Effectivement, le soleil avait commencé à se coucher pour laisser place à la lune. Mes jambes se mirent à trembler, et j’oubliai momentanément ce qui venait de se passer avec Alexandre. Étais-je réellement prête ? Je me tournai vers celui qui m’avait entraînée.
— Alexandre, crois-tu que je sois prête pour cette mission ?
— Je n'en ai pas la moindre idée. Ta mission a changé à la dernière minute, et je ne sais pas si tu seras capable de tuer bien que tu détestes les loups.
Honnêtement, je n'en avais pas la moindre idée non plus. Je savais que je pourrais tuer celui qui avait assassiné mes parents et que je serais prête à tout pour le faire souffrir, mais tout de même, je n'avais jamais enlevé la vie à qui ce soit et j'avais peur de ne pas en être capable. Alexandre prit mon silence pour une réponse.
— Tu sais que tu dois tout de même le faire, n'est-ce pas ? Tu n'as pas le choix.
Je soupirai.
— Je suis au courant de tout cela. Je me suis engagée dans cette mission, alors autant que je l'accomplisse, même si je dois tuer quelqu'un. Les loups sont nos ennemis, ils ne méritent aucune pitié.
— En effet, surtout après ce qu'ils ont fait à tes parents.
Je fixai Alexandre en fronçant les sourcils. Je venais de réaliser qu'il ne m'avait jamais parlé de ses propres parents. J'avais rencontré sa tante Sachka et avais récemment appris que la reine était également sa tante. Mais aucun indice sur ses parents. Cependant, il était trop tard pour lui poser des questions à ce sujet. Je pris ma valise et ma sacoche et me dirigeai de nouveau vers la salle du trône. Cette fois-ci, je ne reviendrais vraiment plus dans cette forêt. Alexandre prit la boîte qui contenait l'arc et me suivit. Nous ne fîmes que quelques pas avant qu'un garde ne surgisse d'entre les arbres. Pris par surprise, Alexandre se plaça devant moi et s'apprêtait à frapper l'intrus. Il arrêta son poing à quelques centimètres seulement du visage du garde. Celui-ci n'avait même pas pris la peine de bouger ou de se défendre. Je dévisageai le garde, ses yeux verts n'exprimaient aucune émotion. Il n'avait même pas tressailli.
— Bly, Dacre, ne me surprends plus comme cela. Tu sais que je ne contrôle pas mes coups, déclara Alexandre.
— Ce n'est pas ce que j'ai cru voir. En plus, je savais que tu t'arrêterais avant de frapper mon magnifique visage.
Alexandre fit non de la tête.
— Tu es toujours aussi superficiel, mon ami.
— Bien sûr que non, je ne fais qu’énoncer les faits.
Ils échangèrent quelques salutations avant que j’intervienne.
— Alors, la reine t'a-t-elle envoyé pour venir nous chercher ?
Bly se tourna vers moi comme s’il venait seulement de réaliser ma présence. Génial.
— Oui, en effet. Elle a changé le lieu de la rencontre.
— Cela ne m'étonne pas de sa part, elle fait toujours tout à la dernière minute, dit Alexandre à voix basse.
— Allons, Alexandre, il s’agit de ta tante. Tu devrais être plus respectueux.
— Si seulement elle le méritait.
— Où allons-nous ? demandai-je en me sentant de nouveau à l’écart de la conversation.
— Directement au portail. Allez, j’aimerais bien continuer à parler avec toi, Alexandre, mais je me ferai couper la tête si je vous retiens trop longtemps, dit Bly en touchant sa gorge, comme s’il pensait réellement que la reine ferait cela.
Ignorant l’emplacement du portail, je suivis Bly et Alexandre en silence…jusqu’au moment où je repensai à mon cousin.
— Noah sera-t-il également présent ?
Alexandre pivota vers moi et dit :
— Je ne crois pas.
— Comment cela ?
— Je crois qu'il a des occupations ailleurs à cause du conseil.
Je fis semblant de ne pas être déçue. J’aurais aimé le voir une dernière fois. Les garçons sortirent de la forêt et se dirigèrent vers l'armurerie. Nous la contournâmes par la droite, et Bly s'arrêta soudainement. Il nous fit signe de nous approcher et cogna contre une pierre. Je murmurai à Alexandre :
— Mais que fait-il ?
— Tu verras bientôt.
