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Chapitre 10 — Faux pas

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Ian avait suivi son intuition. Il avait agi sur un coup de tête comme il le faisait toujours. Il avait pris son sac à dos, l’avait rempli de vêtements et avait acheté un billet d’avion pour Montréal, à la dernière minute. Sans plan, sans même se demander si Emma allait être en mesure de le recevoir. Il avait juste écouté son instinct. Il était arrivé à un bien mauvais moment, mais il ne regrettait pas d’être venu.

— Si tu as froid, j’ai mis d’autres couvertures sur la sécheuse dans la salle de bain, dit doucement Emma.

Elle lui avait fait un lit de fortune sur le divan. Il avait complètement brisé ses retrouvailles avec Gabriel. Celui-ci n’avait pas été fâché, du moins en apparence. Il avait dit à Emma de régler ce qu’elle devait régler avec Ian et de revenir vers lui quand ce serait fait. Il avait compris que c’était l’homme qu’elle avait rencontré sur la plage le premier soir. Le soir où lui-même avait passé un moment avec Charlotte. Il était perspicace. Il ne savait pas par contre quel lien ils avaient gardé.

Ian attira Emma à lui en attrapant sa main lorsqu’elle marcha près de lui. Elle évitait de le regarder dans les yeux. Il était redevenu un simple étranger pour elle. Même si tous les deux avaient échangé des courriels enflammés, ils restaient dans le domaine du fantasme.

— Pardonne-moi. J’espérais vraiment te faire une surprise. Une agréable surprise, dit-il doucement.

— Je suis heureuse de te revoir Ian. J’aurais seulement préféré que tu m’avises, que j’y sois préparée. Je ne suis pas une artiste comme toi, j’ai besoin d’un minimum de disposition...

— Je serai parti demain, je vais appeler un de mes amis qui vit par ici. Je n’arrive plus à te sortir de ma tête depuis notre rencontre, Emma. Tu es comme une sorcière. Tu m’as jeté un sort et je suis complètement ensorcelé par toi.

Malgré tout le désir qu’elle éprouvait pour Gabriel, elle dut s’avouer qu’elle ressentait un petit quelque chose pour Ian. Ils avaient passé une nuit incroyable tout de même. Il l’avait respectée. Elle s’était ouverte à lui en toute confiance et Ian avait bu ses paroles. Ce n’était peut-être pas aussi puissant qu’avec Gabriel, mais c’était bien là. Elle avait toutefois honte de ressentir quelque chose pour le jeune homme quand elle repensait à ce qu’elle avait vécu avec Gabriel quelques heures plus tôt.

— Je ne suis pas une femme pour toi, Ian...

Il se rapprocha davantage d’elle pour que leurs corps se frôlent. Sa main était constamment sur le poignet d’Emma qui évitait toujours son regard. Elle voulait qu’il relâche son poignet pour ne plus ressentir ce qui montait en elle.

— Laisse-moi le décider par moi-même...

— Bonne nuit, Ian.

Elle osa un regard en sa direction et Ian lui fit un sourire compréhensif. Il était conscient que sa présence avait fait échouer ses plans avec Gabriel. Emma alla s’enfermer dans sa chambre. Après avoir mis sa robe de nuit, elle se roula en boule dans son lit et se mit à pleurer. La déception était très forte pour elle d’avoir dû laisser partir Gabriel, encore une fois. Elle savait qu’elle aurait pu demander à Ian de repartir là d’où il venait, mais elle n’avait pas osé. Elle savait qu’il avait fait tout ce chemin pour elle. Elle n’avait pas eu le courage de le rejeter, connaissant quelles émotions il était possible de ressentir face au rejet. Elle repensa à Gabriel qui n’avait pas tardé à prendre ses affaires et à partir, les laissant seuls tous les deux. Il lui avait dit de ne pas s’en faire, qu’il serait encore là lorsqu’elle aurait réglé cette histoire. Est-ce qu’il la tenait pour acquise en agissant ainsi ? L’idée s’incrusta en elle. Il était tellement facile de s’imaginer des scénarios.

Tout paraissait s’opposer à une possible relation entre Gabriel et elle, alors que les sentiments qu’ils pouvaient éprouver l’un pour l’autre semblaient totalement fous, voire irréalistes. Elle se moucha et sécha ses yeux. Elle verrait avec Ian demain matin quelle tangente adopter. Emma n’avait pas beaucoup de choix. Elle imagina le moment qu’elle venait de passer avec Gabriel et son cœur se serra. Elle se sentait complète avec lui, mais si c’était une illusion ? Trop de questions montaient en elle qui méritaient réflexion.

