Une ligne cruciale


Lourenço Marques, juillet 1895

Il s’agissait en fait d’une fausse alerte. En tout cas, les Britanniques affirmèrent que leurs intentions étaient honorables. Leyds, qui n’en pensait pas moins, constata avec satisfaction qu’ils se débattaient dans un imbroglio diplomatique avec Berlin. C’était tout bénéfice pour le Transvaal. Un nouvel arrivant entrait dans le jeu, dont la « puissante Angleterre » se trouvait elle-même obligée de tenir compte. Kruger et lui avaient depuis longtemps placé leurs espoirs en l’Allemagne émergente, et le moment semblait tout indiqué pour s’attacher cet allié de poids.

L’empereur Guillaume II n’eut pas besoin de se faire prier. Il avait depuis peu congédié Bismarck, « le vieux capitaine », pour prendre en mains le gouvernail. Hautain et impulsif, il n’aimait rien tant que la politique de confrontation. « Willy » était un petit-fils de la reine Victoria – qui avait pour descendants la moitié des souverains européens – mais l’appel de l’eau trouvait en lui un écho plus fort que la voix du sang. L’eau des mers du monde, sur lesquelles la Royal Navy régnait depuis longtemps déjà. Il voulait voir l’Allemagne disposer d’une flotte dont elle puisse être fière, et se faire une place au soleil (« ein Platz an der Sonne »), bref, jouer un rôle de premier plan sur la scène politique internationale. Le sud de l’Afrique lui parut offrir un champ de manœuvres approprié.

Ces signaux furent accueillis avec gratitude à Pretoria. L’intérêt du Kaiser pour les affaires du Transvaal n’avait pas échappé à Leyds lors de sa visite à Berlin en janvier 1894. Il avait été reçu avec tous les égards à l’Ordenfest annuelle1 : « l’Empereur s’est adressé à moi deux fois, et l’impératrice une », nota-t-il, ravi. Il fut prié de transmettre les salutations du couple au président Kruger, ainsi que les souhaits qu’il formait pour l’« achèvement rapide de la ligne de Delagoa ». Le fer était chaud, l’inauguration officielle de la ligne de l’Est constituait l’occasion tout indiquée pour le battre : Leyds suggéra au Volksraad de faire – on ne pouvait pas mieux dire – « un peu de battage politique » en « incitant les Pays-Bas et l’Allemagne à se faire représenter par un navire de guerre dans la baie de Delagoa ». Il était prêt pour sa part à accueillir la France, mais elle entretenait, sous le règne de Guillaume II, des relations tendues avec l’Allemagne. Ne furent finalement invités que les pays qui avaient investi des capitaux dans la voie ferrée. L’Angleterre était du nombre, tout comme le Portugal, pays d’accueil. En leur présence, le navire de guerre allemand allait faire encore plus d’effet, expliqua Leyds à Beelaerts van Blokland : c’est « une démonstration qui, pour nous, n’est pas sans signification politique2 ».

Les invitations furent envoyées en juillet 1894. Les festivités devaient se dérouler un an après. Il aurait été possible de les programmer plus tôt, puisque la ligne de l’est allait entrer en service dès le 1er janvier 1895. Mais on se serait trouvé alors au cœur de l’été, période durant laquelle régnait à Lourenço Marques une chaleur malsaine. Avancer des cérémonies mobilisant un tel nombre de hauts dignitaires se serait donc avéré totalement déraisonnable. En outre, on disposait ainsi de plus de temps pour tout préparer. Ce qui n’était pas pour déplaire à Leyds, qui tout en assurant ses fonctions habituelles était, pour l’essentiel, en charge de l’organisation. Sans compter qu’il se considérait comme tenu d’informer de façon précise les nouveaux alliés de la République du statut constitutionnel du Transvaal. La question cruciale était celle de la revendication par les Britanniques de leur souveraineté sur le pays. Selon Leyds, celle-ci était dépourvue de tout fondement depuis la signature de la convention de Londres en 1884. Pourtant, ce maudit vocable s’était remis durant les derniers temps à circuler avec insistance dans les milieux gouvernementaux britanniques. Il envoya plusieurs mémorandums à Berlin, étayés par une documentation officielle, pour convaincre le gouvernement allemand de la normalité de la situation constitutionnelle du Transvaal. Il publia dans les colonnes de la Kölnische Zeitung un article qui reprenait, à destination d’un public élargi et sous une forme plus digeste, ces éléments d’information.

