Charlotte poussa la porte du bar, précédant Emma qui demeurait en retrait. L’endroit était accueillant, mais n’était pas aussi bondé qu’elle l’aurait imaginé. C’était un petit établissement donnant sur la plage, situé à une courte distance à pied de leur hôtel. Il y avait un comptoir au fond de la salle devant lequel certaines personnes étaient assises, et un serveur était installé derrière, préparant des boissons et cocktails de toutes sortes. Emma reconnut Ian, debout, bière à la main, qui discutait avec un groupe d’individus. Elle posa sa main sur le bras de Charlotte pour lui montrer où se trouvait le jeune homme. Son amie reconnut quelques visages qui étaient présents lors de la partie de volley-ball de l’après-midi.
La musique, très forte, était jouée par un groupe formé de trois hommes : le chanteur, le guitariste et le claviériste. Il y avait aussi une batterie, mais personne n’était installé derrière et ne jouait de l’instrument. Charlotte prit la direction du bar pour commander deux cosmopolitans, tandis qu’Emma choisissait une table à l’écart. Elle en profita pour observer Ian.
Il portait un pantalon en denim bleu foncé qui était déchiré à des endroits stratégiques. Il avait aussi revêtu un t-shirt blanc portant l’inscription Born To Be Wild, ce qui la fit sourire. Elle s’imaginait qu’il était sûrement le type d’homme né pour être libre et indépendant de sa personne. Une intuition en quelque sorte. Elle le trouvait particulièrement joli et attrayant. Il avait sur la tête un petit béret gris qui lui donnait un style un peu bohème et même l’allure d’un poète. Ian semblait absorbé par l’histoire qu’il racontait à ses amis. Il gesticulait beaucoup et ses bras faisaient de grands mouvements circulaires.
— Va lui parler, dit Charlotte, en déposant les deux verres qu’elle avait dans les mains sur la table.
— Non. Il ne se souvient peut-être plus de moi, si ça se trouve.
— Va lui déclarer que son jean lui donne un cul d’enfer !
Emma éclata de rire au commentaire de son amie.
— C’est ainsi que tu t’y prendrais, toi ?
— Pas du tout. Je lui dirais : chez toi ou chez moi ? Je ne badine pas avec ça. Quand un homme me plaît, je vais droit au but.
— J’ai de la difficulté à imaginer que tu puisses faire ça.
— Tu veux me voir à l’œuvre ?
— Non, ça va. Je te crois maintenant. Pas la peine de me faire un spectacle...
— Quel spectacle ? demanda une voix grave derrière elles.
Emma bafouilla lorsqu’elle réalisa que Ian était près d’elles. Il lui fit un grand sourire et salua Charlotte de la tête. Il tenait une canette de bière dans sa main.
— Tu comprends le français ? demanda directement Charlotte.
— Ma tante habite à Westmount depuis environ 20 ans. Ma mère a eu la merveilleuse idée de m’y envoyer pendant l’été quand j’étais gamin, pour y apprendre le français et élargir ma culture. Je le comprends mieux que je ne le parle. Manque de pratique, répondit Ian.
Ses yeux ne lâchaient pas Emma. Il était complètement hypnotisé par la femme. Il ne voyait qu’elle. Il décida de prendre la chaise à la droite de Charlotte, celle qui faisait face à Emma. Ian ne s’expliquait pas l’attirance qu’il avait pour elle. C’était plus fort que lui. Charlotte rompit le silence qui s’était installé.
— Tu retournes encore parfois au Québec ?
— Je n’ai pas beaucoup de motifs qui m’y font revenir à vrai dire, dit-il en plongeant son regard dans celui d’Emma qui écoutait sans mot dire.
— Je peux te trouver tout plein de raisons pour y venir plus souvent. Tu habites dans le New Jersey ?
— Non. Ma ville, c’est New York. Elle est tatouée sur mon cœur. J’ai bien aimé mes virées à Montréal quand même. Une ville vivante dans mon souvenir.
— Il y a vraiment de drôles de coïncidences dans la vie. Nous avons croisé un homme de Montréal dans l’ascenseur de l’hôtel tout à l’heure, dit Emma en caressant son verre du bout des doigts.
Ian continuait de dévorer Emma du regard. Charlotte n’était pas dupe et ressentait que la tension était palpable entre lui et son amie. Elle se dit que c’était le moment de laisser le couple seul. Elle but, en une simple gorgée, ce qu’il restait dans son verre, puis se leva.
