Je fus tant surprise que je ne répondis pas immédiatement. Il voulait en savoir plus sur moi ? Pour quelle raison ?
— Tu veux apprendre à me connaître ?
— Je suis simplement curieux. Une fille végétarienne, bonne au tir à l'arc, qui lance un pari à un parfait inconnu mérite un peu d'attention.
C'était une raison complètement nulle, mais je ne dis rien et croisai mes jambes en buvant une gorgée d'alcool.
— Que voudrais-tu savoir ?
— Je ne sais pas trop. Je m'attendais à ce que tu me racontes des choses sur toi, comme ta couleur favorite, ta date d'anniversaire, des trucs du genre quoi.
Je réfléchis un instant et commençai à raconter des choses sur moi-même. Bien sûr, la grande majorité était mensongère. J'espérais que Christopher n'allait pas le remarquer.
— Comme tu le sais déjà, je suis végétarienne. Sinon, ma vie n'est pas très passionnante.
Je fis une pause pour essayer de trouver ce que je pouvais bien dire sur mon compte. C’était un exercice inhabituel et délicat. Surtout lorsque je racontais ces choses à mon ennemi. Je décidai d’être brève.
— J'ai dix-sept ans et je déteste les menteurs.
En disant cela, je réalisai que c'était très ironique, puisque mentir était exactement ce que je faisais. En voyant que je n’ajoutais rien, il demanda :
— Ta couleur préférée ?
— Le mauve.
Je restai silencieuse, ce qui le fit soupirer.
— Depuis combien de temps fais-tu du tir à l'arc ?
— Quelques mois, mentis-je.
Il haussa les sourcils.
— Tu ne te débrouilles pas trop mal, mais ta technique n'est pas parfaite. Si tu veux, je peux t'aider un de ces quatre.
Une alarme se déclencha dans ma tête. Lui, m’aider ? C’était une blague ?
— Je ne sais pas si nous aurons le temps.
— Lors de notre journée de repos ?
Mince, j’avais complètement oublié que nous avions un congé.
— Est-ce le même jour ?
— Tout le monde a la même journée de repos.
— Oh, je l'ignorais, dis-je en me sentant désemparée.
— Alors, qu’en penses-tu ? Tu aimerais que je te montre ?
J’étais coincée. Prise de court, je le regardai tout en me forçant à paraître enjouée.
— Si cela ne te dérange pas.
Il me prit mon verre des mains et en but une gorgée.
— Je ne te l'aurais pas proposé sinon.
Je ne relevai pas le fait qu'il avait raison. Je repris mon verre et le terminai en tentant de ne pas grimacer de dégoût à l’idée de partager sa salive.
— Serais-tu dédaigneuse ?
Seulement avec les gens de son espèce.
— Oui.
— Peux-tu aller me chercher un verre ?
Je me levai en soupirant. En chemin, je croisai Xavier et Ana qui étaient en pleine discussion.
— Alors, Christopher est-il pire que tu le croyais ? me demanda Ana.
Il était hors de question que j'admette le contraire, alors je haussai les épaules.
— J'en étais certaine.
— Quand on apprend à le connaître, on se rend compte que Christopher est quelqu'un de très terre à terre, fit remarquer Xavier. Il est très attentif aux besoins des autres.
— Eh bien, j'ai très hâte de voir cela.
En disant cela, je me retournai pour observer Christopher. Une fille l’avait rejoint, et ils discutaient de manière enjouée. Par sa gestuelle exagérée, la fille semblait vouloir plaire à Christopher, mais celui-ci n'avait pas l'air de s'en rendre compte.
— Tu ferais peut-être mieux de te dépêcher, me suggéra Ana.
Je la regardai pendant quelques secondes, confuse.
— Pour quelle raison ?
Elle roula des yeux et chuchota à mon oreille pour éviter que Xavier ne l’entende :
— Tu ne veux pas que cette fille ait un point d'avance sur toi, non ?
— Un point d'avance ?
— Oui, que Christopher commence à s'intéresser à elle plutôt qu'à toi.
— Tu as raison. Je ferais bien de me dépêcher.
J’ajoutai à l'attention de Xavier et Ana :
— Passez une très belle soirée vous deux.
— Toi aussi, dirent-ils en même temps.
— Merci.
Je leur souris une dernière fois et pris deux verres cette fois-ci. Un pour moi et un pour Christopher. Lorsque j'arrivai près de Christopher, la fille d'un peu plus tôt avait disparu.
— Tu en as mis du temps.
Était-il aussi impatient que ma grand-mère ?
— Je suis profondément navrée. Comment pourrais-je me faire pardonner ?dis-je avec sarcasme.
— En étant en admiration devant moi ?
Je roulai des yeux. Est-ce que tous les garous étaient aussi prétentieux ?