Tout à coup, la pierre s'enfonça dans le mur, et le sol se mit à trembler. Alexandre me prit par le bras et me fit reculer. Une trappe apparue alors à l’endroit où je me trouvais un peu plus tôt.
— C'est génial ! m’exclamai-je.
Bly se retourna et posa un index devant sa bouche. Je me tus immédiatement en rougissant. Il attrapa la poignée de la trappe et ouvrit. Je me penchai en avant et vis qu'il y avait un escalier en béton qui descendait vers un endroit sombre. Bly me fit signe de passer devant, et je refusai catégoriquement d'un signe de tête. Alexandre me poussa dans les marches. Je le regardai avec colère, mais avançai tout de même dans le noir, une main sur le mur pour me stabiliser. Au moins, je voyais bien dans la noirceur. Je sentis une présence dans mon dos. Alexandre me suivait de près.
— C'est ici que je vous quitte, dit Bly au-dessus de nous. Bonne chance, Oracle.
Il referma la porte d'un mouvement sec.
Avec ma valise et ma sacoche, je risquais à tout moment de tomber tête la première. À plusieurs reprises, je faillis tomber, mais Alexandre me rattrapa. Finalement, j'atteignis la dernière marche indemne.
Une légère lueur éclairait le fond de la pièce. En me dirigeant vers elle, je tombai sur un corridor qui comptait une seule bougie. Elle éclairait une porte en bois un peu plus loin. J'échangeai un regard avec Alexandre, et il me fit signe d'y aller. Je me dépêchai d'avancer et, une fois devant la porte, je cognai. Un garde ouvrit aussitôt et nous laissa passer.
Je figeai en voyant ce qu'il y avait dans cette pièce. Deux immenses arbres entre croisés formaient une arche. Le sol était recouvert d'herbe et de fleurs. Sur les arbres, il y avait des symboles de toutes les couleurs. Je levai les yeux vers le plafond, et ma bouche s'entrouvrit. On aurait dit que des milliers d'étoiles scintillaient. J'ignorais comment ils s'étaient débrouillés pour créer cela, mais c'était magnifique.
— C'est éblouissant, n'est-ce pas ?
Je tournai la tête et aperçus la reine.
— Oui. Comment avez-vous fait pour construire cette pièce ? Elle semble irréelle.
— Nous n'avons rien fait, mon enfant. Certes, nous avons bâti les murs autour de ces deux arbres, mais c’est tout.
— Vous voulez dire que tout s’est fait tout seul ? demandai-je avec étonnement.
— En effet, mais pourquoi tant d'étonnement, puisque le portail en lui-même est quelque chose de phénoménal ?
— J'en déduis que le portail, ce sont ces deux arbres ?
— Bien deviné. Tous les portails sur Terre ne mènent qu'à un seul endroit, et c'est ici.
Je haussai les sourcils.
— Impressionnant.
Comme tous les elfes présents à Nomeck, j'avais traversé un portail pour parvenir ici, cependant, je ne me rappelais pas que le portail était placé à cet endroit.
— Pourquoi cacher le portail ?
Grand-mère me regarda longuement comme si j'étais supposée connaître la réponse.
— Pour que personne ne décide de partir sur un coup de tête.
J'approuvai. C'était fort logique.
— Bon, nous avons assez perdu de temps. Il est temps pour toi de partir. Nominal, pourrais-tu préparer le portail, je te prie ?
Le garde qui m'avait ouvert la porte se dirigea vers les arbres et appuya sur un symbole rouge. Ce dernier s'illumina pendant un bref instant, et le portail prit soudainement la couleur du symbole. Un miroir apparut dans l’arche formée par les deux arbres.
— Bien, dit grand-mère. Il est l'heure. Alexandre, pourrais-tu donner la boîte contenant l'arc à Oracle ?
— À vos ordres.
Il se dirigea vers moi et posa la boîte dans ma main libre. Il m'effleura par accident, et je sentis des larmes me piquer les yeux. En voyant que j’étais sur le point de pleurer, il me murmura à l'oreille :
— Chérie, tu es capable d'accomplir cette mission. J'ai entièrement confiance en toi. Si jamais il y a quelque chose, tu n'as qu'à envoyer une lettre à notre source et je viendrai. D'accord ?
Je hochai la tête.
— Oracle, dit la reine, n'oublie pas d'envoyer une lettre toutes les deux semaines avec les informations que tu trouveras sur les loups. Notre source te donnera l'adresse.
