25.

Le major avait une forte envie de repousser la douleur tenace qui s’infiltrait dans sa tête avec la lumière. Il était à l’aise dans la chaude obscurité du sommeil et il lutta pour rester allongé. Un murmure de voix, un fracas de chariots métalliques et les anneaux d’un rideau que l’on écarte en une courte rafale lui firent penser qu’il revenait dans la salle d’embarquement d’un aéroport. Il sentit battre ses paupières et il essaya de toutes ses forces de les fermer. Ce fut sa tentative de se retourner qui le tira brutalement de la somnolence, avec une douleur déchirante dans le genou gauche et un élancement au côté droit qui lui coupèrent le souffle. Il gratta avec sa main et sentit un drap fin recouvrant un matelas glissant, puis se cogna à un montant métallique.

« Il se réveille. » Une main l’incita à reposer son épaule. « N’essayez pas de bouger, Pettigrew, ajouta la même voix.

— Major..., chuchota-t-il. Major Pettigrew. »

Sa voix n’était qu’un chuchotement rauque dans une bouche qui lui semblait faite de papier kraft. Il essaya de s’humecter les lèvres, mais sa langue lui fit l’effet d’un crapaud mort.

« Voilà quelque chose à boire, dit la voix, et une paille se glissa entre ses lèvres, puis il but une eau tiède. Vous êtes à l’hôpital, monsieur Pettigrew, mais tout ira bien. »

Il sombra de nouveau dans le sommeil, en espérant que la prochaine fois qu’il se réveillerait, ce serait dans sa chambre, à Rose Lodge. Il fut très contrarié, par la suite, de découvrir la même cacophonie de bruits institutionnels et la présence pressante des néons contre ses paupières. Cette fois, il ouvrit les yeux.

« Comment te sens-tu, papa ? fit Roger qui, il s’en aperçut, avait étalé le Financial Times sur le lit et se servait des jambes de son père pour en caler les pages.

— Il ne faudrait surtout pas que je te distraie de tes listes de cotations, chuchota ce dernier. Depuis combien de temps suis-je ici ?

— À peu près une journée, fit Roger. Tu te souviens de ce qui s’est passé ?

— On m’a tiré dans la jambe, pas dans la tête. Elle est encore là ?

— Ta jambe ? Bien sûr que oui. Tu ne la sens pas ?

— Si, bien sûr que si. Mais je n’avais pas envie d’une mauvaise surprise. »

Parler l’épuisait, mais il demanda encore un peu d’eau. Roger l’aida à boire une gorgée dans un gobelet en plastique, mais presque tout lui dégoulina de manière fort gênante sur la joue et dans l’oreille.

« Ils t’ont sorti de la jambe un sacré paquet de chevrotines, lui annonça Roger. Tu as de la chance, le coup a loupé les artères et le docteur nous a précisé qu’il t’avait juste écorné le testicule droit – même si, chez un homme de ton âge, il considérait que cela n’avait pas trop d’importance.

— Merci beaucoup, marmonna le major.

— Tu t’es aussi assez salement arraché les ligaments du genou gauche, mais selon eux c’est de la chirurgie sans aucun caractère d’urgence, et ils en concluent que soit cela se guérira tout seul, soit tu pourras te faire inscrire sur une liste d’attente et subir l’intervention d’ici à peu près un an. » Roger se pencha et, à la surprise du major, lui serra la main dans la sienne et l’embrassa sur le front. « Tout va bien se passer, papa.

— Si tu m’embrasses encore comme ça, je vais devoir partir du principe que tu mens et qu’en réalité je suis à l’hospice.

— Tu m’as flanqué une belle frousse, je peux te le dire. » Il replia le journal, comme gêné par ce moment d’affection. « Dans ma vie, tu as toujours été un roc inamovible et subitement te voilà un vieil homme décoré de tuyaux. Assez dur.

— Encore plus dur pour moi », souligna le major.