— Comme la fille de tout à l'heure ? Je passe mon tour.
— Oh, alors tu m'espionnais ?
Exactement, prétentieux.
— Pas du tout, je voulais simplement m'assurer que tu n'étais pas parti.
— J'avoue que l'idée m'a effleuré l'esprit.
— Je suis de si mauvaise compagnie ?
— Je ne fais que plaisanter, Oracle. Pourquoi aurais-je fait cela ?
Parce que les membres de son espèce n’étaient pas dignes de confiance ?
— Je ne sais pas, dis-je simplement.
Il tendit sa main vers moi. Je le regardai, déconcertée. Que voulait-il cette fois ?
— Allez, donne-moi mon verre.
Je le lui tendis, et, comme Ana un peu plus tôt, il le but au complet avant de prendre mon verre que je gardais pour un peu plus tard.
— Génial, maugréai-je.
— Allons, nous sommes quand même à une fête. Je ne vais pas rester ici sans rien boire.
— Pourquoi pas ?
— Parce que je n’en ai pas envie.
— Et tu obtiens toujours tout ce que tu veux ?
— Tu comprends vite, Oracle.
Il but une gorgée de mon...de son verre et me demanda de continuer de parler de moi. Le reste de la soirée se passa ainsi, Christopher me demandant d'aller chercher des verres d'alcool et de parler de moi. Je ne fis pas le compte de l’alcool qu’il engloutit, mais j'étais certaine qu'il avait bu plus de sept verres. Pourtant, il ne semblait pas en ressentir les effets.
— Christopher, je ne veux pas être indiscrète, mais ne me dis pas que tu ne ressens pas, même légèrement, les effets de tous les verres que tu as bus ?
— Je suis certain qu'avec quelques verres de plus, je vais commencer à ressentir quelque chose. Toi, combien de verres as-tu pris ?
— Depuis le début ? Quatre ou cinq.
— Certaines filles seraient déjà soûles, dit-il en croisant les bras sur son torse.
Je ne pus m'empêcher de remarquer que cela faisait ressortir ses muscles. Il était moins charpenté qu'Alexandre, mais semblait tout de même puissant. Je me demandai, un bref instant, de quoi aurait l'air un combat entre ces deux mecs. Qui survivrait ?
— Christopher, est-ce que tu t'entraînes ?
— Pourquoi veux-tu savoir ça ?
— Je suis curieuse, c'est tout.
— Alors, Oracle est une fille curieuse, en plus du reste. Plus j'en apprends sur toi et plus je t'apprécie. Pour répondre à ta question, oui, je m'entraîne.
— Combien de fois par semaine ?
— C'est certain qu'avec le camp, je ne vais pas m'entraîner cet été, mais les exercices que nous faisons ici compensent.
Il se leva d'un bond.
— Où vas-tu ?
— Viens, j'ai envie de me baigner, et tu m'accompagnes.
— Comme si j'avais le choix.
Il retira son chandail et le lança sur le sol. Évidemment, il avait fallu qu'il soit bien bâti. Il retira ses chaussures et ses bas. En voyant que je l'observais et que je ne retirais pas mes vêtements, il haussa un sourcil :
— Tu aimes ce que tu vois ?
Je figeai. C'était exactement ce qu'Alexandre m'avait dit lorsque je l'avais vu se baigner. Je déglutis et, sans répondre, je fis comme lui. Une fois en maillot de bain, je pris ma serviette et la mis autour de mes épaules sans prendre la peine de cacher mon corps. Il y avait des filles bien plus dévêtues que moi, et elles n'étaient pas en maillot. Christopher me détailla quelques instants et dit finalement :
— Cette couleur te va très bien.
J'ignorais s'il fallait que je sois dégoûtée ou surprise qu'un garou me fasse un compliment. Évidemment, il ne savait pas ce que j'étais, mais jamais je n'aurais cru que mon pire ennemi me complimenterait. Je ne répondis pas, et il me prit la main pour m'entraîner vers la chute. Je jetai un coup d'œil à mes affaires.
— Est-ce une bonne idée de laisser nos affaires là ?
Les humains avaient la réputation d’être des voleurs. Du moins, c’était ce que les elfes pensaient.
— Ne t'inquiète pas pour cela. La majorité des gens sont trop soûls pour tenter de nous voler. Et puis, ils n'oseraient pas voler mes affaires.
— Si nous nous faisons voler, ce sera de ta faute, l’avertis-je
Une fois près de la chute, Christopher me lâcha la main et se plaça derrière moi. Je n'eus pas le temps de lui demander ce qu'il faisait qu'il me poussa dans l'eau. J'eus cependant le réflexe de l'attraper et de l’emporter avec moi dans ma chute.