Introduction
Panorama du passé

Ce livre a vocation à proposer, sous forme synthétique, une histoire littéraire du xixe siècle. Aussi revient-il à un parcours qui regarde en arrière – une relecture du passé. Parce qu’il traverse un paysage littéraire tel qu’il s’est conservé dans les livres, intact mais fantomatique et stylisé, il présente des panoramas, des aperçus, voire des visions. Il assume une dimension archéologique, chargé qu’il est d’exhumer des opinions, des récits, des poétiques ; de réveiller des rêves, des polémiques, des révoltes ; bref, de rappeler à la vie tout ce à quoi des auteurs ont cru, tout ce qu’ils ont créé, qui, à ce moment et dans le monde qui était le leur, a fait sens, intensément, pour eux. On trouve à cette époque un certain nombre de tableaux de la littérature, sous la plume de Gustave Merlet ou de Sainte-Beuve par exemple. Cet ouvrage est conçu, un peu sur ce modèle, comme un tableau cinétique ; si le genre est descriptif, il n’en souligne pas moins les dynamiques à l’œuvre.

Ce sera donc le défilé à grande vitesse d’une histoire aussi subie qu’inventée par une société et par les fictions dont elle se double, qui à la fois l’expliquent et l’opacifient. Le romantisme, en ce sens, n’est pas un mouvement, ou pas seulement : c’est bien plutôt le mouvement même, à savoir le dépassement sans cesse reconduit de son propre corps de doctrines, par quoi toute règle est bientôt ironisée, toute école vite tenue pour caduque, car excédée. Dans l’espace compté de ces pages, peu, trop peu d’écrivains seront nommés. Encore moins seront cités. Mais, dans l’idéal, parce qu’ils constituent encore notre socle culturel, parce qu’ils continuent à faire entendre une polyphonie qui fonda la modernité, tous seront virtuellement présents, comme, dans le silence d’une bibliothèque, tous les livres parlent à la fois, même si on n’en ouvre jamais que quelques-uns.

Enfin, ce livre est écrit d’après des livres et des livres sur ces livres. Au fil des années, d’innombrables gloses sont venues recouvrir, mais aussi redécouvrir le texte polymorphe du xixe siècle. Cependant, le continent culturel est déjà si encombré, si saturé, disait Marguerite Duras, qu’il y a des naissances à opérer seul : « par exemple, de Baudelaire, on doit être le premier à découvrir la splendeur. Et on est le premier. Et si on n’est pas le premier, on ne sera jamais un lecteur de Baudelaire ». La lecture a, de la rencontre, de la révélation, le caractère inaugural. Que l’humilité ne soit pas ici une clause de style : cet ouvrage voudrait ne pas faire obstacle à la rencontre des textes même, ni émousser leur impact, mais aimerait au contraire ramener, par l’incitation, par ce quelque chose d’initiatique et de discret que peut avoir un ouvrage de présentation générale, au contact intime et indélébile des œuvres.