Le groupe se mit à jouer une chanson qui lui fit penser brièvement à un ancien amant qui l’écoutait souvent à l’époque où ils partageaient le même lit. Elle sourit en songeant à la danse ridicule, censée l’impressionner. Ils s’étaient laissés quelques semaines après. Il désirait s’investir, tandis que Charlotte ne voulait pas passer ce cap.
— Je vais me chercher un autre verre et je ferai le tour du bar pour me trouver des amis, dit-elle en se levant.
Emma lui lança un regard qui la suppliait de ne pas l’abandonner seule avec Ian, mais elle l’ignora complètement et prit la direction du bar. Ian suggéra à Emma d’aller marcher sur la plage et elle accepta. La lune était pleine et son reflet s’étendait sur l’océan, bleu comme la nuit. C’était une soirée très douce. Elle était chaude, mais pas suffocante comme elle se rappelait en avoir connu souvent ces derniers étés. Malgré le coucher du soleil, l’obscurité n’était pas fraîche. Il régnait une légère humidité qui réchauffait l’air. Ian prit instinctivement la main d’Emma qui ne s’esquiva pas ni n’eut de mouvement de recul face à son geste. Il lui semblait presque naturel d’ailleurs de sentir sa main dans la sienne, même s’ils étaient de purs étrangers.
— Que fais-tu dans la vie ? Parle-moi de toi, dit soudainement Emma pour briser le silence tout en continuant d’avancer dans le sable.
Ian était près d’elle. Elle inspira et respira son odeur. Il s’agissait d’une fragrance épicée et sucrée à la fois qui remplissait ses narines de délice. Elle était attirée par lui. Impulsivement. Sans contrôle aucun, son corps allait vers lui, tandis que sa tête le lui refusait. Un violent combat avait lieu en son for intérieur.
Charlotte lui avait fréquemment rabâché qu’elle songeait trop et qu’elle ne profitait pas assez du moment présent. Elle lui répétait d’ailleurs très souvent cette phrase pleine de sens : « Nous n’avons qu’une seule vie à vivre ! Carpe diem ! » Emma était consciente qu’elle avait raison, mais c’était ancré en elle. Elle ne possédait pas l’impulsivité de son amie. Elle avait besoin d’agir comme elle ce soir et de procéder sans penser aux conséquences du lendemain. Peut-être était-ce l’endroit qui lui donnait envie de faire des folies, elle ne savait pas. Elle avait toujours été trop sérieuse de toute façon ; ça, c’était un fait.
— Ma vie n’est pas du tout intéressante. Je peins. Je veux dire que j’expose des peintures dans une petite galerie de Brooklyn, mais je ne suis pas connu. Je suis persona non grata. J’habite New York, dans un très grand loft près de Times Square. Je fais de la peinture abstraite, mais je gagne ma vie en peignant des maisons. C’est ironique quand on y pense. Je suis un artiste raté. Parle-moi de toi, Emma. Tu m’intrigues.
— Je ne suis pas une artiste. J’ai un parcours traditionnel et conventionnel. J’ai fait des études en traduction et je gagne ma vie en traduisant des livres de l’anglais vers le français ou l’inverse. Rien de bien créatif. Rien de super passionnant non plus. Je vis dans un petit appartement sur le plateau que je paie deux fois trop cher pour l’espace que j’y possède. J’ai un locataire avec qui je partage ce territoire, Barney, mon chat siamois. Voilà, en gros, ma vie.
Elle avait ri en évoquant son fidèle ami à quatre pattes. Ian sourit aussi. Il buvait ses paroles avec assiduité. Il était facilement séduit par les femmes. Il les aimait toutes, sans exception. Les blondes, les rousses, les brunes, les noires, les petites, les grandes, les minces, les rondes. Par contre, celle qui se trouvait devant lui possédait quelque chose en elle qu’il cherchait depuis toujours. Il ne parvenait pas à mettre le doigt sur ce qu’elle arrivait à allumer en lui. Il était lucide et savait que c’était plus qu’une attirance physique. Il n’avait pas l’intention de coucher avec elle un soir et de l’oublier par la suite. Il voulait apprendre à la connaître. La posséder, autant de corps que d’esprit.
— Tu as un petit ami ?
Emma rougit et détourna les yeux.
— Non. Personne.
