regulation Acts » exigeaient que des traitements humains fussent réservés aux prisonniers. Mais ce règlement n’était guère appliqué, ce que dénonçaient les partisans d’une réforme de la prison.
500. Ce médecin était le docteur Oliver Maurice, personnage grossier et malpropre.
501. L’association entre le visage et le masque est récurrente chez Wilde. Voir par exemple « Le déclin du mensonge » (1889) : « En fait, l’intérêt que présentent les gens du monde […] réside dans le masque que chacun porte, non dans la réalité qui se cache derrière ce masque » ; « Le critique comme artiste » (1890) : « L’homme est le moins lui-même lorsqu’il parle en son nom propre. Donnez-lui un masque et il vous dira la vérité » ; ou L’Éventail de lady Windermere (1893) : « De nos jours, être intelligible, c’est être démasqué. »
502. La conscience douloureuse d’être réduit à une apparence grotesque est également présente dans De profundis (voir De profundis, p. 151).
503. Allusion au travail de peine imposé aux prisonniers ; ceux-ci devaient tirer l’étoupe de vieux cordages goudronnés, qui servait ensuite à colmater les coursives des bateaux. Ce « travail » blessait cruellement les doigts de ceux à qui il était imposé. Cette tâche fut assignée à Wilde du 28 mai au 4 juillet 1895 alors qu’il se trouvait à la prison de Pentonville.
504. Coudre les sacs postaux et casser des cailloux faisaient partie des tâches imposées aux prisonniers.
505. Cylindre de métal sur pieds qui, actionné par une manivelle, permettait de recueillir du sable dans des godets ou encore de pomper de l’eau. Ce travail fastidieux et très improductif était épuisant. Il fut aboli par le Parlement en 1898.
506. Cognions les bidons : Wilde commente ces mots dans une lettre du 30 mars 1898 adressée à Robert Ross : « J’ai vu hier la traduction que Davray a faite de la Geôle de Reading et je l’ai relue en partie avec lui. C’est un texte très difficile à traduire, d’autant que, par malchance et étrangement, Davray n’est jamais allé en prison et qu’il en ignore le vocabulaire. “We banged the tins” est devenu sous sa plume “On battait le fer-blanc” ». Moulin ou manège de discipline : vaste roue dont la circonférence était divisée en marches sur lesquelles se tenait le prisonnier. Celui-ci devait les gravir indéfiniment (voir Dossier, p. 290). Cette punition absurde fut abolie en 1898.
507. Voir Genèse 4, 10 : « Yahvé dit [à Caïn] : “Qu’as-tu fait ! La voix du sang de ton frère crie vers moi du sol.” »
508. Les cellules étaient numérotées. Celle de Wilde était la C. 3. 3.
509. Voir Matthieu 5, 6 : « Heureux ceux qui sont dans le deuil, parce qu’ils seront consolés » ; dans De profundis, Wilde incite lord Alfred Douglas à pleurer, prétendant qu’« il n’y a que cela qui puisse [le] sauver » (p. 42).
510. Les objets tranchants et coupants sont légion chez Wilde. « Poignarder ma jeunesse d’une arme sans merci […]/[…] je jure/Que point n’aime cela », écrit-il dans un poème de jeunesse, « Taedium Vitae » (1881). Dorian Gray, qui a peur du vieillissement et de la laideur, exprime cette crainte à l’aide de la métaphore du poignard (« À cette pensée, une vive douleur le transperça comme un couteau », Le Portrait de Dorian Gray, op. cit., p. 70), et c’est un couteau qui le tue à la fin du roman. Wilde revient enfin sur l’image de la lame tranchante dans De profundis : « Il faut que tu lises cette lettre du début à la fin, quand bien même chacun de ses mots te ferait l’effet du cautère ou celui du scalpel du chirurgien qui brûle et fait saigner les chairs délicates » (p. 42).
