Je décidai d'aller m'asseoir sur l’un des canapés et posai mon assiette sur la petite table devant moi en faisant attention de ne pas la poser sur les magazines. Je mangeai presque tout ce que contenait l'assiette, à l’exception des longues tranches brunes qui semblaient extrêmement grasses. J'en pris une entre mes doigts et la relâchai aussitôt en grimaçant. C'était de la viande. Lorsque j'étais petite, j'allais rarement au restaurant. Peut-être y étais-je allée une ou deux fois dans ma vie, mais c'était tout.
Ma mère disait que la nourriture que servaient les restaurants ne correspondait pas à notre type d'alimentation. Les seules fois où j’y étais allée, c’était avec mes amies humaines que j'avais rencontrées à l'école, pour leur anniversaire. Une fois, j'avais commandé des œufs avec des fruits. La dame m'avait proposé de prendre du bacon, et puisque j'ignorais de quoi il s’agissait, j'avais accepté.
Mes amies, sachant que j'étais végétarienne, m'avaient regardée d'une drôle de manière. Le père de l'une d'elles m'avait alors expliqué d'où venait le bacon, et lorsque j’avais reçu mon assiette, je m'étais retenue de tout jeter au sol. Je ne devais avoir que sept ans. Cet épisode m'avait légèrement marquée.
Une fois mon petit déjeuner terminé, j'allai porter le tout à l'endroit que Monica m'avait indiqué. Je regardai à l'extérieur par les grandes fenêtres et notai mentalement qu'il était environ dix heures quarante. Il me restait suffisamment de temps pour explorer les alentours. Je ressortis et regardai à droite et à gauche. Où aller ?
Je bifurquai à droite et empruntai un petit chemin. Un poteau avec des indications spécifiait que si je continuais ma route, j'allais tomber sur un atelier de tir à l'arc et de fusil, sur les cabines où les filles de huit à treize ans allaient séjourner et sur un lac. Je me demandai à quoi celui-ci pouvait ressembler. Pourquoi ne pas aller voir ? Je commençai ma marche.
Le chemin, très plat, était totalement dégagé. Aucune pente à monter ou descendre et pas de racines pour me faire trébucher. Il y avait même des fleurs le long du trajet ainsi que des lampadaires pour le soir. Plutôt inutile pour moi et pour les loups qui venaient ici. Je devais avoir dépassé le champ de tir, puisque je me trouvais maintenant entre plusieurs cabines. Celles-ci formaient un très grand cercle. Au milieu, il y avait plusieurs tables, une immense carte du site et même un terrain de jeu.
Je continuai ma route en suivant les indications qui me permirent de me rendre au lac. Ce fut un jeu d'enfant. J'arrivai quelques minutes plus tard. La vue n'était pas à couper le souffle, mais pour quelqu'un qui n'avait jamais vu les lacs de Nomeck, ça devait être le paradis. Je pouvais apercevoir l'autre côté de la rive, mais seulement si je plissais les yeux. À gauche comme à droite, on voyait des arbres à perte de vue sur les montagnes. L’eau était très claire et reflétait les rayons du soleil.
Je retirai mes chaussures avant de poser les pieds sur le sable de la berge. Il y avait plusieurs terrains de volley-ball, des canots un peu partout et des sièges avec des parasols. Un stand était ouvert, et deux adultes discutaient tranquillement entre eux tout en plaçant du matériel de plage. Ce camp avait vraiment l'air amusant. « Pas étonnant que mon séjour ici ait coûté si cher et que les places soient limitées »,pensai-je en souriant. Je me rembrunis aussitôt. Je n'étais pas ici pour m’amuser. D'ailleurs, comment allais-je trouver ce Christopher ?
Je remis mes chaussures et retournai à l'endroit où j’avais laissé mes affaires. Tout au long du trajet, je me demandai comment j'allais aborder le fils de l’alpha, et même comment j’allais bien pouvoir m’y prendre pour devenir son amie. Peut-être aurais-je dû y penser plus tôt, ou peut-être pas. Je devais agir le plus naturellement possible. Si lui ou l'un des siens avait le moindre doute sur mon compte, j'étais foutue. Évidemment, je ne voulais pas que cela se produise.
Je stoppai net lorsque j'arrivai finalement. Eh bien, dis donc, il y avait beaucoup plus de monde que tout à l'heure. Pourtant, il n'était même pas onze heures trente. La ponctualité était si importante. Plusieurs parents parlaient entre eux pendant que leurs enfants essayaient de repérer des visages familiers. Des groupes se formèrent rapidement, et je me faufilai tant bien que mal vers la table sur laquelle j’avais posé mes affaires pour réaliser qu'elles ne s'y trouvaient plus. Génial. Je regardai autour de moi pour les retrouver. Avec tous ces gens, ce n'était pas évident. Quelqu'un me toucha le bras, et je me retournai pour faire face à un garçon de mon âge. Il me dépassait d'une tête, ce qui était plutôt rare pour un humain.
— Tu cherches tes affaires ? me demanda-t-il en haussant le ton pour que je l'entende.
Plutôt inutile vu mon ouïe supérieure à celle des humains. Mais cela, il ne pouvait pas le savoir, alors je jouai le jeu en haussant le ton également.
— Oui, elles se trouvaient sur cette table, dis-je en pointant du doigt la table en question.
— J'ai vu quelqu'un déplacer tes sacs tout à l'heure. Suis-moi.
Il me prit le bras et me traîna derrière lui. Une fois loin de la foule, il me relâcha et me fit signe de le suivre. Nous nous retrouvâmes devant le centre d'information. Mes affaires se trouvaient à côté de la porte. Je me précipitai vers elles et les pris immédiatement.
— Tu me sauves la vie. Merci beaucoup. En plus, je ne connais pas ce campus, alors je te dois une fière chandelle.
— C'est tout naturel. En voyant ton air affolé tout à l'heure, je n’ai pas pu rester les bras croisés, surtout en sachant où se trouvaient tes affaires, quoique cela aurait été comique de te voir courir partout.
J'allais répliquer lorsque Monica prit la parole avec l'aide d'un micro.
— Je crois que nous ferions mieux de nous rapprocher pour mieux entendre, proposai-je en me tournant vers l'inconnu.
Il avait déjà commencé à s'éloigner. Eh bien, dis donc, il n’était pas très loquace. Je vis une fille l'intercepter, et ils discutèrent à voix basse. Je ne comprenais pas ce qu'ils disaient, mais ils regardèrent dans ma direction quelques secondes plus tard. Petite amie jalouse ? Possiblement. Après tout, il était pas mal, mais elle n'avait aucun souci à se faire, je n'étais pas ici pour cela, et mon cœur essayait de recoller les morceaux après Alexandre. Ils se détournèrent et portèrent leur attention sur Monica. Celle-ci expliquait aux parents à quel point les jeunes adoraient venir ici.
— Prenez l’exemple de Christopher Black, dit-elle en pointant le jeune homme qui m'avait aidée un peu plus tôt. Cela fait huit ans qu'il vient ici.
En entendant ce nom, je cessai aussitôt d'écouter Monica et je regardai fixement ma cible. Finalement, le trouver avait été plus facile que prévu.