Autour d’eux, ce n’était plus la même forêt, infiniment pénétrable, avec ses chemins aux orées trop semblables, ni ses troncs à la troublante équidistance, disposés comme des pions de solitaire. C’était une forêt comme on en imagine, le dimanche, ou le samedi, en marge des routes, proposant au passant la seule tentation de l’ombre, avec la promesse de promenades à pas lents dans la seule profondeur du silence. Une forêt telle que Louis, s’il eût jamais rêvé de forêts, eût rêvé d’en arpenter une, le week-end, avec à la main sa fille, ou bien au bras cette femme, ou encore ces deux choses, ces deux êtres ensemble. Car dans cette forêt il semblait à Louis qu’il fût possible maintenant de cheminer à trois et non plus d’inventer qu’on perde tantôt l’un, tantôt l’autre de ces êtres, ni de retrouver l’un pour mieux quitter l’autre parce qu’arrive un homme, surgi du passé comme d’un fourré proche, qui vient piétiner le présent pour que s’en absente tout rêve palpable, et qui devant soit fait s’enfuir femmes et chevaux. Une forêt calme, désormais, délivrée des hantises, où Louis volontiers fût rentré en homme neuf, oubliant derrière soi la lisière. Une forêt, toutefois, qu’il s’apprêtait à quitter sans regretter qu’y chevauchât encore cette femme, avec contre son sein son petit téléphone, parce qu’il lui semblait, désormais, à tort ou non, qu’elle saurait l’y attendre. A cette forêt, d’ailleurs, elle était attachée. Ses fonctions la liaient aux arbres, la cantonnaient aux chemins. Cette forêt, c’était son poste, où il la pourrait joindre, où elle attendait, même, qu’il la joignît. Et cela suffisait, maintenant, pour qu’il s’en fût.