511. Les corbillards étaient ornés de plumes noires aux quatre coins de leur toit.
512. Une éponge imbibée de « vin aigre » fut tendue à Jésus crucifié (Matthieu 27, 48 ; Marc 15, 36 ; Jean 19, 29). Ce geste est généralement considéré comme une humiliation et un supplice supplémentaires infligés au Christ sur la croix. Toutefois, le sens (semble-t-il ignoré de Wilde) de cet acte est autre : cette potion aigre à base de vin était réputée stupéfiante et devait non pas tourmenter le supplicié un peu plus encore, mais au contraire lui venir en aide en l’engourdissant. Aussi faut-il interpréter le refus de Jésus de boire ce breuvage non comme un signe de répulsion, ou comme un sursaut de dignité, mais comme le désir de rester lucide jusqu’à son dernier souffle.
513. Ce vers fait allusion aux trois reniements de Pierre qui, après l’arrestation de Jésus, refusa, de peur d’être arrêté, de reconnaître qu’il était l’un de ses disciples ; voir Matthieu 26, 69-75 : « Et Pierre se souvint de la parole de Jésus, qui avait dit : “Avant qu’un coq ne chante, trois fois tu me renieras.” »
514. Le thème médiéval de la danse macabre, illustrant l’idée que tous les hommes sont égaux devant la mort, apparaît sous la forme d’une sarabande spectrale dans « Le dit du vieux marin » de Coleridge (1798) et dans « La maison de la courtisane » de Wilde (1885). Le motif de la danse macabre apparaît aussi dans « L’anniversaire de l’infante » (1889) : « [Dans la salle du trône] se trouvait un cabinet d’ébène noir, incrusté de plaques d’ivoire, sur lequel les personnages de la Danse macabre de Holbein avaient été gravés, disait-on, de la main de l’illustre maître lui-même. » Wilde a dû aussi songer aux squelettes qui dansent dans « Bûchers et tombeaux » de Théophile Gautier (Émaux et Camées, 1835), ainsi qu’à la « Danse macabre » et aux « Métamorphoses du vampire » de Baudelaire (Les Fleurs du Mal, 1857). Parmi les autres sources, on citera un poème d’Edgar Poe, « Le palais hanté », inclus dans La Chute de la maison Usher (1839).
515. Rigaudon : danse d’origine française, très vive et très gaie, en vogue aux XVIIe et XVIIIe siècles.
516. Voir « La maison de la courtisane », v. 16-17, et « Le dit du vieux marin », v. 127.
517. Voir « La maison de la courtisane », v. 7-8.
518. Le jeu de dés est mentionné dans « Le dit du vieux marin » (v. 196-197), ainsi que dans un sonnet de Wilde, « Sur la vente aux enchères des lettres d’amour de Keats » (1886) ; on le trouve enfin dans De profundis, où Wilde accuse lord Alfred Douglas d’avoir joué son âme avec son père, le marquis de Queensberry (voir De profundis, p. 82).
519. Ce vers signifie qu’au lever du soleil l’exécution a eu lieu et que « justice » a été faite.
520. Sénéchal : « officier de la Cour chargé de présenter les plats à la table du roi. Titre donné plus tard à certains grands officiers royaux ou seigneuriaux. […] Officier royal qui […] exerçait des fonctions analogues à celles d’un bailli (pour la justice, les finances, etc.) » (Le Petit Robert). Wilde emploie également ce mot dans « Endymion » (1881), v. 18.
521. L’image des ailes de la mort avait été employée par le député libéral John Bright (1811-1889) dans un discours prononcé le 23 février 1855 sur la guerre de Crimée qui, de 1854 à 1855, opposa la Russie à une coalition formée par la Grande-Bretagne, la France, la Sardaigne et la Turquie, et qui se termina par la défaite des Russes. Cette image, très remarquée, est reprise dans Salomé : « IOKANAAN : J’entends dans le palais le battement des ailes de la mort » ; « HÉRODE : Et j’entends dans l’air quelque chose comme un battement d’ailes, comme un battement d’ailes gigantesques » (Salomé, éd. P. Aquien, GF-Flammarion, 1993, rééd. 2006, p. 91 et 99). Elle est sans doute inspirée par l’ange exterminateur de l’Exode (Exode 12, 23) ; voir aussi Samuel 24, 16-17 ; 2 Rois 19, 35 ; Hébreux 11, 28 ; 1 Corinthiens 10, 10.