— Je le ferai.
— Tout est prêt, Nominal ?
— Oui, Votre Majesté.
— Tout ce que tu as à faire, Oracle, c’est traverser le miroir. Allez, va ! Et accomplis ta mission.
Je me dirigeai vers le portail d’un pas incertain et jetai un dernier regard à Alexandre.
— Tu vas me manquer, lui dis-je.
Il ne répondit pas. En secouant la tête, je pris une profonde inspiration. Il était temps que je traverse. Je passai tout d’abord ma main puis mon bras dans le miroir. Prenant mon courage à deux mains, je plongeai dans le portail en souriant. Ma vengeance pouvait enfin commencer.
***
J'avais l'impression de voler, que mon corps tout entier ne pesait pas plus lourd qu'une plume. La dernière fois que j'avais traversé le portail, j'avais été déconnectée de la réalité et n'avais pas eu connaissance de ce qui se passait autour de moi. Je ne me rappelais nullement cette sensation de légèreté. J'avais l'impression que cela faisait des heures que j'étais prise entre deux mondes, mais je savais que cela ne faisait que quelques secondes.
Je fus brusquement poussée vers l'avant et me retrouvai tout à coup sur un sol rugueux. Je clignai des yeux à plusieurs reprises pour ne plus voir flou. Mes bagages étaient éparpillés à quelques pas de moi, et un homme se tenait dans l'ombre. J'étais dans une petite clairière, et à l’exception de l'endroit où je me trouvais, il y avait des arbres partout. Ils n'étaient pas aussi grands et gros que ceux de Nomeck, mais pour le moment, je me sentais dans mon élément. Je levai les yeux au ciel. Il faisait nuit, je ne pouvais pourtant pas apercevoir les étoiles, car d'énormes nuages noirs obstruaient la vue. Je reportai mon attention sur l'homme. Il était vêtu de jeans simples et d’un sweat-shirt noir à capuche qui camouflait son visage.
— Vous devriez vous dépêcher de récupérer vos valises et de me suivre, Mademoiselle, il ne va pas tarder à pleuvoir.
— Je ne crains pas la pluie, lui dis-je en me relevant néanmoins et en allant chercher mes sacs.
— Je n'en doute pas, mais vous devriez avoir peur des éclairs.
— Alors, où allons-nous maintenant ?
— En direction de l'aéroport.
Je grimaçai et crus entendre l'inconnu émettre un drôle de bruit.
— Vous ne craignez pas de vous faire frapper par la foudre, mais vous craignez les avions ? Intéressant.
— Je n'ai jamais dit que je ne craignais pas la foudre et je n'ai jamais dit que je craignais les avions.
Je cillai en prononçant le mot avion. Dire que dans quelques heures, j’allais être dans cette chose et qu’il n’y aurait aucune échappatoire.
— Mais votre visage vous a trahie.
Je m'apprêtais à répliquer lorsque le ciel gronda.
— Allez, suivez-moi, Oracle. Vous ne craignez peut-être pas les éclairs, mais moi, je ne tiens pas à mourir électrocuté.
Il tourna les talons et s’éloigna sur un chemin caillouteux. Je le suivis et, au bout de quelques secondes seulement, j’aperçus un véhicule noir. L’homme sortit une clé de l’une de ses poches et appuya sur un bouton. La porte du coffre s'ouvrit.
— Tiens, mets tes choses à l'intérieur et…
Il cessa de parler subitement et me regarda de haut en bas. Ne comprenant pas pourquoi il faisait cela, je baissai la tête pour m’observer. Je réalisai alors que je portais toujours mes vêtements d’entraînement. Oups.
— Tu ne t'es pas changée.
Quel bon observateur !
— Prends des vêtements et une paire de souliers. Tu te changeras dans la voiture. Je m'occuperai des vêtements que tu portes plus tard.
— Je ne me changerai pas devant vous !
Il soupira et dit :
— Je ne regarderai pas. De toute façon, tu es beaucoup trop jeune pour moi.
C'est vrai que d’après sa voix, il devait avoir environ trente ans. Je n’avais toujours pas réussi à apercevoir son visage.
— Juré ? lui demandai-je, toujours sceptique.
— Oui, Oracle.
N’ayant pas d’autre choix, je laissai tomber.
— D'accord. Dites, pourquoi me cachez-vous votre visage ?
— Cela vaut mieux pour toi et moi, crois-moi. Alors, tu te dépêches ?
