A
L
À (d'abord écrit A) prép. Les emplois très variés de cette préposition viennent en partie de ce qu'elle est issue de trois prépositions latines :
ad (→ 1 a-) exprimant à l'origine le mouvement vers, la direction, de loin la plus importante (
a et
ad, mil.
XIe s.), mais aussi
ab correspondant au grec
apo- (→ apocalypse) et recouvrant plusieurs notions, notamment la séparation, et enfin
apud, par une forme populaire
°abu (
ab dans
Les Serments de Strasbourg, 842).
À est d'abord en concurrence avec des formes empruntées,
ad jusqu'au
XIIIe s.,
ab jusqu'au
XVe siècle.
◆
La forme contractée
au vient de
a le (
al, mil.
XIe s.) et
aus de
a les (als), devenu
aux par confusion (
us se notant arbitrairement
x) ;
au et
aux l'emportent sur
a le et
a les au
XIIIe siècle. Enfin, sur le plan formel (graphique),
a pouvait s'agglutiner avec le substantif,
a forfait étant écrit
afforfait, a savoir assaveir (d'où
assavoir, encore dans Littré), etc. ; cet usage existe encore au
XVIe siècle.
En latin, ad exprimait le mouvement, la direction vers un lieu, vers une personne, puis la proximité, la situation sans mouvement, le rapport, la comparaison ; en latin parlé (observable dans le théâtre, par exemple chez Plaute, et à époque tardive) ad remplace parfois le datif et le génitif. Quant à ab, il exprimait la séparation, l'origine (ce qu'exprimera de en français), d'où l'agent. Enfin, apud est employé tardivement (VIe s.) pour les notions de relation, d'accompagnement, en concurrence avec cum « avec ». C'est la confusion, aux VIe-VIIe s. (Mérovingiens), entre ab et ad et par ailleurs entre apud et ad, qui rend compte de celle qui a mêlé les mots romans et ancien français ad, ab, et ab (de apud) en une seule forme a, devenue à. — L'accent grave sur le a est une initiative du XVIe s. (Montfleury, 1533) qui triomphe dans la seconde moitié du siècle (1606, dans les dictionnaires).
❏
Cette préposition joue en ancien français un rôle essentiel dans l'évolution de la syntaxe. Les emplois de
ad, ab puis
a, avant le
XVIe s., sont plus variés qu'en français moderne : de nombreux verbes qui se construisaient alors avec
a sont aujourd'hui transitifs directs
(aider, rencontrer, éclairer... a qqn). Ad et
a exprimaient l'instrument, la manière (881, « avec » ; 1080, « de »), la comparaison (1080 « avec »). Avec les verbes
avoir, prendre, a a cédé devant
pour ; avec de nombreux verbes
(avoir a estime..., devenir a rien...), il a été remplacé par
comme, par
en.
◆
De très nombreux compléments de circonstance construits jusqu'au
XVIIe s. avec
à s'emploient ensuite avec
vers, chez, sur (se tourner à...), avec, contre, à côté de (s'asseoir à qqn).
◆
Le
a provenant de
ab était en usage là où le français moderne emploie
de (
prendre congé a qqn, mil.
XIe s.).
◆
Par ailleurs,
à introduisait le complément d'appartenance, aujourd'hui construit avec
de : cette construction ancienne, encore normale au début du
XVIIe s., survit en langue rurale ou populaire (le fils
à son père) et dans des locutions comme
fils à papa.
◆
Mais de très nombreux emplois encore vivants sont attestés dès les origines. Pour
ad, a exprime le mouvement vers un lieu (mil.
XIe s.), vers une personne (1080),
doner a étant aussi attesté dans
La Chanson de Roland. Avec de tels verbes
(doner, parler), ad, puis
a (mil.
XIe s.) a la valeur du datif latin. La situation temporelle est marquée par
a dès le
IXe s. (881, sainte Eulalie), comme la valeur instrumentale (
ad pour
avec).
