La République a besoin de savants, n’en déplaise au président du tribunal qui envoya Lavoisier à l’échafaud. Elle ne cesse de le réaffirmer, tout particulièrement en temps de guerre, et ce, depuis la Révolution (il suffit d’évoquer le nom de Lazare Carnot) ; mais également en temps de paix, pour la guider sur le chemin de la Raison dont les savants sont supposés être les grands prêtres et, plus prosaïquement, pour occuper les postes autrefois réservés aux nobles, dans les corps, spécialité française héritée de l’Ancien Régime, sur lesquels repose le fonctionnement de l’État. Entre 1914 et les années 1960, savoir, pouvoir civil et pouvoir militaire sont pour une large part exercés par une même « élite républicaine », formée et filtrée par le système scolaire prolongé (pour environ 10 % des adolescents de sexe masculin d’une même classe d’âge) par l’enseignement universitaire scientifique ou la formation à dominante scientifique propre aux grandes écoles dont Polytechnique est le prototype. L’expression de « communauté scientifique », qui aujourd’hui désigne l’ensemble des acteurs de la vie scientifique, semble en porte-à-faux lorsqu’il s’agit de la France de la première moitié du XXe siècle. L’appartenance à un corps, le corps des savants (où le mot « corps » prend le même sens que dans « corps de ballet », ou « corps enseignant », impliquant un inévitable « esprit de corps »), décrit de façon plus adéquate l’idée que se sont faite de leur place au sein de la société française ceux qu’on appelait encore des savants.
À cet égard, on ne saurait surestimer l’importance pour cette époque du souvenir de la Révolution française tel qu’il fut orchestré et diffusé par l’école, mettant l’accent sur la victoire (militaire) remportée par les armées de la République grâce à la participation de ses savants, les savants de l’an II, organisateurs de la victoire. C’est sur ce « grand récit1 » que s’est développée l’idée d’une alliance « naturelle » entre les savants et la République, grand récit que la mobilisation des savants durant la Première Guerre mondiale a définitivement inscrit dans la mémoire collective. Au point de façonner durablement (jusque dans les années 1950) l’idée que les acteurs de la vie scientifique se sont faite d’eux-mêmes : au service de la République, mobilisables en temps de guerre comme en temps de paix, chaque fois que la nécessité publique l’impose ; une armée de réserve, en quelque sorte ; un service public, assurément ; un corps d’État.
Or ce mythe des savants « organisateurs » a la vie dure ; il a traversé les siècles. Il peut s’analyser, indépendamment de ses vertus mobilisatrices, comme l’affirmation d’une supériorité dans le domaine de l’organisation – domaine qui ne relève pas (en tout cas, pas directement) de la science – que conférerait l’activité scientifique à ceux qui la pratiquent, par le seul fait de cette pratique. À l’ère industrielle, on retrouvait chez Auguste Comte une conception analogue du pouvoir en régime républicain : la « capacité scientifique » doit se substituer au « pouvoir théologique », assurant le transfert de crédibilité du théologique au scientifique ; alors que le pouvoir théologique était l’action d’une volonté dominatrice sur des volontés soumises, en régime républicain l’ouvrier reconnaît les compétences de l’ingénieur2… Ordre et progrès. D’où la place des études scientifiques dans la formation des « cadres de la nation ». D’où l’hégémonie de l’École polytechnique (dont il n’est pas inutile de rappeler qu’il s’agit à l’origine d’une école militaire), pépinière de « dirigeants » en tous genres. D’où également, pour ce qui nous occupe ici, l’idée que les savants sont mieux placés que quiconque pour s’organiser eux-mêmes. La création du CNRS (Centre national de la recherche scientifique)3 en 1939 relève de ce présupposé. Présupposé qui n’est que l’affirmation d’un privilège, celui accordé à la « classe » des savants d’organiser elle-même ses conditions de travail sans avoir à reconnaître d’autres compétences que les siennes.
La Seconde Guerre mondiale a opéré une rupture dans l’organisation de la science et modifié la place qu’elle occupe au sein des pouvoirs publics. L’entre-deux-guerres était le terrain d’une domination de la science universitaire qui recouvrait une lente mise en place des premières politiques scientifiques à l’échelle nationale. Interrompue par le deuxième conflit mondial, cette mise en place ne sera effective que deux décennies après la fin de la guerre ; les sciences françaises organisées prendront alors un nouvel essor international quoique désordonné. Le colloque de Caen de 1956 se fixe comme objectif, à la fin de cette phase, d’imprimer une plus grande coordination à des enthousiasmes scientifiques puissants mais dispersés. Le général de Gaulle, de retour au pouvoir en 1958, hérite de cette nouvelle organisation des sciences qui se traduit par un recul durable de la figure du savant d’État, instigateur de la politique scientifique qui avait dominé jusqu’alors. Simultanément, la science voit diminuer la capacité d’inspiration et d’attraction qu’elle exerçait sur les autres secteurs du monde intellectuel français, en particulier du côté des avant-gardes artistiques et littéraires, restées comme en veille par rapport aux grandes découvertes de la première moitié du XXe siècle. Centraux pendant plusieurs décennies dans la vie intellectuelle et politique, les savants, bien que plus nombreux et plus coordonnés entre eux, semblent aussi de plus en plus séparés ou éloignés des autres producteurs d’idées au début des années 1960.
Juste avant la Première Guerre mondiale, les universitaires enseignant dans les facultés des sciences pouvaient, en transférant une partie de leurs tâches d’enseignement vers des chargés de cours et autres maîtres de conférences au statut précaire, se consacrer à une recherche expérimentale ou/et théorique, souvent autofinancée, pratiquée dans des laboratoires qu’ils avaient soit créés eux-mêmes, soit « hérités » de leurs « patrons ». L’Université n’était pas encore sortie de l’extrême pauvreté dans laquelle elle avait été maintenue jusqu’en 1870, même si à Paris le transfert de la Sorbonne dans des bâtiments neufs s’était achevé en 1902. Raison pour laquelle jusqu’en 1914 les projets un peu audacieux, ou nécessitant du matériel coûteux, n’avaient pu être réalisés qu’en faisant appel à des fonds privés, à l’écart de l’Université : l’exemple toujours cité est celui de Pasteur quittant le grenier que l’Université lui avait généreusement alloué, pour fonder l’Institut Pasteur (1888) sur la base de fonds privés ; pratique à laquelle un appel à la charité publique avait donné un air plus républicain. La création de l’Institut Curie (pratiquement achevé en 1914 mais inauguré en 1921) s’est faite explicitement grâce à des fonds privés (seul le terrain fut fourni par la puissance publique), tout comme ce fut le cas pour l’Institut de biologie physico-chimique (IBPC) créé en 1927, où devait se développer la future école française de biologie moléculaire4.
En 1918, à la sortie de la guerre, cette situation de misère où chacun se débrouille pour son propre compte était devenue insupportable à ceux qui, ayant participé à la mobilisation générale des savants en temps de guerre, avaient constaté les effets positifs de la collaboration en matière de résultats. L’idée que seul un effort du même type permettrait à la France de sortir de son marasme scientifique apparut alors comme une évidence. C’est ainsi que prit forme le projet de création d’un organisme public chargé d’organiser et de financer la recherche scientifique, qui ne devint réalité administrative qu’en 1939.
