Avant d'arriver à la porte d'embarquement, je dus passer par ce qu'on appelle la sécurité. Il y avait une immense file d’attente, et je dus patienter pour passer à mon tour dans une machine qui, selon Nicole, permettait aux gardiens de sécurité de voir si j'avais des choses dangereuses sur moi.
Je déposai ma sacoche ainsi que mes souliers dans une boîte qui passait sur un tapis roulant et subissait le même traitement que moi, c'est-à-dire se faire vérifier de fond en comble. Je n’appréciai guère, mais puisque c’était pour la sécurité, je n'allais surtout pas m'en plaindre.
Une fois fait, il ne me restait que quinze minutes pour embarquer dans mon avion, et Nicole me poussait pour que je me dépêche. Dacre ! Je n'avais pas envie de prendre cet engin. En plus, nous pouvions voir tout ce qui se passait à l'extérieur grâce aux immenses baies vitrées. La tempête faisait rage, le ciel tonnait et les éclairs fusaient un peu partout. Je me demandai si mon vol pouvait être annulé. Je ne pouvais m'empêcher d'espérer que oui, mais bon, je pouvais toujours rêver, et puis je préférais prendre ce satané avion et réaliser ma mission plutôt que de ne pas la faire.
Je soupirai en regardant ce qui m'entourait. Tous ces gens étaient si différents de ce à quoi j'étais habituée. Et dire qu'il fallait que je m'adapte rapidement. Certaines personnes assises tapaient sur un objet très semblable à celui que je possédais. Un « iPhone ». Autrement dit, un téléphone tactile. C'était intéressant, quoiqu' inutile pour moi. Cependant, si tous les jeunes de mon âge possédaient cet appareil, j'aurais eu l'air étrange de ne pas savoir comment l'utiliser.
Mais pour le moment, j'étais trop occupée à essayer d’arriver à l'heure pour mon vol et à ne pas rentrer dans des gens qui ne regardaient pas où ils allaient, même si j'appartenais à cette catégorie, puisque j'étais très curieuse de voir comment se comportaient les humains de nos jours.
Nicole tourna à droite et se plaça derrière une file de gens qui attendaient pour accéder à un comptoir occupé par deux personnes. Une énorme affiche sur le mur derrière eux indiquait l'heure, le numéro de la porte avec une lettre et le nom « Toronto ». Sûrement pour indiquer que c'était ici que nous devions aller pour embarquer dans l'avion. À quelques pas seulement à gauche du bureau, une porte ouvrait sur un corridor étroit. Je regardai par la fenêtre à droite du comptoir. Le corridor était en fait une sorte de plateforme fermée qui se trouvait à l’extérieur de l'aéroport et qui était reliée à un avion. Que du plaisir.
— Je te quitte ici, me dit Nicole.
Du doigt, elle pointa une lettre précédée d'un numéro sur ma carte d'embarquement.
— C’est ton numéro de siège. Une fois arrivée au comptoir, tu n'as qu'à présenter ta carte d'embarquement et te diriger vers le couloir qui mène à l'avion. Tu n'as plus besoin de moi ?
Je secouai la tête.
— Bien. Au revoir, Oracle, et bon vol.
Je la remerciai et la regardai partir.
— Mademoiselle ?
Je me tournai aussitôt vers le comptoir. La file avait avancé plus rapidement que je ne le croyais. Je me dépêchai de me rendre jusqu’à l'hôtesse et lui remis le papier que Nicole m'avait dit de donner. Mes mains tremblaient. L'hôtesse passa le billet dans une sorte de machine qui émit une lumière verte et me le rendit.
— Bon vol, ma chérie, et tu n'as pas à t'inquiéter.
— Merci, lui dis-je en me forçant à sourire.
Alors pourquoi tout le monde me souhaitait bon vol ? Ce n'est pas comme s'il pouvait être mauvais, non ? Je rassemblai mon courage et me dirigeai vers l'avion.
***
Quelques heures d'horreur plus tard, je ressortis finalement vivante de ce foutu avion. Ce que les pilotes appelaient des « turbulences »avait failli me faire mourir de peur. Je n'avais pas pu m'empêcher de réciter presque tout le long du trajet une prière ancienne en appelant notre ancien dieu Dacre pour que je m'en sorte vivante. Heureusement, il m'avait entendue, ou j'avais eu de la chance. Mes mains s’étaient agrippées aux appuie-bras à quelques reprises, comme si ma vie en dépendait, et j’avais remarqué les coups d'œil amusés de mon voisin. Je n'avais pu m'empêcher de le foudroyer du regard, ce qui, à mon étonnement, l'avait plus fait rire qu'autre chose. Il m'avait alors demandé si c'était la première fois que je prenais l'avion, et je lui avais répondu que oui. Il avait affirmé que je n'avais pas à m’inquiéter de quoi que ce soit, mais je ne l’avais pas cru un seul instant. Peut-être aurais-je dû finalement.
Une fois à l’extérieur de l’avion, je profitai du fait qu’il soit encore près de moi pour lui demander s'il savait où je devais aller chercher mes valises, et il proposa de m'accompagner. Méfiante, j’acceptai finalement sa proposition .Après tout, j'étais plus forte qu'un simple humain.
Nous dûmes passer devant des douaniers qui nous demandèrent individuellement le but de notre visite au Canada et combien de temps nous prévoyions y rester. Finalement, je récupérai mes valises sans problème, excepté le fait que je ne comprenais pas pourquoi ils les faisaient avancer encore une fois sur un tapis roulant. Marc, mon voisin d'avion, me demanda si j'avais besoin d'aide pour quoi que ce soit d'autre, et je lui répondis que non.
Je me dirigeai vers la sortie et regardai avec attention tous les gens qui tendaient des pancartes. Je repérai mon nom sur l'une d'elles. Son propriétaire était un petit homme chauve et bedonnant. Je le saluai, et il s'empressa de m'aider avec mes bagages. Je m'assis ensuite à l'arrière d’une voiture, et mon chauffeur prit place à son tour. Il actionna le clignotant et s'engagea sur la route.