ABORTIF → AVORTER
ABOUCHER → BOUCHE
ABOULER → BOULE
ABOULIE n. f. est un emprunt médical (1883, Th. Ribot) au grec aboulia « irréflexion », de a- privatif (→ 2 a-) et boulê « volonté, décision », nom d'action correspondant à boulesthai « vouloir ». Ce verbe repose sur la même racine que ballein « atteindre par un trait » (→ bal).
❏  Terme de psychiatrie, le mot est devenu relativement courant pour « absence pathologique d'esprit de décision ».
ABOUTER, ABOUTIR → BOUT
ABOYER v. intr. est une forme modifiée (au XVIIe s.) de abayer (mil. XIIe s.), qui vient d'une syllabe expressive, onomatopéique, évoquant le cri du chien. Cette forme est baï ou baou, que l'on retrouve dans le latin baubari et le grec bauzein « aboyer ».
❏  Aboyer se dit du cri du chien et, par comparaison, de cris humains (dès le XIIe s.). Le sens initial est très vivant en français d'Europe, alors qu'au Québec, on emploie surtout japper. ◆  Il faut signaler un second verbe abaier, abayer, du latin batare qui a donné béer (les deux verbes sont distingués par Furetière). Ce verbe a pu interférer par son sens (« avoir la bouche ouverte ») ; ainsi dans des emplois figurés comme abboyer aux nues (nuages) « aspirer à l'impossible », qui correspond à abaier ; ce verbe a pu être compris comme « aspirer intensément à (qqch.) », d'où « crier pour l'obtenir ». ◆  Quant au verbe ici commenté, il s'est employé au figuré pour « protester bruyamment » (avec confusion entre les deux verbes), puis (XVIe s.) « crier très fort » et « annoncer à voix très haute », par métaphore du chien. Le sens propre a eu un emploi transitif (v. 1180), « poursuivre de ses aboiements », remplacé par aboyer contre (XVIe s., Montaigne), après (XVIIe s.), à qqn (1606, sorti d'usage).
■  D'autres emplois figurés concernent des choses bruyantes (XVIe s.), des armes, etc. Ils sont archaïques.
❏  Les dérivés abayement (fin XIIIe s.) et abayeur (XIIIe s.) ont été aussi modifiés en ABOIEMENT n. m. (XVIe s.) et ABOYEUR n. m. (abboyeur, XVIe s.), forme qui l'emporte définitivement au XVIIe siècle. Abayeur désigne d'abord une personne qui proteste avec force, puis (1387) un chien qui aboie. ◆  Abaiere, « celui qui convoite » (1250-1270), correspond à l'autre verbe abaier (ci-dessus). ◆  Les valeurs anciennes sont passées de « personne qui désire et réclame qqch. » (abayeurs de succession, XVIe s.) à « personne qui réclame bruyamment », par métaphore du chien qui aboie (XVIIIe s.). Des spécialisations pour « crieur de journaux » (1828 ; les emplois antérieurs, XVIIe-XVIIIe s., concernent des journalistes ou critiques hargneux), « crieur de théâtre » (1814), « huissier de prison » (1862), ont eu leur heure de vogue, puis sont sortis d'usage.
■  ABOI n. m., d'abord abai, est le déverbal (mil. XIIe s.) de abbayer, refait en aboi au XIVe s. (1354-1376) ; depuis la fin du XIIe s., le mot s'emploie au figuré et aux abois (1394, rendre aux abois) a quitté la vénerie pour signifier « à la dernière extrémité » (1594). Remplacé par aboiement au sens propre, il est aujourd'hui démotivé.
ABRACADABRANT, ANTE, adjectif expressif qui date de l'époque romantique (1834, Gautier), est formé, avec le suffixe -ant des adjectifs participiaux, sur ABRACADABRA, mot cabalistique célébré au XVIe s. par Ambroise Paré (« ce beau mot abracadabra »). Cette formule de magie, attestée en latin tardif (déb. IIIe s.), est empruntée au grec, où elle semble provenir de abraxas, nom d'un dieu intermédiaire dans le système gnostique de Basilide (mort en 130). Ces mots grecs ont été expliqués par E. Katz comme des lectures en boustrophédon (écriture continue, de gauche à droite puis de droite à gauche) d'une formule hébraïque ᾿arba῾ (quatre) dāk (du verbe « casser ») ᾿arba῾, c'est-à-dire « le Quatre (cryptogramme pour le Tout-Puissant) anéantit les quatre (éléments) ». La formule a été connue par ses usages thérapeutiques ; puis le mot s'est employé comme nom masculin (un abracadabra).
❏  Le dérivé plaisant abracadabrant signifie « étrangement compliqué, très bizarre ».