Le physicien Jean Perrin est l’artisan principal de cette entreprise au long cours que fut la création du Centre national de la recherche scientifique (CNRS). Perrin est un pur produit de la Troisième République : d’origine modeste, boursier, élève à l’École normale supérieure, devenu professeur à la Sorbonne, il est l’un de ces savants-ministres dont la France s’est fait une spécialité dans l’entre-deux-guerres. Expérimentateur hors pair, découvreur de la nature matérielle de l’électron, auteur d’expériences historiques, inspirées par l’un des articles d’Einstein parus en 1905 sur le mouvement brownien, qui ont établi de façon indiscutable la nature granulaire de la matière (et donc la « réalité » matérielle des atomes encore simplement envisagés par certains « à titre d’hypothèse »), Perrin reçut le prix Nobel de physique en 1926. Dreyfusard engagé, acquis aux idéaux socialistes, homme « de gauche », il partageait avec une grande partie de ses collègues scientifiques l’idée que « la Science » et la République visent de façon désintéressée un même objectif, le bonheur de l’humanité. Plus qu’aucun de ses collègues, il était convaincu que seul l’État (républicain) est capable d’assurer l’indépendance des chercheurs vis-à-vis des puissances d’argent ; plus même, de leur garantir la liberté d’esprit indispensable au travail créateur. À partir de 1927, Perrin s’est essentiellement consacré à faire avancer le projet de création d’un organisme qui serait chargé d’assurer la vie scientifique à l’échelle nationale, et disposerait pour cela d’un budget conséquent, permettant d’entretenir un corps de chercheurs professionnels, salariés de l’État, ne dépendant pour leur statut, leur équipement et leur carrière que de ce seul organisme central, autonomes par rapport à l’Université, sa hiérarchie et ses tâches d’enseignement. L’objectif était que « ceux qui se seront distingués dans la recherche scientifique » aient la possibilité de poursuivre cette activité « sans avoir d’autre obligation que précisément de continuer à s’y dévouer entièrement5 ». Sur la question, toujours délicate, mais particulièrement urgente, du financement de la recherche par l’État, Perrin et ses amis progressent par étapes.
Dès 1924, le mathématicien Émile Borel (autre savant-ministre), qui avait compris que l’une des entraves au développement de la recherche était, en l’état actuel des choses, le manque d’équipement des laboratoires universitaires, avait fait voter par le Parlement, sensible à « la grande misère des laboratoires français » dénoncée par Barrès6, une subvention, connue sous le nom de « sou des laboratoires », prélevée par l’État et alimentée par une cotisation obligatoire des industriels. Borel tentait également par ce procédé d’enrayer la fuite des chercheurs vers le domaine privé (industriel) et de dissuader les universitaires d’avoir recours à des fondations privées, en les dotant des mêmes facilités instrumentales et techniques que celles dont disposaient les instituts à financement privé. En 1935, alors que les effets de la crise économique se font sentir, est créée la Caisse nationale de la recherche scientifique (la CNRS), présidée par Perrin, alimentée au niveau du budget national par une réduction des sommes consacrées à la ligne Maginot. Elle avait pour mission d’assurer une retraite aux chercheurs et surtout de distribuer des bourses aux jeunes gens désirant s’engager dans cette voie. Est également créé, toujours à l’initiative de Perrin, un Conseil supérieur de la recherche scientifique (CSRS). Composé de membres cooptés par l’Académie des sciences et de membres élus par les universitaires, le CSRS est chargé de veiller à ce que la répartition des crédits entre les divers laboratoires (de même que l’attribution des bourses) se fasse uniquement selon des critères d’intérêt scientifique7.
Toutes ces mesures ne bénéficiaient de fait qu’aux universitaires, qu’elles aidaient à s’équiper et à recruter parmi les étudiants ceux qui leur semblaient prometteurs (toutes les autobiographies de chercheurs insistent sur l’importance qu’il y a à être élu(e) par un « patron ») – aspect décisif de ces réformes. Il apparut alors que Perrin, qui ne s’en était d’ailleurs jamais caché, avait « oublié » la recherche appliquée (encore dite « industrielle ») et que ses plans de nouvel organisme ne concernaient en fait que la recherche fondamentale, celle qui est traditionnellement pratiquée dans les universités. C’est ainsi qu’à la fin de l’année 1935 la question de la recherche non universitaire (industrielle) fut soulevée à la fois par la droite et par les amis politiques de Perrin, en particulier le mathématicien Paul Painlevé, ancien ministre (encore un) de la Guerre en 1917, passionné d’aviation, qui ne concevait pas la recherche autrement qu’en liaison avec le développement industriel.
L’arrivée au pouvoir, en 1936, du Front populaire vint renforcer la position de Perrin, qui occupa (après un bref passage d’Irène Joliot-Curie) le poste de sous-secrétaire d’État à la Recherche scientifique dans le gouvernement de Léon Blum, qui affichait ainsi sa volonté d’achever la mise en place de l’organisation de la recherche sous l’égide de l’État. Effectivement, le 19 octobre 1939 (alors que le pays était déjà en guerre, depuis plus d’un mois), paraissait au Journal officiel le décret de création du Centre national de la recherche scientifique.
Mais le CNRS, tel qu’il fut finalement décrété, en 1939, ne correspondait pas à ce que, pendant vingt ans, Perrin avait obstinément tenté de mettre en œuvre. La question de la recherche appliquée, qui jusqu’en 1935 n’avait pas été évoquée, et qui depuis l’arrivée au pouvoir du Front populaire s’était enlisée dans les désaccords, fut brusquement tranchée par le ministre de l’Instruction publique et des Beaux-Arts, ministre de tutelle du futur CNRS, au lendemain de l’invasion de l’Autriche par l’Allemagne nazie. La question fut tranchée… mais pas dans le sens que souhaitait Perrin. Le ministre, Jean Zay, avait à cette occasion pris soudainement conscience de ce que le projet de Perrin n’accordait aucune place à la recherche appliquée – type de recherche dont le pays allait pourtant avoir besoin plus que de tout autre si la guerre était déclarée. Il n’était plus temps de discuter et Jean Zay prit le 24 mai 1938 la responsabilité de créer, parallèlement au CNRS tel que l’avait prévu Perrin, un deuxième organisme, le Centre national de la recherche scientifique appliquée (CNRSA). Un an plus tard, quand la guerre fut effectivement déclarée, justifiant a posteriori l’action de Jean Zay, un décret officiel annonçait la création d’un Centre national de la recherche scientifique divisé en deux sections d’importance comparable, l’une de « recherche fondamentale » qui fut confiée au physiologiste Henri Laugier, et l’autre de « recherche appliquée » sous la direction du jeune doyen de la faculté de Lyon, Henri Longchambon – dont Jean Zay avait eu l’occasion d’apprécier le travail de coopération avec l’industrie.
