Nerveuse, j'attendais que Christopher se pointe à l’entrée du camp, comme il me l'avait demandé. Je replaçai mes cheveux derrière mes épaules en tentant de les discipliner. Peine perdue. À croire qu’ils étaient vivants et que leur mission était de me présenter aux parents de Christopher comme si je venais de me réveiller.
Pour me calmer, je regardai les gens qui passaient près de moi. La majorité allait à la cafétéria. Un jeune couple passa devant moi, et je ne pus m'empêcher de penser à Alexandre. Que faisait-il en ce moment ? S'entraînait-il ? Il était peut-être avec sa tante Sachka. Je réprimai un sourire en repensant à elle. Cette femme était vraiment sympathique. L'opposée d'Alexandre, au premier regard. Alexandre ressemblait plus à son autre tante, Sa Majesté. D'ailleurs, pourquoi Dacre m'avait-il caché leur lien de parenté ? Bon, il ne me l'avait pas vraiment caché, il avait plutôt oublié de le mentionner. Physiquement par contre, il ne ressemblait pas du tout à grand-mère, mais plutôt à Sachka. Pendant toutes ces années où grand-mère avait pris soin de moi, jamais je ne l’avais aperçu. Malgré sa grande taille, Alexandre était plutôt du genre discret.
— Oracle !
Je sursautai de surprise. C’est alors que j'aperçus Percy et Christopher un peu plus loin sur ma droite. Percy portait un pantalon noir et une chemise blanche qui faisait ressortir ses cheveux sombres et sa peau légèrement bronzée. Il portait toujours son attelle au bras droit. Christopher quant à lui portait une chemise grise et un pantalon noir. Ses cheveux, habituellement jamais soignés, étaient coiffés vers l’arrière. La couleur de sa chemise faisait ressortir ses yeux gris, qui m’analysaient comme si je passais une inspection. Je portais une robe blanche simple qui m'arrivait aux genoux, ainsi que mes Keds noirs. Mes cheveux étaient détachés, ce que je regrettais énormément, et je portais du mascara. Cette fois, cela ne m'avait pas pris dix ans à en mettre. Christopher sourit lorsqu'il découvrit mes souliers.
— Tu portes vraiment des Keds avec une robe ?
— Oui, où est le problème ? lui demandai-je, ennuyée.
— Ouais, où est le problème ? répéta Percy. Moi, je trouve que ça te va très bien, Oracle.
Je souris à Christopher pour lui faire comprendre que son petit frère, lui, aimait mon style. Il roula des yeux.
— Toi aussi tu es très bien habillé, Percy. Tu es très beau ce soir.
Il avait l’air aux anges. À croire qu’il s’agissait du plus beau compliment qu’il eût jamais reçu.
— Merci.
— Et moi, tu ne vas pas me complimenter ? râla Christopher.
Je fis semblant de l'inspecter, comme il l’avait fait pour moi un peu plus tôt, et secouai la tête.
— Tu es...correct, dis-je en éclatant de rire devant son expression offusquée. Ne t'inquiète pas, tu as la note de passage.
Il fit semblant de rire tout en me donnant un petit coup d'épaule, auquel je répondis immédiatement. Percy nous regarda, visiblement amusé, avant de prendre mon parti. Christopher l'interrompit aussitôt en le réprimandant pour qu’il fasse plus attention à son bras. Percy leva les yeux au ciel et répliqua qu'il était un grand garçon.
— Je le sais, mais tu es blessé, et maman me tuerait si tu te faisais encore plus mal.
— Tu es comme maman, tu t'inquiètes pour rien.
— Percy Black, je suis loin d'être comme maman.
Percy me regarda, ennuyé.
— C'est ce qu'il dit.
— Nous devrions sortir du camp pour voir si le chauffeur est arrivé, proposa Christopher pour changer de sujet.
Le chauffeur ? Pourquoi étais-je étonnée ?
Un garde surveillait l'entrée du camp et nous demanda les papiers spéciaux pour sortir en pleine semaine. Je regardai Christopher, perdue. Il ne m'avait pas parlé de ces papiers. Il sortit une enveloppe de sa poche et la tendit à l'homme. Celui-ci l'ouvrit et hocha la tête pour nous donner sa permission. Percy me prit la main et m'entraîna avec lui. Quelques minutes plus tard, nous étions à l'extérieur du camp. Comme l'avait dit Christopher, une voiture noire nous attendait. Un homme d'une cinquantaine d’années sortit de la voiture et salua Percy et son frère.
— Messieurs, comment allez-vous ?
— Bien. Et toi, Jack ? demanda Christopher.
— Comme d’habitude.
Il ouvrit une portière, et Percy se dépêcha d'entrer dans la voiture. Christopher me fit signe de passer devant lui, et je le remerciai d'un signe de tête. Une fois Christopher et moi dans l'automobile, Jack claqua la porte et alla s'installer à l’avant. Les sièges étaient en cuir, ce qui était très confortable. Timidement, je demandai à Christopher dans quel type de voiture nous étions.
— Tu ne le sais pas ?
Je secouai la tête négativement.
— Une Audi.
Cette marque ne me disait absolument rien.
— Oh. Eh bien, je l'aime bien.
Il sourit presque de manière arrogante.
— Qui n'aime pas les Audi ?
***
Nous arrivâmes chez les Black une vingtaine de minutes plus tard. Jack arrêta la voiture devant une grille. Il baissa sa fenêtre et appuya sur une touche fixée dans le mur de pierre qui contenait sûrement le mécanisme d'ouverture. Une voix nous demanda d'attendre quelques secondes, puis la grille commença à s'ouvrir. Jack referma sa fenêtre et fit avancer la voiture sur le terrain du manoir. Des arbres cachaient la propriété, donc tout ce que je pouvais voir pour le moment était un terrain très bien entretenu. Il y avait des fleurs le long de l'allée qui nous guidait vers l'entrée.
Lorsque la voiture stoppa finalement devant un manoir de trois étages, ma mâchoire faillit se déboîter. Jamais je n'avais vu une si grande demeure. Combien étaient-ils à vivre là-dedans ? Une trentaine ? Presque toutes les pièces du deuxième étage possédaient leur propre balcon, et la façade était construite à base de bois de séquoia. Nous utilisions beaucoup ce bois pour les maisons du village à Nomeck. Le manoir était troué de fenêtres immenses, et mon inspection se termina sur la tour octogonale et le porche. Je n’avais pas assez de mots pour décrire à quel point je trouvais ce bâtiment magnifique.
— Tu viens ? me demanda Christopher en me tendant la main pour m'aider à sortir de la voiture.
Je la pris contre mon gré et le suivis à l'extérieur.
— Impressionnante, n'est-ce pas ? demanda Percy
Je ne dis rien, le laissant deviner mes pensées. Jack referma la portière, nous salua et partit avec la voiture. Nous empruntâmes un petit pont qui passait par-dessus un ruisseau et montâmes des escaliers de pavés pour arriver devant la porte d'entrée. Christopher s'apprêtait à cogner lorsque la porte s'ouvrit brusquement. Un homme aux yeux verts et aux cheveux noirs parsemés de blanc nous fit face. Ces yeux, la couleur de ces cheveux, je les aurais reconnus entre mille, que ce soit sous forme humaine ou sous forme de loup.
C'était le meurtrier de mes parents.