◆
Quelques emplois spatiaux sont propres à un usage géographique. En français de Belgique,
une maison à rue, à route s'emploie pour « qui donne sur (la rue, etc.) ». En Afrique subsaharienne,
à s'emploie devant les noms de rues, de places, etc., avec l'article défini :
habiter à la rue X, à la place de...
Continuant ab, a marque, on l'a vu, la séparation, le détachement (mil. XIe s.), l'origine (prendre conseil a qqn, 1172), l'agent. Le ab venant de apud correspond plutôt aux prépositions modernes de et avec exprimant une relation juridique (842), puis l'accompagnement (Xe s.). Ces emplois ont tous disparu.
A Première lettre et voyelle de l'alphabet latin, passé dans les langues romanes et, à l'écrit, dans toutes langues à alphabet latin.
❏
Le nom de la lettre entre dans des locutions comme depuis (de) A jusqu'à Z, ne savoir ni a ni b, ou, d'après les notations de l'algèbre, prouver par a + (plus) b.
❏ voir
ABC, ABÉCÉDAIRE.
1 A- Premier élément de nombreux mots, issu du latin ad-, exprimant la direction, le but à atteindre, le passage d'un état à l'autre. En latin, ad-, devant un verbe, y ajoute une notion de direction (adire par rapport à ire), d'augmentation (adgravare par rapport à gravare), de progressivité (verbes inchoatifs : addormire « s'endormir » par rapport à dormire).
❏
En ancien français, a- se combine à de nombreux verbes, y compris à initiale vocalique (aaidier par rapport à aidier « aider ») et sert à former des verbes avec des adjectifs (ajolier « rendre joli »), des noms (acoster « placer à côté »), avec des effets syntaxiques, le préfixé en a- rendant parfois transitif un verbe intransitif.
◆
Pour former des verbes à base nominale, a- est souvent remplacé par en-, em- (accourager par encourager ; mais appauvrir s'est maintenu face à empauvrir). L'élément a- possède des variantes graphiques selon la première lettre du radical, ac dans accourir, ad dans adjoindre, etc. Souvent séparé de son radical, le préfixe étant inanalysable (accomplir, accueillir, ajouter), concurrencé par ra- (accourcir, alentir, apetisser sont archaïques), cet élément n'est plus productif, sinon par analogie (alunir, d'après atterrir). Certains préfixés en a-, homogènes avec la base, garantissent cependant l'existence de cet élément (abaisser-baisser, etc.).
2 A- privatif. Élément d'origine grecque, passé en latin, et servant à former trois types de mots : des emprunts au latin, eux-mêmes pris à des préfixés grecs (acolyte, anonyme...) ; des emprunts plus récents au grec (achromatique) ; des mots formés en français, assez nombreux à partir du XVIIIe s., le deuxième élément étant en principe d'origine grecque (amoral, apolitique), puis quelconque (apesanteur, agravitation). Le grec a- devient en général an- devant une voyelle (anodin, anomalie) ; il a des correspondants dans la plupart des langues indoeuropéennes, dont le latin in- (→ 1 in-).
ABACA n. m. est un emprunt probable (1664) à l'espagnol abaca, lui-même emprunté au tagalog abaka.
❏
Le mot désigne la fibre d'un bananier des Philippines, autrement nommée chanvre de Manille. Le mot a d'abord été du féminin (jusqu'en 1752).
ABACOS ou ABACOST n. m. est l'abréviation, en français d'Afrique, de la formule à bas le costume (sous-entendu, européen) pour désigner une veste boutonnée jusqu'au cou, portée sans chemise, souvent avec un pantalon assorti.
ABANDON n. m., repéré au XIIe s. (mais probablement antérieur), provient de l'ancienne expression mettre a bandon « mettre au pouvoir de... », d'origine germanique. En francique, °bannjan signifie « bannir » (→ bannir) et °bandjan « faire signe » (→ bande).