À la façon qui était la sienne, Kruger fit lui aussi le nécessaire pour resserrer les liens avec l’Allemagne – et plus particulièrement avec sa capitale. La spontanéité de la réaction belliqueuse de Guillaume II face aux Britanniques qui menaçaient de s’emparer de Lourenço Marques avait fait du bien au vieux guerrier boer. Quelques mois plus tard, le 27 janvier 1895, il saisit l’occasion de l’anniversaire du Kaiser pour l’assurer de sa gratitude. À Pretoria, pendant un dîner offert par le consul allemand Franz von Herff, Kruger, non content de porter un toast à l’empereur, se lança dans une de ces allégories dont il avait le secret. Le Transvaal était un enfant qui, ayant grandi, ne rentrait plus dans ses habits. L’Angleterre se refusait à lui donner un costume neuf. L’Allemagne, en revanche, avait compris que le Transvaal était en pleine croissance et qu’il avait besoin de vêtements plus grands, adaptés à sa taille. Ce qui en retour avait suscité chez le jeune homme une immense reconnaissance. Cette parabole d’inspiration biblique valut à Kruger, par l’intermédiaire de Beelaerts van Blokland, un télégramme de remerciements de Guillaume II qui l’assurait en même temps de son « soutien constant3 ».

Les relations entre les deux chefs d’État étaient toujours au beau fixe lors des festivités organisées à Pretoria du 8 au 10 juillet 1895. Tous les invités, locaux comme étrangers, partirent ensuite vers l’est dans des trains joyeusement décorés. Ils parcoururent 560 kilomètres à travers le haut plateau, la plaine, avant le clou du spectacle : la mer, Lourenço Marques. Pour Kruger, le moment fut glorieux. Son rêve avait fini par se réaliser. Depuis le début de sa présidence en 1883, il avait mené le combat pour la « Grande Cause ». Burgers, son prédécesseur, avait échoué ; lui avait persévéré. La bataille avait été épuisante, beaucoup avaient perdu courage, mais l’océan Indien, la mer, l’eau du salut étaient là, devant lui. Le Transvaal avait enfin la ligne vitale qui le reliait au monde extérieur. Dans le port paradait un navire de guerre allemand. Un télégramme de félicitations du Kaiser l’attendait à bord. Destiné, comme l’assura Von Herff à Leyds, à « affirmer avec force que l’Allemagne ne permettrait jamais que la baie de Delagoa tombe entre les mains des Anglais4 ».

Ce fut « dans l’ensemble un grand succès », selon l’expression employée par Leyds dans une « sorte de bilan récapitulatif » écrit après les réjouissances. Ce fut aussi sa victoire, le couronnement de sa persévérance. Il n’était pourtant pas dans les meilleures dispositions d’esprit. Il lui avait fallu travailler dur – trop dur même, estimait-il. Depuis un certain temps, il ne se sentait pas en bonne forme, et la santé des siens laissait aussi à désirer. Louise, sujette à de « terribles migraines », était partie, pour se remettre, passer quelques mois à Durban. En son absence, il n’avait pu assister aux deux premiers jours des festivités : son fils « était malade et le médecin lui avait recommandé de ne pas quitter la ville ». Heureusement, Louis s’était rétabli rapidement, si bien que Leyds avait pu, le dernier jour, partir à Lourenço Marques, juste à temps pour pouvoir visiter, en compagnie de Kruger, le croiseur néerlandais Koningin Wilhelmina. Ce ne fut pas un moment particulièrement agréable. Formaliste et attaché comme il l’était aux règles protocolaires, il fut outré par l’apparence négligée des officiers. « [Ils] étaient, bien sûr, en grande tenue, mais certains ne s’étaient pas rasés. Dorénavant, les poils de barbe qui m’avaient si souvent incommodé sur le visage du président ne vont plus me déranger ! » En comparaison, les « gouverneurs, l’amiral et les officiers anglais étaient… infiniment plus convenables »5.

En dépit des tracas de Leyds, la situation financière de la ligne de l’est, désormais opérationnelle, était tout à fait satisfaisante. Depuis le 1er janvier 1895, le Transvaal disposait de sa propre ligne de chemin de fer – si ardemment désirée – vers la mer et de tous les avantages qui y étaient attachés. Sur le plan politique, il était doublement gagnant : outre une voie de communication avec le monde extérieur échappant au contrôle des Britanniques, il s’était allié à une puissance européenne qui avait, semblait-il, la capacité et la volonté de brider les tendances interventionnistes de ces derniers.

Sur le plan économique, les marges de manœuvre dont disposaient les autorités du Transvaal dans le cadre de leurs prérogatives se trouvaient élargies, et la liberté de la NZASM en matière commerciale était renforcée. De plus, en vertu du contrat conclu avec la compagnie des chemins de fer du Cap, Middelberg et ses collègues se voyaient confier, avec effet immédiat, l’administration de la ligne du sud. Les profits de la NZASM montèrent en flèche, et le chiffre d’affaires de 2,5 millions de florins comptabilisé fin 1894 promettait d’être multiplié plusieurs fois l’année suivante. À la clôture de l’exercice 1895, le volume total des transactions se monta en effet à presque 20 millions de florins, dont 4,5 millions de bénéfices.

