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Candice marchait en titubant, soutenue par Emma qui l’aidait à avancer. Elle se demanda pendant un instant dans quel pétrin elle s’était ramassée en désirant jouer la sauveuse. Elle n’avait pas osé envoyer un message texte à sa meilleure amie pour l’enjoindre de venir à la rescousse. Elle ne souhaitait pas que Charlotte découvre le désolant spectacle que sa patronne offrait. La jeune femme lui avait déjà avoué qu’elle avait une certaine admiration pour Candice, et elle ne voulait pas gâcher l’image qu’elle pouvait en avoir. De plus, pour l’orgueil de Candice, elle savait qu’il était préférable qu’aucune de ses employées ne puisse la voir dans un état si lamentable.
Emma avait appelé un taxi pour revenir à l’hôtel, même si ce dernier était proche. Elle avait eu droit à toutes les étapes d’ivresse de Candice. Elle s’était confiée, presque dépressive, sur ses enfants qui avaient mal tourné. Elle avait aussi parlé de son mari qui la trompait, sans même s’en cacher, avec des femmes plus jeunes que lui, et qu’il avait une liaison suivie avec une de ses assistantes. Candice craignait qu’il finisse par la laisser pour cette « putain », comme elle l’avait surnommée. Emma n’avait pas imaginé une seule seconde que sa soirée se serait passée ainsi, à jouer les psychologues de fortune pour une riche femme d’affaires. Elle éprouvait de la sympathie pour celle qui, derrière une épaisse carapace, cachait une personne blessée, meurtrie et qui avait eu une vie complexe, malgré tout l’argent qu’elle possédait.
Candice s’était montrée sous son vrai jour. Dans toute sa vulnérabilité et sans finesse. Emma ne pouvait que respecter cette audace, encouragée par l’alcool. L’ivresse était devenue une béquille pour elle. Une manière comme une autre de fuir la réalité qui devenait trop difficile. Sous cette façade froide et forte se cachait une âme blessée. Une femme ayant une soif irrémédiable d’être aimée. Qui n’avait pas besoin de l’être ? Emma était la première. Pourtant, comme cette femme qui portait un masque pour éloigner les gens d’elle, elle faisait tout ce qui était possible pour que les personnes ne s’approchent pas trop. Charlotte était l’une des rares qu’elle acceptait dans son cercle restreint. Elle ne tenait aucune relation pour acquise.
— Quel est le numéro de votre chambre ? demanda Emma en entrant dans l’ascenseur.
— Eh bien... wait a minute. It’s... ho... I think...
Candice, appuyée sur Emma, fouilla dans son sac à main et en sortit sa carte à puce qu’elle lui tendit. Emma constata qu’elle n’était pas au même étage qu’elle et composa le bon chiffre correspondant au niveau de la chambre de Candice. Emma entraîna Candice dans le couloir jusqu’au numéro 349 et y glissa la carte à puce. Lorsqu’Emma en ouvrit la porte, elle remarqua que ça ressemblait davantage à une suite qu’à la chambre minuscule que Charlotte et elle partageaient. Elle aurait dû y penser, qu’avec ses moyens financiers et son statut, elle se payait du luxe.
— Vous voilà arrivée à destination, dit doucement Emma, en poussant Candice à l’intérieur de la pièce.
— Merci beaucoup, murmura la femme.
— Est-ce que ça va aller ?
La femme sourit à Emma, puis la prit dans ses bras et la pressa contre elle pendant quelques secondes avant de l’embrasser sur la joue et de s’éloigner. Son haleine empestait l’alcool, ce qui fit grimacer Emma.
— C’est OK, Emma, finit-elle par répondre en trouvant la direction du lit, impeccablement fait, pour s’y coucher, tout habillée.
Emma s’approcha pour s’assurer une dernière fois que la femme était correcte, mais elle ronflait déjà. Elle tira sur une des couvertures et la posa sur Candice qui entrouvrit les yeux pendant quelques secondes avant de les refermer, sourire sur les lèvres. Emma alla déposer le sac à main de Candice sur un fauteuil situé dans le coin de la pièce. Elle se dirigea ensuite vers la sortie et éteignit la lumière avant de quitter l’endroit immédiatement. Elle s’appuya contre le mur après avoir composé le numéro de son étage. La porte se referma, et elle ferma les yeux jusqu’à ce que l’ascenseur s’arrête et laisse entrer Gabriel Jones. Malgré la fatigue apparente sur son visage, il fit un sourire chaleureux à Emma.
