La Presse,
27 juillet 1849
SALON DE 1849
(2e article)
Sculpture. – M. Préault
Gautier a connu le sculpteur Auguste Préault (1809-1879) au début des années 1830, lors de leurs communes années de bohème du Doyenné266, et l'a souvent défendu contre les dédains de la critique académique. Le salon de 1849 marque une date, celle de la suppression du jury d'admission. Il sera rétabli dès 1850, mais ici Préault, pour la première fois depuis ses débuts discutés (Salons de 1833 à 1836), voit à nouveau ses œuvres au Salon.
La sculpture occupe, au rez-de-chaussée des Tuileries, le vestibule du grand escalier, une salle basse qui donne sur le Carrousel et une galerie qui longe le jardin.
Elle est plus favorablement placée que la peinture, et a certes gagné à la translation : on peut l'aller visiter sans crainte de pleurésie, et les déesses nues n'ont pas à craindre de rhumatismes.
Le Salon de 1849 compte un nouveau venu, célèbre depuis longtemps, mais à qui un odieux ostracisme, qu'une révolution seule a pu faire cesser, fermait opiniâtrement les portes de l'exposition. Tout le monde a nommé M. Auguste Préault. Quelques vieilles perruques de l'Institut, choquées de ce talent original et hardi, avaient résolu de l'étouffer, et juré qu'aucune de ses œuvres ne serait admise au Louvre. Ce lâche assassinat, ce meurtre moral, plus coupable qu'un meurtre physique, a duré seize ans à la pure lumière du soleil, dans une ville civilisée, malgré les cris unanimes de la presse, sans qu'une autorité supérieure intervînt et chassât de leur tribunal ces juges prévaricateurs.
Un artiste moins rigoureusement trempé serait mort de chagrin ou de rage ; à moins que ce ne fût de misère ; les iniques jurés avaient bien compté sur un de ces trois dénouements ; mais le jour de la justice est enfin arrivé, et Préault, grâce au suffrage universel267, a pu enfin pénétrer dans ce sanctuaire impitoyablement fermé pour lui pendant si longtemps.
On se demandera : « Qu'est-ce qui avait pu motiver une haine si profonde et si persistante ? » Oh ! mon Dieu, une raison toute simple, et qui n'étonnera pas ceux qui savent que l'art, comme la politique, a aussi ses partis et ses fureurs implacables.
Le mouvement romantique a été représenté dans la poésie par Victor Hugo, en peinture par Delacroix, en musique par Berlioz ; Auguste Préault le transporta dans la sculpture.
Inde irae268 ! Les statuaires sont en général classiques avec plus de raisons de l'être qu'on n'en a dans les autres branches de l'art ; seulement, ils comprennent Phidias comme Bitaubé comprenait Homère et Campistron Eschyle269 : ne leur parlez pas de quelque chose de vivant, d'attendri, de douloureux ou de passionné ; ils entendent la beauté à la façon des figures de cire qui tournent chez les coiffeurs, ratissent les membres comme des tuyaux de poêle et coiffent de cheveux en macaroni un de ces profils émoussés qui, par des dégradations successives, amènent le masque de l'Apollon à n'être plus qu'un museau de grenouille. Pour ces messieurs, une femme est Hébé, Vénus ou Pomone, et ils ne connaissent rien au-delà. Il n'est né personne depuis le siècle de Périclès ; les types des races modernes modifiés par le christianisme et la civilisation n'existent pas ; ils ignorent entièrement la mélancolie, cette grande poésie des temps modernes qui courbe nos fronts en les élargissant et met l'infini dans nos prunelles. Pour eux l'expression est grimace, la fougue barbarie, l'originalité démence. Ils ne peuvent s'imaginer qu'on fasse autrement qu'eux ; toute tentative leur paraît sacrilège ; comme les Égyptiens aux momies desquelles ils ressemblent ils ne veulent pas qu'on s'écarte du type hiératique. On doit refaire toujours ce qui a été fait. Encore s'ils prenaient l'art à sa source sacrée, ces faux prêtres du beau, on leur pardonnerait une pareille intolérance ; mais ce n'est pas un type qu'ils adorent, c'est un poncif ; ils sont classiques comme ces gens qui ne jurent que par les anciens, ne savent ni grec ni latin, et font trois fautes de français par phrase.
