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Ian frappa à la porte du logement qui avait pignon sur rue. La route n’était pas passante. Beaucoup plus de piétons que d’automobilistes. Il pouvait entendre la musique qui jouait et c’est pour cette raison qu’il frappa encore plus fort. La sonnette semblait cassée et n’avait produit aucun son lorsqu’il l’avait utilisée la première fois. Quelqu’un ouvrit finalement la porte. Boris Azarov se tenait devant lui, portant sa tuque en laine grise sur la tête et sa camisole sans manches, qui laissait voir ses bras musclés et totalement tatoués. Il portait un diamant sur son lobe d’oreille gauche et son regard profond était noisette sous deux gros sourcils fournis. En apercevant Ian, il lui serra la main et l’attira vers lui pour l’étreindre comme un frère.
— Qu’est-ce que tu fous ici, mec ? demanda-t-il avec un léger accent russe.
— De passage dans la ville, je peux entrer ?
Boris s’écarta pour le laisser entrer et Ian pénétra dans l’appartement. L’endroit était sombre et en désordre. Il se rendit jusqu’au salon, connaissant très bien le chemin. Il osa un regard vers la cuisine où la vaisselle sale s’accumulait sur le comptoir et dans l’évier. Plein de revues et de livres traînaient sur la table de la cuisine, ouverts.
Une jeune femme, grande, mince, avec de longs cheveux blonds, presque blancs, était assise sur un des fauteuils, les jambes dans les airs. Elle ne leva même pas la tête lorsque Ian passa près d’elle pour aller s’asseoir dans le siège près du sien.
— Bonjour, Nastia, dit doucement Ian.
— Va te faire foutre, répondit-elle simplement en ignorant sa présence.
— Laisse-la faire, rugit Boris qui alla fermer la musique, et il continua : elle n’a pas digéré que tu ne lui donnes pas de nouvelles.
Nastia était la jeune sœur de Boris avec qui il partageait l’appartement. Elle avait aussi eu une courte histoire avec Ian qui ne s’était pas bien terminée.
— Je suis désolé, Nastia.
Elle lui fit un doigt d’honneur avec le majeur, tout en glissant des écouteurs dans ses oreilles. Elle avait comme mission d’ignorer l’homme. Ian n’aimait pas qu’une femme le méprise. Il avait besoin que l’attention se porte sur lui. Et en cet instant, il était blessé dans son orgueil.
— Nastia, écoute, j’aurais dû te donner des nouvelles, mais, tu sais, j’ai tellement vécu des moments difficiles...
Elle se leva d’un seul mouvement. Si son regard avait pu jeter des lames de couteau ou des flammes, Ian serait mort sur place.
— Je t’emmerde ! Garde tes conneries pour une autre femme plus naïve que moi.
— Mais...
— Laisse faire, mec. Je connais ma sœur et tu devras être bien imaginatif pour lui faire oublier que tu as foiré, dit Boris en faisant un mouvement de la main pour calmer le jeu.
— Je vais me promener, ça sent la merde ici. Dis à l’hôpital d’appeler sur mon portable, s’il y a urgence. D’accord, Boris ?
Nastia claqua la porte, laissant les deux hommes en tête à tête. Ian balaya l’endroit du regard. Aucune surface ne semblait être libérée d’un objet, d’un livre ou de papiers. Il garda pour lui ses réflexions face au désordre qui régnait. Il savait qu’il n’avait pas à juger.
— Qu’est-ce qui t’amène ici ? demanda finalement Boris, en se roulant une cigarette.
— J’ai besoin d’un endroit pour crécher, mais je ne crois pas que ce soit vraiment possible ici.
Boris éclata de rire avant de lécher le papier à tabac.
— Perspicace. Que fais-tu à Montréal au juste ?
— J’ai rencontré une femme...
— Une femme ? Elle ne peut pas t’héberger ?
Ian soupira. Il savait que son histoire n’avait pas de sens, mais il lui expliqua quand même.
— Je l’ai croisée il y a quelques semaines au New Jersey. Le coup de foudre. Elle venait d’ici. Je suis débarqué, mais voilà, quand je suis arrivé chez elle, elle avait déjà rencontré quelqu’un d’autre...
— Mec, tu t’attendais à quoi ? Encore un coup de foudre ?
— C’est la femme de ma vie... je le sens... je le sais !
Boris hocha la tête et se leva.