— Les deux Québécoises, c’est ça ? dit-il avec un petit rictus en coin qui fit fondre la jeune femme.
Emma hocha la tête positivement et lui rendit son sourire. Il se souvenait d’elle et lui avait même adressé la parole, ce qui n’avait pas été le cas lors de leur brève rencontre du matin. Elle était touchée.
— Grosse soirée ? demanda-t-elle timidement en continuant de lui sourire.
— Oui. Qui aurait pu dire qu’un séminaire était encore plus épuisant que de faire vingt-quatre heures à l’urgence ? réagit-il, sur un ton moqueur.
— Vous êtes médecin ?
Il allait répondre lorsque l’ascenseur fit un drôle de bruit et s’arrêta soudainement dans sa descente. Emma fut propulsée malgré elle vers Gabriel et le poussa involontairement contre le mur à sa gauche. Elle bredouilla quelques excuses, humant au passage la fragrance fraîche et vive qu’il dégageait, fortement agréable à ses narines. Son odeur fit remonter en elle l’image d’un professeur de français du secondaire qui portait un parfum similaire et pour qui elle avait eu un béguin passager. Emma s’écarta rapidement de l’homme. Confuse.
— Ça va ? demanda-t-il soucieux.
— Oui, surprise, mais ça va. Je pense que l’ascenseur nous a lâchés, répondit Emma en s’empourprant.
Gabriel prit le téléphone rouge d’urgence et composa le numéro de service pour aviser de la panne. Ils échangèrent quelques phrases, puis il raccrocha.
— Je crois que l’on risque de passer un long moment ensemble, dit-il avant de poursuivre : c’est un nouveau à la réception et il semblait complètement perdu. Il va appeler pour avoir une assistance immédiate.
Emma respira doucement. Elle tentait de rester calme malgré la panique qui montait en elle. Se retrouver dans un endroit fermé et sans aucune issue la rendait un peu nerveuse.
— Avec de la chance, c’est peut-être une toute petite panne...
— Je l’espère. J’ai un avion à prendre très tôt demain matin pour retourner chez moi. Non pas que je ne sois pas heureux d’être coincé ici avec une aussi charmante demoiselle, dit Gabriel avec un sourire enjôleur.
Emma rit malgré elle à sa remarque, mais préféra garder le silence. Elle s’imagina, devant son agilité, qu’il était un coureur de jupons. Elle ressentait toujours ce malaise à être bloquée dans une pièce sans fenêtres et sans aucune issue possible. Elle imita Gabriel quand il décida de s’asseoir par terre et d’utiliser son téléphone pour consulter ses courriels. Emma entendit la sonnerie du sien et se mit à fouiller au fond de son sac à main pour le retrouver, sortant au passage quelques éléments étranges qui n’avaient pas pour habitude d’être dans le bagage d’une femme, sous l’œil amusé de son compagnon. Lorsque, finalement, elle mit la main sur son portable, elle remarqua un message texte laissé par Ian qu’elle s’empressa de lire. « Désolé pour ce soir. Une urgence. Mes pensées étaient avec toi. Bisous. » Emma grimaça sans s’en rendre compte.
— Mauvaise nouvelle ?
— Non, du tout. Quelqu’un qui m’a posé un lapin et qui s’excuse.
— Mieux vaut tard que jamais, je suppose. Ce n’est pas très gentil de faire poireauter quelqu’un.
Emma maintint son regard sur Gabriel. Elle le trouvait très agréable à contempler et, à l’opposé de Ian, il affichait un genre beaucoup plus sérieux. Il revêtait un habit noir. Il avait détaché les trois premiers boutons de sa chemise et dénoué son nœud papillon. Un très bon signe que sa soirée était terminée. Emma fixa un moment la petite cicatrice qu’il portait à son front. Une ligne droite, à l’horizontale, au-dessus de son œil gauche. Elle se demanda réellement comment il avait pu se la faire. Elle supposa que c’était probablement aussi en jouant au hockey. Ce qu’elle trouvait hilarant, car elle ne savait même pas s’il s’intéressait à ce sport ou l’avait pratiqué. Emma éprouvait un immense bonheur à imaginer des histoires. Non pas qu’elle habitait dans un monde parallèle, mais c’était dans son caractère de se faire des romans qu’elle finissait par coucher sur papier. Pour le plaisir d’inventer des anecdotes et de créer des personnages plus vivants que nature.
— Je crois aux secondes chances, rétorqua Emma en retournant son regard vers son téléphone pour lire le deuxième message qu’elle avait reçu.