C’est donc sur la question de la recherche appliquée que le projet de Jean Perrin achoppa au dernier moment. Sur cette question et, de façon plus générale, sur celle de savoir ce qu’il faut entendre par « recherche scientifique » (les deux mots figurent dans l’intitulé du CNRS), Perrin s’était plus d’une fois trouvé en opposition avec ses contemporains et même avec certains de ses amis politiques. Ce serait caricaturer sa pensée que de ne voir dans son attitude vis-à-vis de la recherche appliquée que l’expression d’une quelconque morgue universitaire ; car son admiration pour les prouesses techniques, pour le travail des techniciens et des ingénieurs, n’est pas feinte (ne serait-ce que parce que ceux-ci contribuent au progrès de l’humanité en route vers un monde meilleur). Mais pour lui, « l’invention est fille de la découverte et, lorsque l’on peut attendre, il faut avant tout favoriser la Recherche pure8 », car, il en est convaincu, « la recherche scientifique est notre seule chance de créer des conditions d’existence vraiment nouvelles où la vie humaine sera pour tous de plus en plus libre et heureuse9 ». L’intransigeance de Perrin oblige à réfléchir au statut de la recherche appliquée et à la place qu’il convient de lui accorder ici lorsqu’il faut examiner l’incidence de l’activité scientifique sur la vie intellectuelle10. En raison de l’influence exercée sur les intellectuels par le Parti communiste en France, avant et surtout après la guerre, la question de la place qu’il convient d’accorder à la recherche appliquée par rapport à la recherche fondamentale s’est certainement trouvée amalgamée à l’opposition du travail manuel et du travail intellectuel, opposés dans la vulgate marxiste. On peut penser que pour Jean Perrin, qui n’était pas marxiste, l’opposition qu’il établit, et défend avec vigueur, entre créer du nouveau et assembler des éléments connus, est une manière d’adapter aux besoins de sa cause l’« opposition entre travail manuel et travail intellectuel » déjà devenue classique.
Jusqu’à ce qu’il devienne de plus en plus évident, à la sortie de la Seconde Guerre mondiale, que l’opposition entre recherche appliquée et recherche fondamentale n’avait plus guère de sens. Ce fut d’abord l’idée que la recherche fondamentale est une étape obligée du processus de production qui parut ne plus correspondre à la réalité. De fait, la plupart des techniques ne sont pas nées de l’application des savoirs, mais les ont précédés ; c’est souvent la science qui se fonde sur la technique, et non le savoir qui s’applique à un problème technique. Au milieu du XXe siècle, la division entre science fondamentale et science industrielle est aussi devenue de plus en plus floue : la recherche universitaire est devenue industrielle11 et l’idée de laboratoire de recherche s’est installée dans le monde industriel. À cet égard, le cas de Pechiney12 est intéressant : de 1921 à 1945, la recherche nécessaire à l’élaboration de cuves à hydrolyse pour la production d’aluminium est effectuée dans un laboratoire universitaire ; en 1945, elle est transférée à l’intérieur de l’usine, réalisée par des ingénieurs de production ; dans les années 1950-1960, la recherche quitte l’usine pour être installée dans des laboratoires extérieurs, autonomes, qui recrutent des « ingénieurs scientifiques », formés dans les grandes écoles, de plus en plus en liaison avec l’Université.
Comme le fait remarquer Jean-Jacques Salomon, le mot « technologie », traduction paresseuse de l’anglais technology, qui après la Seconde Guerre mondiale a remplacé le mot « technique », porte avec lui l’idée d’une symbiose entre « la science et le savoir-faire de l’artisan, la pratique de l’ingénieur et les théories du savant13 ». On ne saurait oublier que cette symbiose, présentée comme l’évolution naturelle du cours des choses, résulte d’une « culture de guerre14 » – d’abord développée pour faire face à une situation de conflit armé en Europe et en Asie, conflit armé auquel la France, en tant qu’État, n’a pratiquement pas participé – ; cette culture s’est prolongée aux États-Unis avec la guerre de Corée et installée plus largement au moment de la guerre froide. S’est ainsi banalisée et généralisée une manière de concevoir la recherche et de la pratiquer, qui est la simple reconduction, légèrement aménagée, de l’usage massif qui fut fait aux États-Unis pendant la guerre de scientifiques et d’ingénieurs chargés d’accomplir, avec « efficacité », des « missions » mobilisant des compétences, techniques, conceptuelles, organisationnelles, en vue d’un même objectif. Simultanément commençait à émerger, à la toute fin des années 1940, un courant, jusqu’alors inexistant, de réflexion sur la technique, dont Jacques Ellul et Gilbert Simondon, bien que venant d’horizons différents (l’un récemment converti au protestantisme, féru de théologie, l’autre matérialiste laïc), peuvent être considérés comme les initiateurs. Tous deux, lecteurs de Marx, soulignent l’autonomie qu’a acquise la technique par rapport à l’homme, Ellul15 pour déplorer l’aliénation (forme faussée de sacralisation) qui accompagne la technique, Simondon16 pour essayer, par une analyse philosophique de la catégorie d’objet technique, d’y voir autre chose qu’une source d’aliénation, la « concrétisation positive et efficace […] d’une finalité pensée et réalisée par le vivant ».
Longchambon était le porte-parole d’une nouvelle génération de chercheurs qui, parce qu’ils étaient jeunes – et compte tenu de ce qu’en France l’avancement au sein de la fonction publique a toujours été centralisé –, occupaient des chaires universitaires en province, en attente (pour les plus ambitieux d’entre eux) d’un poste à Paris. Or, en province, les collectivités territoriales, en particulier, depuis la fin de la Première Guerre, les chambres de commerce départementales, souvent regroupées en « régions économiques », jouaient un rôle important au sein des formations universitaires17. À Lyon, Longchambon avait hérité d’un laboratoire créé ex nihilo par son prédécesseur, soutenu financièrement en partie par l’Automobile Club de Lyon et du Rhône. Il avait lui-même fondé en 1936 une École d’aides techniques de laboratoire, destinée à professionnaliser l’activité des techniciens de laboratoire universitaire. À la veille de la guerre, la faculté des sciences de Lyon était considérée dans toute la région comme une école de formation de cadres industriels intermédiaires. Ainsi donc, dans les universités de province, on jetait les bases d’une recherche d’un autre type que la recherche fondamentale parisienne, en même temps qu’on introduisait dans les locaux universitaires des formations (les écoles professionnelles spécialisées) jusqu’alors absentes. S’établissait ainsi une liaison entre recherche, enseignement et économie, dont Perrin et ses amis n’avaient pas idée, mais qui allait devenir hégémonique. Il ne s’agissait pas tant de promouvoir la science comme facteur de progrès au service de l’humanité que de l’inclure dans une perspective économique, où éducation et recherche seraient considérées comme facteurs (et mesure) de la puissance économique.