C’était une somme faramineuse, sur laquelle 3,9 millions de florins revenaient à l’autorité publique, conformément aux dispositions de la concession, qui lui accordaient 85 % du bénéfice net – sans compter les dividendes auxquels, en tant qu’actionnaire principal, elle avait droit. Il avait fallu plus de dix ans pour en arriver là, mais maintenant que les trains étaient en service, l’attente se trouvait largement récompensée. La NZASM constituait une fantastique source de revenus pour les caisses de l’État6.

 

D’un point de vue politique, économique et financier, la ligne de l’est offrait davantage de latitude à la République sud-africaine. Elle représentait un formidable stimulant psychologique pour ses dirigeants – plus particulièrement pour le président et le secrétaire d’État. Depuis des années, l’entêtement de Kruger et de Leyds était brocardé, leur politique de favoritisme à l’égard des Néerlandais fustigée. Les événements leur donnaient raison. Ils s’étaient employés à la création d’une liaison ferroviaire autonome vers la mer, placée entre de bonnes mains, dont les bénéfices profitaient au Transvaal dans son ensemble.

Mais était-ce bien le cas ? Subsistait encore cette enclave exotique, à 50 kilomètres au sud de la capitale. Simple camp de tentes en 1866, comptant à peine dix ans plus tard cent mille habitants, Johannesburg était à présent une métropole en gestation sur laquelle les points de vue divergeaient fortement. Aux yeux de lady Sarah Wilson, une des sœurs de lord Randolph Churchill, c’était une « ville merveilleuse, surtout parce qu’elle était jeune » (« a wonderful town, especially wonderful from its youth »). L’animation des rues, les regards fiévreux, la hâte frénétique des gens lui rappelait l’atmosphère de la City, à Londres. Pour Olive Schreiner, première intellectuelle sud-africaine, ce n’était qu’une « grande ville monstrueuse, un enfer », univers d’apparences vaines suintant la corruption à travers ses palais, ses bordels et ses maisons de jeu7. Et il ne s’agissait là que de femmes du monde. Quant au Boer moyen, il considérait Johannesburg comme une planète lointaine dont l’atmosphère était impropre à la vie humaine.

Kruger aurait préféré qu’il en soit ainsi. Lors de sa première visite à Johannesburg en février 1887, il avait pris en grippe la ville et ses chercheurs d’or. Son opinion ne s’était pas améliorée depuis. Il y était retourné plusieurs fois, mais jamais avec plaisir. Lorsqu’il y était passé en mars 1890 en se rendant à Blignautspont pour y négocier avec sir Henry Loch, un désagréable incident s’était produit. La crise de la pyrite sévissait, et un climat d’inquiétude s’était installé dans la ville jusqu’alors si sûre d’elle-même. Une foule franchement hostile s’était rassemblée qui, dans l’attente de sa venue, avait descendu le drapeau rouge, blanc, bleu et vert du Transvaal, puis l’avait foulé aux pieds, tout en entonnant le Rule Britannia et le God Save the Queen. Un homme moins résolu que Kruger se serait senti menacé. Il en tira matière à parabole. Ces manifestants lui rappelaient un babouin qu’il avait eu autrefois, déclara-t-il à sir Henry une fois arrivé à Blignautspont. L’animal raffolait de lui et ne se laissait caresser par personne d’autre. Jusqu’au jour où, s’étant brûlé accidentellement la queue lors d’un feu de camp, il l’avait attaqué dans un accès de furie. Les habitants de Johannesburg se comportaient ainsi. Ils s’étaient brûlé les doigts en spéculant et s’en prenaient à présent à Paul Kruger.

L’anecdote ne dit pas ce qui était advenu du babouin. Quant à Johannesburg, il apparut bien vite que la ville était définitivement tombée en disgrâce. Mise sous tutelle et exclusion, c’étaient là les seules mesures que Kruger pouvait concevoir pour tenir en bride tous ceux en qui il voyait des « corps étrangers » et des intrus suspects. Il lui fallait aussi temporiser. Jusqu’alors, la loi prévoyait que les nouveaux arrivants au Transvaal pouvaient se faire naturaliser au bout de cinq ans moyennant le paiement d’une somme de vingt-cinq livres. Les adultes de sexe masculin se voyaient octroyer en même temps le droit de vote pour l’élection du président et celle du Volksraad.

Seuls les Blancs pouvaient du reste bénéficier de cette mesure. Contrairement à ce qui se passait dans la Colonie du Cap, aucun droit civique n’était accordé aux Noirs, qu’ils soient immigrants ou autochtones. Il en était de même pour les métis ou les Asiatiques. Comme l’expliquait Leyds au jeune activiste Mohandas Gandhi : « Bien que la culture d’un brahmane soit d’une nature totalement différente, les Cafres ne peuvent saisir cette différence. Pour eux, la distinction est simple : il y a les Noirs et les Blancs8. » Ce n’est que beaucoup plus tard que la discrimination selon la couleur de la peau donna aux Boers des remords de conscience.

