Complètement affolée, j’allai tirer les draps du lit d’Anastasia pour être certaine que celle-ci n’était pas emmitouflée dessous. Entièrement vide. Je regardai autour de moi tout en réfléchissant à l’endroit où elle pouvait se trouver. La salle de bain. J’ouvris la porte à la volée et soupirai de soulagement. Ana, quant à elle, me regardait d’un air abasourdi. Elle se lavait le visage avec une débarbouillette d’eau froide, mais avait interrompu son mouvement en me voyant entrer. L’eau coulait toujours dans l’évier. Sous le coup de la panique, je n’avais pas prêté attention aux bruits qui m’entouraient. Une erreur qui, dans une autre situation, aurait pu m’être fatale. Ana attendait visiblement une explication. Je lui en devais bel et bien une.
— Je te cherchais, dis-je simplement. En voyant ton lit vide, j’ai quelque peu paniqué. Surtout lorsque j’ai remarqué que la fenêtre était ouverte, parce que j’étais convaincue d’avoir entendu des loups hurler à l’extérieur.
Amusée, elle haussa un sourcil et déposa sa débarbouillette sur le rebord du lavabo.
— Oracle, je crois que s’il y avait des loups près du camp, les moniteurs le sauraient.
J’émis un gloussement factice pour moi, mais authentique pour elle.
— Tu as probablement raison.
Je marquai une pause avant de demander :
— Mais au fait, pourquoi as-tu ouvert la fenêtre ?
Elle me regarda avec étonnement.
— Il faisait tellement chaud que j’ai cru que j’allais mourir. Tu n’as pas remarqué ?
Je secouai la tête.
— J’ai un sommeil profond.
— Ce n’est pas ce que j’ai pu remarquer, dit-elle en penchant la tête sur le côté. Tu as souvent un sommeil agité d’après ce que j’ai vu lorsque je n’arrivais pas à dormir.
Un frisson me parcourut l’échine.
— Que veux-tu dire ?
— Tu parles souvent dans ton sommeil. Parfois même, tu te débats. Je ne t’ai jamais réveillée, car je n’avais pas envie que tu te fâches contre moi.
Je m’étais toujours douté que j’avais un sommeil agité, mais de là à parler…Mais voilà le problème : qu’avait-elle entendu ? Mon expression devait être paniquée, car Ana me dit :
— Ne t’inquiète pas, je ne comprenais pas un seul mot de ce que tu disais. En plus, j’étais trop fatiguée pour t’écouter.
Je hochai la tête et feignis un bâillement.
— Bon, eh bien, je retourne me coucher. Nous commençons par de l’équitation demain matin, et je compte bien être en forme.
À la mention du mot équitation, Ana grimaça.
— Finalement, j’aurais dû laisser la chaleur me tuer.
J’éclatai de rire, et son rire se mêla au mien. Je lui souhaitai ensuite une belle nuit et allai me coucher.
***
Je me réveillai le lendemain matin pleine d’énergie. Je m’étirai et passai une main dans mes cheveux en bataille. Je dus arrêter, car un énorme nœud me barrait la route. Je jetai un œil par la fenêtre tout en me levant. Il était environ sept heures. Cela me donnait amplement le temps d’aller courir.
Je me tournai vers le lit d’Ana en m’attendant à ce qu’elle s’y trouve. Ce n’était pas le cas. Son lit était vide, comme la veille. La fenêtre était fermée, et aucun son ne provenait de la salle de bain. Je regardai au pied de son lit et remarquai que ses chaussures avaient également disparu. Ce n’était pas son genre de se lever si tôt le matin. Où pouvait-elle bien être ?
Je m’habillai à la hâte, ne pris pas la peine de me coiffer et sortis en emportant la lettre que je devais envoyer au plus vite. Je fis plusieurs allers-retours entre les endroits où Ana aurait pu aller sans trouver le moindre signe d’elle. Lorsque je passai près du petit chemin que j’empruntais lorsque je joggais, j’entendis un hurlement. Mon cœur se mit à battre plus vite et l’adrénaline envahit mon corps. Sans réfléchir, je partis à la course en pleine forêt. Après quelques minutes, je commençai à ralentir. J’étais certaine de m’être approchée de la source du hurlement, pourtant, il n’y avait aucune trace de bataille. Était-ce Ana qui avait hurlé ici ? Et si elle avait surpris Christopher ou l’un des siens en pleine transformation ? Que lui aurait-il fait ?
Je manquai trébucher. Je stoppai net et regardai le sol. J’avais perdu l’équilibre à cause d’un tas de vêtements et de chaussures. Parmi le lot se trouvaient les chaussures d’Ana et de Christopher. Je blêmis et reculai d’un pas. Cela ne pouvait pas être ce que je croyais.
Je continuai de regarder le sol avant de remarquer quelque chose. Tout autour des vêtements se trouvaient des empreintes de griffes et de pattes de loups. Je me penchai et posai ma paume à côté d’une trace de patte. Celle-ci faisait presque deux fois ma main. Si Ana ne se trouvait nulle part et qu’elle n’était pas blessée, cela ne signifiait qu’une chose : elle était également un garou. Une garde éloignée. Les garous s’étaient-ils doutés de quelque chose dès mon arrivée ? Ou s’agissait-il d’une coïncidence ? Il ne pouvait s’agir que de la deuxième option. Il était impossible que nos ennemis m’eussent découverte. Sans cela, Angela ne m’aurait jamais invitée dans sa demeure.
J’analysai toutes les possibilités et en arrivai à la conclusion qu’Anastasia ne se doutait de rien. Du moins, pour le moment.
D’une main tremblotante, je sortis de ma poche la lettre que j’allais envoyer. Je devais y apporter quelques modifications. Il fallait aussi que je parte au plus vite d’ici. Je n’étais pas de taille à me battre contre des loups.
Je me relevai et, avec ma chaussure, essuyai l’empreinte de ma main. Pour être plus prudente, je pris une branche et effaçai mes traces tout en reculant. Une fois sortie de la forêt, je jetai la branche et essuyai mes mains contre mon jogging tout en pressant le pas. Une grande majorité de jeunes étaient déjà en route pour le déjeuner. Cela signifiait que je devais corriger et envoyer ma lettre au plus vite si je voulais une place à la cafétéria.
Une fois que ce fut fait, je rentrai dans la cafétéria. Évidemment, la place où Ana et moi avions l’habitude de nous asseoir chaque matin était occupée. Nous nous placions habituellement près de la table de Christopher et des autres, mais ce matin, personne ne semblait être là, excepté Xavier. Mon humeur s’assombrit davantage lorsque je pensai à Anastasia. Je secouai la tête et rejoignis Xavier pour éviter d’exploser. Il me sourit gentiment et me proposa de m’asseoir en face de lui.
— Sais-tu où sont les autres ? me demanda-t-il lorsque je fus assise en face de lui.
Je haussai les épaules en soupirant.
— Je ne le sais pas plus que toi.
Il prit une bouchée de son déjeuner et m’invita à aller en chercher un avant qu’il n’y ait plus de choix acceptable. J’allai donc le chercher et lorsque je revins à la table, Ana, Christopher et les autres s’y trouvaient. Je m’assis en silence à la place restante. Anastasia me sourit et me demanda si j’avais bien dormi. Je hochai la tête sans rien dire. À l’exception de Xavier, ils étaient tous mes ennemis, et je ne devais pas me fier à leur attitude. Anastasia avait réussi à me flouer jusqu’à présent, mais le jeu était terminé. Je ne me ferais plus avoir.