Je pris des vêtements au hasard, ainsi que les « Keds ». Je refermai ensuite ma valise et la porte du coffre. L’homme m'ouvrit la portière arrière et la referma derrière moi. Il s'assit sur le siège conducteur et démarra. Dacre ! Cela faisait tellement longtemps que je n’avais pas embarqué dans un engin de la sorte !
En regardant fixement l'homme pour m'assurer qu'il ne m’observait pas, je commençai à me changer. Je retirai mon chandail et contemplai pendant quelques secondes le morceau de tissu que j'avais pris dans la valise. Il était mince. Il y avait des fleurs bleues et d’autres blanches imprimées dessus, et le fond était noir. Je l'enfilai en essayant de trouver où passer les bras. Je trouvai une bretelle mince de chaque côté du vêtement. Génial, j'avais choisi une camisole. J'espérai qu'il n'allait pas faire trop froid.
Une fois la camisole en place, je retirai mon short. Je regardai dans le rétroviseur pour m'assurer de nouveau que l'homme ne m'espionnait pas. Je pris la paire de jeans que j'avais posée sur la banquette de cuir et l’enfilai. Comment étais-je censée pouvoir respirer là-dedans ? C'était très serré et pas confortable le moins du monde. Je n'avais même pas encore attaché le bouton !
— Je crois que vous vous êtes trompé de taille. C'est beaucoup trop petit.
— Non. C'est la mode sur Terre.
— Je ne savais pas que la population terrestre était masochiste, râlai-je.
Il rit, et je me figeai soudainement en le regardant. Comme il était bon d’entendre quelqu'un rire. En sentant que je le fixais, il se retourna.
— J'oubliais que tu étais entourée de gens incapables de montrer leurs émotions. Ça ne fait pas bizarre ?
Maintenant que j’y pensais, c’était effectivement perturbant.
— Oui. Non. En fait, je ne sais pas ce qui est le plus bizarre, que personne n’en montre ou l’inverse.
— C'est vrai que c'est un énorme changement.
Je roulai des yeux.
— Eh bien, ce n'est pas le seul changement que je subis en ce moment.
Il me sourit.
— Je te souhaite bonne chance.
Je fermai finalement le bouton de mes jeans.
— Merci. Quand arrivons-nous ?
J'observai l’extérieur par la vitre. Nous n'étions plus en forêt, mais sur une route bien achalandée. Il pleuvait beaucoup et il faisait sombre. Heureusement que ma vue était plus aiguisée que celle d'un humain. Je regardai l'homme qui me servait de chauffeur.
— Est-ce que vous voyez bien ? Ce n'est pas trop difficile d’apercevoir la route par ce temps ?
Il secoua la tête.
— Ne t'inquiète pas pour ça. Tu devrais avoir bien d’autres soucis en tête.
Il emprunta une sortie.
— Nous devrions arriver à l'aéroport dans quelques minutes. Tu as tes papiers ?
— Oui.
Effectivement, nous arrivâmes quelques minutes plus tard. Il alla stationner la voiture dans l'édifice en face de l'aéroport avant d’en sortir. Il m'ouvrit la portière, et je lui tendis mes vêtements sales comme il me l'avait demandé. Il alla les jeter dans une poubelle et sortit un petit objet de sa poche arrière. Une flammèche apparut, et il lança le tout là où mes anciens vêtements se trouvaient.
— Pourquoi avez-vous fait cela ? demandai-je, bouche bée.
— Pour m'assurer qu'il restera le moins de preuves possible de ton existence.
Il revint vers moi, comme si rien ne s’était passé.
— Mais, je vais...
— Pas de questions.
— Mais…
— Ne demande rien.
Il sortit une petite enveloppe de son autre poche arrière et me la tendit. Je la pris sans savoir quoi en faire.
— Elle contient l'adresse où tu enverras toutes les informations que tu trouveras sur les loups. Toutes les deux semaines, compris ?
— Oui. Mais où vais-je aller porter la lettre que je vais rédiger ?
— À l'accueil du camp.
Il ouvrit le coffre et prit mes sacs.
— Allez, suis-moi. Nous n'avons pas de temps à perdre.
Le bruit de nos pas résonnait dans le stationnement. C’était le seul bruit de l'édifice. Les néons clignotaient, et, parfois, l'un d'eux s’éteignait. Cela me faisait bizarre qu'il y ait de l'électricité. Je ne m'en étais pas servi depuis tellement longtemps.