Qu'on essaie de se représenter l'indignation qui dut hérisser ces « confortables pédants270 », lorsque à la place d'un Hyacinthe, d'un Cyparisse271 ou de tel autre sujet, ils virent ce fameux groupe des Parias272, violent comme un Delacroix, sinistre comme un Géricault, où la douleur, la misère et la fatalité mêlaient leurs sombres poésies. Ce n'étaient plus là les draperies en queue de billard, les torses arrondis comme des traversins, qui plaisent tant à ces hommes d'un goût pur, mais des haillons vrais par où sifflait la bise d'hiver, des corps anatomisés par la souffrance morale et la souffrance physique, et dont chaque muscle engourdi racontait une torture. Ces yeux caves, ces sillons creusés par les larmes, ces chevelures incultes, ces poitrines saillantes où l'épuisement dessinait déjà le squelette, ce reste de beauté dans la jeune fille renversée sur les genoux de la mère impuissante à la secourir, le regard flottant de l'homme éclairé par une rouge pensée de révolte, tout cela formait un ensemble douloureux, émouvant et tragique, d'une nouveauté extraordinaire dans la sculpture : la tradition classique était rompue, et la révolution s'accomplissait dans tout le cycle de l'art. Il y avait autant de différence entre cette sculpture féroce et les fadeurs mythologiques contemporaines, qu'entre le Massacre de Scio de Delacroix et Énée racontant ses aventures à Didon, de Guérin273.
À l'effet produit ces messieurs virent qu'il y avait péril en la demeure et s'arrangèrent à ce qu'un scandale pareil ne se reproduisît plus. À dater de ce succès Préault assiégea vainement les portes du Salon avec une armée de colosses, de statues et de bas-reliefs, de médailles, de figurines, de bronzes et de plâtres qu'il cassait à leur retour du Musée pour en recommencer d'autres, car son atelier n'aurait jamais pu contenir ce peuple muet grossi chaque année. Jamais il ne se découragea ; prodiguant son temps, son génie, sa fortune, il revint toujours à l'assaut avec de nouveaux bataillons toujours battus. Pour nous servir d'une expression dantesque, il devint le Grand Refusé274. On ne saurait trop louer cette infatigable persévérance, ce soin à rechercher tous les ans le même honorable affront. Il ne faut jamais accepter l'injustice.
Quand on a le droit, c'est un devoir de protester jusqu'au bout ! celui qu'on égorge dans un endroit solitaire doit crier, il sera entendu, ne fût-ce que par les grues d'Ybicus, et cela suffit pour que sa mort soit vengée275.
L'infâme persécution continuée si longtemps contre Auguste Préault, et devant laquelle il aurait pu céder, est pour beaucoup dans le judicieux renouvellement du jury qui vient de s'opérer.
Cette année, sa sculpture proscrite a enfin pu pénétrer dans les Tuileries. Cela a-t-il produit quelque catastrophe ? Le palais a-t-il sauté en l'air ? Le public épouvanté s'est-il enfui par les vomitoires ? Les murailles indignées se sont-elles reculées pour ne pas porter ses médaillons ? La circulation a-t-elle été interrompue parce que l'on peut voir dans une salle basse de la sculpture qui n'est pas faite précisément comme celle de MM. les membres de l'Institut ?
Mon Dieu non ! tout s'est passé le plus paisiblement du monde : la foule, après s'être arrêtée aux marbres de MM. Pradier et Cavelier276, regarde curieusement les bronzes de M. Préault, et ces trois noms sont les premiers que chacun cite en parlant de la sculpture.
L'exposition d'Auguste Préault se compose d'un Christ en croix, d'un masque funéraire, de quatre grands médaillons de bronze, et d'une figurine aussi de bronze.