522. Voir Apocalypse 19, 11-14.
523. Wilde était très satisfait de cette strophe : « La propagande [c’est-à-dire la dénonciation de la peine de mort], que je désire faire, commence là », écrivit-il à Robert Ross le 19 octobre 1897.
524. C’est à huit heures du matin qu’avaient lieu, en semaine, les exécutions capitales.
525. Ce signal est celui de la cloche de la chapelle St. Lawrence de Reading. Elle commençait à sonner un quart d’heure avant l’exécution et continuait à résonner quelque temps après.
526. Ce cri est une invention de Wilde ; la presse de l’époque (par exemple le Reading Mercury du 10 juillet 1896) souligna au contraire que l’homme était mort sans broncher ; « cet âpre cri » rappelle celui du Christ « criant d’une voix forte » en invoquant son père juste avant son trépas (Luc 23, 46).
527. Voir Luc 22, 44 : « Et, entré en agonie, il [Jésus] priait de façon plus ardente, et sa sueur devint comme des caillots de sang qui descendaient jusqu’à terre. »
528. Voir Jules César, de Shakespeare, II, 2, v. 32-33 : « Les couards meurent maintes fois avant leur mort,/Les braves ne goûtent qu’une seule fois à la mort. »
529. Voir « La Sphinge » (1894), v. 174.
530. Les flèches, dessinées sur l’uniforme des forçats, font songer à celles qui transpercèrent saint Sébastien lors de son martyre. On rappellera que l’un des tableaux préférés de l’écrivain était le Saint Sébastien de Guido Reni (1575-1642), et que Wilde, qui prit le pseudonyme de Sebastian Melmoth au début de son exil en France, évoque le jeune martyr dans « La tombe de Keats » (1877).
531. La chaux vive versée sur un cadavre permettait de dissoudre le corps rapidement. À la strophe suivante, elle est décrite comme le suaire du défunt.
532. Voir la fin du « Pêcheur et son âme » de Wilde (1891) : « jamais plus, dans le coin du champ des foulons, il ne poussa de fleur d’aucune sorte, mais le champ demeura stérile comme auparavant ».
533. Wilde s’inspire de la symbolique de la rose blanche, associée à la pureté virginale, présente chez Dante (Le Paradis, XXX-XXXIII). La rose rouge est traditionnellement le symbole de l’amour. Elle représente aussi, dans la symbolique chrétienne, le sang de Jésus et donc l’amour céleste.
534. Selon la légende, Tannhäuser avait supplié le pape Urbain IV (1261-1264) de lui pardonner ses péchés (sa passion charnelle pour Vénus), mais le pontife rétorqua que le pardon était tout aussi impossible qu’une floraison de roses sur un bâton de pèlerin. Peu de temps après le départ du jeune troubadour, le miracle se produisit. L’image, a priori stérile, du bâton qui fleurit a été reprise par Wagner à l’acte III, scène 3, de Tannhäuser (1845), et Wilde y fait allusion dans une lettre à Robert Ross (16 avril 1900). Il mentionne également l’opéra de Wagner dans Le Portrait de Dorian Gray et dans «Le critique comme artiste ».
535. Voir Hamlet, V, 1, v. 239 : « On devrait jeter sur elle [Ophélie] des tessons, des cailloux et des silex. »
536. Voir Hamlet, III, 1, v. 77-79 : « la crainte de quelque chose après la mort,/Du pays inconnu dont nul voyageur/N’a franchi la borne ».
537. À l’origine, cette strophe devait être la dernière du poème. Les quatre derniers vers (v. 531-534) ont été gravés sur le tombeau de Wilde érigé en septembre 1912 par Jacob Epstein au cimetière du Père-Lachaise à Paris.
538. Voir Matthieu 3, 12 : « Il [Jésus] a la pelle à vanner dans sa main, et il nettoiera son aire, et il ramassera son blé dans le grenier ; quant aux bales, il les consumera dans un feu qui ne s’éteint pas. » L’image est présente dans Salomé : « IOKANAAN : Quoiqu’elle ne se repentira jamais, mais restera dans ses abominations, dites-lui de venir, car le Seigneur a son fléau dans sa main » (op. cit., p. 75).