❏  La variante ABRACADABRESQUE adj. (Gautier) n'a pas vécu, alors que ABRACADABRANTESQUE adj., dérivé de abracadabrant, a été immortalisé par Rimbaud.
ABRASION n. f. est un emprunt (1611) au latin abrasio, du supin de abradere « enlever en grattant », préfixé en ab- (→ à) de radere (→ raser).
❏  Le mot désigne l'action d'enlever en grattant, en frottant ; employé en 1611 dans un contexte liturgique, il est repris dans la langue médicale au XVIIIe s. (1751, Encyclopédie) ; c'est alors un réemprunt au latin médiéval des chirurgiens abrasio (v. 1270) « fait d'enlever en rasant », distingué de fricatio. ◆  Après un réemprunt au XIXe s., en chirurgie dentaire, l'usage moderne correspond à celui de l'adjectif abrasif (déb. XXe s.).
❏  ABRASER v. tr. est formé savamment sur le participe passé de abradere au sens figuré de « raser, démolir (un édifice) » (1364), sauf dans les dialectes. Cet emploi du moyen français reste isolé. Le verbe moderne vient plutôt du radical de abrasion, abrasif ; il est didactique, spécialisé en médecine (1867), chirurgie dentaire, puis en technique.
■  ABRASIF, IVE adj., formé sur le radical d'abrasion, qualifie les matières destinées à user, à polir une surface. Attesté au début du XXe s., il est aussi substantivé (1905).
■  Du sens général ancien de abraser, conservé littérairement, provient le dérivé ABRASEMENT n. m. (abracement, XVe s.), peut-être conservé dialectalement et repris par quelques écrivains, notamment Péguy, au XXe siècle.
ABRÉGER → BREF
L ABREUVER v. tr. est issu par métathèse (abriever, puis abruver) de abevrer (XIIe s., Wace), aboivrer, qui provient du latin populaire °abbiberare (i et e brefs), composé de bibere (→ boire) qui a produit plusieurs verbes romans, tels l'italien abbeverare, l'espagnol abrevar, l'ancien provençal abeurare.
❏  Le verbe français signifie dès l'origine « donner à boire à (qqn, un animal) » et s'emploie (XIIe s.) au pronominal, ce dernier au figuré (s'abreuver d'idées, etc.) au début du XVIIe s. (d'Aubigné). Il se dit pour « arroser (la terre, les plantes) » (1260) et dans de nombreux contextes techniques. ◆  Au figuré, abreuver qqn de qqch. « lui faire croire » (1538) a vieilli, mais la valeur « accabler » (abreuver qqn d'injures, de douleur), attestée chez d'Aubigné, est encore d'usage littéraire.
❏  Le principal dérivé est ABREUVOIR n. m., d'abord abreveor (XIIIe s.) « lieu où l'on fait boire les bestiaux », qui entre dans la locution archaïque abreuvoir à mouches (1584) « large blessure », et a signifié plaisamment « cabaret » (1673 ; encore vivant fin XIXe s.). Se dit en français du Canada, notamment au Québec (1940), pour tout endroit, fontaine, distributeur d'eau potable, etc. où l'on peut boire (emploi critiqué).
■  ABREUVAGE n. m., d'abord (1262) « droit sur la vente des boissons », aussi « boisson, breuvage empoisonné » (1268-1291), correspond surtout à « action d'abreuver » (v. 1290). Il ne s'est conservé qu'en terme militaire (halte d'abreuvage) et, régionalement, pour « point d'eau où les animaux s'abreuvent ».
■  ABREUVEMENT n. m. apparaît comme terme de droit criminel, à propos de la question par l'eau (1250). Le sens général d'« action d'abreuver » (1341, abruvement) est seul resté en usage.
❏ voir BREUVAGE.
ABRÉVIATION → BREF
L ABRI n. m. est dérivé (v. 1170) de l'ancien verbe abrier (repéré au XIe s. en judéo-français, puis au XIIIe s.), issu du bas latin apricare, modification du latin classique apricari (2e conjugaison), de apricus qui signifie « exposé au soleil ». Ce mot latin est d'origine obscure, mais les Latins le rapprochaient de aperire « ouvrir » (→ apéritif), en lui donnant le sens de « lieu ouvert au soleil ».
❏  Dans ses premiers emplois, abri désigne un lieu couvert, qui protège de la pluie, idée qui remplace celle de l'origine latine « lieu où l'on se réchauffe et se repose au soleil ». ◆  Le mot prend au XIIIe s. la valeur abstraite de « refuge, protection morale » et se spécialise au sens concret en marine (attesté 1678). En l'abri de (XIIe s.) a disparu, remplacé par à l'abri (de) [1564]. ◆  L'expression abri d'auto est employée en français du Canada, pour un toit en appentis accolé au mur d'une maison, sous lequel on peut ranger une automobile.