❏
Le mot français abandon désigne d'abord l'action de renoncer à une chose en la mettant au pouvoir de quelqu'un ; mais c'est l'idée de « laisser » qui a prévalu. Il a dès l'ancien français des emplois actifs (« action d'abandonner ») et passifs (« fait d'être abandonné »), les premiers correspondant à « disposition d'une chose » (faire abandon de, XIIe s.). L'emploi en parlant des personnes est plus tardif (2e moitié XVIIe s.).
◆
On parle en psychologie de névrose d'abandon (d'où abondonnique, ci-dessous).
❏
Abandon a été précédé par
ABANDONNER v. tr. (
La Chanson de Roland, 1080), probablement issu de
°a ban donner (donner à ban). Le verbe apparaît au sens de « lâcher, laisser (le lien qui attache un animal) », d'où (déb.
XIIe s.) « laisser en liberté », avec des spécialisations en fauconnerie (
in Furetière, 1690), en conduite des chevaux attelés (
XVIIe s.), et des expressions comme
abandonner les étriers, aussi au figuré (1701). Au
XIIe s., le verbe s'est employé pour « mettre en activité » (c'est-à-dire « laisser agir ») et
s'abandonner pour « s'exposer au danger » (jusqu'au
XVe s.).
◆
C'est à la même époque qu'apparaît la valeur dominante « ne plus s'occuper de, laisser ».
■
ABANDONNEMENT n. m. (1275) a vieilli comme nom d'action et d'état.
■
Le dérivé ABANDONNATAIRE n. (1845) désigne en droit la personne qui fait abandon de biens. Il s'oppose à ABANDONNATEUR, TRICE n. (1866), plus rare.
■
ABANDONNIQUE adj. et n. (1950) est un terme de psychologie qualifiant un sujet, un enfant qui souffre de la crainte d'être abandonné.
ABAQUE n. m. est un emprunt (v. 1165) au latin abacus, lui-même emprunté au grec abax, abakos, terme technique emprunté, que l'on a cru pouvoir expliquer par l'hébreu ᾿ābāq « poussière soulevée par des chevaux ou des piétons ».
❏
Le mot a signifié en général « machine à calculer », puis « tableau jouant ce rôle » (1611) et « carré de bois évidé muni de fils parallèles et de boules mobiles pour compter » (1751), en concurrence avec le mot plus usuel
boulier. Au
XVIe s., on trouve
abaco (1596) pour « tableau de sable fin, pour compter », sens référant à l'antiquité et repris pour
abaque dans l'
Encyclopédie (1752).
■
Un second sens apparaît par l'emprunt à la Renaissance (attesté 1611) avec la variante abaco (1636) « partie supérieure du chapiteau, sur laquelle repose l'architrave ».
?
ABASOURDIR v. tr. est d'origine argotique ; il signifie d'abord (1632) « tuer » et est formé de a- et de basourdir (1628), verbe issu, probablement d'après assourdir, de l'ancien argot bazir « tuer » (1455, dans le procès des Coquillards), déjà basi au XIVe s. (« mort, tué »). Cette forme est liée à l'argot espagnol vasir, vasido, à des argots du nord de l'Italie, et n'est pas claire. On a proposé au XIXe s. une origine gauloise (Cf. gaélique bâs « mort »), mais le mot semble alors trop tardif, puis un gotique °bazjan « affaiblir » (d'un radical indoeuropéen °bhoso-s « dénudé ») qui convient assez mal sémantiquement. P. Guiraud voit dans abasourdir un composé de °basir (supposé dérivé du latin basis « base* ») et de ourdir qui a signifié « assener des coups », donc « battre et abattre ».
❏
Quoi qu'il en soit, le verbe s'est plus ou moins croisé avec assourdir en entrant dans l'usage courant (1713), avec le sens de « abrutir, assourdir par des cris, des paroles » puis en général « ahurir ».
❏
Les dérivés ABASOURDISSANT, ANTE adj. (1833) et ABASOURDISSEMENT n. m. (1823) correspondent à cette dernière valeur.