Quand la guerre fut déclarée, en septembre 1939, Longchambon (nommé à la direction du CNRSA en 1938) avait déjà passé quinze mois à organiser la mobilisation des chercheurs en vue du conflit à venir. Certes, « il n’organisa pas la victoire », comme l’on sait. Mais du moins prit-il soin de mettre à l’abri la relève de la science française : instruit par l’expérience de la guerre précédente, où les jeunes scientifiques avaient été fauchés par promotions entières, il avait créé le statut de « mobilisés affectés spéciaux » pour 1 200 jeunes gens déclarés plus utiles à leur poste (dans leur laboratoire ou dans les centres industriels participant à l’effort de guerre18) qu’au front. Simultanément et toujours en vue de la guerre à venir, Longchambon avait dressé un inventaire des unités de recherche susceptibles de participer à l’effort de guerre, y incluant des laboratoires industriels, sur le modèle du Department of Scientific and Industrial Research britannique, créé en 1923. Avant de rejoindre Londres, emportant avec lui toute la documentation concernant l’eau lourde, il confia à Louis Néel, de l’université de Strasbourg, repliée à Clermont-Ferrand après l’armistice, le soin de mettre au point un système de démagnétisation des coques de navires de guerre afin de les prémunir contre d’éventuelles mines magnétiques déposées au fond des mers. De l’avis même de Néel, « ce sont ces travaux pour la Marine qui ont orienté [s]es recherches sur la théorie des propriétés magnétiques du fer dans les champs faibles menées par la suite à Grenoble » – travaux couronnés par l’attribution du prix Nobel en 1970. Bel exemple de recherche appliquée suscitant une recherche fondamentale19.
Dans la France occupée (jusqu’en 1944), certains laboratoires « stratégiques » furent contraints d’accueillir des chercheurs allemands ; ce fut le cas du laboratoire que dirigeait au Collège de France Frédéric Joliot-Curie. Celui-ci décida en 1940 de ne pas partir en Angleterre ou aux États-Unis comme le lui suggéraient certains de ses amis – afin, disait-il, de garder la main sur l’utilisation de « son » cyclotron, récemment construit au Collège de France, appareil unique en son genre dont l’Allemagne ne disposait pas encore. Il se trouve (mais peut-être cette coïncidence ne doit-elle rien au hasard ?) que l’officier allemand à qui incomba la charge d’occuper le laboratoire de Joliot-Curie entretenait avec ce dernier, depuis plusieurs années, des relations professionnelles courtoises (ils avaient travaillé ensemble au laboratoire Curie). Même si Joliot avait de bonnes raisons de faire confiance à son « surveillant », qu’il savait hostile aux idées nazies, nul doute que l’un et l’autre jouèrent à ce moment-là un jeu dangereux ; d’autant plus dangereux que Joliot-Curie, secrètement membre du Parti communiste, était entré dans la Résistance dès le printemps 194120.
Le statut de pays occupé eut pour effet désastreux de tenir les étudiants qui achevèrent leur formation universitaire durant l’Occupation à l’écart des développements de la recherche internationale. En effet, ils n’avaient d’autre solution que de développer, dans des laboratoires français sous contrôle allemand, des recherches sans grand intérêt, interdits de publication ailleurs que dans des revues françaises, coupés de toute information scientifique du fait que les abonnements des laboratoires aux journaux spécialisés, le plus souvent anglo-saxons, n’avaient pas été renouvelés.
Or, on l’a dit, dans le même temps, se mettait en place, aux États-Unis, mais aussi en Grande-Bretagne, un nouveau régime d’organisation de la recherche scientifique qui, dans le prolongement de l’effort de guerre américain, fonctionnait par programmes à définir et objectifs à remplir avec une efficacité maximale. Rien n’avait préparé les chercheurs français, enfermés dans l’Hexagone occupé, à affronter un tel changement dans les manières de travailler. Et de fait, c’est souvent par le truchement de chercheurs dont les études avaient été interrompues du fait des lois raciales de Vichy ou parce qu’ils avaient rejoint Londres (ou le maquis), et qui, grâce au plan Marshall (entre autres), bénéficièrent dans l’immédiat après-guerre de bourses d’études aux États-Unis, que les étudiants français des années 1950 eurent connaissance des développements survenus dans leur propre discipline pendant le temps de l’Occupation. C’est en particulier de cette façon que les étudiants français (et leurs enseignants) prirent connaissance des développements de la théorie quantique, grâce au cours professé, à l’intention des ingénieurs du CEA mais qui attira un nombreux public universitaire, par Albert Messiah, polytechnicien, résistant de la première à la dernière heure, qui compléta sa formation aux États-Unis après la guerre et rédigea par la suite un manuel mondialement utilisé. C’est là un exemple parmi d’autres d’initiatives locales et individuelles qui permirent de rattraper (en partie) le temps perdu.
D’ailleurs, la défaite et l’Occupation qui suivit n’eurent pas que des effets délétères. C’est ainsi par exemple que certains chercheurs, souvent des physiciens, mais aussi des biologistes, qui n’étaient jusqu’alors que des universitaires, se transformèrent en entrepreneurs. Mobilisés en 1939 dans des lieux de recherche appliquée, ces jeunes universitaires (dont Néel était en 1939 un parfait représentant) retournèrent, après l’armistice, à leurs paillasses, dans leurs universités d’origine délabrées ; mais ils avaient, pour beaucoup, pris goût, durant le temps qu’avait duré la « drôle de guerre », à d’autres conditions de travail, d’autres modes d’exercice du métier de chercheur. Ils s’étaient frottés à un milieu professionnel différent qui jusqu’alors leur faisait peur ou qu’ils méprisaient, sans même le connaître. Nombreux sont ceux qui, quand ils l’ont pu, ont poursuivi durant l’Occupation les relations qu’ils avaient tissées avec les milieux industriels à l’occasion de leur mobilisation – préparant ainsi le terrain pour un renouveau de la recherche après la Libération.
Pendant ce temps, à la tête de l’« État français », à Vichy, Pierre Laval avait entrepris (en tant que ministre puis en tant que « président du Conseil ») de vider, secteur par secteur, le CNRS du contenu appliqué qui lui avait été attribué au dernier moment. Il procéda pour cela à la création d’instituts de recherche industrielle spécialisés chacun dans son domaine et directement rattachés à leurs ministères de tutelle – et donc plus facilement contrôlables : Institut du pétrole ; Institut national d’hygiène (d’où sortira l’INSERM) ; Institut de recherche de la sidérurgie (IRSID) ; Centre national d’étude des télécommunications (CNET) ; Institut national de la recherche agronomique (INRA) ; Institut de recherche sur le développement (futur ORSTOM). Ces instituts de recherche appliquée, créés par Vichy, auraient pu disparaître à la Libération. Ce fut probablement la marque d’une grande intelligence de la part de ceux que la Libération porta au pouvoir avec mission de « redresser la France » que de les maintenir. En procédant ainsi, ils accélérèrent la remise en route de la recherche industrielle, et de ce qui avait été la recherche militaire avant 1940 et avait été réquisitionné par l’occupant. Le problème de la disparité entre recherche fondamentale et recherche industrielle, que le Front populaire n’avait pas choisi de résoudre et que la décision prise dans l’urgence par Jean Zay en 1938 n’avait pas réglé sur le fond, se trouva ainsi résolu sans difficulté.