❏  Le verbe ABRITER a été formé vers la fin du XVe s. sur abri, pour remplacer abrier qui avait disparu. S'abriter est attesté au XVe s. (1489). Le mot a été repris au XVIIIe s. en horticulture, au participe abrité, ée (1740) ; l'emploi général du verbe et du participe semble dater de la fin du XVIIIe siècle.
■  Les dérivés et composés de abri n'ont pas vécu, à l'exception de ABRIVENT n. m. (1771), employé en culture et en technique, du terme didactique ABRI-SOUS-ROCHE n. m. (1868), terme désignant un enfoncement dans une paroi rocheuse ayant servi d'habitat dans la préhistoire, et de ABRIBUS n. m. (1965), nom déposé, de abri et de autobus, désignant un arrêt d'autobus aménagé en abri, mot critiqué que l'on a proposé de remplacer par le régionalisme aubette.
■  SANS-ABRI n. (1928, Malraux) désigne une personne sans domicile, et tend à remplacer sans-logis.
ABRICOT n. m. est un emprunt indirect (XVIe s.) à l'arabe ᾿al barqūq, lui-même emprunté au grec. Une série de mots apparentés dans les langues romanes (catalan, espagnol, portugais, italien, français) atteste l'histoire compliquée de ce terme, reflet de celle du fruit qu'il désigne. Originaire de Chine, l'abricot a commencé sa carrière méditerranéenne en Syrie. Les Grecs l'avaient appelé armeniakon « fruit d'Arménie », parce que l'Arménie était sa provenance immédiate. Pour les Latins, la pruna armeniaca (« prune d'Arménie ») se nommait aussi praecoquum « le fruit précoce » (→ précoce), mot passé en grec tardif sous la forme praikokion. C'est ce dernier mot grec qui a été adopté par les Arabes, qui cultivèrent mieux que d'autres le fruit, et c'est le mot arabe ᾿al barqūq,al est l'article et barqūq représente le grec praikokon, qui a été adapté dans la péninsule Ibérique (le mot espagnol albaricoque est attesté en 1330), puis plus au Nord, et notamment en France.
❏  En français donc, on emploie depuis le XVIe s. abricot et aubercot ; ce dernier vient du catalan albercoc, de même origine : c'est le premier qui s'est imposé. ◆  En fonction de nom (1740) et d'adjectif, abricot s'applique à une couleur jaune orangé.
❏  Le dérivé ABRICOTIER n. m., désignant l'arbre, est attesté dès 1526.
■  ABRICOTÉ, ÉE adj. s'est dit (1628) d'une prune, puis d'une pêche, appelée aussi pêche-abricot. Il s'emploie couramment pour « parfumé à l'abricot ».
■  ABRICOTINE n. f. a désigné (depuis 1654) un abricot précoce, puis (1843) une roche, un marbre présentant des parties de couleur abricot. Il se dit aujourd'hui, d'abord en français de Suisse, d'un alcool d'abricot.
ABRIER v. tr. est issu (XIIIe s.) du latin apricare « réchauffer au soleil », de apricus « ensoleillé », rapproché de apertus « ouvert », mais sans rapport réel, et donc d'origine obscure.
❏  Ce verbe était en usage en ancien français. Au cours du XVIIIe s., son usage s'était restreint à l'Ouest de la France, d'où il gagna le Canada (Acadie, puis Louisiane, Québec). Il s'emploie pour « recouvrir », en particulier pour protéger. Le pronominal s'abrier correspond à « se couvrir », « s'habiller chaudement ». Au figuré, abrier un scandale, c'est le dissimuler. ◆  On écrit aussi abriller.
ABROGER v. tr. est emprunté (1354, Bersuire) au latin abrogare, « enlever son crédit à qqn » et « supprimer par une loi » d'où « supprimer », de ab- (→ à) et rogare, verbe dont les préfixés sont nombreux (→ interroger).
❏  En français, le verbe appartient à l'usage juridique, laïque ou (1541, Calvin) religieux. L'emploi juridique pour « supprimer, rendre caduc (un texte ayant force légale) » est resté usuel. ◆  Ses emplois extensifs, « supprimer, annuler », sont littéraires.
❏  Les dérivés du verbe, ABROGEMENT n. m. (1616), ABROGEUR n. m. (1660) et ABROGEABLE adj. (proposé en 1845 par Richard de Radonvilliers), sont plus rares.
■  Les préfixés INABROGÉ, ÉE adj. (1840) et INABROGEABLE adj. (1791) sont des mots didactiques de droit public.
■  ABROGATION n. f. est emprunté (1354) au dérivé latin abrogatio, terme juridique cicéronien ; il a les mêmes valeurs que le verbe.
■  ABROGATIF, IVE adj. (1845) et ABROGATOIRE adj. (1853) qualifient les mesures, les textes destinés à abroger une mesure légale.