***

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Emma ouvrit l’œil gauche, puis le droit. Le soleil s’infiltrait par les rideaux entrouverts. Elle entendait de la vaisselle qui s’entrechoquait et du bruit dans la cuisine. Encore embrouillée par sa nuit de sommeil, Emma se ressaisit et se rappela que Ian était arrivé la veille à l’improviste et que ça devait être lui qui bougeait ainsi. Elle attrapa sa robe de chambre rose, dont la poche du devant était décousue et pendait dans le vide, et l’enfila.

— Bonjour, belle au bois dormant, lança Ian qui s’affairait au-dessus des fourneaux.

Il lui fit un clin d’œil complice. Il ne portait qu’un jean bleu, déchiré à quelques endroits, et son torse était nu. Emma n’avait pas besoin de deviner qu’il allait au gym régulièrement, car sa poitrine, ses épaules et ses bras étaient très bien définis. Les pectoraux étaient évidents sur son abdomen. Elle détourna les yeux face à ce spectacle qui venait semer le trouble dans son esprit. Elle s’avoua qu’il était séduisant. Très attirant même. Il avait malgré tout été son premier coup de cœur et ce serait peut-être lui avec qui elle serait allée jusqu’au bout s’il s’était présenté ce soir-là. Non pas qu’elle cherchait à faire l’amour avec le premier venu, mais ils avaient tous les deux des points communs qui n’étaient pas à négliger.

— Tu as fait tout ça  ?! demanda Emma, surprise.

— Barney m’a encouragé avec ses ronrons, je ne suis pas tout seul, tu sais ! répondit Ian en faisant tourner un œuf dans les airs.

Ian avait fait des croissants maison, il avait aussi fait des crêpes et des assiettes de fruits. Un brunch comme elle n’en voyait que dans les restaurants.

— Tu t’es réveillé à quelle heure !?

— Assez tôt, je l’admets. Je voulais payer ma nuit ici. Et me faire pardonner d’être arrivé sans crier gare. Ce n’était pas l’idée du siècle.

Emma s’approcha de l’îlot de cuisine où un café fumant l’attendait.

— C’est merveilleux... Je ne savais pas que tu cuisinais...

— J’ai été aide-cuisinier dans une autre vie. J’ai retenu tous les trucs. J’ai fait ton café comme tu l’aimes. Va t’asseoir à la table et je te sers.

Ian s’approcha d’elle et, en lui prenant l’épaule, il la guida vers la table de la cuisine. Il l’embrassa sur la joue lorsqu’il l’aida à s’asseoir, un réflexe.

— Merci pour ce bon repas, dit-elle doucement.

Ian retourna vers l’îlot, avec le café qu’Emma n’avait pas pris et une assiette remplie de victuailles qu’il posa devant elle. Il retourna sur ses pas, prit son propre repas et son café et s’installa devant elle, de l’autre côté de la table.

— Merci de m’avoir accepté quand même, je ne suis pas certain de le mériter, dit-il, et il poursuivit : j’ignorais que tu avais rencontré quelqu’un... tu ne me l’as jamais écrit.

Emma était consciente que le moment était venu d’expliquer à Ian qui était Gabriel. En même temps, elle savait qu’elle n’avait pas de comptes à rendre à cet homme qu’elle ne connaissait que depuis environ trois semaines. Était-il possible que ce voyage ait rassemblé deux parties de son âme qui étaient disparues ?

— C’était la première fois que je revoyais Gabriel, aujourd’hui, depuis le New Jersey, commença Emma.

— Tu l’as rencontré en même temps que moi ?

— Oui. Le soir où tu m’as laissée en plan, nous avons partagé un ascenseur brisé.

Elle ne souhaitait pas lui raconter tout en détail, car, cette partie, elle désirait la garder pour elle. Candice et Charlotte étaient déjà au courant et c’était bien assez pour le moment.

— Je vois. J’ai vraiment merdé, ce soir-là. Tu ne peux pas imaginer comme je m’en suis voulu, dit-il.

— Les chances que je puisse rencontrer deux hommes capables de me charmer avec la même intensité étaient presque nulles. Pour moi, c’est quelque chose de nouveau et de surprenant. Vous êtes totalement différents tous les deux. Deux mondes complètement opposés, avoua Emma entre deux bouchées.

