Depuis trois jours, j’essayais de faire de mon mieux pour cacher mon animosité envers Anastasia. Je ne me comportais plus du tout de la même manière avec elle et je me doutais bien qu’elle en ignorait la raison. Cependant, je n’y pouvais rien. Pendant plus de deux semaines, elle avait réussi à me camoufler sa véritable nature et elle habitait même avec moi. J’avais été complètement aveugle.
La nuit passée, je n’avais presque pas fermé l’œil. J’avais imaginé des scénarios, du genre Anastasia me sautant à la gorge tout en hurlant qu’elle connaissait ma véritable identité avant de me trancher la gorge.
— Oracle, tout va bien là-haut ? me demanda Christopher. Depuis presque cinq minutes, tu es au même endroit et tu ne bouges pas.
Je revins brusquement au moment présent. J’étais en cours d’escalade, et Christopher était chargé de s’occuper de mes cordes au sol.
— Ouais, je me suis tout simplement sentie étourdie pendant un moment, mais je vais mieux.
Je regardai en bas pour voir son expression. Il semblait inquiet. Depuis ce matin, il me demandait presque toutes les cinq minutes si j’allais bien. On aurait aussi dit qu’il faisait tout pour éviter de me froisser. Ce qui était plutôt énervant, puisque j’aurais aimé trouver une raison de lui hurler dessus sans que cela ne paraisse suspect.
— Je te fais redescendre, dit-il tout à coup.
Je protestai, mais il ne voulut rien entendre. Une fois au sol, je le fixai dans les yeux pour le provoquer. Je savais qu’il détestait cela. D’ailleurs, à part Xavier et moi, personne d’autre ne le faisait. Cela avait certainement un rapport avec sa supériorité au sein de sa meute.
Je détachai mon harnais et le lui tendis. Il soupira, passa une main dans ses cheveux et s’en empara tout en détournant le regard. En deux semaines, jamais il n’avait détourné les yeux en premier. Il avait toujours utilisé son pouvoir d’alpha pour que je le fasse avant lui. Cela me frustrait énormément.
— Je t’ai dit que j’allais mieux, maugréai-je.
— Eh bien, je n’en crois pas un mot.
— Eh bien, tu le devrais. Allez, passe-moi tes cordes et ton harnais, je vais te surveiller pendant que tu escalades. C’est à mon tour.
En voyant qu’il allait refuser, j’ajoutai :
— Si tu n’acceptes pas, je te jure que je me vengerai.
Il me les tendit immédiatement. Une fois qu’il fut prêt, je lui donnai mon signal pour qu’il commence à grimper. Nous étions tous les deux rendus au niveau moyen avancé. Ce qui, selon notre surveillant, était incroyable. Nous étions les deux seuls dans cette catégorie pour le moment, et Tristan, le surveillant, nous faisait suffisamment confiance pour nous laisser nous occuper seuls de nos affaires. J’ignorais si c’était légal, mais je m’en fichais.
S’il n’avait pas été un loup, j’aurais comparé Christopher à un félin. Il escaladait le parcours avec une agilité, une grâce et une vitesse qu’on attribuait souvent au lynx ou à la panthère. Ses muscles se tendaient à chacun de ses mouvements, et il s’agrippait avec force aux pierres lorsqu’il se déplaçait, comme si aucun câble ne le retenait. De temps en temps, il me regardait et me demandait si je me sentais bien, et comme à chaque fois, je hochais la tête.
Je regardai les autres personnes de mon cours, qui se trouvaient un peu plus loin. Ana était elle aussi en train d’escalader, mais semblait éprouver des difficultés. Je détournai le regard. Ce n’était pas mon problème.
— Ana ! Mets ton pied droit sur la pierre bleu foncé, dis-je tout de même.
Elle tourna la tête dans ma direction et me sourit de toutes ses dents avant de faire ce que je lui avais recommandé. Je soupirai tout en ajustant les câbles de Christopher. Pourquoi Dacre l’avais-je aidée ?
Je me redressai brusquement. Quelqu’un m’observait. Je tournai discrètement la tête vers la droite avant de me retourner complètement. Je clignai des paupières plusieurs fois. Ces yeux, cette chevelure, cette silhouette, je les aurais reconnus entre mille. Alexandre ?