L +
ABATTRE v. tr., qui figure dans La Chanson de Roland (abatre, 1080), est issu du latin populaire abattuere (VIe s.), puis abattere, composé de ad- « action menée à son terme » (→ à, 1 a-) et de battuere (→ battre).
❏
Ce verbe signifie à l'origine « frapper, heurter de manière à faire tomber » et concerne un édifice, puis (XIIIe s.) un arbre, des fruits ; le sens est alors « faire tomber pour recueillir » (1270). Le latin classique disait affligere pour « battre », mais son dérivé français n'a pris que son sens figuré (→ affliger). Abattre lui-même a de nombreux sens métaphoriques (abattre de la besogne, 1718) et figurés (« abaisser [l'orgueil] », v. 1200).
◆
Si le complément désigne un être vivant, « faire tomber » peut correspondre à « blesser ou tuer » (dès le XIe s.). Tant au propre qu'au figuré, le verbe a de nombreux emplois et entre dans des locutions. Une valeur spéciale (XIIe s.) est « diminuer la valeur de ».
❏
Les principaux dérivés, à part le participe adjectivé
ABATTUE, UE qui se dit des personnes, au physique et au moral (« triste et découragé »), sont des noms.
■
ABATTAGE n. m. (1265, abaitage) concerne les animaux, puis les arbres (1313) ; le mot a pris de nombreuses valeurs spéciales et un sens figuré argotique, aujourd'hui vieilli, (1889) « vive réprimande ».
■
ABATTEMENT n. m., d'abord concret (v. 1190), s'applique à la réduction d'un impôt dès le XIIIe s. (1259) ; le sens dominant aujourd'hui est moral : il semble apparaître au XVIe siècle.
◆
Sur abattre de la besogne, abattage, surtout dans maison d'abattage, s'emploie (déb. XXe s.) pour « prostitution à la chaîne ».
■
Le déverbal ABAT n. m. a perdu la plupart de ses emplois : « abattage des animaux (1400) et des arbres (XVIe s.) ; amas de choses abattues (1858) » ; pluie d'abat « violente » est régional, ainsi que un abat, pour « une averse » (ouest de la France). Abat de neige est attesté en 1810 au Canada.
◆
Le seul sens moderne correspond au pluriel abats « parties comestibles secondaires des animaux de boucherie » (1836) et spécialement « des volailles » (1877).
■
ABATTEUR n. m., qui signifie d'abord (1388) « bûcheron », s'est surtout employé dans des locutions, notamment dans (grand) abatteur de bois « grand travailleur » (1547) puis « auteur de prouesses amoureuses » (1552, Rabelais).
■
ABATTIS n. m. a lui aussi disparu en emploi général ; il a signifié « massacre » (abateis, v. 1180), « abattoir » (1690) ; faire grand abatis (1549) signifiait « tuer beaucoup de gibier ».
◆
Le mot a pris, par métonymie (1680), la valeur de abats, puis de « parties coupées ou enlevées d'une bête, d'une volaille tuée » (1690), d'où le sens argotique de « bras et jambes » (chez Balzac) et l'expression encore usuelle numéroter ses abattis (1839).
◆
Au sens actif, « fait d'abattre », l'expression sabre d'abattis s'emploie à propos d'un couteau à longue lame pour le « débroussage », notamment en français de Nouvelle-Calédonie.
◆
Le mot a pris régionalement le sens de « terrain dont les arbres ont été abattus, sans dessouchage ». Cet emploi est vivant au Québec. En français de Guyane, un abattis est une exploitation agricole traditionnelle.
■
ABATTOIR (attesté en 1806, au début de la modernisation des villes) désigne l'endroit où l'on abat des bêtes pour la boucherie ; le mot a remplacé abat et abattis.
■
Le participe présent a fourni ABATTANT n. m. (1680) « partie plane d'un meuble, d'un siège, que l'on peut abaisser ou relever ».
