— Tu ne t'y prends pas de la bonne manière, dit Christopher, exaspéré.
Il prit une flèche et tira. Elle alla se ficher en plein milieu de la cible.
— Tu vois ? Mes mouvements n'étaient pas brusques, mais fluides. Fie-toi à ton instinct. Si tu avais une cible qui bougeait devant toi, elle pourrait s'enfuir simplement en marchant si c'était toi qui visais.
Je soupirai et replaçai une mèche de mes cheveux derrière mon oreille.
— Le fait d’avoir les cheveux en plein visage n'aide pas non plus.
Il recula et m’observa de la tête aux pieds.
— En fait, je crois que c'est la deuxième fois seulement que je te vois avec les cheveux détachés.
Il haussa un sourcil.
— Portes-tu du maquillage ? demanda-t-il, amusé.
Il venait seulement de le remarquer ?
— Oui, où est le problème ?
— Il n'y en a pas, je croyais simplement que tu n'étais pas le type de fille à en mettre.
— De temps en temps, ça m’arrive.
Il se repositionna pour tirer et dit :
— Tu n'as pas besoin de maquillage.
— Pour quelle raison ?
— Car tu n'en as tout simplement pas besoin. D'ailleurs, as-tu un élastique ? Je crois que ce serait mieux si tu ne veux pas avoir des cheveux dans le visage.
Je posai mon arc au sol et sortis un élastique de ma poche. J’attachai mes cheveux le plus rapidement possible.
—Attends, dit Christopher, tu as oublié une mèche.
Il posa son arc à son tour et se plaça derrière moi. Il effleura ma nuque et plaça une mèche rebelle dans ma main. Je sentis un frisson parcourir ma colonne vertébrale. D’un simple geste, il pouvait me briser la nuque en deux.
— M… Merci, bégayai-je.
— Pas de problème. Allez, on reprend.
Heureusement pour moi, il ne semblait pas avoir remarqué mon malaise. Il passa plus de trente minutes à m'expliquer comment bien tenir mon arc et comment viser rapidement. Il n'arrêtait pas de répéter que j'avais un bon instinct et qu'il fallait que je m'en serve. Au bout d’un moment, je lui demandai comment il en était arrivé à cette conclusion, et il se justifia en affirmant que je me tenais tout simplement avec lui. Ce type avait un ego surdimensionné, ce qui n’était pas étonnant. Les loups avaient une trop grande confiance en eux. Cela allait jouer en ma faveur.
Nous allâmes manger ensemble, et Tala vint nous rejoindre. Ces deux-là n'arrêtaient pas de s'embêter. Je les écoutais en piochant dans mon assiette. Christopher n'arrêtait pas de dire que Tala était amoureuse d'Emmanuel et ne cessait de demander mon avis. Je me contentais de hocher la tête, et il s'exclamait qu'il avait raison puisque je le supportais. Je n'étais franchement pas la bonne personne pour parler d'amour. Plus j'observais Christopher et plus j'avais l'impression qu'il se servait de son arrogance pour cacher son côté enfantin. Physiquement, il n'avait rien d'enfantin, mais psychologiquement, c'était une autre histoire. Il était très complexe, même s'il était parfois facile de deviner à quoi il pensait. J'avais quelquefois l'impression que j'avais plus de facilité à deviner les sentiments d'un elfe que les siens. Je me mordillai la lèvre inférieure.
— Tout va bien, Oracle ?
Je clignai des yeux avant de me rendre compte que je fixais Christopher sans gêne. Celui-ci me regardait avec un sourire arrogant. Je déglutis, mais ne détournai pas le regard. Je n'avais pas à être embarrassée.
— Oui, j'étais ailleurs.
Tala rigola en passant ses cheveux blonds par-dessus son épaule.
— On avait remarqué.
Christopher se pencha en avant et appuya sa tête contre l'un de ses poings.
— J'aimerais parfois être dans ta petite tête. Tu sembles toujours être ailleurs, et cela m'intrigue.
Je fronçai les sourcils.
— Je ne suis pas toujours dans la lune.
— Peut-être pas toujours, mais souvent, dit Tala.
En comprenant que les deux garous étaient contre moi, je cédai :
— D'accord, d'accord, vous avez raison.
Ce fut au tour de Christopher de froncer les sourcils.
— Oracle, je crois que c'est la première fois que tu cèdes quelque chose aussi rapidement.
Je m’apprêtai à répliquer, mais pris à la place une bouchée de ma salade. En voyant mon expression renfrognée, il ne put s'empêcher de rire.
— Tu es quelqu'un de bien têtu.
— Tu l'es bien plus que moi, dis-je en pointant ma fourchette vers lui.
— Vous deux, vous êtes des cas à part, dit Tala à son tour.
Une fois le dîner terminé, Tala alla retrouver Emmanuel. Christopher et moi retournâmes au champ de tir. Un gamin d'environ huit ans courut dans notre direction. Sa ressemblance avec Christopher était frappante. Les mêmes cheveux noirs, la même couleur des yeux, un nez légèrement retroussé. Il sauta sur Christopher, et celui-ci le plaça sur son épaule comme s'il ne pesait qu'une plume.
— Eh ! Percy. Ça va mon pote ?
— Oui, j'adore trop ce camp ! Je pourrai revenir l'année prochaine ? supplia Percy en faisant les yeux doux à son grand frère.
Christopher éclata de rire et reposa Percy au sol.
— Pour cela, il va falloir que tu demandes à notre cher père.
Le petit fit la moue.
— Ça va lui prendre trois ans avant de me répondre. Il est toujours occupé.
Christopher me regarda avec un sourire forcé avant de reporter son attention sur son petit frère.
— Percy, tu sais que papa est un homme d'affaires très important.
C’est alors que Percy sembla seulement se rendre compte de ma présence. Il était bien comme son frère.
— Qui est-ce ?
— Percy, je te présente Oracle, une amie. Oracle, voici mon détestable petit frère, Percy.
Percy me dévisagea.
— Tu as un drôle de nom. Mais je comprends pourquoi mon frère se tient avec toi.
Peu choquée par le fait qu'il trouve mon nom étrange et par l'avertissement de Christopher, je lui demandai, curieuse :
— Pourquoi se tient-il avec moi ?
— C'est facile ! Tu es jolie.
Je jetai un regard suffisant à Christopher.
— Même ton petit frère est plus séducteur que toi.
— Tout le monde est plus séducteur que mon frère !
Christopher me fusilla du regard avant de faire de même avec son petit frère.
— Si tu veux, Oracle, tu peux demander à Percy de t'apprendre comment mieux tirer.
Percy me regarda avec admiration.
— Tu fais du tir à l'arc ?
Je ne pus m'empêcher de rire.
— Pourquoi serais-je ici sinon ?
— Pour regarder Christopher !
— Tu veux tirer avec nous, Percy ? demanda Christopher.
— J'aimerais bien, mais je suis avec des amis.
Il regarda derrière lui en faisant signe à ses amis pour leur indiquer qu’il ne serait plus long.
— Justement, je dois y aller. À plus, Oracle !
Il partit en courant.
— Il ne m'a même pas dit au revoir, dit Christopher, étonné.
— Tu ne vas pas pleurer, j'espère ?
Il roula des yeux.
— Tais-toi. Ce n'est pas en parlant que tu deviendras meilleure au tir à l'arc.
J'avais froissé son ego, le pauvre.