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La sonnerie du téléphone retentit dans tout l’appartement. Emma, le corps enroulé dans une grande serviette blanche, sortit de la salle de bain pour aller prendre l’appel. Elle était surprise du son que faisait son appareil, qu’elle ne reconnaissait pas. Elle se demanda quand elle avait pu le changer.
— Oui, bonjour, répondit-elle poliment.
Il y eut un bref silence au bout du fil avant qu’une voix féminine qu’elle ne connaissait pas lui dise :
— Qui est-ce ?
— Emma.
— Emma ? J’ai pourtant bien composé le numéro de Gabriel Jones. Est-ce que je peux lui parler ?
— Gabriel ? Mais, qui êtes-vous ?
La femme, impatiente, lui répondit assez sèchement.
— Alyssa Gilbert. Je suis son épouse.
Emma raccrocha immédiatement sans rien ajouter lorsqu’elle comprit qu’elle avait en sa possession le téléphone de l’homme. Elle était rentrée du New Jersey depuis deux bonnes heures et avait tout de suite mis son mobile sur la charge pour faire un suivi des appels qu’elle avait manqués. Elle ferma complètement l’appareil pour que les demandes puissent aller directement dans sa messagerie et pour éviter d’en recevoir d’autres. Elle prit son téléphone fixe et composa son propre numéro. Elle finit par entendre sa voix après la sixième sonnerie et raccrocha.
Son visage était inondé de larmes maintenant et elle était secouée par la révélation qu’elle venait d’avoir. Elle respirait difficilement, cherchant son air. Elle sentait sa poitrine oppressée. Elle songea alors à son aventure avec le médecin et à la femme avec qui elle avait parlé. Elle était en proie à une crise d’angoisse. Elle composa alors le numéro de Charlotte. C’est sa voix ensommeillée qui lui répondit.
— Charlotte. Je crois que j’ai fait une bêtise.
— Emma ? Ça fait deux heures qu’on est revenues. Tu ne peux pas avoir eu le temps de faire une si grosse sottise ? Si ?
Emma renifla et Charlotte réalisa qu’elle sanglotait. La dernière fois qu’elle avait pleuré, c’était quand ce stupide informaticien l’avait laissée tomber, il y avait déjà trois mois. Emma n’était pas quelqu’un qui démontrait facilement ses émotions, à moins que ce ne soit vraiment important et qu’elle soit dépassée par les événements.
— Je peux venir chez toi ?
Charlotte regarda son réveil-matin électronique qui indiquait douze heures cinquante.
— Oui, par contre, il faut que je passe au bureau vers quinze heures.
***
Emma faisait de grandes enjambées d’un bout à l’autre du salon de Charlotte, les bras dans les airs, un papier mouchoir dans la main droite, la boîte de mouchoirs dans celle de gauche. Son regard était rougi par les larmes qui continuaient de couler sur ses joues. Charlotte observait son amie qui semblait en état de panique, mais qui n’avait encore rien exprimé sur la raison de sa condition.
— Vas-tu enfin me dire ce qui s’est passé ?
Charlotte s’énerva après un moment.
— Tu sais quand je suis restée prisonnière de l’ascenseur, commença-t-elle en s’installant sur le sofa en face de Charlotte.
— Oui, l’avant-dernière nuit, avant notre départ. Avant-hier. Difficile de l’oublier... Ce n’est pas comme si ça faisait un an...
— En fait, je ne t’ai pas tout dit à propos de cette soirée-là. Dans sa totalité, à vrai dire. Elle a été bizarre du début jusqu’à la fin.
Charlotte observait son amie jouer avec un fil imaginaire. Emma avait déposé un mouchoir en boule sur la table ronde qui trônait au centre de la pièce. Charlotte attendait, de plus en plus intriguée par l’histoire qui tardait à venir.
— Accouche, Emma. Je dois partir dans une demi-heure et je ne sais toujours pas ce qui est arrivé de si dramatique...
— J’ai couché avec Gabriel Jones. Je l’ai FAIT !