— J’y crois aussi. La vie nous offre souvent plus d’une occasion, mais régulièrement, ce sont les gens qui ne savent pas en faire un bon usage, répondit-il. Puis il décida de changer de sujet : comment va miss Riopel ?
Il posa son téléphone à côté de lui.
— Charlotte ?
Emma ressentit une petite pointe de jalousie jaillir en elle. C’était routinier pourtant. Les hommes se souvenaient constamment de Charlotte. Ils lui demandaient habituellement son numéro, s’ils avaient la moindre chance, ou si elle fréquentait quelqu’un. Quand bien même elle aimait beaucoup sa meilleure amie, parfois ça devenait pesant. Elle aurait aimé piquer autant l’intérêt des hommes. Par contre, elle était consciente que son amie dégageait une aura de sexe, de plaisir sans prise de tête et c’était souvent tout ce qu’un homme normalement constitué voulait. Dans ce domaine-là, elle était toujours gagnante. Emma savait aussi que la force de Charlotte pouvait être une faiblesse. Elle-même était plus effacée, plus discrète, mais visait des relations plus sérieuses et ne faisait pas un concours sur le nombre d’amants qui défilaient dans son lit.
— Oui, Charlotte. Nous avons passé un agréable moment ensemble hier soir. Elle a réussi à m’amuser avec sa vivacité d’esprit et son humour...
Emma soupira et posa son téléphone tout près d’elle, tout en levant les yeux vers Gabriel. Il attendait, l’observant minutieusement.
— Je présume qu’elle va bien. Du moins, elle allait bien la dernière fois que je lui ai parlé. Vous voulez que je vous file son numéro, je suppose ?
Emma savait que Charlotte acceptait les numéros et donnait rarement le sien.
Les mots étaient sortis dans un mouvement expéditif, sans qu’elle ne puisse les filtrer au préalable. Gabriel prit un air perplexe et plongea son regard, maintenant amusé, dans celui de sa compagne d’ascenseur. Il comprenait facilement qu’il avait touché une corde sensible, malgré lui.
— C’est gentil de votre part, mais non. Lorsque je veux celui d’une fille, je le lui réclame directement. Je ne suis pas un adolescent, les femmes ne me font pas peur. Est-ce que vous avez un copain ?
Gabriel observait Emma plus intensément. Il sourit lorsque son regard se posa sur sa bouche, légèrement pulpeuse, qui faisait une drôle de moue boudeuse. Il comprit que c’était causé par l’irritation de lui avoir demandé des nouvelles de Charlotte. Il s’était renseigné poliment pour meubler une conversation entre deux inconnus obligés de partager un si minuscule espace. Même si les deux femmes devaient être très proches, il avait deviné qu’il existait une infime rivalité entre elles. Charlotte avait réussi à vivifier son attention la veille, mais il trouvait Emma beaucoup plus attirante et intéressante. Elle avait un aspect mystérieux et sérieux qui correspondait mieux à sa propre nature. Elle dégageait quelque chose de plus profond, de moins superficiel, qui l’incitait à vouloir en apprendre un peu plus sur elle. Elle semblait aussi le rejoindre davantage dans sa personnalité que Charlotte.
— Non, je n’ai pas de petit copain.
— Vous avez quel âge ?
Emma rit brièvement. Gabriel ne put s’empêcher de comparer son rire à une douce mélodie.
— Vous ne saviez pas qu’il ne fallait pas poser cette question à une dame ? réagit-elle en feignant la sévérité.
— Je suis vraiment impardonnable. Je suis également très curieux, dit-il en levant les deux mains dans les airs et en plaisantant.
— Vous avez quel âge ?
— Trente-neuf printemps bien comptés.
Le téléphone de Gabriel résonna au même instant et il répondit à la deuxième sonnerie. Il se mit à parler en anglais et Emma se leva pour ne pas sembler écouter la conversation. C’était pratiquement inévitable dans un espace aussi restreint. Il raccrocha au bout de deux minutes. Gabriel, en homme qu’il était, laissa reposer ses yeux sur les fesses bien rebondies de la femme et sur sa taille fine et bien définie. Il imagina très bien ses mains se planter dans le creux de ses reins, mais chassa rapidement les images de sa tête. Il était fatigué et ce n’était pas du tout son genre de s’abandonner à ce type de pensées dans ce scénario. Ça ne l’empêcha pas d’admirer la poitrine de la jeune femme qui était mise en valeur par la camisole en V qu’elle portait.
— Tout à l’heure, vous avez vaguement suggéré que vous étiez docteur ?