ABRUPT, ABRUPTE adj. vient par emprunt (1512) du latin abruptus, qui signifie « escarpé », et est composé de ab- (→ à) et de ruptus « rompu » (→ route ; rompre).
❏  D'abord employé au figuré en parlant de la voix (« rauque »), l'adjectif doit être antérieur pour « brusque, hâtif » (voir ci-dessous abruptement). Le mot est rare avant le XVIIIe s. où il s'emploie surtout à propos du discours. ◆  À partir du XIXe s. on rencontre l'emploi abstrait, un caractère abrupt, ainsi que le sens concret « en pente raide » (1834). ◆  De là un abrupt (1869, Goncourt).
❏  Le dérivé ABRUPTEMENT adv. est attesté en 1531 dans le Miroir historial, traditionnellement daté de 1327.
■  La locution EX ABRUPTO « brusquement » est prise au latin (1607).
ABRUTIR et dérivés → BRUTE
ABSCISSE n. f., mot de mathématiques, est emprunté (1693, Mémoires de l'Académie) au latin moderne abscissa (linea), proprement « ligne coupée » (1686, Newton), du latin abscissus, participe passé de abscidere « couper », de ab (→ à) et de caedere (→ ciseau).
❏  Le mot, désignant la coordonnée horizontale dans un système à deux axes, fonctionne en relation avec ordonnée.
ABSCONS, ONSE adj. est le participe passé d'un ancien verbe absconder, puis abscondre (1180 au pronominal, mais antérieur au p. p. féminin ; 1308, comme transitif), signifiant « cacher », emprunt au latin abscondere (qui a donné aussi l'ancien français escondre) « cacher » et « perdre de vue », en marine. Ce verbe est formé de abs-, variante de ab- (→ à), et de condere « mettre ensemble, unir », lui-même de cum (→ co-) et de dare « donner » (→ dation), auquel est venue se mêler la racine °dhē- « placer » (→ faire).
❏  Le verbe français abscondre n'est plus qu'un archaïsme au XVIIe s. (on emploie encore absconser au XVIe s.), mais le participe passé abscons, adjectivé en médecine ou en alchimie (1478), entre dans la langue didactique avec la valeur figurée de « difficile à comprendre » (1509).
ABSENT, ENTE adj. est un emprunt (fin XIIIe s.) au latin absens, absentis, pour remplacer la forme plus ancienne ausent (prononcé awsent), qui provient de l'évolution phonétique normale du latin. Absens est le participe présent de abesse « être éloigné de », de ab- (→ à) et de esse (→ être).
❏  Absent au sens de « qui est éloigné d'un lieu de référence, notamment de son domicile », est substantivé au XVIe s. (1531). ◆  Au figuré, il signifie « distrait, inattentif » (1798).
❏  Le dérivé ABSENTER quelqu'un v. tr. (1322) « éloigner », emprunt au dérivé bas latin absentare, a disparu en français central, alors que S'ABSENTER (1383) reste vivant et s'est employé aussi en parlant des choses et du temps (XVIe s., Ronsard). ◆  En français d'Afrique, le verbe pronominal s'emploie pour « être absent alors qu'on devrait se trouver là », en relation avec l'idée d'absentéisme, notamment à l'école.
Quant à ABSENCE n. f. (v. 1370), emprunté au dérivé latin absentia, qui remplace les formes anciennes apsence (1308), aucence (1318), il a pris divers sens extensifs et figurés, dont une absence (1680) « suspension momentanée de l'attention, de la conscience » qui vient probablement de absence d'esprit (1671). ◆  La locution en l'absence de (1393 ; en absence de, 1378) signifie d'abord « à défaut de » puis « pendant l'absence de... ».
ABSENTÉISME n. m. (1834, absentisme) adapte le mot anglais absenteism, de même origine latine, qui s'est d'abord employé pour désigner l'absence chronique des grands propriétaires terriens d'Irlande, des Anglais qui possédaient les terres, mais ne s'en occupaient guère, se contentant d'en toucher les revenus. Le mot est passé plus tard, avec la révolution industrielle, à un autre sens et a été rattaché au français s'absenter, être absent (alors qu'on devrait être présent), en parlant des travailleurs (Cf. l'emploi de s'absenter en français d'Afrique, ci-dessus).
■  ABSENTÉISTE adj. (1853) qualifie d'abord les partisans de l'absentéisme des propriétaires fonciers, puis (1866) une personne qui pratique l'absentéisme, sens où le mot est substantivé.
■  IN ABSENTIA loc. adv. reprend (déb. XXe s.) une locution latine signifiant « en l'absence (de) », formée de 2 in- et de absentia. La locution s'emploie en français pour « en l'absence de (la personne intéressée, ce qui est concerné) », par opposition à in praesentia.