Charlotte s’esclaffa, bien malgré elle, devant l’aveu de son amie. La situation était amusante, en dépit de tout, car Emma agissait comme si elle avait commis un péché capital, sans remise de peine si elle se faisait prendre. Puis, Emma poursuivit :
— Ne ris pas. Ce n’est pas drôle du tout. J’ai son téléphone. Il a le mien. Je me suis aperçue de la méprise ce matin tandis que la sonnerie a joué un air que je ne connaissais pas, et lorsque j’ai répondu, c’était son épouse au bout du fil. Sa FEMME !
Puis, Emma fondit de nouveau en larmes, effondrée, avant de se lancer dans un résumé approximatif de l’événement vécu dans l’ascenseur avec le médecin. Charlotte avait cessé de rire, même si le contexte l’amusait toujours. Elle comprenait que, dans l’esprit de sa meilleure amie, il était impossible d’avoir eu une aventure d’un soir et de découvrir, deux jours après, que l’homme avait une épouse. Que Gabriel Jones fût marié pouvait la traumatiser. Elle sourit à son amie et tenta d’être rassurante.
— C’était un coup d’un soir, Emma. Tu le dis toi-même, vous n’aviez pas l’intention de vous revoir. Il n’a sûrement pas voulu casser l’ambiance en avouant qu’une madame Jones patientait à la maison. Tu n’as rien fait de mal, mon amie. C’est lui qui a négligé de t’informer de ce détail. C’est sa propre conscience à lui. Toi, tu n’avais personne à la maison qui t’attendait. Tu n’as rien fait de mal, dit Charlotte qui regarda l’heure et poursuivit : je dois vraiment partir. Candice m’attend pour quinze heures. Viens avec moi, nous allons passer au bureau et, ensuite, nous irons prendre un café.
Emma baissa les yeux pour évaluer les vêtements qu’elle portait. Un ample chandail gris, beaucoup trop grand, dont le col, trop large, laissait voir la bretelle épaisse de sa camisole blanche ainsi que son épaule dénudée. Elle avait mis un legging noir et de petites espadrilles de course roses. Ses cheveux étaient attachés en queue de cheval et elle ne s’était pas maquillée avant de partir. Elle faisait peur. C’était le constat auquel elle arrivait.
— Tu as remarqué mon air ?
— Oui... j’ai aperçu...
— Tu travailles pour un magazine de mode. Tu me vois débarquer avec ce LOOK-LÀ ?
— Allez, amène-toi. Tu connais déjà les filles et ma patronne. On ne fait que passer. Si tu découvrais l’accoutrement de certains mannequins quand elles déboulent pour des séances photo. Elles ont à peu près le même style que toi. Il y a longtemps que j’ai compris que le maquillage et Photoshop faisaient des miracles sur certaines de ces filles. T’es mignonne comme ça. Naturelle !
Emma suivit Charlotte à contrecœur. Cette amie avait un look impeccable à tout moment. Elles se rendirent aux bureaux de Style Magazine qui se situaient dans un édifice commercial et qui occupaient une partie du dernier étage de l’immeuble. La réception avait été confiée à un homme, ce qu’Emma avait trouvé amusant pour un magazine féminin. Il sourit à Charlotte et salua poliment Emma lorsqu’il l’aperçut. Et, comme l’avait indiqué son amie, il ne porta même pas attention à la façon dont elle était habillée. Charlotte conduisit Emma dans son bureau et poursuivit son chemin jusqu’à celui de Candice qui n’était pas très loin.
Sa patronne avait la tête baissée, concentrée à lire un dossier et elle retira ses lunettes de lecture lorsque Charlotte frappa à sa porte. Elle lui fit signe d’entrer, se leva et lui remit un gros cartable rouge. Elle gardait un visage neutre de toute émotion. Les employés s’amusaient souvent à la surnommer entre eux « la femme Robot ».
— Merci Candice. Je vais bosser là-dessus pendant le week-end.
— Je serai absente la semaine prochaine, je m’envole pour Paris. Il y a aura un défilé important. J’aurai accès à mon téléphone et à mes courriels en tout temps.
— Parfait. Je vous souhaite un agréable voyage. Est-ce qu’il y avait autre chose ? Je vais repartir, Emma m’attend dans mon bureau...