En 1890, Kruger estima qu’il était temps d’établir des classifications plus nettes pour distinguer entre eux les groupes de population blanche. Si le mot uitlander (littéralement : « étranger »), désormais passé dans l’usage, était généralement accepté par ceux auxquels il s’appliquait, les nouveaux arrivants allaient devoir redoubler de patience pour pouvoir s’intégrer : la durée de résidence exigible pour obtenir la citoyenneté et le droit de vote fut portée à quatorze ans et l’âge minimum d’exercice de ce même droit de vote à 40 ans. Pour faire passer la pilule, les Uitlanders obtinrent le droit, après quatre ans de présence effective au Transvaal, d’élire leur propre Volksraad. Si les compétences de ce parlement s’étendaient à toutes sortes de questions économiques, il n’était pas habilité à intervenir dans les domaines d’activités stratégiques tels que le système monétaire et bancaire, la fiscalité, les concessions et les communications ferroviaires. Johannesburg n’avait pas droit, à l’époque, à une administration municipale autonome. Les habitants devaient se contenter d’un Comité de santé et d’hygiène, institué en 1887, et au sein duquel le néerlandais était la langue officielle. Le corps de police de la République sud-africaine, désigné en général par l’acronyme ZARP, qui avait été créé spécialement pour la surveillance des champs aurifères, dépendait directement de Pretoria. Il ne recrutait que des burghers, c’est-à-dire des citoyens disposant de leurs pleins droits civiques. Nombre d’entre eux étaient des Boers sans terre, des bywoners, qui avaient en vain cherché fortune à Johannesburg.

Les Uitlanders ne manquèrent pas de réagir. Ils s’organisèrent dès 1892 en fondant la Transvaal National Union, dont ils confièrent la direction à l’avocat Charles Leonard. « Qui a fait le Transvaal ? » (« Who made the Transvaal ? ») interrogea celui-ci lors de la réunion constitutive, en prenant l’assistance à témoin. Qui avait rendu possible le boom économique ? La réponse ne se fit pas attendre : « Nous ! Et pourtant, ils nous considèrent comme de simples “oiseaux de passage”, sous prétexte qu’ils étaient là avant nous. Nous n’avons aucun droit ! » Les protestataires espéraient ainsi changer la donne. Année après année, ils envoyèrent des pétitions rassemblant des milliers de signatures à Pretoria. En pure perte. La seule réaction consista en l’envoi, en mai 1894, à un certain nombre d’Uitlanders d’origine anglaise, néerlandaise et allemande d’un ordre leur enjoignant de se joindre à une expédition punitive contre le chef d’une tribu noire du nord du Transvaal. Cinq « conscrits » anglais qui refusèrent furent arrêtés, condamnés et envoyés sous bonne escorte armée vers un champ de bataille dans le Zoutspansberg.

La National Union les présenta aussitôt comme des martyrs de la cause. Pas de droit de vote ? Pas de conscription non plus alors ! Parmi les Anglais, l’agitation fut grande, et elle se fit sentir jusqu’à Londres. Le ministre des Colonies, lord Ripon, dépêcha sir Henry Loch à Pretoria pour discuter de cette affaire. L’arrivée de ce dernier donna lieu à une péripétie encore plus pénible que celle qui s’était produite quatre ans auparavant à Johannesburg. Dans sa propre capitale, bastion des Boers aux yeux du monde, le vieux président dut endurer le spectacle d’une foule enthousiaste, rassemblée à la gare pour accueillir sir Henry, et acclamant la reine et la patrie. C’était déjà une épreuve en soi, mais le pire survint durant le trajet du cortège vers l’hôtel. Quelqu’un, dans la foule, lança un drapeau anglais dans la voiture présidentielle. Malgré ses coups de canne, Kruger ne parvint pas à en débarrasser ses épaules. Et cette fois, il n’avait pas, pour garder contenance, d’anecdote à raconter.

Le symbole était particulièrement lourd de sens. Mais le problème fut quant à lui levé : Londres avait entre-temps présenté une requête demandant que les ressortissants britanniques n’aient pas à servir dans les commandos boers9. Leyds y était favorable, avant tout parce qu’elle allait nécessairement conduire à une modification de la convention de Londres, dont il pourrait profiter pour obtenir, selon une logique de donnant-donnant, « l’amendement de certaines autres dispositions » – notamment de l’article 4, en vertu duquel les Britanniques prétendaient à la suzeraineté sur le Transvaal. Le Volksraad donna son accord. Dorénavant, les résidents ne disposant pas de droits civiques seraient autorisés à racheter leur obligation de servir dans l’armée10.