539. Sur l’incarcération des enfants, voir la lettre adressée par Wilde au Daily Chronicle le 27 mai 1897 (Dossier, p. 295).
540. La flagellation était pratiquée dans les prisons. Voir Dossier, p. 303.
541. Wilde commente brièvement le choix de ce mot, a priori inattendu dans un poème, dans sa lettre adressée à Robert Ross, le 24 août 1897 : « J’ai inséré le mot “latrines”, qui a fort belle allure. »
542. Wilde fait allusion soit à des relations homosexuelles entre prisonniers – en dépit de la vigilance des autorités, celles-ci n’étaient pas rares –, soit à la masturbation.
543. Il était courant d’adjoindre de la craie et de la chaux à la farine du pain. Tennyson avait dénoncé cette pratique aussi dangereuse que stupéfiante dans Maud (1850).
544. La vipère et l’aspic apparaissent dans Isaïe 11, 8 (« Le nourrisson jouera près du repaire de l’aspic, et, dans le trou de la vipère, l’enfant à peine sevré avancera la main ») et dans les Psaumes 91, 13 (« Sur le lion et l’aspic tu marcheras »). Dans une lettre du 17 mai 1897 adressée à Reginald Turner, Wilde dit « avoir une vipère dans le cœur et un aspic sur la langue ».
545. Le cœur de pierre est un motif récurrent chez Wilde : voir, par exemple, les poèmes « Apologia » (1881) et « Impression du matin » (1881), les contes « Le prince heureux » (1888) et « Le pêcheur et son âme » (1891), ou encore De profundis. La source de cette image se trouve dans Ézéchiel 11, 19 : « Je leur donnerai un autre cœur et je mettrai au-dedans d’eux un esprit nouveau, j’ôterai de leur chair le cœur de pierre et je leur donnerai un cœur de chair. »
546. Voir La Ballade de la geôle de Reading, notes 33 et 35.
547. Le nard est une plante exotique qui servait à fabriquer des onguents aromatiques. C’est ce parfum que répand une pécheresse sur les pieds de Jésus en brisant un vase précieux (Jean 12, 3). Voir aussi Luc 7, 36-50, et Marc 14, 3. Le nard est évoqué dans De profundis, p. 302.
548. Voir Luc 23, 39-43 ; ce vers fait allusion au pardon accordé par le Christ en croix au « bon larron » qui, contrairement au « mauvais larron », a foi en lui : « En vérité je te le dis : aujourd’hui, avec moi, tu seras dans le Paradis. »
549. Voir Psaumes 51, 19 : « d’un cœur brisé, contrit, Dieu, tu n’as point mépris ».
550. Le juge (l’« homme en rouge »), qui condamna à mort Wooldridge aux assises du Berkshire le 17 juin 1896, avait pour nom Henry Hawkins (1817-1907). Dans une lettre adressée à Robert Ross, fin novembre 1897, Wilde explique s’être inspiré d’un drame de Victor Hugo, Marion Delorme (1831). Le dernier mot de la pièce revient à la jeune femme qui, voyant passer le cardinal de Richelieu qui a condamné à mort son amant, s’écrie : « Voilà l’homme rouge [sic] qui passe ! »
551. Caïn, qui tua son frère Abel, est considéré comme le premier meurtrier. Dieu, toutefois, ne le condamna pas à mort ; au contraire, il lui imprima sur le corps une marque interdisant à tout homme de le tuer (Genèse 4, 11-16 : « Et Yahvé mit un signe sur Caïn pour que ne le frappe pas quiconque le rencontrerait »).
552. Voir Isaïe 1, 18 : « Si vos péchés sont comme l’écarlate, qu’ils deviennent blancs comme la neige ; s’ils sont rouges comme la pourpre, qu’ils deviennent comme la laine. » La première partie de cette citation se trouve dans Le Portrait de Dorian Gray (op. cit., p. 221). Pour le dernier vers de la strophe (« le sceau du Christ »), voir 2 Corinthiens 1, 22 : « C’est Dieu qui nous a marqués d’un sceau et a mis dans nos cœurs les arrhes de l’esprit. »