Le 20 août 1944, alors que Paris n’était pas complètement libéré, Joliot-Curie, qui était passé dans la clandestinité le 26 juin, était nommé directeur du CNRS par le Gouvernement provisoire, encore à Alger21. Le personnel dirigeant fut complètement renouvelé, désormais composé pour une large part d’anciens résistants et de chercheurs exilés. Le « comité directeur » du nouvel organisme comportait des experts de l’industrie privée siégeant aux côtés des inévitables savants reconnus et d’autres plus jeunes, sélectionnés en raison de l’intérêt qu’ils manifestaient pour les applications de leurs recherches. Joliot n’ignorait pas que la recherche coûte cher, de plus en plus cher. Tout comme le savaient ceux qui, s’étant exilés aux États-Unis, tels Perrin et son fils Francis, avaient pu en faire le constat pendant leurs années américaines. Le coût d’une expérience « ordinaire » dans certains secteurs (notamment en physique nucléaire et en physique des particules, aussi dite des hautes énergies) n’a cessé d’augmenter à partir de 1938 (environ). C’est là une conséquence imparable d’une « loi de la nature » sur laquelle repose l’édifice de la théorie quantique, et qui constitue une véritable contrainte expérimentale imposée à l’exploration de plus en plus fine et « profonde » de la structure de la matière. En effet, pour explorer des domaines spatiaux de plus en plus restreints (la taille d’un atome est de l’ordre d’un dixième de millionième de millimètre, celle de son noyau encore dix mille fois plus petite), la méthode consiste à les bombarder avec des particules (noyaux, protons, etc.) accélérées jusqu’à des vitesses toujours plus grandes, porteuses d’une énergie (cinétique) toujours plus élevée. On ne peut donc progresser dans l’exploration de plus en plus fine de la matière qu’en « montant » en énergie – ce qui coûte de plus en plus cher. Par ailleurs, pour que les particules bombardantes atteignent des énergies suffisamment élevées, il faut les accélérer sur une distance suffisamment grande, de l’ordre de quelques kilomètres, parfois plus. D’où le qualitatif de « grands » donné aux instruments qui permettent de telles explorations. On conçoit que ces « instruments » soient de véritables usines, où travaillent (à la maintenance, mais aussi à la réalisation matérielle des expériences) plusieurs corps de métiers : des ingénieurs, des techniciens, des ouvriers résidant sur place, collaborant avec des chercheurs et d’autres techniciens qui, eux, accomplissent des séjours épisodiques auprès de la « machine », le temps d’installer et de faire fonctionner « leur » expérience. On imagine facilement le degré de complexité d’une telle organisation.
Joliot n’ignorait pas non plus que l’idée qui fut à l’origine de la création du CNRS, celle d’un organisme prenant en charge toute la recherche, n’avait plus de sens dès lors que certains secteurs nécessitaient des investissements incommensurablement plus lourds que d’autres. C’est une des raisons pour lesquelles les instituts créés par Vichy ont été dans leur grande majorité reconduits à la Libération : le CNRS redevenait ainsi un organisme consacré à la recherche fondamentale, en liaison étroite avec l’Université, d’abord dirigé par Joliot-Curie, puis à partir de 1946 par Georges Teissier. Le général de Gaulle, probablement convaincu, comme beaucoup de gens, que les universitaires sont incapables de diriger la recherche, imposa qu’un statut spécial soit accordé aux secteurs de la recherche jugés essentiels à la défense nationale. C’est ainsi que fut créé, à sa demande, le CEA (Commissariat à l’énergie atomique), dirigé par Frédéric Joliot-Curie et Raoul Dautry. Organisme à part, dépendant non pas d’un ministère particulier, mais de la présidence du Conseil (Premier ministre), financièrement autonome, le CEA était chargé des recherches relatives à l’utilisation de l’énergie nucléaire en médecine, dans l’industrie (production d’électricité) ou dans un cadre militaire. C’est par les ingénieurs du CEA que seront construites les diverses « piles » (dont la fameuse Zoé, pile « atomique » à eau lourde, réalisée par l’équipe de Joliot, en 1948), et par la suite (après qu’en 1950 Joliot eut été révoqué pour avoir signé l’appel de Stockholm contre la bombe atomique) les réacteurs destinés à la construction de la bombe française (le premier essai nucléaire a eu lieu en 1960, dans le Sahara).
Si, dans la période qui va de 1914 à 1940, l’engagement dans la recherche militaire lorsqu’il le fallait, pour « la défense de la patrie », allait presque de soi (rares étaient les objecteurs de conscience), les choses se sont présentées de façon nouvelle après que l’armée américaine eut lâché sur Nagasaki et Hiroshima des bombes dites « atomiques », résultat du travail acharné pendant trois ans d’un très grand nombre de chercheurs, organisés de façon militaire dans un camp situé en plein désert (Los Alamos). Il est alors devenu clair qu’il était impossible d’ignorer et de refouler plus longtemps la question dite de la responsabilité des savants. Cette prise de conscience, qui aurait pu et dû se produire bien auparavant (qu’on songe à l’usage des gaz toxiques pendant la Première Guerre mondiale), a pour la première fois débordé le cadre limité des chercheurs qui, de masse indistincte sans états d’âme qu’ils étaient auparavant, sont devenus des hommes (et parfois des femmes) comme les autres – en somme, des personnages. En témoignent les nombreux films et surtout pièces de théâtre (dont une écrite et mise en scène par Jean Vilar au TNP) mettant en scène le personnage tragique de Robert Oppenheimer, directeur des opérations à Los Alamos (entre autres). Alors qu’aux États-Unis s’organisait un mouvement de protestation propre aux Atomic Scientists, le militantisme des chercheurs opposants à l’arme nucléaire s’est, en France, trouvé « tout naturellement » embarqué dans le mouvement plus général organisé par le Parti communiste. Parti de gouvernement jusqu’en 1947, « premier parti de France » en nombre de voix jusqu’en 1953, le Parti communiste se définissait lui-même, dans cette période, comme le « parti de l’intelligence », auréolé de la présence dans ses rangs de grandes figures de la vie intellectuelle, militants et compagnons de route (Picasso, Aragon, Joliot-Curie, et bien d’autres). Le « Mouvement de la paix », fondé en 1950, dont l’activité connaît un pic en 1951, a été pour les chercheurs « de base » une occasion qui ne se représentera plus (sauf peut-être en 1968) de participer avec les autres intellectuels à la réalisation d’un objectif commun.
