Le lendemain matin, je me réveillai avec les premiers rayons du soleil. J’observai Ana, toujours endormie sous sa couette blanche. Ou plutôt devrais-je dire que je tentais de l’observer. Je ne voyais que quelques mèches de ses cheveux dépasser. Je l’entendais ronfler. Comment avais-je pu dormir avec tous ces bruits qui sortaient de sa bouche ?
Je souris et me levai tout en m'étirant. Il devait être autour de cinq heures du matin. J'ignorais à quelle heure je m'étais couchée la veille, mais je ne me sentais pas fatiguée. Les activités du camp commençaient à huit heures trente. J'avais donc suffisamment de temps pour aller faire un petit jogging avant de revenir ici et prendre une douche.
Tout en me changeant, je repensai à ce qui s’était passé la veille. Après m'avoir poussée sous l’eau de la chute, Christopher m’avait proposé de rejoindre les autres qui se baignaient tout près. Xavier avait bien ri en voyant Christopher me pousser et moi lui attraper le bras pour l'entraîner à ma suite. Ana quant à elle avait trop bu et avait été malade, vidant ses tripes dans un buisson. Je l'avais raccompagnée avec l'aide d'Emmanuel, qui l'avait prise dans ses bras tout en veillant à ce qu'elle ne lui vomisse pas dessus. J'avais été étonnée de voir qu'Emmanuel n'avait pas été le premier à se soûler. En fait, il m'avait raconté qu'il évitait de boire de l'alcool. Son père avait eu des problèmes avec la justice à cause de cela, et le jeune homme ne voulait pas inquiéter sa mère. Cependant, je n'étais pas certaine de la véracité de ses propos. Je commençais à penser qu'il était également un loup. Il m'avait effectivement raconté qu'il connaissait Tala et Christopher depuis qu'ils étaient petits. Cela n’était peut-être pas une preuve, mais j'étais aux aguets. Et s'il n'avait pas bu pour surveiller Christopher ? Je devais me méfier de tout le monde.
Je me fis une queue de cheval et me rendis dans la salle de bain pour m'asperger le visage et me brosser les dents. Avant de sortir de la chambre, je m'assurai de ne pas avoir réveillé Anastasia, puis je refermai doucement la porte derrière moi. Je pris une grande inspiration et m'échauffai tout en réfléchissant à mon parcours. Le camp était grand et situé en pleine forêt. Peut-être y aurait-il un chemin balisé ? Cela ne serait pas surprenant. Je commençai à jogger en direction de l'accueil du camp.
***
Cela faisait une heure que je courais en pleine forêt. J'avais trouvé un petit chemin fort pratique. Ma respiration était saccadée, et mes jambes me faisaient mal. J'adorais cette sensation. Elle m'apportait un sentiment de liberté et d'euphorie.
Je ralentis mes foulées et regardai autour de moi. Tout était si paisible. Mais aussi étrangement calme. Comme s'il n'y avait aucune vie. Je fermai les yeux et me concentrai. Pas le moindre son. Sauf un. Un bruit de feuilles qui craquaient. Quelqu’un approchait. Si les animaux de cette forêt se tenaient si tranquilles, c'était pour une raison toute simple : un prédateur rôdait, et un gros.
Dacre, il fallait que je me calme, que mon cœur cesse de battre si rapidement, que ma respiration s’apaise et que je trouve une cachette. Ce n'était pas évident, puisque j'étais à bout de souffle.
Je tendis l'oreille. Le prédateur se rapprochait rapidement. Je ne devais pas m'affoler et appliquer ce que j'avais appris avec Alexandre. Ce n'était sans doute pas un garou. Je m'inquiétais peut-être pour rien. C'était probablement un ours. Je me mordillai nerveusement la lèvre inférieure. Ce n'était pas très rassurant.
Je pivotai rapidement. Non, non, non. Les arbres étaient tous trop petits. Il n'y avait pas le moindre foutu buisson. Je plissai les yeux pour mieux voir au loin. Peut-être là-bas ? Mais c'était de là-bas que provenaient les bruits du prédateur. Je devais arriver avant lui si je ne voulais pas qu'il me remarque.
Je m'élançai en donnant tout ce qu'il me restait d’énergie. Il était près. Tellement près. Je n'étais plus qu'à quelques mètres du buisson que j'avais aperçu. Je pouvais désormais entendre le prédateur sans avoir à tendre l'oreille. Je stoppai net en regardant derrière moi. J'avais oublié de masquer mes traces de pas. Idiote. Que faire ? Je pris une branche au sol et tentai d’effacer les traces que j'avais laissées tout en reculant vers le buisson. Ce n'était pas très efficace, mais il ne me restait plus beaucoup de temps. Je lançai la branche le plus loin possible et me cachai du mieux que je pus dans le buisson. J'essayai de calmer ma respiration en fermant les yeux et en répétant intérieurement que je faisais partie de la nature. Je n'avais pas à m'inquiéter.
Ma respiration et mon cœur se calmèrent au moment où un immense loup noir passait devant moi. Il s'arrêta à quelques pas de mon buisson et renifla le sol. Je retins ma respiration. Ce loup était bien trop gros pour n’être qu’un simple loup. Il redressa la tête et poussa un hurlement qui me glaça le sang. Je mis une main devant ma bouche pour éviter qu'il n'entende mon gémissement de peur. J'étais terrifiée. Ces loups étaient à l’origine de tous mes cauchemars. D'autres hurlements lui répondirent. Lorsque je vis ses yeux, je manquai de tomber. Il avait les mêmes que Christopher. Je ne m’étais pas attendue à ce que ce soit lui. Pas cet immense prédateur. Mais c'était lui, sans nul doute. Après quelques minutes, il s'éloigna rapidement. Une fois certaine qu'il était suffisamment loin, je m'éloignai en courant, les jambes tremblotantes, des larmes coulant le long de mes joues.