Réouverture des concerts Pasdeloup
Le vacarme exotique qui bourdonnait depuis six mois dans les divers locaux de l'Exposition universelle a cessé aujourd'hui même. Tandis que Tunisiens, Arabes, Hongrois et Chinois emballent leurs tarboukas, leurs rebebs660, leurs flûtes et leurs gongs, Pasdeloup reprenait au cirque Napoléon661 la série de ses concerts populaires de musique classique. Son fidèle orchestre et son public fidèle se sont retrouvés exacts au rendez-vous, heureux de se revoir. Ce premier concert s'inaugurait sous les auspices de Richard Wagner, dont l'ouverture de Rienzi figurait en tête du programme. Cette œuvre, antérieure au Tannhaüser et au Lohengrin662, ne le cède en rien à ses sœurs puînées ; elle est d'une énergie soutenue, d'une solidité et d'une puissance qui vous domptent : aussi a-t-elle été accueillie par des applaudissements unanimes, auxquels ne s'est mêlée aucune protestation. Cette attitude du public montre que nous sommes déjà loin de la tumultueuse et regrettable première représentation du Tannhaüser663. On assure que Pasdeloup compte cette année varier le plus possible son répertoire et puiser fréquemment dans l'œuvre de Schubert et dans celle de Schumann, dont la gloire si haute en Allemagne n'est encore que médiocrement établie en France.
660 Tarbouka ou tarbouch : coiffure tronconique des pays ottomans. Rebeb, rebab ou rabab : vièle à une ou deux cordes, arabe ou asiatique.
661 Premier nom du Cirque d'Hiver, inauguré en 1852. Pasdeloup : voir p. 339, note 1.
662 Ces trois opéras ont été créés respectivement en 1842, 1845 et 1850.
663 Gautier pense à la houleuse création parisienne de 1861.