Sa réponse le soulagea. Il arrêta de marcher et offrit à Emma de s’asseoir un instant face à la mer pour admirer les étoiles et, ainsi, profiter du moment présent. Emma prit place en premier. Le sable s’infiltrait dans ses escarpins et sous sa robe, rendant la position inconfortable.
Cette sensation lui rappela le temps où son père bossait dans une carrière dans son village natal. Il l’avait emmenée, avec son frère Tommy et sa sœur Lizzie, et ils avaient été amusés dans les pics de sable. Elle s’était enfoncée un peu trop profond dans le sable et son père avait dû interrompre son travail pour venir la sortir de là, sous les cris de Lizzie, totalement effrayée, tandis que Tommy faisait le brave en tentant d’aider son père. Billy Tyler l’avait grondée d’avoir désobéi, alors qu’il leur avait interdit d’aller y jouer quelques minutes plus tôt. C’était la dernière fois où elle avait osé jouer les rebelles. Son père était la douceur incarnée, mais quand il levait le ton, il fallait écouter.
Puis, Emma songea à Charlotte qu’elle avait laissée seule au bar et se sentit coupable. Ce sentiment disparut rapidement au moment où elle se rappela toutes les occasions où sa meilleure amie lui avait fait le même coup. Elle était bien avec Ian. Il était gentil. « Il n’est peut-être pas un tueur en série finalement », pensa-t-elle en souriant.
— Je suis content de savoir qu’il n’y a personne, dit-il après un moment.
— Ha oui ? répondit Emma en regardant le profil de l’homme.
— J’ai eu l’impression de te connaître depuis toujours lorsque je t’ai frappée avec ce stupide ballon et que je suis venu m’excuser.
Il s’arrêta de parler et tourna son visage vers la jeune femme avant de poursuivre :
— Je ne veux pas que tu me prennes pour un psychopathe. Notre rencontre est encore toute fraîche. Pourtant, avec toi, je me sens comme un bateau qui a retrouvé son port d’attache. Je n’arrive pas à l’expliquer. Je ne comprends pas ce que je ressens lorsque je suis avec toi. Quand tu t’es retournée vers moi cet après-midi, que j’ai posé mon regard sur toi... j’étais... j’avais besoin de te revoir. De te parler. De te connaître.
Emma avait retenu son souffle et tentait d’assimiler ce que Ian venait de lui dire. Elle aurait souhaité lui répondre la même chose, mais les mots n’arrivaient pas. Ils restaient coincés dans sa gorge. C’était trop rapide pour elle. Elle n’avait jamais rencontré un homme qui parlait si librement de ses émotions et s’avoua qu’elle trouvait cela particulièrement vibrant et légèrement effrayant également. Sa timidité légendaire était un frein pour s’exprimer.
— Je suis bien avec toi. Moi aussi.
C’était tout ce qu’elle arriva à répondre. Ian pencha la tête vers sa compagne et approcha son visage du sien. Il hésita un instant, mais sa bouche couvrit celle d’Emma presque aussitôt. Emma frissonna de désir lorsque les lèvres de Ian touchèrent les siennes. Sa langue se fraya timidement un chemin pour caresser la sienne. Il avait un goût de bière, mélangé à de la menthe. C’était agréable et doux. La main de Ian frôlait maintenant la joue de la jeune femme. Elle trouva son geste tendre.
Emma partageait le même sentiment que le jeune homme. Elle avait aussi l’impression de le retrouver et qu’ils se connaissaient depuis longtemps. Elle osa se demander si c’était cela qu’on appelait des âmes sœurs. Des âmes qui avaient été séparées lors de leur incarnation et qui avaient comme mission de se rejoindre. Puis, elle mit un frein à son imagination. Leurs âmes s’étaient reconnues, mais elle trouvait cela beaucoup trop rapide. Ce n’était qu’un baiser et elle n’avait pas été embrassée de la sorte depuis déjà un bon moment. Tous ses sens étaient en alerte. Ian l’étreignait avec plus d’empressement et ses caresses se firent de plus en plus entreprenantes. Elle l’encouragea. Puis, ses mains se posèrent sur sa taille. Emma finit par le repousser délicatement.
— Je ne coucherai pas avec toi ce soir, dit Emma doucement, mais fermement.