■
ABATTÉE n. f., terme de marine (1687), désigne la marche d'un navire dont l'axe s'éloigne du lit du vent.
◈
Le verbe a plusieurs composés, dont le plus courant est
ABAT-JOUR n. m. (1670) « système qui abat, c'est-à-dire qui diminue, la clarté », qui prend son sens moderne vers 1800 : noter que l'on n'emploie pas normalement
abattre dans ce sens.
■
On peut aussi signaler ABAT-VENT n. m. (1344), ABAT-FOIN n. m. (1803), ABAT-SON n. m. (1833).
◈
Un préfixé très usuel est
RABATTRE v. tr., d'abord écrit
rabatre (1200-1230) et qui signifie « abattre de nouveau », ou qui sert d'intensif au verbe simple (« renverser »). Cette valeur reste vivante aux
XVIIIe-
XIXe s. dans des emplois techniques et agricoles, mais la valeur dominante en français moderne est figurée et correspond, depuis le
XVe s., à « abaisser (l'orgueil, les prétentions, etc.) » ;
rabattre le caquet (1578) est lui aussi courant.
■
Du sens financier d'abattre vient la valeur de rabattre « réduire, déduire (une somme) » (1260) et au figuré en rabattre (1680) « réduire ses prétentions, son opinion ».
◆
Le XVIe s. voit apparaître une autre valeur, « pousser le gibier vers les chasseurs ou vers les pièges », et le XVIIe s. l'emploi pronominal se rabattre (1671), « se détourner de son chemin », qui s'est spécialisé au XXe s. en automobile pour « reprendre sa trajectoire initiale après un dépassement ».
◆
Les deux participes sont adjectivés et substantivés, col rabattu correspondant à rabat (ci-dessous).
◈
Le principal dérivé est
RABAT n. m. « diminution de prix » (1260), sens disparu au bénéfice de
rabais, avec d'autres valeurs archaïques « action d'abattre, de renverser, etc. ». C'est dans l'acception de « partie rabattue, pliée et abaissée » que le mot s'est imposé en modes (
XVe s.).
■
D'autres sens ont disparu, ainsi que la plupart des dérivés, seulement techniques : RABATTAGE n. m. (1730) « rabais » ; RABATTEMENT n. m. (rabatement, 1284) ; RABATTOIR n. m., nom d'outil (1804).
■
Seul RABATTEUR n. m., terme de chasse (1869), précédé par l'argot ancien rabateux « voleur nocturne » (1628), est usuel, avec des sens figurés.
■
Parmi les composés, RABAT-JOIE n. m., « sujet de chagrin » (v. 1430) puis « personne qui attriste » (déb. XVIIe s.), est le seul usuel.
L
ABBÉ n. m., attesté dès 1080 (abet), vient de l'accusatif du latin abbas, abbatis, emprunt au grec ecclésiastique abba « père », pris à l'araméen.
❏
Le mot désigne en français le chef d'un monastère d'hommes ou abbaye (ci-dessous). Cette valeur hiérarchique est conservée dans le figuré ancien et laïque (1587) pour « chef d'une organisation de jeunes responsables des fêtes d'un village », sens connu encore des folkloristes. En français de Suisse, abbé désigne aussi le président d'une « abbaye », société de tir (voir ci-dessous) ; ce sens est attesté depuis 1685. On dit surtout (depuis 1924) abbé président.
◆
Abbé, surtout du XVe au XVIIIe s., donne lieu à de nombreuses locutions, qui reflètent l'image sociale de personnage imposant (un pas d'abbé 1564, Rabelais) et bon vivant, comme moine (une table d'abbé 1556, Rabelais ; une face d'abbé « rubiconde », 1596). Dans la relation abbé-moine, c'est l'opposition hiérarchique qui est évoquée.