Ian prit sa main libre. Il savait qu’il devrait la séduire encore plus qu’avec un petit déjeuner. Il sentait que ce Gabriel avait un point d’avance sur lui. Il ne connaissait rien de lui, mais il devinait beaucoup l’impact et l’influence qu’il avait sur elle. Il avait confiance en sa valeur.

— Je n’arrive pas à te laisser me filer entre les doigts. Tant qu’il y a de la vie, il y a de l’espoir, dit-il en plongeant son regard bleu dans celui d’Emma.

Il semblait sincère et convaincu. Malgré elle, une partie d’Emma était séduite par cet homme. Il vivait une vie de bohème et c’était ce côté qui repoussait Emma, mais qui l’attirait tout à la fois. Un artiste qui parlait avec son cœur, qui lui disait ce qu’elle avait besoin d’entendre. Mais elle réalisait aussi que ce n’étaient que des mots, et qu’avec Gabriel le plus intense était les sentiments qui s’enflammaient dès que leurs peaux se touchaient.

— Combien de temps penses-tu rester ici ? demanda Emma en retirant sa main de celle de Ian pour couper sa nourriture.

— Je ne sais pas. Quelques jours. Quelques semaines. Je suis là pour toi, alors, je prendrai le temps qu’il faudra, dit-il en souriant.

Emma se remémora leur premier baiser sur la plage. L’effet qu’il avait eu sur elle l’avait complètement subjuguée. L’image de Gabriel remonta aussi. Elle termina son assiette, alla la glisser dans le lave-vaisselle et ramassa également ce que Ian avait utilisé pour préparer le repas. Il se leva et s’approcha d’elle doucement, comme si elle avait été un animal sauvage qu’il devait apprivoiser. Elle lui faisait dos et il posa ses mains sur ses épaules et glissa sa tête contre la sienne. Emma le laissa faire, ne se sentant pas agressée. Il réduisit davantage l’écart qu’il y avait entre eux. Leurs deux corps étant l’un contre l’autre. Avec sa main gauche, il caressa timidement la tignasse épaisse de la jeune femme. Il remarqua que sa respiration s’accélérait, mais elle ne bougeait pas, n’encourageait pas ses gestes. Elle ne le repoussait pas non plus. Il dégagea son cou de ses cheveux pour y avoir accès et il déposa une multitude de baisers humides sur sa peau douce comme une pêche, mais il devinait que son corps devait commencer à bouillir. Emma se fit violence et s’écarta de Ian sans dire un mot. Elle ne pouvait pas nier qu’il avait encore sur elle un magnétisme assez puissant pour la troubler. Elle prit la direction de sa chambre dont elle ferma la porte et la verrouilla, pour éviter qu’il ne vienne la rejoindre et qu’elle ne cède à ses avances.

Ian était satisfait et fier de lui. Il avait la confirmation qu’il avait toujours une chance de la séduire et que, même si le jeu était plus difficile, il s’avérait possible de la rendre folle de lui. Il était un expert avec les femmes, il allait le prouver encore une fois.

***

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Charlotte ferma la porte du bureau de Candice et alla s’asseoir devant elle pour lui faire face. Sa patronne lui avait demandé de passer la voir pour faire le point sur le magazine à venir. Elle sortit les épreuves photos et les sujets d’articles qu’elles allaient publier dans la prochaine édition. Charlotte posa son téléphone sur le bureau, sur son carnet de notes et son stylo, puis elle se pencha pour observer la maquette, pendant que Candice lui expliquait les détails.

— Ici, ce sera ton texte sur le designer que tu as rencontré lors du voyage... et là, ce sera celui sur le modèle français...

— Hum... oui, je vois...

Le téléphone de Charlotte vibra sur le bureau et l’écran s’alluma assez longtemps pour que Candice puisse apercevoir que le message qu’elle recevait venait d’Emma. Elle lut du coin de l’œil : « S.O.S. Rendez-vous ce midi au café. Dis-moi que tu peux ! ». Charlotte continuait de porter son attention à la maquette, tandis que Candice perdit rapidement sa concentration en tentant de comprendre le sens du message qu’Emma avait envoyé à son employée.