— Tu as dit ça de ma sœur aussi, mec. Tu es un éternel amoureux...
— Cette fois-ci, c’est différent. Je sais que c’est elle qu’il me faut.
— Quand tu as ce que tu veux, tu ne le désires plus. Personne n’arrivera à te transformer, mec. Il faut que ça vienne de l’intérieur de toi.
Ian prit une cigarette dans son paquet et l’alluma. Il restait pensif. Il en inspira une bouffée qu’il expira dans un même souffle.
— Elle me donne envie de changer. Je veux changer pour elle, pour moi.
— Alors, t’as laissé Lilly ?
Ian écrasa son visage entre ses mains pour le cacher.
— Non. Elle partait pour quelques jours à Milan. J’en ai profité pour venir ici...
— Tu vois ce que je veux dire, mec ? Règle ça avant de penser conquérir cette déesse de l’amour. Tu lui fais plus de mal que de bien à cette petite. Pour dormir ici, il y a toujours la chambre d’ami. T’es le bienvenu, mec, mais je ne te garantis pas la réaction de Nastia. Suis mon conseil. Résous ta situation avec Lilly.
***
Gabriel prit son téléphone de bureau et composa le numéro d’Emma. Il s’était battu toute la journée pour ne pas le faire et il n’était plus capable de se retenir. La sonnerie résonna trois fois et il allait raccrocher lorsqu’il entendit sa voix réagir. Tout à coup, il trouvait son appel inopportun.
— Emma, c’est Gabriel, dit-il simplement.
Le cœur de la jeune femme s’accéléra. Elle sourit. Ravie d’entendre Gabriel.
— Gabriel. Je suis heureuse de t’entendre, répondit-elle.
— Je sais que je t’avais dit de me contacter lorsque ce serait réglé... mais j’avais besoin d’entendre ta voix. C’est fou, non ?
Il se mit à rire nerveusement. Emma garda le silence quelques secondes.
— Tu as bien fait de m’appeler. Tu es chez toi ?
— À l’hôpital, je commence mon quart de travail. J’en ai pour la nuit. Tu vas bien ?
Emma avait remarqué qu’il contournait la question de Ian. Le sujet devait lui brûler la langue, mais il ne disait rien. Un vrai gentleman, du moins, en apparence.
— Je vais bien. J’ai demandé à Ian d’aller dormir ailleurs. Il n’est pas là présentement.
Gabriel garda le silence. Cette histoire ne le regardait pas et il ne voulait pas se mettre les pieds dans les plats en parlant trop et à travers son chapeau. Emma reprit la parole en voyant son mutisme.
— Gabriel, je suis mélangée.
Elle éclata en sanglots. Ce qui fendit le cœur de Gabriel. Il aurait aimé être près d’elle pour la prendre dans ses bras et la serrer si fort qu’il pourrait recoller tous les morceaux brisés de son âme. Il n’était pas très bon dans ce genre de situation pour trouver les mots justes. C’est d’ailleurs cette facette-là de son métier, celle où il devait annoncer de mauvaises nouvelles tout en étant empathique et rempli de compassion, qu’il avait le plus de difficulté à gérer. Il avait un léger blocage face aux émotions.
— Fais ce que tu crois être le meilleur pour toi, dit-il doucement.
Emma aurait aimé une autre réponse. Qu’il soit moins sage. Même si elle se sentait attirée par Ian, elle savait que Gabriel avait beaucoup d’avance dans son cœur. Elle voulait qu’il se batte pour elle. Qu’il lui dise qu’elle était sa vie. Elle était aussi consciente qu’il s’agissait d’un coup de foudre et qu’ils étaient encore deux inconnus qui avaient partagé un chapitre de leur vie.
— Désolée. Je pleure comme une idiote. Les hormones, je suppose, se plaignit Emma avant de se mettre à rire, passant des larmes au rire, mais revenant aux larmes.
— J’ai une pause de 22 h jusqu’à 23 h. Passe me voir si tu le veux. Je n’aime pas t’entendre pleurer.
Gabriel lui expliqua sur quel étage il se trouvait et où était situé son bureau dans l’hôpital. Emma ne promit rien, car elle ne savait pas. Elle avait envie de s’y rendre maintenant et de se perdre dans ses bras. Elle regarda l’heure. Il était dix-huit heures. Elle n’avait pas revu Ian depuis qu’il était parti retrouver son ami. Sous les conseils de Charlotte, elle était bien décidée à parler avec lui quand il reviendrait. Il le fallait, elle ne savait pas beaucoup de choses à son sujet.