Le Christ commandé par le ministère de l'Intérieur est un morceau capital d'un aspect saisissant et d'un caractère remarquable.
On a l'habitude, en France, de Christs doucereux et bénins, Endymions dépouillés de clair de lune, Apollons qui laissent leur serpent pythien au pied de la croix, et qui semblent plutôt suspendus par des rosettes277 à un mètre d'acajou que cloués par des pointes de fer à un arbre de douleurs.
Les partisans de ces fades effigies toujours dominés par leurs souvenirs classiques, prétendent que l'expression de la souffrance n'est pas convenable, et que le Christ étant Dieu ne doit pas se tordre dans le supplice comme un simple criminel. Oui, le Christ est Dieu, mais il est homme aussi, et ce n'est pas un fantôme insensible qu'il laisse attacher à la croix pour nous racheter : il pâtit dans sa chair comme les deux voleurs ses compagnons de gibet. Le sang ruisselle de ses mains, ses nerfs pénétrés par les clous se déchirent sous le poids de son corps ; ses pieds se crispent, ses fibres palpitent, son flanc sent l'âpre morsure du fer, il a cette horrible soif de l'échafaud, cette fièvre du supplice qui se désaltérerait même avec du vinaigre, même avec du fiel ; sa tête alourdie par le vertige de l'agonie flotte d'une épaule à l'autre, ses reins se cambrent sur le bois infâme qui le blesse, faisant saillir la poitrine amaigrie et dentelée. La douleur est si effroyable que, malgré l'âme divine qui habite son enveloppe humaine, il pousse vers son père un cri d'appel et de désespoir en lui demandant pourquoi il l'a abandonné, et pourtant il s'est offert volontairement en sacrifice et s'il le voulait les anges de Dieu le détacheraient à l'instant.
Les Espagnols, dont personne assurément ne récusera la compétence en matière catholique, et dont l'art se résume pour ainsi dire dans la décoration des églises, représentent toujours le Christ avec les symptômes de la souffrance physique. Les Christs de Montanez, de Roldan, de Berruguete, de Cornejo Duque278 et de cette admirable école de sculpteurs en bois, pour ainsi dire inconnus du reste de l'Europe, ont toujours sur leur corps les stigmates du supplice imités avec une affreuse vérité. Ils expriment par leurs muscles crispés, leurs poses convulsives, la souffrance physique poussée au plus haut point, et le pécheur peut voir clairement ce que le rachat de ses fautes a coûté d'atroces tortures au fils de Dieu. Ces Christs effrayants sont peints, pour la plupart, de manière à augmenter encore l'impression dramatique qu'ils produisent. Jamais illusion ne fut poussée plus loin ; à l'extrême vérité des formes se joint la justesse de la couleur. Les meurtrissures bleues des coups de verges, les écorchures des genoux excoriés sur l'âpre chemin du Calvaire, les perles rouges que fait jaillir chaque pointe de la couronne d'épines, les filets de sang mêlés d'eau qui rayent le corps blafard, tout cela est exprimé avec la plus fervente et la plus pathétique cruauté. La divinité est concentrée dans l'œil qui, du haut de la tête renversée par l'agonie, semble plonger dans le ciel et chercher le regard consolant du Père.
Ces Christs de grandeur naturelle ou même plus grands font un effet admirable, comme on peut s'en convaincre dans les cathédrales de Barcelone, de Vitoria, de Burgos et de Tolède. Ils sont trouvés parfaitement chrétiens par le peuple qui est encore le plus catholique de la terre, et justifient complètement, s'il y en avait besoin, le Christ de M. Auguste Préault.
Le torse de son Christ est modelé avec une vigueur et un sentiment anatomique rares : le profond sanglot du râle suprême tend les pectoraux, soulève les côtes, tord les flancs ; on dirait que l'âme du Dieu fait en s'échappant craquer le corps mortel ; les cuisses et les jambes avec leurs muscles tendus et frémissants sont dignes du Puget279, et les pieds se crispent sur leurs coins de bois si douloureusement, si nerveusement qu'ils semblent de chair et traversés par de véritables clous.