Mais aucune réponse n’était apportée au principal grief des Uitlanders : alors qu’ils étaient le moteur de l’économie du Transvaal, ils se sentaient lésés dans leurs droits politiques. C’était le cas des salariés des mines d’or, mais également des employeurs, les Randlords. Ces beaux messieurs s’étaient, eux aussi, organisés, en créant sous le nom de Chamber of Mines (Chambre des Mines d’Afrique du Sud) une association dont le président honoraire – et toujours absent – n’était autre que Kruger. Hermann Eckstein, de la Corner House, fut le premier à en assurer effectivement la direction. Toutes les grandes entreprises minières y étaient représentées. L’ensemble des critiques formulées en son sein se concentrait sur un seul et même aspect de la politique menée par Kruger et Leyds, mais qui en était la clé de voûte : le protectionnisme économique et plus précisément le sacro-saint système des concessions. Pour parer aux besoins liés aux activités d’extraction, les barons miniers se heurtaient à la barrière intouchable des monopoles, des licences et des tarifs. Qu’il s’agisse de main-d’œuvre, d’eau, de vivres, de bois de soutènement, de produits chimiques, d’outillage, de machines et surtout de houille, de dynamite et de transport par voie ferrée, il fallait obtenir le feu vert de Pretoria. Le Rand était à la merci du solide réseau familial et relationnel de Kruger et de ses Hollandais. Les compagnies minières estimaient ne pouvoir s’approvisionner qu’à des prix supérieurs à ceux du marché libre – et elles ne manquaient pas de preuves pour l’établir. L’affaire de la dynamite et les rebondissements qu’elle connut des années durant offrent une bonne illustration des dérives auxquelles cette situation pouvait conduire. Vers la fin de 1887, Eduard Lippert avait repris le monopole des explosifs (plofstowwe) à Nellmapius. La concession autorisait la fabrication de la dynamite mais pas son importation. Il apparut pourtant en 1892 que la Compagnie des fabriques sud-africaines d’explosifs11 (Zuid-Afrikaansche Maatschappij voor Ontplofbare Stoffen) de Lippert importait non pas des matières premières mais le produit fini, qu’elle revendait ensuite aux compagnies minières en réalisant un bénéfice de 200 %. Ce fut un scandale. S’ensuivirent des attaques à boulets rouges contre Leyds et Kruger. La concession fut annulée. Mais, pour Lippert, l’hallali n’avait pas encore sonné. Après d’interminables consultations dans les coulisses du Volksraad, une nouvelle concession fut établie. La Chambre des Mines tenta sa chance, mais Lippert se mit de nouveau sur les rangs et l’emporta, à la stupéfaction quasi générale. La Compagnie des fabriques sud-africaines d’explosifs reconstituée obtint pour une durée de quinze ans le monopole de la fabrication de dynamite, de poudres et de munitions. Ce qu’on ne savait pas encore – mais qui allait à nouveau provoquer quelques années plus tard une intense indignation –, c’est que Lippert avait conclu un marché avec l’un des plus gros producteurs de dynamite mondiaux, la Nobel Trust Dynamite Company, devenu, entre-temps, un groupe germano-britannique. Pour le dire de façon un peu crue, les Randlords s’étaient encore fait avoir12.

Un nouveau choc frontal entre les intérêts d’État du Transvaal et les intérêts commerciaux du Rand ne tarda pas à se produire. Cette fois l’affaire n’opposa pas seulement Pretoria et Johannesburg. La ville du Cap se trouva, elle aussi, directement impliquée. Ce fut même à cause d’elle que tout arriva, lorsqu’en janvier 1895 John Laing, qui avait succédé à Sivewright comme ministre des Travaux publics de Rhodes, déclencha une guerre des tarifs avec la NZASM.

Il n’y avait eu, pendant deux ans, qu’une seule ligne ferroviaire assurant la desserte du Rand : celle du sud, exploitée par la Colonie du Cap, et qui représentait pour celle-ci une véritable manne économique. La ligne de l’est, administrée par la NZASM, entra en service le 1er janvier 1895, et reprit alors sous sa coupe le tronçon transvalien de la ligne du sud, long de 78 kilomètres. Le même scénario devait se répéter pour la ligne du sud-est dont l’achèvement était prévu avant la fin de l’année. Un renversement complet des rapports de force se préparait donc : la NZASM allait avoir tous les atouts en main, et ce d’autant plus que les lignes de l’est et du sud-est bénéficiaient, en raison de leur position, d’une supériorité stratégique évidente : par train, Johannesburg se trouvait à 630 kilomètres de Lourenço Marques et à 770 kilomètres de Durban. Les trois ports de la Colonie du Cap – East London, Port Elisabeth et Le Cap – étaient beaucoup plus éloignés, respectivement à 1 070, 1 150 et 1 630 kilomètres. Laing avait envisagé deux possibilités afin d’éviter que la ligne du sud ne soit écrasée par la concurrence : négocier une part de marché fixe – pouvant correspondre, selon lui, à la moitié du volume global du trafic par rail vers le Rand – ou bien baisser les tarifs pratiqués par la compagnie du Cap.