Il dut consentir un effort avant de parvenir à poser les questions dont il n’était pas sûr de supporter les réponses. Il était tenté de feindre à nouveau le sommeil et de remettre les mauvaises nouvelles à plus tard. Elles devaient être mauvaises, songea-t-il, puisqu’il n’y avait aucun signe d’autres visiteurs. Il essaya de se redresser, Roger tendit la main vers un bouton au mur et le lit se mit en position inclinée.

« Je veux savoir, commença-t-il, mais sa voix parut l’étouffer. Je dois savoir. Abdul Wahid a-t-il sauté ?

— Considérant qu’il a tiré sur mon père, cela ne m’aurait pas dérangé. Mais apparemment, quand tu es passé par-dessus bord, il s’est jeté à terre et t’a rattrapé juste à temps. Entre le vent et la pluie qui rendait tout glissant, c’était à un cheveu, d’après ce qu’il a raconté, mais un type, un dénommé Brian, s’est jeté sur Abdul, ensuite un autre gars est arrivé avec une corde et tout, ils t’ont tiré, et ils t’ont couché sur une civière.

— Donc il est vivant ?

— Oui, mais je crains d’avoir à t’annoncer de très mauvaises nouvelles. J’allais attendre plus tard, mais...

— Amina est morte ? s’écria le major.

— Oh, la fille qui s’est fait tricoter un coup ? Non, elle va bien. Ils sont tous avec elle, un étage au-dessus, dans le service de chirurgie des femmes.

— Qui cela, tous ?

— Mme Ali, Abdul Wahid et ce George qui n’arrête pas de me taper des pièces de monnaie pour le distributeur automatique. Ensuite, il y a la tatie... Noreen, je crois... et les parents d’Abdul. C’est comme s’il y avait la moitié du Pakistan, là-bas.

— Jasmina est là aussi ?

— Quand elle peut supporter d’être loin de toi. À mon arrivée sur les lieux, hier soir, ils en étaient encore à tenter de te l’arracher du corps, et moi j’ai apparemment le plus grand mal à la semer.

— J’ai l’intention de la demander en mariage, lui annonça son père, d’une voix sèche. Je me moque de ce que tu penses.

— Ne commence pas à t’emballer comme ça. Ce testicule est encore sous tension.

— Qu’est-ce qui est sous tension ? » fit une voix et le major se sentit rougir en voyant Jasmina contourner le rideau, arborant un grand sourire et une shalwar kameez d’un jaune aussi doux que celui du beurre. Elle avait les cheveux mouillés et il émanait d’elle un parfum de savon au crésol et de citron.

« Vous êtes finalement rentrée chez vous prendre une douche, alors ? demanda Roger.

— L’infirmière m’a prévenue que j’effrayais tous les visiteurs, avec mes vêtements tachés de sang. Elle m’a autorisée à me servir de la douche des médecins. »

Elle vint au chevet du blessé et il se sentit aussi faible que le jour où elle l’avait soutenu dans ses bras, alors qu’il défaillait après avoir appris la mort de Bertie.

« Il n’a pas sauté. »

Ce fut tout ce qu’il réussit à dire en agrippant sa main chaude.

« Non, il n’a pas sauté. » Elle prit sa main dans la sienne et l’embrassa sur la joue, puis sur les lèvres. « Et maintenant il vous doit la vie, et nous ne pourrons jamais vous remercier assez.

— S’il veut me remercier, dites-lui de se dépêcher de se marier, fit-il. Ce qu’il faut à ce garçon, c’est une femme qui le commande.

— Amina est encore très faible, mais nous espérons qu’ils se marieront ici, à l’hôpital, lui expliqua-t-elle. Mon frère et ma belle-sœur ont juré de rester aussi longtemps qu’il le faudra pour que tout soit réglé.

— Tout cela me paraît merveilleux », acquiesça-t-il. Il se tourna vers Roger, qui tripotait son téléphone portable. « Mais tu m’as parlé de mauvaises nouvelles ?