Cette figure, outre le sentiment profond qui l'anime et la parfaite compréhension de la poésie catholique dont l'artiste a fait preuve en ne craignant pas d'insister sur le côté douloureux, a des mérites académiques pour ainsi dire qui surprennent dans un homme si longtemps persécuté au nom des saines doctrines : comme charpente, comme attache, comme musculature, ce Christ accuse une science qu'on trouverait chez bien peu de statuaires classiques ; et de plus sur ces saillies justement accusées, sur ces nerfs enlacés savamment, palpite un épiderme souple et frémissant comme la vie. Ce n'est pas un écorché, c'est un corps dans sa peau, chose plus rare qu'on ne croit.
Ce Christ n'est pas le seul qu'ait sculpté M. Préault ; un autre non moins beau, mais d'une expression différente, orne une chapelle de Saint-Gervais280 ; il est exécuté en bois ; nous voudrions voir celui-ci exécuté en bronze.
Le bronze est la matière qui convient le plus à Préault, le marbre rendrait bien moins facilement sa pensée : il modèle plus encore qu'il ne sculpte ; la fleur de vie, le frisson d'épiderme qu'il met à ses figures seraient difficilement reproduits par le ciseau du praticien le plus habile ; il faut qu'on y puisse retrouver la touche, l'empreinte du pouce, cette espèce de palpitation magnétique qui passe des doigts du statuaire à la terre glaise ou à la cire qu'il pétrit ; le bronze reproduit tout cela comme un fac-similé. – L'airain convient donc à Préault comme le marbre à Pradier, ce qui ne veut pas dire que l'un ne puisse faire de beaux marbres et l'autre de beaux bronzes.
Le mascaron funèbre est assurément une des plus hautes conceptions de la statuaire moderne, et l'on peut dire que depuis Michel-Ange on n'a rien vu de plus terrible et de plus saisissant.
Rien n'est plus simplement et plus grandiosement sinistre que cette conception.
Un médaillon de bronze vert encastré dans un marbre noir, voilà tout. Jamais tombeau monumental, jamais pyramide d'Égypte ne produisit autant d'effet.
Une tête entourée des plis d'une draperie qui tient le milieu entre le suaire et le voile, se présente en face avec son regard morne, son nez mince, ses joues amaigries, ses lèvres closes sur lesquelles vient s'appuyer comme un sceau le doigt d'une main décharnée qui se dégage du milieu des linges.
Qu'est-ce que cette figure à l'âge douteux, au sexe incertain ? Est-ce la Mort, la Parque qui coupe le fil de la vie, une des Mères qui, dans les profondeurs de l'Hadès281, gardent les germes des créations futures ? Est-ce l'Isis des tombeaux écartant un coin de son voile, et comprimant sous cette maigre phalange son secret prêt à lui échapper ? Vers quel horizon invisible flotte ce regard vide ; quel rêve ou quelle pensée hante ce front somnolent ? De quoi parlerait cette bouche ainsi cachetée ? De résurrection ou de néant ? Ce masque vert placé là garde-t-il un corps qui se dissout ou la larve d'une âme immortelle ? On ne sait ; mais cette tête impassible, sinistre et mystérieuse produit l'effet de la Mort même ; elle épouvante, glace et stupéfie : c'est une Méduse sépulcrale ! Et il suffit qu'on vous la présente pour que l'angoisse du non-être et la terreur de l'inconnu figent le sang de vos veines.
Il nous semble que les mânes et les lémures qui erraient autour des tombeaux romains devaient avoir seuls ce masque froid, livide et régulièrement horrible ; telles devaient être aussi les sorcières antiques au clair de lune thessalien.