Emma faisait les cent pas dans le salon, caressant de temps en temps son chat, qui s’était échoué sur le divan lorsqu’elle passa près de lui. Ian arriva pendant qu’elle cherchait un livre dans sa bibliothèque.
— Je vais crécher chez mon pote, Boris, annonça Ian en allant ramasser son sac à dos.
Il posa ses affaires sur le pas de la porte, prêtes à être attrapées lorsqu’il partirait, et s’approcha tranquillement d’Emma. Il lui faisait face pendant qu’elle le regardait, sans un mot. Ses yeux étaient remplis de pleurs.
— Désolé, murmura-t-elle avant d’éclater de nouveau en sanglots.
— Hé, tout doux, ma belle ! dit-il en caressant sa joue avec sa main et en l’attirant pour la serrer contre lui.
Emma appuya sa tête contre l’épaule de Ian, ses larmes inondant le tissu de son t-shirt. Elle se sentait tout de même en sécurité contre lui. Emma ne comprenait pas à quel jeu elle jouait.
— Je t’ai déçu, pas vrai ?
Ian renforça son étreinte. Il n’avait pas l’intention de la laisser partir tout de suite. Il désirait profiter de cet instant pour gagner des points auprès d’elle.
— Pas du tout. Tu es une fille intéressante, Emma Tyler, et je n’ai pas encore abandonné la partie avec toi. Je NOUS veux, mais il faut que toi aussi tu NOUS veuilles. C’est complètement irraisonné ce que je ressens pour toi. Depuis le moment où tu t’es retournée après que ce stupide ballon t’ait frappée... j’ai su que c’était toi que j’attendais. Toi, celle qui me sauverait de moi-même...
Il s’écarta légèrement pour prendre son menton et forcer la jeune femme à l’observer dans les yeux. Ian avait cette facilité à jouer avec les mots, à transmettre ses émotions à une autre personne et c’était la carte qu’il venait de sortir. Emma était comme hypnotisée par son regard. Ce regard qui avait la possibilité de le transporter ailleurs, dans son monde de rêve et de fantaisie, qui prenait vie à son contact et qui, surtout, donnait envie d’y croire. Elle n’osait plus lui demander les informations qu’elle voulait avant qu’il arrive. Elle ne parvenait pas à comprendre comment deux hommes aussi parfaits étaient survenus dans son existence au même moment. Elle se demanda si la vie ne lui faisait pas subir un autre test.
— Comment fais-tu... pour trouver les mots justes ?
Ian éclata de rire et pencha doucement la tête avant d’emprisonner les lèvres d’Emma entre les siennes. Elle n’arriva pas à se séparer de son étreinte. Elle n’avait pas la force de le fuir, surtout face à ce contact électrisant. Il était difficile de comparer les deux hommes, car ils se trouvaient à l’opposé l’un de l’autre, et dans tout. Le baiser dura encore pendant quelque temps avant que Ian n’y mette fin, la libérant.
— Il est évident de trouver les mots quand c’est pour une femme comme toi. Dans tes yeux, je puise toute l’inspiration. Ils sont une source inépuisable de bonheur.
Emma se sentit fondre en entendant ses propos. Ian avait une facilité à séduire avec les paroles et avec une attitude attentionnée qui ne la laissait pas de marbre. Il déposa un chaste baiser sur la bouche de la jeune femme et s’écarta. Il se dirigea vers la porte.
— Tu t’en vas ?
— C’est l’heure. Je te quitte pour ce soir. Je réalise que c’était vraiment con de ma part d’être arrivé hier à l’improviste. Je désire te conquérir et je souhaite le faire dans les règles de l’art. Tu es ma destination, mais je ne suis encore qu’au point de départ. Je ne veux pas emprunter de raccourci qui risque de me faire perdre la bonne route pour me rendre à toi.
Ian prit son sac à dos et partit. Emma resta un moment à regarder la porte fermée après son départ. Elle ne savait pas trop comment réagir face à ce qu’il venait de lui dire. Il ne s’avouait pas vaincu et il avait bien la volonté de la faire sienne, coûte que coûte. C’était assez précis comme but et il ne cachait pas ses intentions.