Quand de Gaulle revint au pouvoir en 1958, en tant que dernier président du Conseil de la Quatrième République, il était clair pour tout un chacun que le redressement de la recherche s’était fait de façon désordonnée et qu’il était temps qu’elle soit coordonnée. Pierre Mendès France eut dans cette reprise en main un rôle de premier plan. En 1956, il suscita, avec l’aide de quelques scientifiques de renom, la tenue d’un colloque, généralement désigné comme « le » colloque de Caen (1er-3 novembre 1956), auquel furent conviés des administrateurs, des industriels, des syndicalistes, des universitaires et des chercheurs. Mendès France y prononça un discours retentissant stigmatisant « la disette de chercheurs et de techniciens » dans tout le pays, l’absence de l’État dans l’organisation de la recherche laissée à elle-même, l’« évidente stagnation de l’Université », le manque de chaires scientifiques, « le déclassement social dont souffrent la science et les scientifiques », et pour faire bonne mesure « la muraille de Chine qui s’élève entre la recherche fondamentale et l’industrie ». Les conclusions du colloque de Caen fixèrent pour un moment les objectifs à atteindre : réforme de l’enseignement secondaire destinée à réduire l’écart entre enseignement classique et enseignement technique ; réforme de l’enseignement supérieur, miné par l’opposition entre l’Université et les grandes écoles ; mise en place d’une « autorité politique chargée de la recherche scientifique ». Ce dispositif fut repris et affiné le 8 avril 1961 lors de la création de la Délégation générale à la recherche scientifique et technique, élément central du dispositif mis en œuvre par le pouvoir gaulliste dans les années 196022.
Tout anarchiques qu’elles ont été, et peut-être en raison de la liberté qui allait de pair avec cette anarchie, les années qui vont de 1945 à 1958 ont été des années pendant lesquelles l’inventivité individuelle et collective s’est exprimée – ce qui est assez rare dans le domaine de la recherche pour mériter d’être mentionné. Évidemment, ce sont aussi des années de dépense inconsidérée, des années où les doubles emplois ont atteint des sommets (on cite généralement le cas des matières plastiques qui, à la fin des années 1950, étaient étudiées par cinq centres s’ignorant les uns les autres). En fait, ce furent des années de rattrapage où les chercheurs français découvraient le monde extérieur – faisant apparaître par contraste l’organisation de la recherche dans l’entre-deux-guerres comme incroyablement étriquée et hexagonale.
On aura remarqué que le CNRS, conçu pour organiser toute l’activité scientifique, a été créé par des physiciens. Cette prééminence reflète le statut de « reine des sciences » alors accordé à la physique, supposée être le modèle de tous les autres savoirs, l’idéal vers lequel doivent tendre les autres disciplines savantes afin de devenir véritablement des sciences. À moins que, comme le pensaient certains physiciens, la physique soit ce à quoi doivent être ramenées, réduites en quelque sorte, les autres sciences – par exemple et en premier lieu, la biologie. Il faut dire que le développement de la physique entre 1914 et 1939 a pu donner l’impression qu’elle était la théorie universelle de la nature, la véritable « philosophie naturelle », que Newton avait voulu fonder non pas tant dans les Principia que dans les « Questions » par lesquelles s’achève son traité d’Optique. Les avancées théoriques et expérimentales réalisées dans le domaine microscopique ainsi que les développements technologiques dans les domaines de la spectroscopie, de la détection électromagnétique et de l’obtention de vide et de froid poussés qu’elles avaient rendus accessibles ont donné l’illusion que la physique découvrait, ou allait découvrir, ce sur quoi et avec quoi est bâtie la matière – toute la matière, y compris la matière vivante.
Du point de vue ontologique, l’atome est le plus important parmi ces nouveaux objets. Il était devenu une « réalité » indiscutable à la suite des travaux théoriques d’Einstein en 1905 montrant qu’une caractéristique des atomes (leur libre parcours moyen lors du mouvement brownien) était accessible à l’expérience. La mise en circulation, dans la théorie comme dans les accélérateurs, de toute une faune de particules subatomiques (parfois suivie de leur mise en évidence expérimentale) prit alors un rythme accéléré. La première de ces particules est l’électron, dont l’existence en tant que particule indépendante (et non en tant que constituant de l’atome) avait été démontrée dès 1887 ; une fois la réalité de l’atome établie, le proton (découvert par Rutherford en 1919, en tant que constituant de l’atome) vint s’ajouter à l’électron, suivi du positron (en 1931), du neutron (en 1932) et plus tard du neutrino, des mésons et autres leptons… À ce chapitre se rattache l’identification des particules constituant le rayonnement radioactif découvert en 1898 par Pierre et Marie Curie (particules α et β). Au début des années 1960, le nombre élevé de « particules élémentaires » introduites et la complexité des interactions observées dans les réacteurs indiquaient clairement que, pour y voir clair et avancer dans la compréhension de la matière, il convenait de pousser plus avant la théorie. Ce sera ce qu’on appelle le « modèle standard » dans les années 1970.
Mais la physique n’étant pas une ontologie, c’est évidemment le développement de la théorie quantique (dont 1927 est considérée comme la date de naissance, une naissance qui s’étala sur plus de vingt-cinq ans) qui constitue l’événement principal entre les deux guerres. Cette théorie, destinée à expliquer le monde microscopique défini plus haut à l’aide de concepts d’un genre nouveau, a été développée pour une très grande part en Allemagne dans les années 1920 et 1930 (par Einstein, Heisenberg, Pauli, Schrödinger, entre autres), mais pas seulement : de Broglie, Bohr, Dirac comptent aussi parmi les pères fondateurs. À cette époque, en France, l’antigermanisme installé depuis 1870 était alors à son comble, exacerbé par la Première Guerre mondiale. Persuadés de la « culpabilité de l’Allemagne », les scientifiques français avaient organisé le boycott de sa science au niveau international : mise au ban des sociétés savantes allemandes exclues des organisations internationales, interdiction aux savants allemands de participer à des colloques, etc. De ce fait, la plupart des savants français refusèrent simplement de s’intéresser à la théorie quantique – en dépit des efforts déployés par Paul Langevin au Collège de France pour en expliquer le contenu – et, plus grave, d’en enseigner les principes. Ainsi fut creusé, dans la formation des étudiants français futurs physiciens, un écart par rapport à celle de leurs contemporains anglo-américains et allemands, qui ne fut comblé, on l’a vu, que dans les années 1960. La réception de la théorie quantique en France ne fut pas aidée non plus par la personnalité de Louis de Broglie. Aristocrate, timide au point de ne pas supporter le moindre contact avec les étudiants, vulnérable (il se tint farouchement à l’écart de la communauté des « pères fondateurs » de la théorie quantique après que son intervention à l’un des congrès Solvay, la « Mecque » où les fondateurs de la théorie se réunissaient à intervalles réguliers, eut été mal accueillie), de Broglie avait développé une « interprétation » de la théorie qui avait le défaut d’être non orthodoxe ; en sorte que, pendant des années, les quelques étudiants français formés par lui ont été tenus à l’écart du main stream.