La NZASM n’était pas favorable à un partage moitié-moitié. Middelberg, son directeur, estimait que Le Cap n’était plus à même d’imposer ses vues. Van den Wall Bake, à Amsterdam, était du même avis : « Il faut déplacer le centre de gravité des discussions, de façon à empêcher les Anglais de peser sur les décisions. Là est notre intérêt essentiel au regard duquel gains financiers et profits représentent des objectifs secondaires. Que nous serons cependant en mesure de satisfaire eux aussi, à partir du moment où nos deux rivaux se seront bien persuadés que c’est nous qui entendons faire la loi. » Après s’être laissé dicter pendant des années leur conduite, les directeurs de la NZASM étaient enfin maîtres chez eux et tenaient à le rester. Ils se refusèrent à offrir toute part de marché représentant plus du tiers du trafic pour chaque ligne13.

Les négociations ayant échoué, Laing changea son fusil d’épaule et se fit l’apôtre de la baisse des tarifs. La réponse de la NZASM tomba sans attendre : augmentation des tarifs sur le tronçon transvalien de la ligne du sud, au moins pour les marchandises provenant d’outre-mer. L’affaire se corsait. L’épisode suivant eut tout l’air d’une reculade : tous les chargements arrivant par train de la Colonie du Cap étaient désormais transférés sur de bons vieux chariots à bœufs dès qu’ils avaient atteint la frontière du Transvaal. Les gués de Viljoensdroef et de Sanddrift leur permettaient de franchir le Vaal et de gagner le Rand. Il en passait chaque jour plusieurs dizaines. Le voyage était long, mais Middelberg avait trouvé là un expédient démonstratif et suffisamment efficace pour inciter le gouvernement du Transvaal à prendre des mesures de rétorsion. Kruger s’y décida et Leyds le soutint. Durant les mois d’hiver, l’eau montait trop haut pour que les chars puissent passer. Sans attendre octobre et la reprise des traversées, Pretoria intervint : à la fin du mois d’août, Kruger annonça qu’à partir du 1er octobre 1895 les gués du Vaal seraient fermés aux marchandises en provenance d’outre-mer.

C’est ainsi que commença la « crise des gués ». Le Cap protesta, de même que Johannesburg qui se vit signifier au même moment le rejet de sa énième requête en faveur de l’octroi du droit de vote aux Uitlanders. Rhodes trouva là l’occasion qu’il attendait pour tenter à nouveau d’unir toutes les forces britanniques contre ces obstructionnistes de Boers. En usant de violence, cette fois. L’idée lui avait été soufflée par sir Henry Loch. Après sa visite mouvementée à Pretoria en mai 1894, le haut-commissaire avait conçu le projet d’un soulèvement parmi les Uitlanders suivi d’une invasion du Transvaal par les troupes coloniales britanniques. Il l’avait lui-même soumis officiellement à Londres, mais lord Ripon, ministre des Colonies, s’y était opposé, le jugeant trop risqué.

En août 1895, les protagonistes n’étaient plus les mêmes. Sir Henry avait été remplacé par son prédécesseur, sir Hercules Robinson, qui avait plus de 70 ans, et dont la santé était chancelante. Rhodes n’avait pas grand-chose à attendre de lui, ni d’ailleurs grand-chose à craindre. En revanche, lord Ripon avait, après les élections, passé la main à un homme politique d’un nouveau genre.

Joseph Chamberlain faisait figure de pièce rapportée dans un cabinet dont le Premier ministre – lord Salisbury –, également ministre des Affaires étrangères, s’était surtout entouré d’aristocrates conservateurs issus de son cercle d’intime et de sa famille. « Joe » Chamberlain était originaire de Birmingham, ville industrielle. C’était un entrepreneur autodidacte qui avait fait fortune dans la fabrication de vis et qui, par ambition, était entré en politique. D’abord maire puis parlementaire aux opinions ouvertement libérales, il s’était opposé au projet d’autonomie irlandaise de Gladstone avant de rejoindre les Libéraux unionistes. Il croyait fermement en l’unité organique du Royaume-Uni et, au-delà, en la mission exaltante de l’Empire britannique. Il n’était donc pas illogique qu’il soit entré dans le gouvernement conservateur de Salisbury.

Chamberlain fut, parmi les ministres des Colonies britanniques, le premier à développer une idéologie impérialiste cohérente. « La race britannique est la plus grande des races impériales que le monde ait connues » : tel était son credo. Et cette noblesse créait, à ses yeux, des obligations. L’expansion territoriale au-delà des mers ne se suffisait pas à elle-même : « C’est le devoir d’un propriétaire de développer ses possessions. » Propos dont se délectait Cecil Rhodes. Chamberlain n’était en outre pas du genre à faire les choses à moitié. Sa première décision ministérielle consista à engager la rénovation du vétuste Bureau des Colonies (Colonial Office)14 : tapis, tentures, meubles et, surtout, cartes et globes. Il fallait tout changer, remplacer l’éclairage au gaz par l’électricité. Faire place nette aux Temps modernes.

