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La libération du territoire

Il faut encore six mois pour libérer le territoire. Les troupes françaises comprennent d’une part la division blindée Leclerc et d’autre part l’armée de Lattre, dite armée B, rebaptisée 1re armée début septembre 1944. La voici surnommée Rhin et Danube et forte, après l’intégration au 23 septembre d’au moins cent mille FFI, de plus de deux cent cinquante mille hommes. Deux divisions coloniales, très éprouvées, sont alors entièrement remplacées. Fin 1944, Jean de Lattre dispose de plus de trois cent cinquante mille hommes. L’amalgame s’effectue rapidement entre maquisards et soldats d’Afrique. Des dizaines de milliers de FFI sont intégrés dans les troupes qu’Edgard de Larminat conduit en 1945 pour réduire les poches de l’Atlantique (Royan, pointe de Grave, Dunkerque, Lorient, Saint-Nazaire et La Rochelle).

Leclerc, parti de Paris le 8 septembre, libère Strasbourg, fidèle à son serment de Koufra, le 23 novembre. Il ira jusqu’au Berghof, tout proche du nid d’aigle d’Hitler, investi le 4 mai 1945.

De Lattre, après avoir libéré Lyon le 3 septembre 1944, s’empare d’Autun le 8, puis rejoint la 2e DB en Côte-d’Or, le 12. Leclerc tente d’échapper au commandement de Jean de Lattre, non sans une certaine complicité américaine. La bataille des Vosges s’engage début octobre, puis celle d’Alsace, autour de Mulhouse, à la mi-novembre. Pourtant, à la suite de la percée des Ardennes de décembre 1944 qui démontre l’ultime capacité de réaction de l’armée allemande, tout en brisant ses dernières forces blindées, de Lattre doit faire face à une autre poussée allemande sur l’Alsace. La bataille de la poche de Colmar n’en finit plus, se prolongeant tout le mois de janvier jusqu’au 9 février 1945. Mais Strasbourg résiste grâce à la volonté des Français. La stratégie qui consiste à écraser les villes allemandes sous les bombes, provoquant des hécatombes, se révèle manifestement contre-productive. Elle soude les Allemands autour d’Hitler et décuple la résistance de la Wehrmacht.

Le territoire français se trouve désormais totalement délivré. Jean de Lattre de Tassigny franchit la ligne Siegfried et le Rhin entre le 29 et le 31 mars 1945. Le 4 avril, il pénètre dans Karlsruhe. Le 24 avril il occupe Ulm après avoir conquis Stuttgart et, symboliquement, Sigmaringen.

Le 7 mai 1945, à Reims, le général François Sevez, sous-chef d’état-major de De Gaulle, contresigne le premier acte de capitulation du Reich pour la France. Le 8 mai 1945, le général de Lattre s’apprête donc à signer le second acte de la reddition allemande à Berlin, au côté des Russes, des Anglais et des Américains. Mais de Lattre, venu par avion de Mengen, se retrouve en rade à Magdebourg. Enfin, il trouve un avion et parvient juste à temps dans la capitale du Reich. Les Russes n’ont pas prévu que le Français signe l’acte de capitulation. Il faut toute la diplomatie du général américain Tedder pour qu’il puisse déposer son paraphe comme « simple témoin ». Et les Soviétiques ont dû en toute hâte confectionner un drapeau français pour le déployer au côté des bannières américaine, anglaise et russe. La France gaullienne est encore loin d’être considérée comme un partenaire de plein exercice par les Alliés. Avec les Japonais, le 2 septembre 1945, à bord du cuirassé Missouri, c’est Leclerc qui paraphe pour la France l’acte de capitulation.

Si la France n’est admise ni aux négociations de Yalta en février 1945 ni à celles de Potsdam en août suivant, de Gaulle donne l’ordre aux forces françaises entrées en Allemagne d’y demeurer. Ainsi la France impose-t-elle sur le terrain une zone d’occupation. Dans cette planète qui se réorganise après la destruction du Reich, la France participe aux travaux de la conférence de San Francisco (avril à juin 1945) et obtient un siège au Conseil de sécurité de la nouvelle Organisation des Nations unies. S’étant fait officiellement reconnaître une zone d’occupation en Allemagne, elle devient membre du Conseil de contrôle interallié qui gère l’occupation militaire de l’ancien Reich.