◆
Le sens du mot a évolué quand on a pris l'habitude, au XVIIe s., de donner les revenus d'une abbaye (bénéfice) non plus à un régulier résident, mais à un séculier, à un prêtre (sens attesté en 1666). L'abbé bénéficiaire n'exerçant pas sa fonction de direction devient alors un ecclésiastique aisé, et on passe à des expressions comme abbé de cour (1701) puis, au XIXe s., au sens général et neutre d'« ecclésiastique », que l'on appelle toujours monsieur l'abbé (l'abbé au XVIIIe et au déb. du XIXe s.).
◆
En français d'Afrique, le mot s'applique spécialement à un prêtre catholique africain.
❏
ABBESSE n. f. (1474), d'abord
abeesse (
XIIIe s.), issu du dérivé latin tardif (
VIe s.)
abbatissa, a gardé son premier sens, « religieuse dirigeant un monastère de femmes », l'évolution de sens de
abbé ne pouvant pas intervenir.
◆
Un sens figuré irrévérencieux, « tenancière de bordel » (1812), a disparu.
■
ABBAYE n. f. est issu (v. 1090, abbeie) d'un dérivé du latin abbas, abbatia. Le mot s'applique à un monastère d'hommes ou de femmes, abbaye de commende (1461), en commende (XVIIe s.) désignant celle où un ecclésiastique séculier peut être nommé (voir ci-dessus abbé). Le mot est fécond en locutions, comme abbé, et a eu des emplois argotiques, dont le plus connu est l'abbaye de monte-à-regret « la potence » (1528), puis « la guillotine » (1790).
◆
En français de Suisse, le mot désigne (1697) une fête de village, aujourd'hui organisée par une société de tireurs, dite aussi abbaye (attesté chez J.-J. Rousseau, 1765). L'emploi du mot s'est étendu à diverses confréries ou corporations.
◈
ABBATIAL, ALE, AUX adj. est un emprunt (1404) à l'adjectif latin
abbatialis, dérivé de
abbatia.
■
Le mot signifie « d'une abbaye », spécialement dans église abbatiale, d'où une abbatiale « église principale d'une abbaye (parfois grande comme une cathédrale) ».
A B C n. m. (XIIe s.), énumération des trois premières lettres de l'alphabet français, s'est écrit aussi abécé (XIIe s.).
❏
Le mot signifie « alphabet » et aussi (déb. XVIIe s., d'Aubigné) « premiers éléments d'une science » (Cf. b. a-ba ; ne savoir ni a ni b « être très ignorant »).
❏
Outre quelques locutions, le mot, avec l'adjonction d'une quatrième lettre, a servi à former ABÉCÉDÉ n. m. « livre d'initiation à l'alphabet » (1660) ; c'est une adaptation de l'adjectif latin abecedarius « selon l'alphabet », qui a donné en français ABÉCÉDAIRE adj. (1529, lettre abécédaire), substantivé comme nom masculin et remplaçant plus tard abécédé.
ABCÈS n. m. date du XVIe s. (1537), comme beaucoup de mots français de médecine, et est emprunté au latin abscessus, du verbe abscedere, composé de ab- (→ à) et de cedere, qui a donné céder*. Abscessus signifiait d'abord « départ, éloignement » : c'est une traduction du grec apostêma pour désigner un amas de pus, parce que l'on était passé du sens locatif, « éloignement », à celui de « désagrégation, pourriture ». Le mot grec a donné d'ailleurs un mot français ancien apostume ou apostème*, de même sens que abcès.
❏
Le mot désigne un amas de pus et, d'après la locution crever l'abcès au figuré « extirper un mal » (XVIIe s.), une situation critique qui demande une solution brutale et rapide (mil. XXe s.). Abcès de fixation (XXe s.) s'emploie aussi avec cette même métaphore.
❏
ABCÉDER v. intr., d'abord écrit abscéder (1537), est un emprunt au latin abscedere.
ABDIQUER v. tr. est emprunté (1375) au latin abdicare, de ab- (→ à) et dicere (→ dire), qui signifie « ne pas accorder », « refuser d'adjuger », d'après la valeur juridique de dicere, verbe de caractère « solennel et technique » (Ernout et Meillet).