Elle ne savait pas exactement ce qui la poussait autant à vouloir être amie avec la jeune femme. Elle sentait un instinct maternel plus fort lorsqu’elle était avec Emma. Candice avait l’impression qu’elle avait comme mission de la protéger, mais elle avait conscience qu’Emma n’avait pas comme première intention de la laisser entrer dans sa vie. Elle semblait souffrir de certaines blessures de son passé qui n’étaient pas encore refermées.

Charlotte se releva et ramassa son téléphone pour voir qui lui avait écrit. Elle sentait le regard pesant de sa patronne sur elle. Elle se dit qu’elle répondrait plus tard à Emma. Elle savait que, lorsque son amie utilisait le mot de code S.O.S., c’était qu’elle avait vraiment besoin de la rencontrer. Charlotte se demanda si Gabriel ne l’avait pas encore déçue de quelque manière que ce soit. 

— Je me demande ce qui ne va pas avec Emma, murmura Charlotte.

— Qu’est-ce qui se passe ? demanda Candice sautant sur l’occasion.

— Je ne sais pas...

— Demande-lui !

Charlotte leva les yeux vers sa patronne, surprise de son intérêt face à ce que pouvait vivre sa meilleure amie. Elle tourna la langue sept fois, mais ce ne fut pas suffisant. La question lui brûlait les lèvres.

— Quel est cet intérêt pour Emma ?

Candice prit la défensive.

— Je n’ai pas d’intérêt pour elle... voyons... qu’est-ce que c’est que cette histoire... bredouilla-t-elle, visiblement mal à l’aise de se faire poser la question.

— Si tu le dis, Candice. Si tu le dis...

***

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Emma avait donné rendez-vous à Charlotte dans le café qu’elles avaient fréquenté et qui se situait près du bureau de son amie. Elle levait la tête chaque fois que la porte s’ouvrait et était déçue lorsqu’elle réalisait que ce n’était pas son amie, mais quelqu’un d’étranger. Ian avait laissé ses affaires chez elle et était parti voir des copains pour se trouver un endroit pour crécher. Il avait été compréhensif face à ce qu’elle vivait. Du moins en apparence. Elle n’avait pas eu de nouvelles de Gabriel et elle n’avait pas osé lui écrire ou lui téléphoner. Elle le ferait peut-être quand Ian partirait. Son intuition lui disait que le jeune homme n’avait pas l’intention de lâcher le morceau avec elle et qu’il en était bien plus épris qu’elle-même ne l’était de lui.

Son regard se posa sur le trottoir qu’elle pouvait observer à travers la baie vitrée. Elle sourit lorsqu’elle vit enfin son amie Charlotte qui arrivait. Elle avait les mains dans les poches et semblait perdue dans ses propres pensées. Elle la suivit des yeux jusqu’à ce qu’elle entre et lui fasse signe. Elle entoura sa tasse de café fumante de ses deux mains et la souleva pour la porter à ses lèvres tandis que Charlotte tirait sur la chaise pour s’y asseoir.

— Qu’est-ce qui ne va pas ? demanda Charlotte sans plus attendre.

— J’ai passé une extraordinaire soirée avec Gabriel hier...

— C’est fantastique ! Alors, c’était quoi ce malentendu ?

— Il n’est pas encore divorcé, mais il est bien séparé depuis quelques mois. Et elle n’est pas près de revenir, elle est partie avec un autre...

— Vous avez des histoires qui se ressemblent tous les deux...

— Nous nous sommes embrassés. Il me bouleverse...

Charlotte regardait son amie, perplexe.

— C’est quoi le problème, alors ?

— Nous avions terminé de manger. Nous ramassions la vaisselle... et quelqu’un a frappé à la porte. Pendant un instant, j’ai cru que c’était toi, mais...

— Franchement ! Je ne suis pas assez idiote pour aller m’incruster dans une soirée comme la tienne ! Qui était-ce ?

— Ian Mark était là. Il est arrivé sans aviser, pensant que je l’accueillerais à bras ouverts. T’imagines l’audace ? s’exclama Emma qui caressait sa tasse du bout des doigts.

— Il a un de ces culots ! Comment il a obtenu tes coordonnées ? Qu’est-ce qu’il a pu inventer pour débarquer chez toi comme ça ?

Emma baissa la tête. Elle n’avait pas avoué encore à son amie qu’elle avait continué de correspondre avec Ian par courriel et message texte. Pour son adresse, il n’avait pas eu à chercher bien loin, tout est disponible sur Internet maintenant. Et elle n’avait jamais pensé d’inscrire ses informations personnelles sur liste rouge. Après lui avoir expliqué tout en détail, elle plongea son regard dans celui de sa meilleure amie.

