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Le plan
Aujourd’hui, à l’école pendant le cours d’arts plastiques, j’ai dessiné le plan de ma chambre, avec le lit, les meubles, les jouets et toutes les choses qu’on peut y trouver. Mon plan était très drôle et tout croche parce que je ne réussis jamais à tracer des lignes droites, même avec une règle.
Aussi j’ai eu l’idée de faire le plan de l’appartement de Madame Lumbago pour trouver la cachette du trésor. Un plan, ce n’est pas facile à exécuter. Alors le soir, j’ai demandé à Madame Lumbago de m’aider.
Sur une feuille quadrillée, nous avons dessiné une par une toutes les pièces de la maison, comme si on les voyait de haut, et je me suis aperçue d’une chose incroyable. Il y a une toute petite pièce fermée entre la cuisine et la salle de bain. Je ne m’en suis jamais rendu compte parce que la porte est camouflée derrière des cadres et des photos. Quand on regarde, on a l’impression de voir un grand mur tout le long du corridor.
J’ai essayé de faire semblant de rien, mais Madame Lumbago a tout de suite compris mon étonnement. Avant même que je la questionne, elle a répondu :
— C’est une ancienne garde-robe qu’on a condamnée pour y mettre le chauffe-eau lorsque la salle de bain a été agrandie.
J’ai tout de suite eu très envie d’aller aux toilettes. J’ai barré la porte et oui, c’est vrai, il n’y a pas de chauffe-eau, ni dans cette pièce ni dans aucune autre.
D’après mon plan, la pièce secrète peut contenir au moins six chauffe-eau gros comme des barils. Alors que peut-il y avoir là-dedans? Que veut-on cacher dans une pièce fermée et dissimulée derrière un mur rempli de photos, à part un trésor?
Je sais maintenant où se trouve le trésor, mais je ne sais pas à quoi il ressemble. Je dois me méfier de mon imagination qui part au galop. Peut-être que Monsieur Lumbago est l’arrière-petit-fils de vieux pirates qui lui ont légué un trésor en héritage, ou qu’il est revenu de la guerre avec un butin extraordinaire. Peut-être qu’il a été un grand voleur et qu’il a pillé des banques. Tout se peut et même encore plus!
Et Madame Lumbago dans tout ça! Sa complice, ou une méchante sorcière? Peut-être, je ne sais pas, moi, quelqu’un qui n’a pas l’air de ce qu’elle montre, ou bien quelque chose d’autre que je ne peux imaginer parce que je suis trop petite.
Je ne comprends plus rien. Ça tourne dans ma tête. J’ai envie de défoncer cette foutue porte et de m’emparer de ce maudit trésor. Je n’arrête pas de penser à ça!
En plus, il faut que je fasse semblant de rien... Je souris à Madame Lumbago qui nourrit gentiment son canari. Et je dis comme ça, mine de rien :
— J’aimerais beaucoup savoir comment ça fonctionne un chauffe-eau, je ne me souviens pas d’avoir vu une émission de télé sur ce sujet.
— Il faudrait poser la question à un plombier, répond-elle, elle aussi mine de rien. Le chauffe-eau a été installé il y a plus de dix ans et je ne me rappelle plus très bien à quoi ça ressemble.
Et là, à ce moment précis, elle fait un geste extraordinaire. Elle ouvre le robinet d’eau chaude en disant :
— Tu sais, tant que ça fonctionne bien ces choses-là, il ne faut pas s’en préoccuper.
Ça me donne une idée. J’ai soudainement envie de prendre un bain parce que je suis un peu sale, je trouve! Madame Lumbago répond :
— Oh la bonne idée!
Elle remplit la baignoire à moitié pour économiser... l’eau chaude.
Je m’enferme dans la salle de bain. J’enlève le bouchon. J’ouvre le robinet d’eau chaude au maximum pour vider le chauffe-eau. Je veux qu’il se détraque et qu’on entre dans la chambre secrète pour le réparer. Là, je m’emparerai du foutu trésor, et je pourrai penser à autre chose! En attendant, je chante à tue-tête pour couvrir le bruit de l’eau qui coule.
Après une demi-heure, j’ai mal à la gorge, l’eau chaude coule toujours et Madame Lumbago cogne à la porte :
— Noémie, tu chantes bien, mais si tu restes dans l’eau plus longtemps, tu deviendras ratatinée comme un vieux raisin!
Je débarre la porte. Madame Lumbago dit :
— Oh là là! On se croirait au bord de la mer en plein brouillard!
Moi, j’ai du brouillard dans la tête. J’ai raté mon coup. Pendant qu’elle m’enroule dans une grande serviette et qu’elle me serre dans ses bras, je ne dis pas un mot. Je réfléchis. Il me faut trouver un moyen pour entrer secrètement dans la chambre du trésor.