— Il a raison, Ernest, fit Jasmina. Il faut vous y résoudre. »

Elle regarda Roger, et il hocha la tête comme si ces deux-là avaient consacré un bon moment à discuter de la manière d’annoncer une nouvelle épouvantable à un homme souffrant. Le major retint son souffle et attendit le choc.

« C’est le Churchill, papa, lui confia-t-il enfin. J’ai peur que dans toute cette agitation pour te sauver, quelqu’un n’ait tapé dedans ou je ne sais quoi et il a glissé par-dessus le rebord de la falaise. Abdul Wahid l’a vu se fracasser sur les rochers, tout en bas. » Il s’interrompit et baissa la tête. « Ils ne l’ont pas retrouvé. »

Le major Pettigrew ferma les yeux et revit la scène. Il sentit de nouveau cette odeur de craie froide, il sentit ses jambes racler le sol en vain, comme pour tâcher de trouver une prise et la lente et atroce glissade de son corps, comme si la mer avait été un aimant qui l’attirait et, à la limite de son champ de vision, il vit le fusil glisser encore plus vite, lisse sur l’herbe détrempée, inscrivant un cercle lent, tout au bord, avant de basculer devant eux par-dessus la corniche.

« Est-ce que ça va, Ernest ? » fit Jasmina. Il effaça la scène d’un clignement d’yeux, sans réellement savoir s’il s’agissait d’un véritable souvenir ou d’une simple vision. L’odeur de la craie se dissipa de ses narines et il s’attendait à se sentir submergé, le cœur serré de chagrin. Il fut surpris de constater qu’il percevait simplement en lui cette sorte de légère déception que l’on peut ressentir en découvrant que l’un de ses pulls préférés, lavé par erreur avec le blanc et rétréci, n’est plus qu’une loque toute pelucheuse de la taille d’un petit fox-terrier.

« On m’a administré des médicaments ? demanda-t-il, les paupières closes, et Roger lui répondit qu’il allait vérifier sur sa feuille de température. J’ai l’impression de ne rien sentir.

— Oh, mon Dieu, il est paralysé, s’écria son fils.

— Non, je veux dire, à cause du fusil, rectifia-t-il. Je ne me sens pas aussi bouleversé que je le devrais.

— Cette paire de Churchill, aussi loin que remontent mes souvenirs, tu en as toujours rêvé, reprit Roger. Tu me répétais tout le temps que grand-père les avait séparés entre vous deux mais qu’un jour viendrait où ils seraient réunis.

— J’ai rêvé du jour où je pourrais avoir l’air important aux yeux de quantité de gens que je jugeais plus importants que moi, reprit son père. J’étais arrogant. Ce doit être congénital.

— C’est charmant de dire cela à quelqu’un qui t’a veillé sur l’oreiller toute la nuit, protesta Roger. Hé, regarde, j’ai reçu un texto de Sandy.

— Vous ne venez pas de demander la main d’une autre femme ? s’étonna Jasmina.

— Ouais, mais j’ai eu pas mal de temps pour réfléchir la nuit dernière, et je me suis figuré qu’avec un long SMS depuis le chevet de mon père mourant le tour serait joué.

— Désolé de te décevoir, fit Pettigrew. Tu aurais pu l’impressionner avec ton éloge funèbre.

— Je suis navrée que vous ayez perdu le fusil légué par votre père, Ernest, fit Jasmina. Mais vous l’avez perdu en sauvant une vie, et pour moi, et pour d’autres, vous êtes un héros.

— En réalité, c’est le fusil de Bertie que j’ai perdu », rectifia-t-il. Il bâilla et se sentit gagné par le sommeil. « Il se trouve que c’est celui qui m’est tout de suite tombé sous la main. Ce n’est pas le mien qui est au fond de la Manche.

— Tu es sérieux ?

— Et je suis content, insista le major. Dorénavant, on n’aura plus à me rappeler que cette arme pouvait parfois être plus importante à mes yeux que mon propre frère.

— Oh, merde ! grinça Roger en relevant le nez du clavier de son téléphone. Maintenant il va falloir qu’on reverse cinquante mille livres à Marjorie et on n’aura rien en échange.