M. Michelet, 1'illustre historien, qui joint à la science le plus vif sentiment de l'art, parle ainsi de ce médaillon :
« L'horreur de la fatale énigme, le sceau qui ferme la bouche au moment où l'on sait le mot, tout cela a été saisi une fois dans une œuvre sublime que j'ai découverte dans une partie fermée du Père-Lachaise, au cimetière des juifs282 : c'est un buste de Préault, ou plutôt une tête prise et serrée dans son linceul, le doigt pressé sur ses lèvres ; œuvre vraiment terrible, dont le cœur soutient à peine l'impression, et qui a l'air d'avoir été taillée du grand ciseau de la Mort. »
Le cadre des grandes médailles offre quatre types tout à fait distincts : d'abord, une tête de vieux Turc ravinée par l'opium, le haschich et la luxure. Ce profil est profondément marqué au cachet des races asiatiques. Sans que l'artiste ait voulu faire un symbole d'un simple médaillon, on pourrait dire que cette tête, où une certaine bonhomie bestiale s'allie à la lascivité, caractérise très bien le vieil Orient. L'enroulement du turban, le crêpé de la barbe, le relâchement des muscles du col, tout cela est rendu avec un bonheur rare. C'est dans le bronze la même furie de couleur et la même férocité caractéristique que dans la Patrouille turque, de Decamps283.
À côté du Turc on admire une tête de jeune femme d'une beauté élégante et fière, et dont le col et les oreilles sont chargés de riches ornements. Ce sera, si vous voulez, la reine d'un de nos bals, à moins que ce ne soit la femme, la fille ou la maîtresse de quelque empereur romain, car dans ce médaillon la grâce moderne s'allie très bien au style ancien.
Au-dessous de cette tête se trouve un profil de femme inondé par de longues anglaises, dont les spirales se tordent aussi souplement dans le bronze qu'elles pourraient le faire sous la brosse de Prud'hon et le blaireau de Lawrence284. Il est impossible de rien faire de plus flou, de plus vaporeux, de plus passé. On dirait que l'artiste l'a modelé non pas avec un ébauchoir, mais avec une estompe.
Le quatrième médaillon, tout à fait en ronde-bosse, et qui devait figurer dans le tombeau de la femme de la pluie qui marche, pauvre Indienne morte de nostalgie en France lors du voyage des Ioways285, est au contraire un morceau de la plus extraordinaire réalité ; la vérité ne saurait être poussée plus loin ; la couleur même de la pauvre Squaw, avec sa peau rouge, s'y retrouve ; le modelé, d'une finesse incroyable, rend tous les petits méplats et jusqu'au grain de la peau ; les yeux regardent, les narines respirent, la bouche va s'ouvrir et entonner quelqu'une de ces chansons plaintives et bizarres qui faisaient un si étrange effet sous les plafonds de Valentino286, accoutumés à d'autres musiques.
Le cadre de petites médailles, rempli de portraits fantasques, montre la possibilité d'une chose que l'on ne croyait guère faisable, le croquis en bronze : toutes ces physionomies bizarres, chevelues, moustachues, hérissées, indiquées par un coup de pouce spirituel et quelquefois railleur dans son exagération, composent un cénacle romantique ; une espèce de collection capricieuse qui, au besoin, représenterait assez bien « les amis de Kreisler » et figurerait avec honneur dans le cabinet d'Hoffmann287.
Ces bronzes si fins et si bien venus ont été fondus par M. Auguste Vittez.
La petite esquisse noyée dans les larmes et surtout dans les cheveux que le livret appelle « Douleur », est d'un mouvement superbe. Quel malheur déplore-t-elle ainsi ? est-ce un chagrin antique ou moderne ? est-ce Cassandre déplorant sa virginité, une pauvre mère Niobé de faubourg devant le corps de son enfant mort de misère ? Nous l'ignorons ; mais la douleur est vraie, le sanglot profond, le désespoir inconsolable et cette figurine, haute de quelques pouces, souffre plus que bien des colosses académiques.
266 Voir la chronologie à la fin de ce volume.
267 Il avait servi pour la première fois en décembre 1848 pour l'élection du président de la République.
268 « D'où la colère » (Juvénal, Satires, I).