Son arrivée fut une bonne nouvelle pour Rhodes et une très mauvaise pour les Boers. Rhodes s’était opposé à la fermeture des gués, mesure violant selon lui la convention de Londres, dont l’article 13 déniait au Transvaal le droit de traiter différemment des biens « provenant des dominions de Sa Majesté, quels qu’ils soient ». Reprenant à son compte cette disposition, Chamberlain mit Pretoria au pied du mur. Si Kruger ne rouvrait pas les gués, un corps expéditionnaire colonial britannique s’en chargerait. Pour appuyer la menace, les navires de transport de troupes en route vers l’Inde reçurent l’ordre de modifier leur itinéraire et de se diriger vers Le Cap. La guerre des tarifs risquait de dégénérer.

Aussi curieux que cela puisse paraître, Leyds choisit d’assumer ce risque. Céder aurait été, selon lui, une « preuve de faiblesse ». Kruger en jugea autrement et prit la décision d’un repli tactique. Au début de novembre 1895 les gués furent rouverts. Le conflit sur les tarifs était loin d’être résolu, mais la menace d’un affrontement militaire entre les Britanniques et les Boers se trouvait – pour le moment – écartée15.

 

L’attitude de Leyds résultait moins d’une ardeur belliqueuse que du fait qu’il avait sous-estimé la gravité de la situation. Durant la seconde moitié de 1895, sa finesse d’analyse et son sens des réalités avaient fait relâche. Il sortait d’une année harassante dont le bilan était contrasté. Il avait investi une grande part de son énergie dans la préparation des festivités de Lourenço Marques. Après les laborieuses tractations menées en mars pour obtenir le protectorat sur le Swaziland était survenue la douche froide de l’annexion du Tongaland par les Britanniques. S’inscrivaient, bien sûr, du côté des actifs, la réussite que représentait la mise en service de la ligne de l’est ainsi que le soutien ostentatoire du nouvel et puissant allié allemand. Mais tout porte à croire que ces succès l’avaient précisément conduit à évaluer de façon bien trop optimiste les marges de manœuvre du Transvaal, tant sur le plan économique que diplomatique. Kruger souffrait du même défaut mais il se reprit dès que Chamberlain le contraignit à dévoiler son jeu. Jusqu’en novembre, Leyds continua à télégraphier à Pretoria pour convaincre Kruger de rester intraitable. Nous touchons là une des raisons qui explique pourquoi sa vision de la réalité était déformée : il n’était pas à son poste durant la crise des gués mais en déplacement au Natal où il menait des négociations relatives aux chemins de fer dans lesquelles, d’ailleurs, ses hôtes se montrèrent plus ouverts aux positions du Transvaal qu’à celles de la Colonie du Cap. Leyds ne disposait évidemment pas de toutes les informations qui lui seraient parvenues s’il était resté à Pretoria. Il considéra l’affaire sous un angle exclusivement juridique. Et de ce point de vue, la fermeture des gués ne violait pas, estimait-il, la convention de Londres. Il ne prit pas la mesure du contexte politique international16.

À cette raison s’en ajoutent d’autres. Il était épuisé et désabusé. Dès le début de 1895, il avait fait part de ses peines à son mentor et ami Moltzer. Louise et Louis n’étaient pas les seuls à avoir des problèmes de santé, lui-même se sentait affaibli. Après un « accès persistant de psittacose (c’est le nom que donnent à la diarrhée les Portugais) », c’était sa « gorge qui ne se remettait pas ». La cause de ces maux lui était connue : « C’est lié à mon état général, il faut que je reprenne des forces et que je me repose un bon moment, je sens que j’en ai vraiment besoin. J’ai travaillé dur dès ma jeunesse, sans répit, généralement même le dimanche, souvent vingt heures par jour. »

Il s’emportait contre Kruger bien plus que par le passé. « À mesure que le président vieillit, les choses empirent. Il devient sourd, lent d’esprit, plus autoritaire que jamais (si tant est que ce soit possible), plus irascible et grossier vis-à-vis des gens, et en particulier des étrangers… Ce travers si répandu chez les Afrikaners, qui se signale par la façon totalement extravagante dont ils placent leur confiance – et leur méfiance – ainsi que par leur grande versatilité dans ce domaine, s’accentue de plus en plus chez lui. » Leyds était obligé de « louvoyer en permanence », ce qui, confiait-il, « n’est ni facile ni agréable ». « Parfois, j’ai envie d’envoyer tout promener. Mon Dieu, quel travail de chien ! »17.

