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AISSE, ASSE n. f., désignant plusieurs outils, est issu (XIIe s.) du latin ascia « herminette de charpentier », « pioche » et « outil de tailleur de pierre », qui a aussi donné l'italien ascia (1304). Le mot latin a été rapproché du grec axinê « hache » et de mots germaniques comme le gotique aqizi.
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Le mot simple aisse, asse ou ace (1382), aussi esse, a désigné de nombreux outils. Il est moins attesté que les dérivés et semble sorti d'usage en français central, bien qu'il figure encore dans les dictionnaires.
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AISSEAU n. m. (1752 ; d'abord
aisceau, 1549) désigne surtout une hachette de charpentier, tonnelier ou charron.
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AISSETTE n. f. (1396) est difficile à distinguer par le sens de aisseau et de aisse.
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D'autres dérivés, formés sur le radical irrégulier ass-, appartiennent plutôt au sud du domaine d'oïl. ASSEAU n. m. (1406) désigne d'abord l'outil double de charpentier et de tonnelier, puis (1766) un outil de couvreur, aussi appelé ASSETTE n. f. (1659). D'autres formes sont régionales (assereau, asserole, etc.). Selon les dictionnaires, après 1850, les formes régulières (aisseau, aissette) désigneraient plutôt l'outil de tonnelier, asseau et assette celui des couvreurs.
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En outre, le verbe latin dérivé
asciare, au participe passé, a donné en latin populaire un substantif
°asciata, désignant un outil de cultivateur (houe, hoyau). Ce mot, outre le catalan
aixada, l'espagnol
azada, a donné de nombreuses formes dans le domaine occitan, et quelques-unes en franco-provençal, en français
(aissade, assadon...). Il en va de même pour la descendance de l'italien
asciola, diminutif de
ascia, du latin
ascia (
aissole, etc.).
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AISSELLE n. f. est issu (v. 1130) du latin populaire °axella, dérivé de axilla, mot dérivé de ala (diminutif) qui signifiait initialement « aisselle », avant « aile », ala étant dérivé du thème aks- de axis (→ axe). La répartition des sens a donné deux mots français, aile* et aisselle*.
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Ce dernier, d'abord sous la forme asaile, puis aisselle (1204), désigne le dessous des bras et par analogie (XVIIe s.) l'angle que fait une feuille avec la tige. Les autres emplois figurés sont techniques et rares.
❏ voir
ESSIEU.
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AÎTRES ou ÊTRES n. m. pl. est issu, d'abord sous la forme estras (v. 980) puis estres (v. 1130), du latin extera, pluriel neutre de exter « situé à l'extérieur » (→ externe, extérieur).
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Le mot s'est écrit par confusion aistre (v. 1210) et aîtres, cette forme surtout dialectale étant préférée en français moderne pour éviter l'homonymie avec le verbe être. Aîtres était encore, selon Littré, une graphie exceptionnelle ; à la fin du XIXe et au XXe s. (voir T. L. F.), elle l'emporte largement, peut-être par une confusion avec aître « porche, parvis d'église » et « cimetière », issu (1080) du latin atrium (→ atrium) et où l'on a pu voir, par étymologie populaire, une spécialisation de êtres.
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Le mot a désigné la cour qui entoure une maison, puis (v. 1130) une galerie supérieure. Il a eu de nombreuses spécialisations ultérieures, surtout dans les dialectes, et a pris la valeur plus générale de « disposition des pièces, des parties d'une maison ». Ces emplois, littéraires, semblent dater de la fin du XIXe s., les attestations antérieures étant toutes plus spécialisées.
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AJONC n. m. est l'altération (1389), due au mot jonc*, de agon (1280), mot régional (Berry) d'origine inconnue, sans doute prélatine. Pour l'expliquer, on a reconstitué un °ajaugone, de °ajauga, qui rend compte des mots dialectaux jaugues, yaugue (Ouest), jeyon (Poitou), et par agajuá, gajuá, de mots espagnols de sens voisin (gayuba, etc.). Une autre hypothèse propose une forme °jauga qui aurait donné °jou dans l'ouest de la France, d'où la jou et l'ajou, ensuite traité d'après jonc.
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Le mot désigne un arbrisseau épineux à fleurs jaunes.
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AJOUPA n. f. Le mot, qui paraît être d'origine brésilienne (amérindienne), désignait à Madagascar une hutte de bois ou de feuillage ; il est caractéristique de l'époque coloniale.
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Dans le français d'Haïti, il se dit d'une chaumière rurale.