Ian était déçu, mais n’en laissa rien paraître. Il voyait que c’était sans appel. Il caressa les cheveux de la jeune femme. Il la trouvait magnifique et avait une envie irrésistible de se perdre dans son regard vert. L’effet que cette femme lui causait était bien plus que physique. Emma s’approcha de nouveau de Ian et prit l’initiative de l’embrasser. Elle pourrait avoir une aventure avec Ian. C’était facile. Mais ce n’était pas dans sa nature et elle savait qu’elle le regretterait. C’était Charlotte l’experte des coups d’un soir. Pas elle. Cependant, elle était tentée de faire une entrave à ses valeurs. Juste une fois.
— J’ai envie de tout connaître de toi, Emma. Entièrement. Totalement.
— Bon. Par où commencer ?
***
Charlotte choisit un des tabourets au comptoir pour s’asseoir. Elle prit son téléphone et écrivit un court message à son amie pour lui dire qu’elle allait rentrer à l’hôtel et l’inviter à bien profiter de sa promenade avec son prince charmant américain. Pour une fois, c’était elle qui avait décroché un rendez-vous avec un homme.
— Madame Riopel, c’est bien cela ? demanda un individu derrière elle, en français.
Charlotte leva la tête et reconnut Gabriel, l’homme dans l’ascenseur. Il était un peu « trop habillé » comparativement aux autres personnes présentes dans l’établissement, mais il ne semblait pas s’en soucier outre mesure. Elle sourit et pencha la tête légèrement à gauche.
— Gabriel Jones ! Décidément, le monde est vraiment tout petit ! répondit Charlotte en rigolant.
— Très petit. Et, de plus, je ne vous ai même pas suivie ! plaisanta-t-il en levant les mains pour sa défense.
— Par chance ! Je n’aurais pas souhaité me sentir traquée, rétorqua-t-elle en riant de nouveau.
Emma avait raison. C’était un homme très séduisant. Surtout lorsqu’il souriait, il possédait un charisme impressionnant dont elle soupçonnait qu’il n’était pas conscient. Il demanda s’il pouvait s’asseoir sur le tabouret vide à côté d’elle et elle accepta avec plaisir. Un peu de compagnie lui ferait du bien et, surtout, quelqu’un qui parlait la même langue qu’elle.
— Votre amie vous a laissé tomber ?
— Non. Elle est avec l’homme qui lui a donné rendez-vous ce soir. Je crois qu’ils marchent sur la plage ou font autre chose, répondit-elle en faisant un clin d’œil à Gabriel.
Il sourit en comprenant l’allusion que venait de faire la jeune femme. Il trouvait Charlotte très divertissante et c’était particulièrement rafraîchissant, après avoir passé deux jours avec des confrères médecins qui parlaient de sujets délicats liés à leur profession. Charlotte observa de loin le chanteur du groupe qui s’avançait dans leur direction.
— Vous êtes ici pour affaires ou plaisir ? demanda Gabriel après avoir commandé une bière.
— Affaires. Je suis rédactrice pour le Style Magazine. Vous ? Plaisir ?
Il rit. Elle lui lança un regard amusé.
— Non. Boulot. Si j’étais ici pour le plaisir, je n’aurais pas l’air autant coincé que maintenant, dans mon habit de croque-mort.
Charlotte fit la forme d’un O avec sa bouche, surprise par ce qu’il venait de dire. Elle arrivait très peu à cacher ses émotions, tellement elle était expressive.
— Vous êtes embaumeur ?
Elle n’aurait jamais imaginé qu’il puisse pratiquer un métier aussi morbide.
— Non. Médecin. Je préfère aider les vivants. C’est toujours plus apaisant pour l’âme de sauver une vie. Trouviez-vous vraiment que j’avais une tête de croque-mort ?
Charlotte mit son poing sur son menton et l’observa quelques secondes, l’air pensif.
— Juste un air trop sérieux, je dirais.
Une main se posa sur l’épaule de Charlotte. Elle se retourna et vit le chanteur du groupe, qui se produisait sur la scène depuis le début de la soirée, et qui s’adressa à elle.
— Allo, moi, c’est Ryan.
Son regard brun, presque noir, cherchait celui de Charlotte qui fuyait.
— Et moi, c’est « pas intéressée », répondit-elle aussitôt en lui tournant le dos pour revenir vers Gabriel avec qui elle conversait.
Le jeune homme rit nerveusement. Peu habitué à se faire rembarrer de la sorte. Il fut piqué au vif et trouva soudainement la situation excitante.
— Je suis l’ami de Ian. C’est bien toi, Charlotte ?
— Oui, c’est bien moi. Écoute Bryan...