Boudée par les physiciens, la théorie quantique a cependant joué en France dans les années 1930 un rôle non négligeable dans les débats d’idées. En effet, les philosophes français, moins sectaires que leurs collègues physiciens, s’intéressèrent aux questions d’ordre philosophique posées par la théorie. Que le débat se soit focalisé sur la notion de déterminisme et de son antonyme, l’indéterminisme, n’a rien d’étonnant au pays de Laplace et de Claude Bernard. Les deux mots, déterminisme et indéterminisme, ont été introduits par Claude Bernard en 1865, dans les célèbres Principes de la médecine expérimentale où il reprend à son compte l’idée, développée par Laplace sur la base du calcul des probabilités, d’un idéal de la science caractérisé par la certitude de ses prédictions. Ce que l’on appelle « déterminisme au sens de Laplace » est un idéal de certitude, dont la mécanique classique approche asymptotiquement, du fait que son formalisme mathématique, à base d’équations différentielles, conduit à des déterminations univoques, non ambiguës, certaines. Claude Bernard, lui, étend la notion et énonce un principe de déterminisme à la fois méthodologique et ontologique, démarqué du déterminisme de Laplace : « Les conditions d’existence de tout phénomène sont déterminées d’une manière absolue », écrit-il. Et il ajoute : « La négation de cette proposition ne serait rien autre chose que la négation de la science même. » Or la théorie quantique repose sur des relations, dites d’« indétermination », établies en 1927 par Heisenberg, qui contreviennent au principe du déterminisme ontologique de Claude Bernard.
En effet, elles excluent la possibilité, dans le domaine quantique, de déterminer « d’une manière absolue » simultanément la position et la quantité de mouvement d’un objet. De là à conclure que la théorie quantique est constitutivement indéterministe, qu’elle n’a pas les moyens de décrire les phénomènes, qu’elle est « la négation de la science même », il n’y a qu’un pas… qu’il est facile d’effectuer si l’on oublie que le déterminisme ontologique de Claude Bernard est calqué sur le déterminisme au sens de Laplace, lequel est une propriété du formalisme de la mécanique classique. C’est donc uniquement le formalisme mathématique de la mécanique classique, associé classiquement à la notion de déterminisme, que remettent en cause les relations de Heisenberg. De fait, elles indiquent les limites au-delà desquelles les concepts de la mécanique classique (position ou quantité de mouvement) ne sont plus uniquement définis, impossibles à représenter mathématiquement par des fonctions, et donc inapplicables – incitant par là même à inventer un nouveau formalisme ; ce qui fut fait. Le débat est devenu particulièrement vif et confus lorsque, identifiant « indétermination » et « indéterminisme » (ce qui n’est pas possible en allemand, langue dans laquelle a été élaborée la théorie quantique, où l’un se dit Unbestimmtheit et l’autre Indeterminismus), quelques physiciens et philosophes français interprétèrent les relations de Heisenberg comme l’indice des limites non pas des concepts classiques et de la mécanique classique, ni même (comme l’a fait Heisenberg lui-même) comme la preuve de « la non-validité de la loi de causalité » dans le domaine quantique, mais bien comme l’aveu que ferait (enfin !) la science de ce qu’elle ne « sait pas tout » et « n’est sûre de rien », certains allant même jusqu’à remplacer, pour les besoins de la démonstration, « indétermination » par « incertitude ».
Les relations entre la physique et la biologie divisent alors le monde scientifique. Faut-il combler l’éventuel fossé existant entre ces disciplines ou, au contraire, le rendre infranchissable ? Les physiciens qui, à contre-courant, se sont intéressés à la théorie quantique, à qui les succès, qui ne sont pas que théoriques, de cette théorie sont montés à la tête, se voient déjà expliquant l’hérédité des caractères acquis à coups d’électrons et de théorie quantique. Face à eux se trouvent les pastoriens, comme on les appelle alors, installés dans la tradition médicale, confortablement subventionnés par les Rothschild, adossés à un demi-siècle de pratique de la recherche en liaison directe avec ses applications médicales et leur commercialisation, fiers de participer à la « mission civilisatrice de la France », par le biais des Instituts Pasteur répartis aux quatre coins de l’empire colonial français, avec l’appui de l’administration et des forces coloniales. Pastoriens et physiciens s’accordent sur le fait que les premiers n’ont ni besoin ni envie d’être financés par l’État. Mais à côté d’eux émerge un groupe de jeunes biologistes qui ne sont pas médecins et n’envisagent pas de pratiquer ce type de recherche ; ils sont partisans de la recherche « désintéressée », c’est-à-dire, dans leur bouche, sans application médicale. Ils sont plutôt méfiants à l’égard des prétentions des physiciens ; certains rêvent d’une mathématisation de leur discipline, d’autres pas ; mais tous sont persuadés que l’avenir de leur discipline est dans la recherche de concepts (théoriques ou expérimentaux) qui lui soient propres. C’est parmi eux que s’effectue le recrutement des chercheurs de l’IBPC. Dans l’intitulé IBPC, les lettres P et C sont les initiales de « physique » et « chimie ».
C’est que les biologistes, quelle que soit leur volonté d’indépendance, sont bien obligés d’avoir recours à ces disciplines pour le développement de leurs techniques d’observation. En 1930, les progrès dans la connaissance de la cellule marquent le pas du fait que les limites du pouvoir de séparation du microscope optique – déterminées par l’ordre de grandeur des longueurs d’onde utilisées pour l’observation, en l’occurrence de l’ordre de 1 micron – sont atteintes. Or, dans les dix années précédentes, les biologistes ont acquis la conviction que les activités vitales de la cellule ont pour support des protéines, c’est-à-dire des molécules en forme de chaînes sur lesquelles sont enfilés des acides aminés, dont l’observation nécessite de distinguer des détails de grandeur nettement inférieure au micron. Jusqu’à la mise au point du microscope électronique dans les années 1940, fonctionnant avec des longueurs d’onde beaucoup plus petites, les biologistes ont recours à la cristallographie, technique d’observation dans laquelle l’image est obtenue par interférence des rayons X (de longueur d’onde dix mille fois plus petite que celles du spectre visible) diffractés par les atomes des molécules constituant la protéine – ce qui permet de les « voir », c’est-à-dire d’établir leur disposition dans l’espace les uns par rapport aux autres. C’est par cette technique que sera déterminée en 1953 la structure en hélice de l’ADN. Simultanément à l’établissement des structures des protéines biologiques, se développent des études de type thermodynamique – et donc en liaison avec la théorie de l’information – destinées à mieux comprendre l’étonnant phénomène de réplication parfaitement identique propre au domaine du vivant (autrement dit, la génétique). On peut donc dire qu’à la veille de la Seconde Guerre mondiale un pont avait été construit reliant la génétique, la théorie de l’information et la physique. De là devait naître la « biologie moléculaire ».
La France a aussi connu dans les années 1920-1930 un épisode, qui ne s’est pas renouvelé depuis, de grande activité intellectuelle autour des problèmes posés par le développement des idées scientifiques, marqué par des débats entre philosophes et scientifiques d’une vivacité et d’une liberté qui impressionnent. Le Centre international de synthèse, créé par Henri Berr, avec pour objectif d’« établir la liaison fondamentale des sciences de la nature et des sciences de l’homme », a organisé de 1929 à 1939 des « Semaines de synthèse » autour de questions scientifiques telles que « l’évolution » (sujet très sensible à l’époque), « la théorie des quanta », « la relativité » (avec des exposés parfois techniques de Paul Langevin et de son collaborateur Edmond Bauer ; de Broglie participa également à l’entreprise). Il faut rappeler que ces théories à l’époque n’étaient pratiquement pas enseignées aux étudiants. Il reste que l’échange au cours de ces journées fut à sens unique, les philosophes et les historiens écoutant de façon très respectueuse les savants (essentiellement des physiciens), alors que les scientifiques, mis à part les conférenciers, ne manifestèrent guère d’intérêt pour les exposés de Lucien Febvre ou Henri Berr sur « la civilisation » ou « la sensibilité chez l’homme et dans la nature ». On peut se demander si la rencontre entre Bergson et Einstein, organisée en 1922 par la Société française de philosophie, et qui ne produisit qu’un dialogue de sourds, ne relève pas du même schéma.