Candice leva la tête, subitement concernée.
— Elle est avec toi ?
Charlotte trouvait son intérêt soudain désagréable et suspicieux.
— Oui, dans mon bureau... Donc, lorsque j’aurai terminé de travailler sur...
— Je vais aller la saluer.
Charlotte, surprise, lança un regard en coin à sa patronne. Ce n’était pas son genre d’être aussi polie, d’autant plus qu’elles s’étaient quittées seulement au matin et venaient de passer trois jours toutes ensemble. Qu’est-ce que tout le monde avait à s’intéresser autant à Emma depuis quelque temps ? se demanda Charlotte. Candice se dirigea d’un pas feutré, mais sûr, vers le bureau de Charlotte qui la suivait en vitesse. Cette dernière sourit en songeant à l’habillement de sa meilleure amie comparativement à celui de Candice, et à son embarras.
— Bonjour, Emma, dit Candice en souriant à la femme qui gribouillait n’importe quoi sur une tablette de papier sur le bureau de Charlotte.
Emma passa machinalement une main dans ses cheveux pour les replacer. Souriant distraitement à la femme, un juron traversa son esprit quand elle l’aperçut, se remémorant la soirée durant laquelle cette dernière était ivre morte. Elle se dit que son air ne devait pas être si désastreux que ça.
— Bonjour, Candice, répliqua doucement Emma.
— On dirait que vous avez pleuré. Est-ce que ça va ?
Emma se releva de sa chaise et posa un regard sur Charlotte, qui grimaçait, puis reporta son regard sur Candice qui la dévisageait, comme à son habitude.
— Quelques petits ennuis, rien de bien grave. Je suis fatiguée ; cependant, ça va. Un bon petit café et une jasette avec Charlotte devraient me permettre de relaxer !
Charlotte ne comprenait pas vraiment depuis quand Candice se préoccupait des larmes d’une autre personne qu’elle-même, et était complètement intriguée par la situation.
— J’espère que ce n’est rien de bien sérieux.
Emma avait envie d’étrangler Charlotte parce qu’elle l’avait emmenée ici. Elle se voyait très mal expliquer à la femme en face d’elle l’aventure qu’elle avait eue sans le savoir avec un homme marié. Surtout après les confidences que Candice lui avait faites à propos de son mari infidèle. Elle tenait quand même à la vie. Elle se contenta de hocher la tête pour lui signifier que tout était sous contrôle.
Son look de fille habillée en mou n’avait pas échappé à l’œil de Candice, mais elle n’émit aucun commentaire. Elle gardait un sourire sur ses lèvres, sans rien dire, tandis qu’un malaise se créait face au silence qui s’était installé entre elles.
— Bon, nous devons partir, Candice. Bon week-end ! dit Charlotte en ramassant ses clefs sur son bureau.
— Emma, je serai à l’extérieur du bureau la semaine prochaine, mais je voudrais bien déjeuner avec vous en quinze pour parler d’un projet. Mon assistante vous contactera. Bonne fin de journée.
Emma dut se déplacer de côté pour passer entre Candice et l’encadrement de la porte, frôlant la femme au passage. Elle n’avait pas jugé bon de se pousser pour la laisser traverser. Charlotte attrapa la main de son amie pour l’attirer avec elle vers la sortie, toujours sous le regard inquisiteur de Candice.
***
Charlotte avait choisi d’emmener Emma dans une brûlerie près du métro, qui était moins fréquentée en jour de semaine et où elle allait souvent quand elle travaillait. Elles avaient gardé le silence pendant la courte distance qui les séparait du bureau. Charlotte avait commandé un cappuccino, tandis qu’Emma avait opté pour un grand chocolat chaud, enrobé de crème fouettée.
— C’était quoi ça ?! finit par s’exclamer Charlotte à Emma qui la regarda sans trop comprendre.
— Quoi ?
— La scène que Candice nous a faite au bureau ? Je ne l’ai JAMAIS vue comme ça. Ce n’est pas une femme sympathique pour le plaisir de l’être.