— Ryan. Pas Bryan...
— Peu importe, je discute avec ce monsieur, ici présent. Un gentleman de mon patelin. Je trouve vraiment impoli de ta part de venir interrompre notre discussion, expliqua-t-elle dans un anglais approximatif que Ryan trouvait charmant.
Gabriel assistait à la scène, tentant de dissimuler le sourire qui s’affichait, malgré lui, sur son visage. Il restait toutefois muet. Il ne voulait pas se mêler de cette histoire. Il trouvait Charlotte très intéressante et avait trouvé ça dommage que l’individu coupe court à leur conversation.
— Je vais bientôt partir, dit Gabriel, voyant que le musicien insistait.
— Votre bière est à peine entamée, fit remarquer Charlotte en pointant du doigt la bouteille de l’homme.
— Je ne veux pas qu’il y ait de bisbille...
Charlotte éclata de rire. Elle ne connaissait pas Ryan et n’avait aucunement envie de le connaître. Elle était persuadée que Ian avait demandé à son copain de lui tenir compagnie pendant qu’il tenterait, probablement, de séduire sa meilleure amie. Et Charlotte n’avait nullement besoin de compagnie. C’est elle qui désignait les hommes qu’elle fréquentait. Ce n’était sûrement pas eux qui la choisissaient. Elle aimait se convaincre de ça. C’était une femme orgueilleuse, elle le savait. C’était son droit.
Elle avait décidé, lors de sa première rupture amoureuse, vers l’âge de quatorze ans, qu’aucun autre homme ne lui ferait de la peine comme elle en avait eu. Elle se comporterait comme eux, même si la majorité de la gent féminine condamnait son attitude et ses agissements. Elle sentait que, au-delà de cette promesse, elle avait un blocage et se protégeait de l’amour.
— Je ne dois rien à ce type puisque je ne le connais pas, dit Charlotte après que Ryan ait rebroussé chemin.
— Une femme avec du caractère et qui sait exactement ce qu’elle veut ! Bravo ! s’exclama Gabriel.
Charlotte posa son coude sur le comptoir du bar et appuya son menton sur la paume de sa main tout en fixant Gabriel sans rien dire. Après un moment, il se mit à rire, gêné.
— C’est la première fois que je rencontre un médecin qui n’est pas vieux ni ennuyant. Alors, j’essaie de me rappeler que c’est possible de tomber sur de jeunes médecins comme dans Grey’s Anatomy, lança Charlotte avant d’éclater de rire.
C’était plus fort qu’elle, elle aimait séduire. Peu importe qui en était la victime.
— Je vais prendre cela comme un compliment. Vous devriez traîner plus souvent à l’hôpital, il n’y a pas que des versions proches de la retraite qui travaillent avec moi, répondit-il en jouant avec sa bouteille.
— Non ! Ça ne me plaît pas vraiment cette idée... J’évite les hôpitaux quand je ne suis pas malade, c’est plein de microbes.
— Votre copine, c’est un type qu’elle connaissait d’avant, ce rancard ? demanda curieusement Gabriel pour faire dévier la conversation.
Charlotte leva les yeux sur son compagnon de fortune, son intuition avait parlé. Son attention pour Emma l’avait piquée au vif. Elle se demanda si sa question était vraiment désintéressée, car, de tous les sujets, ce fut sa meilleure amie qui vint sur le tapis.
— Non, nous l’avons rencontré cet après-midi, sur la plage...
— Est-ce que c’est prudent de la laisser se balader seule avec un inconnu ?
Charlotte fit un clin d’œil à Gabriel, en faisant tourner son verre et la glace qu’il y avait dans le fond, puis plongea son regard dans celui du médecin.
— J’ai la nette impression que vous êtes faits pour vous entendre tous les deux... Elle n’a pas cessé de me rebattre les oreilles de sa crainte qu’il soit un tueur en série...
— Et elle y est allée quand même ?
— Je l’ai peut-être poussée un peu... Et puis, il faut vivre le moment présent. Carpe Diem ! C’est tout.
Gabriel but en une seule gorgée le reste de sa bouteille et se leva. Il avait décidé de rentrer à l’hôtel. Il devait se réveiller tôt le matin suivant. Même s’il était habitué à dormir de courtes périodes, il était plus raisonnable de profiter de ce moment pour se reposer.
— Je vous raccompagne à l’hôtel ? demanda-t-il poliment.
— Pourquoi pas ? répondit Charlotte.