— À mon avis, la compagnie d’assurances s’en chargera », reprit son père.

Il avait du mal à rester éveillé, pour pouvoir continuer à regarder le visage de Jasmina qui lui souriait.

« Quelle assurance ? demanda Roger, incrédule. Pendant tout ce temps, tu les avais fait assurer ?

— L’assurance est toujours allée de soi, soupira le major en fermant les yeux. À la mort de mon père, ma mère a continué de payer les primes, et quand elle est morte, je m’en suis chargé. » Il les rouvrit brièvement pour dire quelque chose d’important à Jasmina. « Je tire une grande fierté de n’avoir jamais laissé une facture impayée... cela introduit du désordre dans les dossiers.

— Vous êtes fatigué, Ernest, lui dit-elle. Vous devriez vous reposer, après toute cette agitation. »

Elle posa la main contre sa joue et il se sentit comme se sent un petit quand sa fièvre nocturne est rafraîchie par le contact de la main de sa mère.

« ... dois vous demander de m’épouser, murmura-t-il encore tandis qu’il sombrait. Pas dans cette chambre épouvantable, naturellement. »

 

Quand il se réveilla, les lumières dans le service étaient tamisées et on pouvait entrevoir le bureau de l’infirmière dans un halo, tout au bout du couloir. Une veilleuse était allumée sur la table de chevet et il sentait le chauffage central de l’hôpital respirer aussi discrètement que les patients dans le calme du service de nuit. Une silhouette était assise au bout du lit. « Jasmina », appela-t-il à voix basse. La silhouette se rapprocha, jusqu’à ce qu’il puisse voir qu’il s’agissait d’Amina, dans une blouse d’hôpital et une tunique.

« Hello, fit-elle. Comment vous sentez-vous ?

— Bien, chuchota-t-il. Vous avez le droit de quitter votre lit ?

— Non, je me suis faufilée en douce. » Elle s’assit sur le rebord du lit, avec précaution. « J’étais venue vous voir avant de partir. Pour vous remercier d’avoir sauvé Abdul Wahid et pour tout ce que vous avez essayé de faire d’autre.

— Où allez-vous ? Vous vous mariez demain.

— J’ai décidé de ne plus me marier, en fin de compte. Ma tante Noreen vient me chercher à la première heure et ensuite, avant que quelqu’un puisse provoquer un scandale, George et moi, on sera dans son appartement.

— Mais enfin pourquoi feriez-vous cela ? Plus aucun obstacle ne s’oppose à votre mariage. Même les parents d’Abdul Wahid sont de votre côté maintenant.

— Je sais. Ils n’arrêtent pas de s’excuser et d’aller et venir avec des cadeaux et des promesses. Je crois qu’ils se sont déjà mis d’accord pour que George fasse médecine.

— Ils ne savaient pas pour la vieille dame, j’en suis sûr. De telles choses sont inimaginables.

— Cela se produit plus souvent que vous ne pensez. Mais j’ai accepté l’idée que ce n’ait pas été dans leurs intentions. La vieille dame, ils l’expulsent demain.

— Elle ne va pas en prison ? s’étonna-t-il.

— Ils n’ont pas pu trouver d’arme et je leur ai expliqué que c’était un accident. » Il lui glissa qu’il savait exactement où se trouvait l’aiguille à tricoter. « Je ne voulais pas qu’Abdul Wahid subisse davantage de honte et j’apprécie que sa famille se sente une obligation à mon égard.

— Vous êtes certaine ? demanda-t-il, elle hocha la tête. Alors pourquoi partir maintenant ? »

Elle soupira et arracha des boulettes de laine de la fine couverture de l’hôpital.

« D’avoir failli mourir, ça vous permet de voir les choses différemment, n’est-ce pas ? » Elle le regarda et il vit des larmes dans ses yeux. « Ça me fait l’effet d’avoir aimé Abdul Wahid depuis toujours, et j’ai pensé que je renoncerais à n’importe qui pour être avec lui. » Elle tira plus fort sur la laine, les fibres se séparèrent et laissèrent un petit trou. Le major était tenté d’immobiliser sa main ravageuse, mais ne voulait pas l’interrompre. « Mais vous me voyez réellement passer ma vie dans une boutique ? reprit-elle. À garnir des rayonnages, à bavarder avec toutes ces vieilles clientes, à tenir les livres comptables ?