Le mois de juillet 1895 n’améliora pas son humeur : il était indigné par l’attitude de Kruger lors des festivités de Lourenço Marques, se disputa avec lui à propos de la visite de la nouvelle fabrique de dynamite de Lippert, et s’opposa carrément à lui au sujet de l’octroi d’une concession de charbon. Il commençait à douter de ses perspectives d’avenir au Transvaal. Moltzer venait d’échanger sa chaire à Amsterdam contre un siège au Conseil d’État, et Leyds se dit qu’il pourrait tenter d’obtenir le poste laissé vacant par son ami. Quand il eut pris sa décision et fait savoir à Moltzer qu’il était décidé à présenter sa candidature, il était trop tard.

Ce ratage lui valut une remontrance de la part de Louise : « Si tu ne vas pas en Hollande, tu ferais bien d’écrire à M. [Moltzer] pour lui faire part de ce que tu crois être le mieux pour toi. Si, malgré tout ce que ton existence ici a de prosaïque, tu lui trouves encore de bons côtés et y prends plaisir, alors reste. Dans le cas où tu aspirerais à autre chose, informes-en M., de façon qu’au moins quelques personnes en Hollande sachent quelles ambitions tu as. Ce poste de professeur aurait peut-être pu servir de tremplin à une carrière politique en Hollande. Mais si personne ne connaît ta situation, il ne se passera rien et tous te laisseront en plan ici, avec tes idéaux18. »

Le message était clair et persuada Leyds de faire valoir ses intérêts de façon plus énergique. L’occasion se présenta fin novembre 1895. Les problèmes ferroviaires réglés, il passa quelques jours de vacances à Durban où Louise se trouvait depuis juillet. Sa santé ne se rétablit pas pour autant. Il envoya à peu de temps d’intervalle deux télégrammes à Van Boeschoten, son suppléant à Pretoria. Dans le premier, il demandait un congé au Conseil exécutif : « À mon grand regret, l’état de ma gorge empire au lieu de s’améliorer. Je me vois obligé de me rendre immédiatement et sans délai en Europe pour faire traiter ma laryngite. » Il se montra encore plus péremptoire dans le second télégramme : « Médecin déclare report traitement irresponsable. Pas de danger mortel mais risque de perte définitive de la voix. Médecin estime traitement possible en Afrique mais juge soins spécialisés en Europe préférables pour repos et environnement, etc. J’espère réponse favorable du président. » Et pour couronner le tout : « Si je n’obtenais pas de congé, je me verrais contraint de présenter ma démission19. »

Il n’eut pas à mettre sa menace à exécution. Le 10 novembre 1895, il put annoncer à Moltzer qu’il avait réservé sa traversée sur le Dunottar Castle qui partirait du Cap deux semaines plus tard. Il viendrait seul. « Tu imagines combien j’aimerais emmener Louise avec moi et comme elle rechigne à me laisser partir seul. Mais il faudrait alors que j’emmène aussi les enfants et la gouvernante et c’est au-dessus de mes moyens. Ce maudit voyage va déjà me coûter assez cher comme ça. Enfin, si cela peut me guérir… »

Ses espoirs reposaient sur le docteur Fränkel, célèbre spécialiste berlinois. Après une traversée sans encombre et une brève halte à Amsterdam « pour voir la famille », il se rendit dans la capitale allemande. Sa première visite au médecin, le 18 décembre, lui remonta le moral : « Pronostic favorable, guérison assurée. » Une semaine plus tard, le jour de Noël, il exprimait dans une lettre à Moltzer sa satisfaction quant à l’efficacité du traitement. « Et dire qu’en Afrique, j’ai dû endurer ce mal pendant un an sans que personne ne soit capable de faire quoi que ce soit. Cela m’a empoisonné la vie. » Les injections, les badigeonnages, les soins d’électrothérapie qu’on lui administrait paraissaient « tellement simples » qu’il se demandait s’il était justifié d’avoir consenti à de telles dépenses. « Quand je vois le palace dans lequel vit Fritz Fränkel, je tremble pour ma bourse. » Sa famille lui manquait. « Ici, je me sens seul. Les gens sont pleins d’attention, mais celle-ci ne saurait compenser l’absence de ma femme et de mes enfants. » Le plus difficile fut le repas de Noël auquel il avait été convié : « Il s’agit au fond d’une fête de famille, et j’ai eu l’impression d’être un intrus20. »

À l’approche du Nouvel An, la mélancolie avait fait place à la panique. Le soir du 31 décembre 1895, il fut informé que les troupes de la Compagnie à charte21 étaient entrées à Rustenburg. Une invasion anglaise au Transvaal, pour de bon ! Il expédia aussitôt « câblogramme sur câblogramme à Pretoria » mais n’eut pas de réponse. « Les Anglais interceptent probablement tous mes télégrammes. » Une lettre ! C’était le seul moyen. « Où es-tu ? et dans quelle situation ? » écrivit-il, désespéré, à Louise. « Si seulement vous m’aviez accompagné, toi et les enfants ! »22.