AJOUTER v. tr. est préfixé (ajouster, XIe s.) du verbe joster, jouter « réunir », d'un dérivé latin populaire °juxtare ou de joste, du latin juxta. °Juxtare aurait signifié « rapprocher » (d'où jouxter) et « réunir », parfois « affronter » (→ jouter).
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Le verbe, écrit
ajouster, ajuster, ajouter à partir du
XIIIe s. (1262), signifie en ancien français « mettre auprès, à côté et en plus » (
XIe-
XIIIe s.), le pronominal correspondant à « se rassembler, se réunir » et aussi « combattre »
(Cf. jouter), sens disparu avant le
XVIe siècle.
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Au figuré, l'expression
ajouter foi à qqch. (
ajoster fei, XIIe s., dans une traduction du latin en dialecte lorrain), qui correspond à « venir se joindre à la croyance à qqch. », est le seul témoin vivant de cette valeur.
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Le sens moderne, « mettre en plus », est lui aussi très ancien (ajuster, 1119) et s'est employé continûment jusqu'à nos jours.
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Le préfixé
RAJOUTER v. tr. a d'abord lui aussi les deux valeurs, « rallier, réunir (des hommes) » et (
rajousteir, XIIe s.) « mettre en plus ». La première a disparu au
XVIe s., le verbe lui-même semble être repris au
XIXe s. (1869).
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L'emploi figuré et familier de
en rajouter « exagérer »
(Cf. en remettre) apparaît au
XXe siècle.
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De ce verbe viennent RAJOUT n. m. « chose rajoutée » (1904) et RAJOUTURE n. f.
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SURAJOUTER v. tr. (1314, surajouster) est plus courant au participe passé.
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Ajouter, au sens de « réunir », a eu pour dérivé
AJOUTEMENT n. m. (
ajoustement, XIIe [1174]-
XIVe s.) « accord, réunion », reformé au
XIVe s. pour « addition »
(ajoustement) ; le mot est rare en français moderne (repris 1857, in
T. L. F.).
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AJOUTAGE n. m. (1752), « partie ajoutée », a vieilli.
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Ajoutée n. f. (v. 1670) et ajoute n. m. (1845) ont cédé la place à AJOUT n. m. (1895, chez Gide), devenu courant.
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AJOUTURE n. f. (1852) est surtout en usage en français de Suisse (Genève, Neuchâtel).
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AJOUTE n. f., qui reprend le moyen français adjouste, est un belgicisme employé aussi au Luxembourg, qui s'applique à ce qui est ajouté à un texte, et aussi à l'annexe d'une construction.
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AJOUTANCE n. f. (1835) est rare et archaïque.
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AJOUTIS n. m. (1858) a des connotations péjoratives.
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AJOUTABLE adj. (1866) est demeuré rare.
AKASSA ou ACASSA n. m., emprunt à un mot d'une langue africaine, désigne un plat fait de boulettes de farine de maïs fermentée, cuite. Le mot et le plat sont courants au Bénin, au Togo. On dit aussi akassan.
AKÈNE n. m. est un composé (1802) de a- privatif et -kène du grec khainein « entrouvrir », pour un fruit indéhiscent aux parois distinctes de la graine unique qu'il renferme. Le gland du chêne, les faines sont des akènes.
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DIAKÈNE n. m., écrit aussi diachaine à l'origine (1845) désigne le fruit sec formé de deux akènes opposés.
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POLYAKÈNE adj. et n. m. s'applique au fruit formé de plusieurs akènes.
ALACRITÉ n. f. est emprunté (1495) au latin alacritas « ardeur, entrain », de alacer qui a donné allègre*.
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Le mot signifie à la fois « joie, allégresse » et (1542) « ardeur, vivacité ». Il a pris au XVIIIe s. la nuance de « gaieté enjouée » (1777, Beaumarchais), et continue de s'employer dans l'usage littéraire, après une période d'extrême rareté (on le considère au milieu du XIXe s. comme un néologisme).
ALAMBIC n. m. attesté au XIIIe s. (1265, alambit), témoigne de la diffusion de l'alchimie et de la distillation en Europe, sous l'influence des Arabes (Cf. alchimie, alcool). Le mot arabe ᾿al ᾿anbīq, emprunté au grec tardif ambix « vase », a aussi fourni l'espagnol alambique et l'italien lambisco.
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Le mot désigne l'appareil à distiller, emploi où il entraîne des syntagmes spécialisés (col, panse, voûte d'alambic). Les emplois métaphoriques, passer à, par l'alambic « examiner minutieusement », raisonnement tiré à l'alambic « trop compliqué », sont sortis d'usage.
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Le dérivé
ALAMBIQUER v. tr. (1552) correspond à ces emplois. Le verbe avait aussi le sens concret de « distiller à l'alambic » (1559).
