J’arrêtai de courir lorsque je fus assez loin d'Alexandre. Du moins, pour le moment. Il fallait que je trouve au plus vite un endroit où me cacher. Heureusement pour moi, nous étions en forêt, et des endroits où se cacher, il y en avait plusieurs.
J'envisageai pendant un bref moment de monter dans un arbre, mais je ne voyais aucune branche assez basse qui me le permettrait, et il y avait de fortes chances que je me blesse inutilement en essayant. Je scrutai les alentours en me mordillant la lèvre inférieure, et mon regard s’arrêta à ma droite. Là, un rocher suffisamment gros pour que je m'y cache dissimulait un buisson. Je m'accroupis près de la roche et m'enfonçai sous les branches du buisson. Celles-ci égratignèrent la peau nue de mes bras, et je regrettai de ne pas avoir mis un chandail avec de plus longues manches.
J'essayai de calmer ma respiration et écoutai les bruits autour de moi. Pour le moment, Alexandre ne m'avait pas trouvée. C'était déjà cela de gagné. Mais il était trop tôt pour crier victoire. Depuis combien de temps l'exercice avait-il commencé ? Deux minutes ? Je soupirai. L'attente et la peur de me faire surprendre me rendaient nerveuse. Tout à coup, j'entendis des bruits de pas approcher.
— Je sais que tu es tout près, chérie. Je peux voir tes traces de pas sur le sol. Tu n'as pas pensé à les effacer, n'est-ce pas ? Pourtant, c'est l'une des premières choses auxquelles tu dois penser.
Évidemment, je n'étais pas assez idiote pour lui répondre. J'écoutai attentivement ses mouvements et retins ma respiration lorsqu'il passa tout près de moi. Lorsqu'il s'éloigna, je respirai de nouveau. Je tendis de nouveau l'oreille et ne distinguai plus rien. Soudainement, une vive douleur me prit à la tête. Je touchai instinctivement l'endroit qui me faisait mal et regardai au-dessus de moi. Assis sur le rocher, Alexandre m'observait, une pierre dans la main.
— Trouvée.
— Le caillou était-il nécessaire ?
— Non, mais je trouvais cela amusant.
Pour un elfe qui ne démontrait pas d'émotion, il s'amusait drôlement.
— Je suis certaine que me torturer te fait plaisir, maugréai-je en sortant de ma cachette et en essuyant mes bras.
— Te torturer, moi ? Je ne suis pas comme cela, voyons.
— Bien sûr que non, dis-je en roulant des yeux.
Il sauta du rocher et atterrit gracieusement sur ses pieds en me faisant face.
— Allez, nous recommençons. Cette fois, déniche une meilleure cachette pour que je ne te trouve pas en quelques secondes seulement.
Sans attendre qu'il commence le décompte, je m'élançai. Alexandre m'avait dit de me servir des ombres et du vent, mais comment pouvais-je faire cela ? Plus j’essayais de trouver une solution et plus je m’enfonçais dans mes réflexions sans trouver la moindre réponse. Tant pis, je me débrouillerais bien sans ses conseils.
J’inspectai de nouveau les alentours et ne trouvai rien qui puisse servir de cachette adéquate. Nom de Dacre ! À l'heure actuelle, Alexandre était sûrement en train de me rattraper. Je devais me dépêcher.
Affolée, je continuai ma course jusqu'au moment où je trébuchai sur un bout de racine qui dépassait du sol et tombai tête la première. Zut. Si je voulais espionner les garous et sortir vivante de ma mission, je devais faire mieux que cela, sinon c’était peine perdue. Je me relevai tranquillement et essuyai mon visage du revers de la main. Je poussai un soupir frustré et me décidai à monter dans un arbre. Je soulevai une pierre plus grosse que ma tête et la déposai près d'un arbre. Suffisamment près pour que mes mains atteignent le tronc. Je montai dessus et tentai d’attraper une branche. J'en effleurai une du bout des doigts sans pouvoir l’agripper. Je regardai rapidement par-dessus mon épaule en espérant qu'Alexandre ne m'avait pas trouvée, puis pris une décision. Tant pis si je me faisais mal, je voulais devenir le chat. Je pliai les genoux et me préparai à sauter.
— Je ne ferais pas cela si j'étais toi, dit une voix au-dessus de moi.
Surprise, je sursautai et tombai de nouveau par terre. Je fusillai Alexandre du regard.
— Depuis quand es-tu là ?
— Depuis assez longtemps pour t'avoir vue tomber à cause d'une simple racine.
Je rougis de honte et de colère. Il était parvenu à grimper dans l’arbre sans que je m’en rende compte. J’étais pathétique.
— J'étais pressée, j’avais quelqu’un à mes trousses.
— Tu sais, si j’avais été un garou, tu ne serais plus en vie à l'heure actuelle.
Je passai une main dans mes cheveux et répliquai :
— Je le sais très bien, mais que veux-tu que je te dise ? Il me faut de la pratique, c'est tout. Ce n'est que la deuxième fois que nous faisons cet exercice, je ne peux pas devenir un maître de l’espionnage en seulement un jour !
— Je suis bien au courant de cela et je ne te juge pas. Je ne fais qu'énoncer les faits.
— D’ailleurs, n’étais-tu pas censé m’apprendre à me battre au lieu de m’apprendre à me cacher ?
— Une chose à la fois, chérie. Je t'expliquerai tout quand tu auras réussi à devenir le chat. Si tu deviens le chat un jour…
Je trouvais impressionnante la foi qu’il avait en moi ! Je me contentai toutefois de soupirer en lui demandant de recommencer le décompte. Encore une fois, sans attendre qu’il commence, je m’éloignai en courant, bien décidée à lui faire ravaler ses paroles.