Une voiture passa et monta à un autre étage. Nous nous approchâmes de deux portes qui s'ouvrirent toutes seules. Derrière, un petit corridor avec des vitres menait à l'aéroport. Je regardai par l'une des vitres et me ravisai. C'était haut. J'avais pu apercevoir, en bas, des voitures qui se bousculaient pour pouvoir se stationner près de pancartes affichant « Terminal B ».
Une fois à l'intérieur de l'aéroport, je tentai de suivre mon « guide » malgré la foule. Il se rendit à un comptoir et commença à parler avec une femme en me désignant du pouce. La femme hocha la tête et me sourit. Je lui souris en retour, ne sachant pas quoi faire d'autre. L'homme, dont je ne connaissais toujours pas le nom, me fit signe d'approcher. Il se plaça derrière moi et posa ses mains sur mes épaules. Je tentai de ne pas tressaillir.
— Comme je vous le disais, ma fille va dans un camp au Canada et elle n'a jamais pris l'avion. Malheureusement, je ne pourrai pas l'accompagner, puisque je travaille demain matin. Pourriez-vous demander à un membre de votre personnel de l'accompagner pour la guider ?
— Bien sûr, Monsieur. Attendez un instant, je vous prie, ce ne sera pas long.
Elle appuya sur des touches et prit un téléphone. Je me retournai aussitôt vers mon « père ».
— Vraiment ? Votre fille ?
Il posa ses mains sur mes épaules, serra un peu et se pencha vers moi pour me chuchoter à l'oreille :
— Pas si fort. Et comment croyais-tu pouvoir aller dans un autre pays sans un membre de ta famille ?
Je ne répondis pas et tournai la tête vers la femme derrière le comptoir qui avait fini son coup de téléphone.
— Je vais m'ennuyer de toi, papa, mentis-je en adressant une mine faussement affligée à l’inconnu qui se faisait passer pour mon père.
Il libéra mes épaules et tendit la main vers ma tête avant de se raviser. Il me prit dans ses bras.
— J’allais te tapoter sur la tête comme une gentille fille, murmura-t-il. J'avais oublié que les membres de ton espèce sont si grands.
— Eh oui.
— Je dois y aller, mon trésor .Je te souhaite un bon vol, dit-il plus fort en me relâchant.
Il n'avait toujours pas enlevé son capuchon, mais j'aperçus tout de même une partie de son visage. Il avait une barbe brune et semblait bronzé. Néanmoins, il m’aurait été impossible de le reconnaître même si je l’avais croisé en pleine rue.
— Merci.
Il déposa mes bagages à mes pieds et salua l'hôtesse. Lorsqu'il eut disparu, je me retournai vers la femme.
— Dans quelques instants, un membre du personnel devrait arriver. Pourrais-je avoir ton passeport avec ta carte d'embarquement, s'il te plaît ?
J'approuvai et fouillai dans ma sacoche avant de sortir ce qu'elle demandait. Elle tapota sur un clavier et me les rendit. J’étais étonnée qu’elle ne procède pas à l’enregistrement en présence de « mon père ».
— Tu peux me passer tes valises, je vais les faire envoyer dans l'avion.
Je me retins de demander comment et les lui tendis tout simplement en gardant mon sac à main. Elle les posa l’une après l'autre sur une chose en métal et observa la boîte qui contenait l'arc à flèches. Elle lut ce qui était écrit puis la posa sur un tapis qui faisait avancer les bagages derrière elle.
— Tu vas faire du tir à l'arc à ton camp ?
J'approuvai de la tête.
— Tu dois être douée pour avoir ton propre arc.
— Je me débrouille.
— Tiens ! s’exclama-t-elle en désignant une femme qui venait dans notre direction d'un pas pressé. C’est elle qui va te guider. Elle est très gentille. J'espère que tu auras un bon vol.
Je la remerciai et allai à la rencontre de l'autre femme.
— Tu dois être Oracle.
Je la dévisageai. Comment savait-elle mon prénom ? En voyant que j'avais l'air de trouver étrange le fait qu’elle sache comment je m'appelais, elle dit :
— La femme du comptoir m'a dit ton nom.
— Oh ! Je vois.
— Allez, suis-moi, ton avion décolle bientôt, nous ferions mieux de nous dépêcher. Je m'appelle Nicole.