— Oui, je suis spécialiste du cœur, répondit-il en détournant son regard.
Il était gêné par le contexte. Emma ne le laissait pas indifférent et il avait peur qu’elle puisse deviner l’effet qu’elle provoquait chez lui. Il se releva et retourna vers le téléphone d’urgence pour obtenir un suivi de la situation. Sa main frôla celle d’Emma lorsqu’il passa près d’elle et il se sentit troublé au fond de lui. Emma regarda l’homme et s’imagina pendant un instant glisser ses doigts dans sa chevelure épaisse. L’envie d’être Charlotte, pour un soir, monta en elle. Une aventure sans conséquence durant un voyage d’affaires. Pourquoi se mettait-elle autant de barrières ? Elle ne le savait pas. Gabriel avait raccroché le téléphone brusquement et semblait irrité. Il leva les yeux vers elle et lui donna des explications, tentant visiblement de se faire rassurant.
— Ils n’arrivent toujours pas à redémarrer l’ascenseur. Ils disent qu’il y a un bris mécanique hors de leur contrôle. Ils vont faire l’essentiel, mais nous allons nous retrouver dans le noir. Ils vont couper l’électricité le temps d’envoyer quelqu’un faire les vérifications nécessaires.
— Quelle chance ! maugréa Emma en se rassoyant et en prenant son téléphone pour écrire à Charlotte afin de lui expliquer la situation.
Gabriel s’installa aux côtés de la jeune femme, le regard toujours fixé sur elle, même si la lumière était maintenant éteinte et qu’il faisait noir. Son portable vibra dans sa poche et il le sortit pour le poser près de lui. Sa main frôla de nouveau celle d’Emma qui avait fait la même chose avec le sien. Leur respiration était à l’unisson. Gabriel prit les devants, se risquant à faire un geste d’approche. Il posa sa main sur celle d’Emma et elle la serra au lieu de la retirer. Elle sentait son visage se rapprocher du sien. Gabriel s’arrêta à quelques centimètres de sa figure, comme s’il attendait une permission, puis il embrassa la jeune femme qui n’opposa aucune résistance. Elle répondit à son baiser avec ardeur. Avec passion. L’instant était magique. Emma avait complètement oublié Ian et Charlotte. Elle en avait oublié l’endroit où elle était. Elle profitait simplement du moment présent. Carpe Diem. Le présent que la vie lui offrait. Le baiser que Gabriel lui donnait ne pouvait se comparer à rien de ce qu’elle avait pu vivre précédemment. Il lui transmettait un désir qu’elle n’avait jamais connu. Emma huma l’odeur de Gabriel tandis que ce dernier embrassait son cou, lui procurant des milliers de fourmillements dans le bas de son ventre. Tout son être pétillait d’exaltation et elle avait la nette impression que le temps s’était arrêté. Le seul bruit qu’elle pouvait entendre était le battement de leurs cœurs qui avaient le même rythme.
Emma ne pouvait pas chercher son regard dans l’obscurité, elle lui sourit comme s’il pouvait la voir. La situation était excitante. Elle pouvait comprendre le frémissement que vivait Charlotte. Elle eut une pensée pour Pierrot Lafortune, un ancien camarade de classe avec qui elle avait fait l’amour à l’arrière de sa voiture, dans le stationnement d’un centre commercial, aux petites heures de la nuit. Elle devait avoir 18 ans. C’était le seul instant de sa vie où elle avait pris le risque de se faire surprendre. Ce n’était pourtant rien comparativement à ce moment. L’extase était à son comble, elle ne se possédait plus. Elle reporta toute son attention sur Gabriel et sur ses caresses, par-dessus ses vêtements, qui lui procuraient des milliers de frissons. Elle gémit tandis qu’il passa sa main sous son chandail et qu’il effleura son ventre du bout des doigts. Gabriel faisait monter la tension et savait que frôler sa peau, si douce, l’aidait dans sa tâche. La respiration d’Emma s’accéléra radicalement lorsqu’il faufila ses doigts dans son pantalon, lentement, pianotant timidement à la recherche d’un point sensible pour elle.
Emma entreprit de déboutonner le pantalon de son compagnon et de faire glisser sa fermeture éclair, tout en continuant de l’embrasser à pleine bouche. Elle hésitait lors de ses mouvements. Gauchement, elle put parvenir à ses fins. Elle se souleva un peu à l’instant où il fit descendre son propre pantalon et sa petite culotte d’une main qui était plus adroite que la sienne.