Ce qui apparaît le plus clairement ici, c’est une division au sein du milieu scientifique entre ceux qui « savent parler une autre langue que celle de leur discipline23 » (Langevin, Bauer) et les autres. L’expérience des Semaines de synthèse, dans l’immédiat avant-guerre, est emblématique de ce qui est, encore aujourd’hui, un obstacle majeur à la circulation des idées : le manque d’intérêt affiché des scientifiques pour les questions dites « intellectuelles » qui doivent (un peu comme la religion) rester une affaire privée. À la crainte de ne pas « savoir y faire », de ne pas disposer des clés de la vie intellectuelle, vient s’ajouter la peur du regard des autres scientifiques, toujours prompts à rectifier la moindre inexactitude dans la présentation en public de leur propre discipline. Sans parler de l’interdit qui pèse sur tout ce qui n’est pas « rigoureux »…
Mais que dire de l’effet des théories et pratiques scientifiques dans le domaine de l’art et de la littérature ? L’entre-deux-guerres est une période où la littérature s’intéresse intensément à la science. Comme on sait, les surréalistes, et avant eux les dadaïstes, ont fait de la science un objet de littérature. Objet au sens propre du terme, car les dadaïstes ne s’intéressent pas au système rationnel élaboré au cours des siècles – « La science me répugne dès qu’elle devient spéculative-système, perd son caractère d’utilité – tellement inutile – mais au moins individuel », écrit Tristan Tzara en 1918. La science en tant qu’elle est elle-même un objet insolite, inutile et individuel est ce qui intéressera les surréalistes : « Il n’y a de science que du particulier », reprend Michel Leiris en 1924. En 1936, André Breton écrit un essai au titre significatif et ambigu : « La crise de l’objet24 », dans lequel il s’emploie à détourner le mot « objet » de ses significations usuelles : objets trouvés de Max Ernst, objets rêvés, « ready-made » de Duchamp, etc. Ce texte est suscité par l’ensemble de photographies prises par Man Ray de modèles mathématiques, découverts un peu plus tôt à l’Institut Poincaré. Il s’agit de modèles pédagogiques, en bois, fer ou carton, où des ficelles tendues entre deux clous sont censées rendre plus « visibles » les propriétés des surfaces et volumes mathématiques euclidiens et non euclidiens. Là aussi, il y a détournement d’objets, d’autant que les vertus pédagogiques qui sont à l’origine de la construction de ces modèles sont des plus discutables. C’est l’occasion pour Breton de dresser un parallèle entre les mots « surréalisme » et « surrationalisme », néologisme récemment introduit par Gaston Bachelard25 à propos des géométries non euclidiennes. « L’un des deux termes vérifie l’autre, écrit Breton. Cette constatation suffit à mettre en évidence l’esprit commun, fondamental, qui anime de nos jours les recherches de l’homme, qu’il s’agisse du poète, du peintre ou du savant. »
Quelques années plus tard, en 1941, un élève de Louis de Broglie, Jean-Louis Destouches, enseignant à la faculté des sciences de Paris à la fois la physique mathématique et « la logique et la méthodologie des sciences », développera une épistémologie originale centrée sur la redéfinition de l’objet. Yves Bonnefoy, alors étudiant en mathématiques, a suivi l’enseignement de Destouches ; l’un de ses premiers textes, publié en 1946, s’intitule « La Nouvelle Objectivité ». Il y énonce dix thèses indiquant pourquoi et comment il convient d’unifier poésie et physique quantique : « La notion même d’objet physique perd son sens. C’est alors que la poésie voit la plus extrême subjectivité (Dada) se renverser en une nouvelle objectivité (le surréalisme)26. »
Ici aussi, semble-t-il, l’échange est à sens unique ; ce sont les artistes qui vont chercher leur inspiration du côté des sciences, même s’il est vrai que le palais de la Découverte, l’enfant chéri de Perrin, avait ouvert ses portes avec une exposition intitulée « L’Art et la science ». Mais cette ouverture des savants vers l’art se situe dans un cadre de vulgarisation. De fait, les chercheurs n’hésitent pas à parler de leur travail dans une telle perspective, animés qu’ils sont par le désir (ou le devoir) d’« apporter la science au peuple ». Toute une partie de la création française de la Première Guerre mondiale à la fin des années 1950 a entretenu un rapport beaucoup plus étroit qu’on ne le croit généralement avec les innovations scientifiques et techniques de son époque. Afin d’être modernes, « absolument modernes », les avant-gardes littéraires et artistiques du XXe siècle ont souvent dû intégrer les avancées scientifiques qui leur étaient contemporaines.
Il est enfin une autre forme de participation de la science à la vie intellectuelle, l’importation d’un mode de pensée propre à une discipline scientifique au sein de l’activité intellectuelle, permettant l’ouverture d’un nouveau domaine de réflexion encore impensé, une nouvelle discipline. Un exemple significatif de ce processus de circulation des idées se trouve dans les discussions qu’eurent Claude Lévi-Strauss et le mathématicien André Weil, à New York, lieu de leur exil pendant les années de guerre. Le mode de pensée que fit découvrir André Weil à Lévi-Strauss est relativement courant en mathématiques. Il s’agit d’une forme très particulière d’analogie qui consiste à interpréter les similitudes (que Lévi-Strauss appelle des « récurrences ») entre les relations relevant d’un certain domaine (par exemple ici, les systèmes de parenté) et les relations relevant d’un autre domaine (ici, les systèmes phonologiques), apparemment très éloigné du précédent, comme l’indice d’une communauté de structure sous-jacente à un niveau plus profond (l’existence de « lois générales mais cachées », dit Lévi-Strauss), la marque d’une identité de « type » pour les deux domaines considérés. Ce procédé (dont la validité repose sur la justesse du choix des relations considérées à des fins de comparaison) permet d’induire des relations établies dans un certain domaine (par exemple, ici, les systèmes phonologiques étudiés par la linguistique), la forme des relations réglant l’autre domaine (dans le cas présent, les systèmes de parenté). Là où d’autres seraient restés sur la réserve, de peur de céder à la tentation de s’intéresser à autre chose qu’à leur propre discipline, André Weil s’est investi, pour un temps, dans l’étude des problèmes ethnographiques auxquels était confronté Lévi-Strauss – suffisamment pour publier un article, paru en anglais dans une revue de mathématiques, intitulé en français : « Sur l’étude algébrique de certains types de lois du mariage ». Ce texte figure en tant qu’appendice à la première partie de la thèse de Lévi-Strauss, Les Structures élémentaires de la parenté27. Il arrive donc parfois que la circulation des idées scientifiques ne se fasse pas à sens unique.
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