Finalement, je passe beaucoup de temps auprès de Madame Lumbago, parce que mes parents sont débordés qu’ils disent. Ils doivent travailler toute la journée et des fois toute la nuit pour acheter plein de choses.
Ils doivent aussi assister à des réunions et parler avec des gens qui fument. Je le sais parce que ma mère, quand elle rentre le soir, elle monte me chercher chez Madame Lumbago et moi, j’aime ça. Je fais semblant de dormir. Je me laisse porter dans ses bras. Elle me donne des petits becs dans le cou et elle dit toujours :
— Je t’aime, ma petite Noémie d’amour...
Et elle sent la fumée de cigarette c’est effrayant!
J’ai aussi un père que je ne vois pas souvent. Lui, il est très très débordé. Il paraît même qu’il ne peut pas joindre les deux bouts. Les deux bouts de quoi? Je ne le sais pas.
Il répète toujours :
— Ce n’est pas facile d’être un père, aujourd’hui... Ce n’est pas facile d’être un père, aujourd’hui...
Il a raison! J’ai déjà écouté une émission de télé avec tout plein de papas qui se plaignaient d’être des pères. Un monsieur a dit que ce n’était pas facile d’être un homme tout court. Ça aussi c’est vrai, mon père me l’a déjà répété!
Finalement ma famille, c’est... Madame Lumbago. Comme je n’ai pas de grand-mère, je l’appelle grand-maman, et comme elle n’a jamais eu d’enfant, elle m’appelle souvent sa petite-fille ou son petit trésor et elle me chatouille, en riant deux fois plus que moi.
Elle ne me chicane jamais. Je peux tout faire, sauf courir dans le corridor. Il paraît que je cours comme un éléphant, le plancher en tremble et les cadres sur les murs font cling... cling... Je dois aussi faire très attention aux bibelots alignés sur de petites étagères. Alors je suis prudente, je marche normalement et c’est le bonheur.
Madame Lumbago et moi, on est très bien ensemble, surtout quand elle me donne du sucre à la crème.