Ce qu’elle ignorait, c’est qu’il avait beaucoup de problèmes à régler. Des portes de sa vie n’avaient pas encore été fermées et il était en train d’entraîner la jeune femme là-dedans sans l’aviser des petits caractères qui se trouvaient en bas de page. Il n’y avait aucune garantie qu’il allait être le prince charmant qu’elle pouvait imaginer.
Emma ferma les yeux et croisa ses bras. Comme si elle étreignait quelqu’un, mais il n’y avait personne devant elle. Tout ce qu’elle vivait en ce moment était étrange. Elle n’avait jamais aimé qu’un seul homme à la fois ou, du moins, avait été attirée par un seul à la fois.
Voilà qu’elle avait fait l’amour avec un inconnu dans un ascenseur et qu’elle était en train d’en tomber amoureuse ou ressentait des sentiments très forts pour lui. Mais, il y avait aussi Ian qui savait faire parler son cœur et arrivait à lui dire ce que son propre cœur avait besoin d’entendre. Elle se rappelait la nuit qu’ils avaient passée ensemble et il y avait de quoi troubler n’importe quelle femme. Avec Gabriel, elle avait l’impression de revenir au pays après avoir erré durant longtemps. Elle se sentait chez elle.
Avec Ian, c’était l’inexploré. Elle se retrouvait en terrain inconnu et une fraction d’elle était excitée par cette facette. Emma sortait des sentiers battus. Elle s’ouvrait à une nouvelle portion de sa personnalité qu’elle n’avait pas encore envisagée. Le seul problème avec Ian, c’est qu’elle n’arrivait pas à le cerner complètement et avait l’impression qu’il lui cachait quelque chose. Cette impression était encore plus forte depuis que Charlotte lui en avait glissé un mot. Son amie s’y connaissait quand même assez bien avec les hommes et elle s’avoua qu’elle était très clairvoyante de ce côté-là.
En même temps, une partie d’elle voulait lui faire confiance aveuglément. Malheureusement, elle était consciente qu’il arrivait souvent qu’elle soit trop naïve. Son ex-amoureux, Patrick, était son meilleur exemple. Elle ne savait pas combien de temps il l’avait trompée avant de la quitter pour sa nouvelle amoureuse. Emma s’était rendu compte, après coup, de tous ces moments où il disait aller avec des amis alors qu’il allait la retrouver, elle. Il y avait eu également ces messages auxquels il ne répondait jamais en sa présence. Et il effaçait aussi toutes les missives qu’il avait échangées avec sa maîtresse, pour être certain de ne pas être repéré. Mais Patrick n’avait pas été la relation qui l’avait blessée le plus. La relation qui avait eu un impact sur les autres était le départ de sa mère dans son enfance, sans explications. Ce rejet qu’elle n’avait jamais réussi à surmonter et qui hantait chacune de ses liaisons.
***
Gabriel regarda sa montre. Il était vingt et une heures cinquante. Il ne s’attendait pas à ce qu’Emma vienne le retrouver. Il ne se sentait pas de calibre à rivaliser contre un jeune bohème qui, en complément, avait une jolie gueule d’acteur. Emma était jeune, plus jeune que lui. Elle était belle. Elle était gentille et douce. Pourquoi perdrait-elle son temps avec un homme qui approchait de la quarantaine et qui, en plus, n’avait pas encore trouvé le moment pour divorcer de sa femme ?
Depuis que son épouse l’avait quitté pour son meilleur ami, il avait beaucoup de difficulté à rebâtir son estime de soi. Il devait également regagner la confiance en l’autre. Cette trahison d’Alyssa l’avait blessé et touché droit au cœur. Il s’était même demandé si c’était envisageable un jour de ressentir quelque chose d’aussi fort pour une femme différente. Puis, il avait croisé Emma. La douce jeune femme était venue faire résonner quelque chose en lui. Une émotion qui l’avait percuté de plein fouet et qui l’avait renversé. Lui, le rationnel et le cartésien, avait envie d’imaginer qu’il était possible d’aimer au premier regard. Que l’âme sœur existait.
Il y croyait jusqu’à ce que Ian débarque chez Emma et qu’il vienne gâcher ces retrouvailles qu’ils avaient eues. À ce moment-là, il avait détesté l’univers qui lui mettait des bâtons dans les roues de cette relation naissante. Deux âmes blessées qui s’étaient trouvées enfin. Gabriel n’avait pas été capable de dire à Emma ce qu’elle voulait entendre, car il ne savait pas exprimer vraiment ses émotions. Il pouvait lui dire, en gros, ce qu’il ressentait, mais il avait de la difficulté à trouver les bons mots. Peut-être par pudeur.