— Je ne sais plus quoi faire. Ian a un tel magnétisme sur moi que, parfois, j’ai l’impression qu’il m’envoûte par son simple regard. J’arrive presque à oublier Gabriel, confia Emma.

— C’est vrai qu’il était réellement sexy, ce peintre. Je trouve ça trop étrange qu’il se soit accroché à toi aussi rapidement. Tu es certaine qu’il n’a pas une araignée au plafond ?

— Qu’est-ce que tu veux dire ? Je ne comprends pas.

— Je ne sais pas, je ne le sens pas, cet homme. Quant à Gabriel, j’ai pu échanger avec lui, je l’ai bien aimé. Il était vrai, sincère, tu vois qu’il n’a rien à cacher. Même si j’avoue que nous l’avons jugé dès le début avec l’histoire de sa femme. En même temps, cette femme n’a pas été très sympathique de jouer la carte de l’épouse, alors qu’elle l’avait quitté. Que sais-tu de Ian ?

Le point que son amie souleva était bon. Elle n’avait pas fait de recherches sur Ian. Il lui avait parlé un peu de lui, mais n’était jamais allé bien loin dans les confidences. Ce qui l’avait particulièrement touchée lorsqu’elle avait passé la nuit avec lui, c’était cette bonne oreille qu’il possédait. Ian l’avait fait parler d’elle, de sa relation inexistante avec sa mère, un sujet qu’elle n’abordait jamais, et elle lui avait même confié de ses rêves les plus précieux. Il l’avait écoutée, sans jugements.

— Je ne sais pas grand-chose, hélas. Il ne m’a pas parlé beaucoup de lui, à vrai dire. Le nécessaire, si j’y pense.

— Il a une copine ?

— Non ! Bien sûr que non ! affirma Emma, sûre d’elle.

— Tu lui as demandé ?

— Non. Il en aurait glissé un mot...

— Tu es certaine ? Est-ce qu’il a des enfants ? Est-ce qu’il est sérieux dans son travail ? Il a des frères et des sœurs ? Il a un problème de jeu ?

Emma était décontenancée maintenant. Elle réalisait qu’elle ne s’était jamais posé ces questions à propos de Ian. Elle tenta de se rappeler certains détails qu’il lui avait exprimés à propos de lui.

— Il m’a parlé de son père. Il m’a dit qu’il était mort. Sa mère est fille d’immigrant écossais. Il est enfant unique. C’est un artiste. Il habite à New York. Qu’est-ce que tu fais ?

— J’ai inscrit son nom sur le moteur de recherche de mon téléphone. Il doit y avoir quelques informations sur lui. Il me semble que je t’ai connue plus méfiante que cela, Emma.

— C’est toi qui m’as poussée à aller le rencontrer ce soir-là, dois-je te le rappeler ?

— Je ne sais pas comment tu fais pour te ramasser dans de drôles de situations comme ça. Je ne comprends pas du tout.

Charlotte trouva une galerie qui exposait les œuvres d’un certain Ian Mark. Elle alla consulter la page et reconnut l’homme sur la photo. Sur ce point, il avait exprimé la vérité.

— Il me l’avait dit pour la galerie d’art, riposta Emma en prenant la défense de Ian.

Charlotte montra son téléphone, il y avait un cliché du vernissage qu’il avait donné quelques mois plus tôt. Emma reconnut Ian sur la photo en compagnie d’une blonde, grande et élancée, qui semblait beaucoup plus jeune que lui. Elle lut qu’elle se dénommait Lilly Murphy. Elle ferma les yeux un instant et tenta de se rappeler s’il avait parlé d’une ex-petite amie avec ce prénom.

— C’est sa petite amie, t’as vu comment il la tient contre lui ?

— Il ne peut pas être venu ici s’il était encore avec elle. Quel genre d’homme pourrait faire ça ?

Charlotte éclata de rire malgré elle. La naïveté de son amie lui sautait au visage. Elle se devait de lui rappeler que les hommes n’étaient pas tous des enfants de chœur.

— Il y en a plus que tu ne peux l’imaginer. Certains ont des vies parallèles...

— Je vais lui en parler. De toute façon, nous lui prêtons des intentions qu’il n’a peut-être même pas. Et puis, il n’est pas venu ici pour mon argent. Je vais lui demander ce soir s’il est en couple, mais j’en doute fortement.