— Tu te sens bien ? C’est d’accord ? murmura Gabriel en regardant la jeune femme de très près.
Tous les deux ne se voyaient pas beaucoup dans l’obscurité quasi totale. Cette situation devenait encore plus excitante, car ils devaient user de différentes options, toutes aussi attrayantes les unes que les autres, pour se faire plaisir et se découvrir. Gabriel pouvait apercevoir légèrement sa silhouette, mais uniquement cela, tellement l’endroit était sombre. L’électricité étant complètement coupée, ils n’avaient pas d’autre alternative pour le moment, et c’était peut-être mieux ainsi pour cette nouvelle expérience à tous les deux.
Le temps s’était arrêté. Gabriel agissait comme le gamin qu’il avait déjà été. C’était tellement loin maintenant. Il se trouvait dans un ascenseur, dans les bras d’une magnifique inconnue rencontrée par hasard dans ce même ascenseur. Une femme qu’il trouvait trop belle pour lui. Qui semblait porter en elle une vulnérabilité et une force qui le troublaient. Il avait rarement été un amant, mais, plus généralement, il avait été un amoureux. Il ne comprenait pas ce qui se produisait et s’en balançait un brin. Les derniers mois avaient été éprouvants pour lui sur le plan sentimental, et il ne pensait pas qu’il aurait pu connaître une passion plus souvent décrite dans les bouquins qu’il avait lus que vécue dans sa propre vie.
— Tout est parfait, répondit-elle en souriant.
Si elle avait pu se regarder dans un miroir, le reflet qu’il lui aurait rendu aurait montré un visage sûrement rougi par l’excitation du moment. Gabriel fouilla dans les poches de son pantalon, puis en sortit son portefeuille. Il cherchait un préservatif. C’était plutôt difficile dans l’obscurité totale et il eut l’idée de prendre son téléphone pour éclairer un peu son champ de recherche.
Emma, près de lui, caressait le bas de son dos et ses fesses, tout en embrassant son épaule. Il n’était même pas certain qu’il avait un condom, mais un sourire s’afficha sur son visage tandis qu’il trouva ce qu’il cherchait. Malheureusement, son sourire s’effaça tout aussi rapidement lorsqu’il vit la date d’expiration indiquée sur l’emballage.
— Merde, souffla-t-il en anglais.
Emma se pencha, attrapa son sac à main et fouilla directement dans une petite pochette fermée par deux boutons dans le fond, pour en sortir un préservatif qu’elle tendit à Gabriel. Elle en avait toujours avec elle. Elle sourit en pensant à ceux périmés de son amant, qui trahissaient son manque d’expérience dans les aventures d’un soir. Gabriel saisit celui qu’elle lui offrait et l’aida à se relever. Il prit sa bouche dans la sienne tout en caressant sa poitrine et sa taille. Il poussa tendrement Emma contre la cloison et plaça le préservatif. Emma se retourna, dos à lui, s’appuyant solidement contre le mur tandis que Gabriel mit ses deux mains autour des hanches de la jeune femme qu’il tenait fermement, puis il la pénétra éperdument d’un seul coup. Les deux amants s’unirent dès lors dans une passion éphémère qui resterait probablement marquée dans chacune de leurs mémoires.
Emma et Gabriel s’étaient abandonnés à leur pulsion, en sortant de leur zone de confort. Pour une nuit, ils devenaient l’opposé de ce qu’ils étaient habituellement, et c’était parfait ainsi. Ils se donnaient l’un à l’autre sans promesse d’un lendemain. Emma laissa Gabriel la maîtriser et mener la danse pendant un moment. Ses mains expertes se promenaient un peu partout sur elle, découvrant des endroits encore inexplorés et faisant naître en elle des sensations qu’elle n’avait jamais connues. Elle se perdit dans les bras rassurants et protecteurs de son amant. Elle chassait toutes pensées qui remontaient en elle en lien avec ce qui allait arriver, pour se concentrer sur l’ici et maintenant.
Gabriel, quant à lui, avait trouvé en Emma ce qu’il avait cherché probablement toute sa vie : un abri. Il savait qu’il ne devait rien espérer de cette aventure, mais il avait l’impression qu’il avait retrouvé une partie de lui qu’il avait égarée depuis déjà trop longtemps. Il se sentait comme un bateau qui retournait au port après une interminable absence. Emma représentait le phare qui le guidait et qui lui permettait de revenir s’amarrer. Son pied marin l’avait quitté et il ne désirait plus qu’une chose, là, tout de suite. : jeter l’ancre.