— Abdul Wahid vous aime. Il est revenu de l’extrême limite de l’existence, pour vous.

— Je sais. Et alors, zéro pression sur moi ? » Elle tenta de sourire, sans y réussir. « Mais être amoureuse ne suffit pas. Il s’agit de savoir à quoi on consacre ses journées, ce qu’on fait ensemble, quels amis on se choisit, et surtout quel métier on exerce. Je suis danseuse. J’ai besoin de danser. Si j’y renonce pour passer ma vie à emballer des tourtes farcies à la viande de porc et à peser des pommes, je vais finir par le prendre en aversion, lui aussi. Il vaut mieux briser nos deux cœurs tout de suite plutôt que de les regarder se flétrir peu à peu avec le temps.

— Et George ?

— Je voulais une véritable famille, avec George, avec maman, papa, un chiot et peut-être un petit frère ou une petite sœur. Mais ce n’est jamais qu’une photo dans un cadre sur une tablette de cheminée. Ce n’est pas réel, n’est-ce pas ?

— Un garçon a besoin d’un père.

— Si je ne le savais pas mieux que personne, je partirais pour Londres demain. » Elle s’étreignit la poitrine, dans un geste hésitant, et s’exprima sur un ton signifiant qu’elle avait mûrement réfléchi à la question. « La plupart des gens qui m’ont jeté ça à la figure ces dernières années n’ont pas la moindre idée de ce qu’ils veulent dire par là. Ils n’ont aucune idée de ce que c’est de grandir sans père, et la moitié ne peut pas supporter le leur. »

Il y eut un silence ; le major songea à l’attitude distante de son propre père.

« Je crois que même si vous ne les aimez pas, connaître ses parents aide un enfant à comprendre d’où il vient, avança-t-il. Nous nous mesurons à nos parents et nous essayons de faire un peu mieux à chaque génération. »

En disant cela, il se demanda une fois encore s’il n’avait pas délaissé son fils.

« George aura ses deux parents ; simplement, ils ne seront pas sous le même toit. Il nous aura moi et sa tatie Noreen en ville, et il aura son père à Edgecombe avec Jasmina. J’espère que vous jetterez un œil sur lui, vous aussi. Il faudrait qu’il apprenne à jouer aux échecs.

— Jasmina s’est tellement battue pour vous deux, lui rappela posément le major. Elle va être anéantie.

— Parfois, on ne peut pas tout arranger. La vie n’est pas toujours comme dans les livres.

— Non, en effet ». Il examina les horribles panneaux en polystyrène expansé des plaques du plafond, avec leur aspect de pop-corn, mais n’y trouva aucune inspiration pour l’amener à changer d’avis.

« J’apprécie tout ce que Jasmina a essayé de faire pour nous. Je souhaite que George ait toute la famille qu’il pourra avoir.

— J’hésite à parler pour quiconque en dehors de moi-même. Je n’ai pas encore eu la chance de demander officiellement à Jasmina de m’épouser.

— Espèce de vieux salaud, fit-elle. Je savais que vous étiez partis faire ça quelque part, tous les deux.

— En oubliant vos manières grossières pour le moment, ma jeune dame, fit-il de la voix la plus sévère qu’il put puiser en lui, j’aimerais vous assurer que George et vous serez toujours les bienvenus sous notre toit.

— Vous êtes un homme très bon, pour un vieux schnock. » Elle se leva et se pencha pour lui déposer un baiser sur le front. Il constata avec étonnement combien l’amour et le chagrin pouvaient exercer le même effet tandis qu’il la regardait s’éloigner dans le couloir assombri, ses jambes reflétant sur la surface du lino leurs longues ombres dansantes.