En voyant des gens passer tout près, Alexandre me relâcha et s’éloigna légèrement de moi. Je le regardai, intriguée.
— Qu’y a-t-il ?
— Chérie, comment crois-tu que j’ai eu la permission de venir dans ce camp ? Ils n’acceptaient plus les candidatures il y a trois jours.
Je pris un moment pour réfléchir. Que faisait-il ici, si ce n’était pas pour camper ?
— Tu es un surveillant ? demandai-je après un moment.
— Depuis que Percy s’est fait blesser et que le surveillant du champ de tir s’est fait renvoyer, le camp n’a pas trouvé de remplaçant convenable. Alors, nos sources ont posé ma candidature, avec de très bonnes références en plus.
Il resta silencieux un moment et ajouta :
— Ils ne pouvaient qu’accepter.
Je croisai les bras sur ma poitrine.
— Alors, vous avez eu le temps de tout préparer lors de ces trois derniers jours.
Il s’agissait plus d’une affirmation que d’une question, et Alexandre le savait.
— Aussitôt que tu auras une chance de t’exercer dans tes temps libres, fais-le. Cela ne pourra que t’aider. Demain, je serai celui qui surveillera ton cours de tir à l’arc. Je pourrai donc venir t’aider de temps en temps, si les autres n’ont pas besoin de moi. La journée de l’attaque, je te donnerai les informations nécessaires pour que tu saches à quoi t’attendre. Pour le moment, je veux simplement que tu agisses comme si nous ne nous connaissions pas. Tu m’as bien compris ?
Je lui fis signe que oui et il hocha la tête.
— Il est temps de nous séparer.
Je commençai à m’éloigner, mais il me fit signe de rester.
— Je vais partir en premier. Reste ici et attends quelques minutes avant de faire de même.
Une fois qu’il fut parti, j’attendis un moment et sortis à mon tour. Je tombai directement sur Ana.
— Eh ! Pourquoi ne m’as-tu pas attendue tout à l’heure ?
J’évitai son regard accusateur et continuai mon chemin d’un pas rapide. Avec sa petite taille, Ana eu de la difficulté à me rattraper sans courir, mais y parvint quand même.
— Peux-tu m’expliquer ce qui se passe ? me demanda-t-elle avec colère.
Ses yeux bleus lançaient des éclairs.
— Du jour au lendemain, tu cesses de m’adresser la parole et tu te comportes comme si tu détestais tout le monde. Est-ce que quelque chose de grave est arrivé pour que tu réagisses ainsi ? Cela ne te ressemble pas.
« Plus que tu le crois », pensai-je avant de soupirer et de m’arrêter. Anastasia se plaça devant moi, les mains sur les hanches.
— Il n’y a eu aucun événement qui explique mon comportement.
Évidemment, elle n’en crut pas un mot. Elle demeura silencieuse et, soudain, son visage s’illumina comme si elle avait trouvé une explication. Elle pointa un doigt accusateur dans ma direction.
— Tu ne te sens pas bien à cause de Christopher ! J’ai raison, pas vrai ?
Je me retins de me frapper le front. Comment Dacre avait-elle abouti à cette conclusion ?
— Tu es en peine d’amour ! s’exclama-t-elle. Tu as avoué tes sentiments à Christopher et il t’a rejetée ! Pourquoi ne m’as-tu rien dit ? Ce salopard ne perd rien pour attendre. Tu es la fille parfaite pour lui.
Elle partit comme une flèche en direction des cabines des garçons, me laissant en plan et complètement perdue. Que venait-il de se passer ? Soudain, mon cerveau eut un déclic. Elle n’allait tout de même pas insulter Christopher parce qu’il m’avait supposément rejetée ? Je m’élançai à sa poursuite en maudissant intérieurement l’imagination débordante d’Ana.
Je l’aperçus, au loin, entrer dans la cabine de Christopher sans prendre la peine de cogner. Cette fille était un vrai phénomène. N’avait-elle pas peur des représailles qui pouvaient venir de Christopher ? Tout cela parce qu’elle croyait que j’étais en peine d’amour par sa faute.
J’arrivai dans la cabine quelques secondes plus tard et trouvai Christopher avec une taie d’oreiller sur la tête, Anastasia lui faisant la morale. Visiblement à bout de nerfs, Christopher lança son oreiller contre le mur et se leva.
— Pourrais-je savoir ce qui se passe ?
Il nous pointa du doigt, Ana et moi.
— Premièrement, que faites-vous ici, et deuxièmement, qui a le cœur brisé et pour quelle raison ?
Avant qu’Anastasia ne lui réponde, je plaquai une main contre sa bouche.
— Il y a eu un malentendu, je suis désolée. Nous sortons immédiatement.
Je lui souris et poussai le garou à l’extérieur de la cabine. Je m’apprêtais à la suivre lorsque Christopher m’interpela. Je me retournai et haussai un sourcil avec interrogation.
— J’ai quelque chose à te dire, ça ne sera pas long. Si ça ne te dérange pas ?
Je regardai tour à tour Ana et Christopher. Celle-ci m’encouragea et me fit signe qu’elle ne serait pas loin. Elle referma la porte derrière elle, et ce fut le calme plat. Christopher se rassit et se prit la tête entre les mains. Son égratignure de tout à l’heure avait complètement disparu. Mal à l’aise pour diverses raisons, je regardai le plancher avant de relever la tête.
— Alors, qu’avais-tu à me dire ?
Il se leva en toussotant et passa une main dans ses cheveux.
— Tu devrais t’asseoir, me suggéra-t-il.
Mon cœur se mit à battre la chamade. Allait-il avouer qu’il était un loup-garou ? Impossible, ceux-ci gardaient toujours leur vraie nature secrète. J’allai m’asseoir sur le lit, le seul endroit propre, ou du moins le pensais-je, de la pièce.
— Je t’écoute.
Il prit une profonde inspiration et s’agenouilla devant moi.
— Oracle, je crois que je commence à éprouver des sentiments amoureux à ton égard.