269 Paul Bitaubé (1732-1808), traducteur d'Homère. Jean de Campistron (1656-1723), auteur de tragédies, ridiculisé par Musset comme type du mauvais imitateur de Racine.
270 Apostrophe lancée par Musset contre les classiques dans son poème de 1830 intitulé « Les secrètes pensées de Rafaël, gentilhomme français » (Premières Poésies).
271 Hyacinthos et Cyparissos, deux favoris d'Apollon, métamorphosés par lui en végétaux auxquels ils ont laissé leur nom (la jacinthe et le cyprès). Gautier les prend comme sujets types de sculpture académique.
272 Salon de 1834.
273 Pierre, baron Guérin (1774-1833), peintre académique à l'art très théâtral, directeur de la Villa Médicis de 1822 à 1828. Son tableau sur Didon et Énée date du Salon de 1817.
274 Cette expression, dont l'origine « dantesque » paraît bien imprécise, fut surtout appliquée dans la réalité moderne au paysagiste Théodore Rousseau.
275 Ibicus ou Ibycos, poète grec du VIe siècle assailli par des bandits près de Corinthe, aurait adjuré un vol de grues qui passait alors au-dessus de sa tête de porter en ville le nom de ses meurtriers.
276 James Pradier (1792-1852), réputé pour ses élégants nus féminins, était à l'Institut depuis 1827, alors que son cadet Pierre Cavelier (1814-1894) n'y entra qu'en 1865. Ils sont cités ici comme des artistes importants mais moins audacieux que Préault.
277 Nœuds décoratifs.
278 Quatre grands sculpteurs sur bois qui ornèrent les édifices religieux espagnols : Juan Montañéz (1569-1649) a travaillé à Séville, de même que Pedro Roldán (1624-1700, retable de l'hôpital de la Charité). On doit à Alonso Berruguete (v. 1490-1561) les stalles de la cathédrale de Tolède, à Pedro Duque Cornejo (1677-1757), élève de Roldán, celles de la cathédrale de Cordoue.
279 Pierre Puget (1620-1694), maître de la sculpture baroque française, au style tourmenté et tragique.
280 Le plâtre de ce premier Christ en croix, commande du ministère de l'Intérieur, fut brièvement placé à Saint-Germain-l'Auxerrois, puis retiré (avril-mai 1840) ; c'est une version en bois, exécutée en 1846 pour l'église Saint-Paul mais refusée par le curé de cette église, qui fut installée à Saint-Gervais en février 1847. Elle est plus originale et plus tourmentée que celle dont Gautier vient d'évoquer l'assagissement ; le bronze de ce second Christ se trouve depuis novembre 1849 dans l'église Saint-Ferdinand-des-Ternes.
281 Dieu des enfers chez les Grecs et, par extension, les enfers eux-mêmes.
282 Ce masque funèbre généralement intitulé Le Silence, commandé à Préault en 1842, orne la sépulture de Jacob Roblès ; il en existe aussi un bronze au Louvre. Cette citation de Michelet provient de son livre de 1846, Le Peuple (note du chap. IV, « Des simples. – L'enfant, interprète du peuple »).
283 Voir p. 77, note 2.
284 Thomas Lawrence (1769-1830), grand portraitiste anglais. Prud'hon : voir p. 143, note 1.
285 Sous la monarchie de Juillet, plusieurs explorateurs ramenèrent d'Amérique du Nord ou du Sud des « échantillons » d'Indiens qui furent offerts comme des bêtes à la curiosité des Parisiens. Les Indiens Iowas ou Ioways venaient de donner leur nom à un des États du centre des États-Unis, créé en 1846 ; le « voyage » de quelques-uns d'entre eux à Paris avait défrayé la chronique en 1845.
286 Henri Valentino (1787-1865), chef d'orchestre à l'Opéra, puis à l'Opéra-Comique, dirigeait depuis 1836 une salle de concerts rue Saint-Honoré.
287 Johannes Kreisler est un musicien imaginaire, créateur fantasque dont plusieurs des contes d'Hoffmann racontent la vie.