Emma but dans sa tasse de chocolat chaud, laissant une trace de crème fouettée au-dessus de sa lèvre supérieure, qu’elle fit disparaître avec le bout de sa langue.
— Je suis soulagée que tu aies vu ça. Je croyais que c’était moi qui imaginais des histoires dans ma tête.
— Qu’est-ce que tu veux dire ? Elle est toujours bizarre comme ça avec toi ?
Emma déposa sa tasse, contempla pendant quelques secondes par la baie vitrée les gens qui marchaient sur le trottoir bondé et reposa son regard sur son amie.
— Le soir où j’ai eu ma petite histoire avec Gabriel... Avant ça, je l’ai croisée au bar. Elle était seule, je suis allée la saluer, elle m’a invitée à rester avec elle pour le reste de la veillée, j’ai accepté. Je me sentais coupable de la laisser seule là-bas. Elle était tellement ivre qu’elle avait de la difficulté à marcher...
Charlotte avait les yeux remplis de points d’exclamation. Elle était captivée par le récit d’Emma. La discussion s’annonçait totalement croustillante. Elle s’en voulait presque d’être demeurée à l’hôtel ce soir-là et d’avoir manqué tout ça. Elle comprenait maintenant qu’il n’y avait rien de plus ennuyant que la sagesse !
— J’aurais payé cher pour la voir en perte de contrôle, sourit Charlotte.
— Je l’ai ramenée à sa chambre, elle a été très bavarde d’ailleurs... Beaucoup trop d’informations à la suite de cette soirée-là.
— Raconte-moi.
Emma plongea son regard vert dans celui de son amie.
— Non, ce ne serait pas bien envers elle. Elle m’a demandé de rester discrète sur certaines choses... Tu sais, nous avons chacun nos faiblesses. Nous devons les apprivoiser, les accepter et apprendre à vivre avec tout en choisissant de s’améliorer et de travailler sur soi. J’ai eu droit à une nouvelle facette de sa personnalité. Celle que vous ne connaissez probablement pas.
— Je déteste la fidélité que tu démontres pour les autres quand tu pourrais tout me raconter, rugit Charlotte avant d’éclater de rire.
— Dis-moi, est-ce que tu as déjà entendu des commérages au sujet de Candice ? Sur des aventures ou autres ?
Charlotte leva les yeux vers le plafond pour réfléchir à tous les trucs qu’elle avait entendus sur sa patronne, cherchant quelque chose qui aurait pu avoir du sens ou pas ? Elle savait qu’elle ne pouvait pas demander à son amie quel genre de rumeur, car elle ne lui répondrait pas.
— Il y en a beaucoup, mais jamais rien de confirmé. Tu sais, dans le domaine où nous évoluons, tout le monde a couché avec tout le monde, mais finalement il n’en est rien. C’est tellement facile d’imaginer, de raconter et ensuite de laisser aller la machine à rumeurs. Pourquoi me demandes-tu ça ?
Emma n’osait pas lui confier l’épisode qu’elle avait vécu avec Candice dans la cage d’escalier. C’était probablement un événement isolé. En même temps, elle se questionnait réellement.
— J’aurais aimé confirmer ou infirmer certaines choses.
— Raconte-moi et je te dirai ce que j’ai appris...
— Bien tenté, mais non. J’ai découvert une femme vraiment seule, derrière tout son succès sur le plan professionnel. Jure-moi de ne jamais laisser le travail t’avaler tout entière.
— Je te le promets. Tu sais, Candice a un contrôle absolu sur l’image qu’elle projette. Alors, c’est pour ça que j’ai un peu de difficulté à l’imaginer comme tu me la décris. Ivre et vulnérable. Surtout dans un voyage d’affaires.
— Bon, assez parlé d’elle. Si je te donne le téléphone de Gabriel, est-ce que tu penses que tu peux aller le lui porter et prendre le mien ? J’ai trop honte et je n’ai pas envie de le revoir.
— Tu ne crois pas qu’il faudrait que tu règles ça avec lui directement ?
— J’aurais dû me douter qu’il était marié quand il a sorti le préservatif. Il était expiré.