Gabriel consulta sa montre à nouveau. Vingt-deux heures deux. Elle ne viendrait pas. Il retourna à son bureau après avoir regardé la fiche d’un dernier patient. C’était son heure de pause. Il alla chercher son lunch dans son armoire. Il crut rêver lorsqu’il vit qu’Emma était assise dans la salle d’attente, le nez plongé dans un bouquin. Son cœur voulait fendre dans sa poitrine. Elle était venue ! Elle semblait tellement vulnérable. Si fragile, qu’il eut envie de prendre soin de cette femme qui l’avait conquis. Emma leva la tête et sourit à Gabriel. Elle ferma son livre et le mit dans son sac fourre-tout. Elle se leva lorsque Gabriel lui fit signe de la suivre dans son bureau. Il ramassa son lunch qu’il avait laissé sur sa chaise quand il avait vu Emma.
— Je t’emmène dans mon endroit secret... lança mystérieusement Gabriel.
— Un lieu secret ? Tu veux dire que tu as une cachette ultra spéciale ? demanda Emma en le suivant vers l’ascenseur.
Il sourit et attrapa la main de la jeune femme par réflexe. Elle le laissa faire. Elle était heureuse de le revoir et, à son contact, elle oublia presque Ian. Dans l’ascenseur, il appuya sur le bouton du dernier étage de l’immeuble.
— Tu ne dois le répéter à personne, dit-il doucement.
Emma était enchantée par la tournure que prenait cette visite. Elle avait choisi sur un coup de tête de venir rencontrer Gabriel, car elle avait envie de le voir. Elle avait besoin de le voir. C’était vital pour elle et elle ne se l’expliquait pas.
— Croix de bois, croix de fer ! Si je mens, je vais en enfer ! C’est fou comme j’aime les surprises, s’excita Emma.
Lorsque la porte s’ouvrit, Gabriel entraîna Emma avec lui dans un petit corridor assez étroit. Ils montèrent quelques marches, puis il ouvrit la porte qui donnait sur l’extérieur et sortit, toujours en tenant fermement la main de sa compagne.
Ils étaient sur le toit de l’hôpital. Emma s’arrêta en chemin, émerveillée par le panorama qui lui était offert. Comme un ciel étoilé, ils apercevaient les lumières de la ville qui s’étendaient à perte de vue dans la nuit.
— Viens avec moi, dit-il doucement.
Ils firent quelques pas et ils virent un petit coin aménagé avec des chaises et des tables de pique-nique en bois.
— C’est tout simplement magnifique, Gabriel, s’émouvait Emma devant ce spectacle merveilleux.
— Je trouve aussi. Je viens ici prendre ma pause lorsque c’est possible. Je viens méditer ici, parfois, avoua-t-il.
Emma, qui s’assit à côté de Gabriel à la table, posa son regard plein de gratitude sur lui. Ce n’était pas un grand parleur, ses gestes en disaient davantage sur l’homme qu’il était.
— Merci de partager cet endroit avec moi, dit-elle.
Elle était reconnaissante de ce moment. Sans réfléchir et se laissant transporter par les émotions qui la possédaient, elle pencha doucement la tête et embrassa Gabriel sur la joue alors qu’il brassait sa salade avec sa fourchette. Il arrêta son geste et tourna la tête vers Emma qui l’observait, le regard humide et brillant. Il avança la tête et l’embrassa tendrement sur la bouche, elle répondit à son baiser avec timidité. Puis, il se demanda si elle avait embrassé aussi Ian avant de venir le retrouver et il s’écarta, jaloux.
— Est-ce que ça va mieux ? s’enquit-il, faisant référence à leur dernier entretien téléphonique.
— Pas vraiment à vrai dire, mais j’essaie de suivre le courant. Je me dis que si j’écoute mon cœur, je ne pourrai pas me tromper... même si ce cœur est divisé en deux.
— Ian est retourné à New York ?
Il espérait qu’il ait abandonné la partie.
— Non. Ne parlons pas de lui et profitons du moment où nous sommes ensemble.
Gabriel prit la main d’Emma, qu’il serra très fort dans la sienne. Ils échangèrent un regard rempli de sens et de questions face à l’avenir. Ils devaient garder le moment présent en tête.