❏
Le mot a en français une valeur politique, « renoncer à (un pouvoir) », et une valeur étendue, « renoncer à (une possession) [1402], à des droits, etc. ». D'abord transitif (et pronominal), abdiquer est aujourd'hui le plus souvent intransitif, cet emploi apparaissant au XVIIe s. (1694).
❏
ABDICATION n. f. est emprunté (1403) au dérivé latin
abdicatio, dans
abdication de « renoncement », puis au sens actuel, politique (1671). La valeur figurée, « renoncement à une action, à un projet », est assez récente (1866).
■
ABDICATAIRE adj., « qui a abdiqué », n'est relevé en littérature que chez Chateaubriand (1848).
ABDOMEN n. m. est un emprunt médical (1537) au latin abdomen « ventre » et « utérus », mot d'abord familier et d'origine obscure : un rapport avec le verbe abdere « éloigner » et « cacher », de ab- (→ à) et dare « donner », est possible mais n'est pas établi.
❏
Le mot français désigne le ventre en anatomie, et, dans la langue générale, un gros ventre (attesté 1744 en français du Canada). Il s'emploie aussi en entomologie (1810).
❏
Le dérivé savant
ABDOMINAL, ALE, AUX adj. (1611) est substantivé au pluriel en anatomie et en gymnastique, pour
muscles abdominaux.
■
Il a pour composé SOUS-ABDOMINAL, ALE, AUX adj. qualifiant (v. 1965) une ceinture qui s'applique à la partie postérieure de l'abdomen.
ABDUCTEUR adj. et n. m. est soit emprunté (1565) au latin savant abductor (1507), soit dérivé savant du latin abductum, de abducere « enlever », composé de ab- (→ à) et de ducere « conduire » (→ conduire, déduire, réduire).
❏
Le mot qualifie un muscle qui permet d'écarter un membre du plan médian ; il s'oppose à adducteur ; dans ce sens, il est aussi substantivé. L'adjectif s'emploie aussi en technique.
❏
ABDUCTION n. f. est emprunté (1541) au dérivé latin abductio « action d'enlever, d'écarter », comme abducteur en anatomie.
◆
Le mot sert aussi (1771) à désigner un type de syllogisme.
ABEILLE n. f., d'abord sous la forme abueille (1273), a remplacé à partir du XVIe s. l'expression mouche à miel, employée au moyen âge pour désigner cet insecte ; cette forme est empruntée à l'ancien provençal abelha qui vient lui-même du latin apicula, diminutif de apis « abeille » (→ apiculture). Apes avait donné en ancien français, par évolution phonétique normale, les mots ef et é, pluriel eis (v. 1150), es, mots trop courts et confondus avec des formes analogues, et qui ont disparu pour cela.
❏
Le mot, dans son emploi le plus fréquent, n'a pas varié de sens. Il a longtemps coexisté, outre avette (ci-dessous), avec des formes dialectales en b et en v (avelle, aveille) ou beille par aphérèse et s'est employé au pluriel pour « ruche » (abeles, 1352).
◆
Abeille, désignant un insecte à la fois utile, objet d'un élevage et producteur de miel et de cire, et dangereux par ses piqûres, a suscité de nombreux syntagmes et locutions. L'image de l'abeille, motif décoratif, est typique du premier Empire.
❏
Plusieurs dérivés ont vieilli, tels
ABEILLON n. m. (
XVe s.) « essaim d'abeilles »,
ABEILLER n. m. (v. 1260) « ruche »,
ABEILLAGE n. m. (1319,
aboilage) « droit sur les ruches des vassaux ».
◈
Le synonyme ancien
AVETTE n. f. (v. 1170,
evete) est un diminutif de l'ancien français
ef, reformé au
XIVe s. (1385,
avette), d'après un diminutif latin de
apis, °apitta, forme du Nord correspondant à l'
apicula méridional.
❏ voir
ACHE.