Charlotte éclata d’un rire si cristallin et fort que certaines personnes assises autour se sont retournées pour la regarder. Elle sourit aux curieux de son sourire le plus sincère et attrapa le téléphone de Gabriel qu’Emma avait déposé sur la table, entre elles. Elle composa le numéro du portable d’Emma. Il suffit de deux sonneries pour entendre la voix d’un homme répondre poliment.
— Voilà comme on se retrouve, monsieur le croque-mort, dit joyeusement Charlotte.
Gabriel sourit en entendant la voix de la jeune femme. Il n’aurait jamais pu oublier la seule personne qu’il avait connue qui lui avait demandé s’il était embaumeur.
— Madame Riopel ! C’est vous qui avez mon téléphone ?
— Oui ! Pouvons-nous faire l’échange ? Je récupère celui d’Emma et je vous rends le vôtre ?
Gabriel était déçu que ce ne soit pas Emma qui lui ait donné un coup de fil.
— Emma est avec vous ?
— Non. Elle avait une urgence chez son père. Elle est à Saint-Barthélemy. Vous savez ce que c’est les urgences, vous êtes docteur...
Emma observait son amie mentir avec tellement d’aisance qu’elle se demanda si elle ne lui avait pas déjà menti par le passé. Charlotte riait et osait même flirter avec Gabriel au téléphone, ce qui la contrariait légèrement. Elle adorait son amie, mais certaines caractéristiques de sa personnalité la choquaient un peu.
— Je suis à l’hôpital, passez maintenant, nous procéderons à l’échange.
Il soupira et Charlotte devina sa déception. Elle savait qu’il aurait préféré revoir sa meilleure amie, mais il devrait se contenter de sa présence à elle. Charlotte raccrocha après qu’il lui ait donné les instructions qui la mèneraient à son bureau. Elle sourit à son amie et lui dit :
— Dirigeons-nous vers l’hôpital. Tu m’attendras en bas, le temps que j’aille le rencontrer. Il a vraiment un accent très séduisant quand il parle français. Tu choisis bien tes aventures d’un soir, mon amie.
— Tellement bien qu’il est MARIÉ. Ne l’oublie pas.
— C’est un détail, ça. Les vieux meubles, ça se pousse !
Charlotte éclata de rire de nouveau lorsqu’elle vit le visage indigné de son amie. Elle aimait provoquer les gens et, avec elle, c’était plutôt facile de gagner le pari.
***
Gabriel discutait avec une collègue médecin lorsqu’il entendit des talons hauts derrière lui. Il se retourna et sourit quand il aperçut Charlotte, l’air taquin, qui brandissait son téléphone, comme un trophée. Il prit celui d’Emma dans sa poche et procéda à l’échange.
— Emma a été très sage, car elle n’est pas allée fouiller dans vos données personnelles. Je la trouve trop respectueuse de la vie privée des gens. Moi, je serais allée voir toutes les photos possibles et tous les courriels. Et je n’ai pas honte de le dire, lança Charlotte en riant.
— Je vais éviter d’échanger mon téléphone avec le vôtre. Comment allait Emma ?
— Fatiguée, mais ça allait bien.
— Vous croyez que je peux la rappeler lorsqu’elle reviendra ?
Charlotte ne fut pas capable de retenir son soupir et prit un moment avant de répondre, cherchant les bons mots. Ceux qui n’étaient pas méchants ou trop vindicatifs. Le médecin était séduisant dans son uniforme d’hôpital autant que dans son habit cravate. Son amie avait visé un beau parti et elle se désolait que la suite des événements ne fût pas à la hauteur de ses attentes.
— Je ne crois pas que ce soit une bonne idée.
— Pourquoi ?
Une infirmière, sortie de nulle part, les avait interrompus, prétextant une urgence avec un patient de Gabriel. Il allait partir quand il revint à la charge avec sa question. Charlotte ferma les yeux et, avant de se tourner, lui lança un regard indigné.
— Parce que votre femme a téléphoné. Emma a eu votre épouse au bout de la ligne.
Charlotte partit à ce moment précis, laissant un homme troublé qui n’avait pas eu l’occasion de répondre et d’exprimer quelle était réellement la situation qu’il vivait.