Alexandre m'expliqua immédiatement quelle était exactement cette deuxième phase. Nous continuerions à jouer au chat et à la souris, mais à une exception près. Lorsque le chat trouverait la souris, il l'attaquerait et tenterait de l’immobiliser. S’il ne trouvait pas la souris, c'était celle-ci qui attaquerait pour surprendre son adversaire. Alexandre me donnait champ libre. Puisqu’il ne m’avait pas trouvée immédiatement, ce fut à mon tour d’être le chat. Je croyais qu'en le devenant, je serais plus sûre de moi, mais ce n’était pas le cas, je me sentais très nerveuse.
Je me doutais qu'Alexandre n'aurait aucune difficulté à se camoufler, et cela me frustrait. Il allait forcément m'attaquer en me prenant par surprise et me plaquer au sol en moins de deux. Oh !misère. Combien de fois fallait-il que je répète que je détestais les surprises ?
— Cinq secondes d'avance suffiront pour moi, dit-il à la fin de ses explications.
— Seulement cinq ?
Il ne répondit pas. Je pris cela pour un oui et commençai à voix haute le compte à rebours. Aussitôt, il partit comme une flèche.
— Le décompte est terminé, je viens te chercher, Alexandre.
J'avais dit cette phrase plus pour m'encourager à avancer que pour autre chose. En prenant mon courage à deux mains, je poursuivis mon maître. Il était rapide. Extrêmement rapide. Je ne savais même pas dans quelle direction il était allé, et cela ne faisait que cinq secondes. Il ne devait pas être parti si loin. Impossible. Je regardai tour à tour sous les buissons, dans les arbres et derrière les rochers qui étaient les plus près de moi. Aucun signe d'Alexandre.
Je tentai de repérer ses traces de pas, mais elles avaient disparu comme par magie. Décidément, il était doué. Mais où était-il ? Je marchai encore quelques pas et regardai de nouveau dans les arbres. Peut-être s’était-il caché sur une branche.
Soudain, une ombre à droite fondit sur moi. Je l'évitai de justesse en me jetant au sol. Alexandre fut sur moi en un rien de temps. Il me plaqua au sol en maintenant mes mains au-dessus de ma tête, son corps lourd plaqué contre le mien et ses jambes retenant les miennes immobiles. Il ne paraissait pas essoufflé, même pas légèrement. Ma respiration, quant à elle, était haletante.
— Leçon numéro un, lorsque tu ignores quelles sont les forces de ton adversaire, ne te jette pas par terre. Cela ne peut que l’aider, surtout s'il est plus rapide que toi. Contente-toi de faire un ou deux pas de côté.
Il marqua une pause.
— Si tu crois être plus forte que ton adversaire, plie légèrement les genoux et écarte les jambes pour encaisser l'impact.
— D'accord.
Je remarquai alors qu'il ne m'avait toujours pas relâchée. Il tenait mes poignets, mais n'exerçait aucune pression. Il me fixait toujours de manière inexpressive, cependant je remarquai un petit quelque chose. Je ne savais pas exactement quoi, mais sa manière de m'observer avait changé. J'étais probablement folle, ou peut-être le connaissais-je mieux qu'avant, mais j'avais l'impression qu'il me regardait avec plus de... douceur ? De chaleur ? Comme s'il me trouvait moins idiote qu'avant…
Nom de Dacre ! J'étais cinglée. Que se passait-il avec moi ?
Je me mordillai la lèvre inférieure. Son corps était à une distance raisonnable du mien, mais Alexandre me tenait à sa merci. Je regardai à gauche et à droite pour finalement le regarder de nouveau dans les yeux. Son visage s’était légèrement rapproché du mien. Je commençai à m'inquiéter. Ce genre de situation ne m'était jamais arrivé auparavant. Que devais-je faire ? Le repousser ? Non, je ne pouvais même pas y songer. Tout ce dont j'avais envie, c'était qu'il me prenne dans ses bras comme l'autre soir et qu'il m'embrasse.
Non. Stop. Marche arrière. Je n’avais pas le droit de me sentir bien. J'avais envie que lui, le type qui aimait me torturer, m'embrasse ? Je n'étais même pas sûre qu'il m’apprécie. Certes, il m'avait invitée chez sa tante, mais c'était uniquement pour lui faire plaisir. N'est-ce pas ?
Tout à coup, il relâcha l’une de mes mains et me caressa les cheveux. Je figeai. Mon cœur battait la chamade. Je tendis à mon tour ma main libre vers ses cheveux, puis m'arrêtai à mi-chemin, inquiète à l’idée qu'il me repousse. Je ne l’aurais pas accepté. Pas maintenant.
Comme il ne bronchait pas, je lui caressai les cheveux. Il figea à son tour, une mèche de mes cheveux prise entre son pouce et son index. Ses cheveux étaient plus épais que je le croyais, et très doux au toucher. Je descendis ensuite ma main le long de sa joue et flattai sa mâchoire crispée. Sa barbe naissante piquait mes doigts. J’ouvris légèrement la bouche. Alexandre me prit soudainement la main et la plaqua au sol.
— Cesse de faire cela, exigea-t-il d'une voix rauque.
— De faire quoi exactement ?
Je remarquai alors que ma voix était aussi rauque que la sienne.
— De me fixer de la sorte.
Je fronçai les sourcils, intriguée.
— Et pourquoi ?
— Car ça me donne envie de t'embrasser.
J'ouvris grand les yeux.
— Ce serait mal ?
— Très.
Il combla la distance qui nous séparait et m'embrassa malgré tout.