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ALAMBIQUÉ, ÉE adj. (XVIIe s., Bossuet) se dit des discours, puis des raisonnements, de l'esprit, des sentiments, pour « exagérément compliqué ». Il est plus courant que le verbe.
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Ce verbe a pour dérivé rare
ALAMBIQUEUR n. m., « distillateur à l'alambic » (1605) puis (1747) « auteur au style alambiqué », et
ALAMBIQUAGE n. m. (av. 1847, Fr. Soulié).
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Par métonymie,
alambic (en rouchi) et
lambic désignent et qualifient une bière, et plus souvent une gueuze deux fois distillée.
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LAMBIC n. m. (lambick, 1832) est emprunté au flamand lambiek, de même origine ; on dit aussi, en apposition, gueuse lambic.
ALAOUITE adj., tiré du nom propre arabe, qualifie ce qui est relatif à la dynastie de ce nom, régnant sur le Maroc depuis 1660.
ALBÂTRE n. m., qui succède (fin XIVe s.) à diverses variantes, aubastre (v. 1165) et à la forme savante alabastre, est emprunté au grec alabastros, alabastos « vase à parfum, souvent fait en albâtre », mot obscur, probablement emprunté et que l'on a expliqué sans certitude par un mot égyptien qui signifierait « vase (ala) appartenant à (la déesse) Bastet ». La variante ancienne alabaustre, latin médiéval alabaustra, est mal expliquée.
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Le mot, écrit albâtre au XVIIe s. (1680), désigne depuis le XIIe s. une roche blanchâtre, en général polie pour un usage décoratif, ainsi que le vase qui en est fait (alabaustre, 1190), sens initial de l'étymon grec. En français, le mot est devenu (depuis Marot), surtout en français classique, le parangon de la blancheur laiteuse, notamment à propos des chairs féminines.
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Le dérivé ALBÂTRÉEN, ENNE adj. (1836), qui reprend le moyen français alebastrin (1564), est très rare.
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ALBATROS n. m., qui n'apparaît sous cette forme qu'au milieu du XVIIIe s. (albatross, 1748), est alors emprunté à l'anglais albatros, variante de albitros (1681), d'origine incertaine. On suppose une altération d'après le latin albus « blanc » (→ albe), de alcatras, en français alcatras (1556), alcatrace (1575). Mais le passage de a à o dans la syllabe finale n'est pas expliqué. Alcatras et l'espagnol alcatraz, considéré parfois comme un mot indien du Mexique et origine du nom du célèbre rocher d'Alcatraz, ancienne prison dans la baie de San Francisco, viennent plutôt du portugais et seraient empruntés à l'arabe al jattaz. Alcatraz a désigné le pélican d'Amérique (ce qui tendrait à renforcer l'hypothèse indienne), puis (1610) l'oiseau marin appelé plus tard albatros.
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Le mot désigne un grand oiseau marin, palmipède ; la graphie est encore flottante au début du XIXe s. (alabatrose, albatrosse, Cuvier 1805). Sous la forme albatros, il entre dans le vocabulaire de l'exotisme poétique avec une symbolique puissamment évoquée par Baudelaire.
ALBE adj. est un latinisme poétique d'époque symboliste (1886, in T. L. F.), emprunté au latin albus « blanc », qui a donné dès l'ancien français de nombreuses formes en aube (aube, aubépine, aubier, etc.).
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Ce fut un adjectif poétique à la mode, peu avant 1900.
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ALBÉDO n. m., mot d'astronomie et de physique, est emprunté (1902) au latin albedo (depuis Apulée), dérivé de albus « substance blanche » et en bas latin « blancheur ». Le mot désigne un indice de réfraction des astres, notamment de la Lune.
❏ voir
ALBIGEOIS, ALBINOS, ALBUGO, ALBUM, ALBUMINE, AUBADE, AUBERT, AUBIER, AUBURN.
ALBERGE n. f. est un emprunt (1546, Rabelais) au catalan alberge (attesté 1530), lequel, comme l'espagnol alberchiga, est une transformation en arabe d'Espagne, avec l'article al, du latin persicum « pêche* ».
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Le mot désigne un hybride de la pêche et de l'abricot.
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Le dérivé ALBERGIER n. m. (1546 ou 1557) est rare.
ALBERTAIN, AINE adj. et n. est dérivé du nom de la province de l'ouest du Canada appelée Alberta, région qui fut érigée en district en 1882. Le nom ne fait pas allusion au prince Albert, mais à sa fille, Louise Caroline Alberta, épouse de John D. Sutherland Campbell, alors gouverneur du Canada.