ALIBI n. m. est un mot latin signifiant « ailleurs », dérivé adverbial de alius « autre » (→ autre), d'origine indoeuropéenne (Cf. grec allos, gotique aljis) ; → aliéner.
❏  Alibi est passé en français comme substantif (1394) en droit, pour « fait d'avoir été dans un autre lieu, au moment d'une infraction », puis (mil. XVe s.) aux sens extensifs de « diversion, dérobade » et de « ruse, subterfuge » (XVIIIe s.), distincts de l'emploi moderne extensif (XIXe s.) « activité ou circonstance qui permet de se disculper », senti comme un figuré du sens juridique.
❏  L'expression un alibi forain (« étranger »), au sens de « mauvaise excuse, échappatoire », a donné naissance au composé ALIBIFORAIN n. m. (1549), sorti d'usage.
? ALIBORON n. m., d'abord nom propre (1440), vient d'un mot d'ancien français d'origine obscure, peut-être altération de hellebore, emprunt au latin helleborus (→ ellébore), plante considérée comme une panacée ; peut-être du nom du philosophe arabe al Biruni.
❏  Le mot, souvent sous la forme maître Aliboron, a désigné un ignorant prétentieux, un pédant. Il s'applique symboliquement (1654) à l'âne, sens popularisé par La Fontaine, avec la même valeur figurée que âne, à savoir « imbécile » et non plus « pédant ». Il a vieilli.
ALIBOUFIER n. m. est un emprunt à un mot provençal (attesté 1783) désignant le styrax officinal. Le fruit de l'aliboufier est appelé alibofi en provençal, et ce mot est passé en français régional au sens figuré de « testicules » (tu me casses les alibofis, à Marseille).
ALIDADE n. f. est emprunté (1415) au latin médiéval alidada, écrit aussi alhidada, graphies employées au XVIe s. en français (1544, Rabelais). Le mot est emprunté à l'arabe (᾿al) ῾idādat « compteur ».
❏  Ce terme didactique, qui apparaît dans un Traité de l'astrolabe, désigne une règle composée de deux équerres mobiles munies de fenêtres et formant un instrument de visée, en topographie et en navigation.
ALIEN n. m. est un emprunt à l'anglais (d'abord comme adj., 1985). Le mot anglais était pris à l'ancien français, lui-même du latin alienus « étranger ».
❏  Le mot, d'après le sens pris en anglais dans les années 1950, désigne un être extraterrestre imaginaire, en général dangereux pour l'homme.
ALIÉNER v. tr. apparaît en droit (1265) comme emprunt au latin alienare « rendre autre » ou « rendre étranger », dérivé de alienus « autre », lui-même de alius (→ ailleurs, alias, alibi). Il correspond à l'ancien provençal alienar (XIIe s.).
❏  En parlant des choses, le verbe signifie « céder, transférer (un droit) » et « perdre », en parlant des personnes (ou de l'âme, de l'esprit) « rendre hostile » (1355) et au figuré « abandonner (sa liberté, ses droits) » (v. 1750). ◆  Après l'ancien provençal alienar (XIIIe s.), aliéner se spécialise avec la valeur de « rendre fou (qqn) » (une fois au XIVe s. ; puis 1566). ◆  D'où ALIÉNÉ, ÉE adj. (XVIe s., Amyot), plus tard substantivé (1812) et répandu au XIXe s., pour remplacer fou dans la langue institutionnelle.
❏  Les dérivés 2 ALIÉNATION n. f. (XIVe s., aliénation d'entendement) spécialisé au XVIIIe s. (1745) au sens de « folie », ALIÉNISME n. m. (1833), archaïque, et ALIÉNISTE n. (1846) montrent l'importance de ce concept, qui croise juridisme et psychiatrie, et qu'il faut confronter à fou, folie, plus usuels, puis aux mots spécialisés, de démence à psychose.
1 ALIÉNATION n. f. est emprunté au dérivé latin alienatio dans le domaine du droit (1265), avec les valeurs initiales de aliéner, c'est-à-dire « vente », « renonciation », appliquées ensuite au droit international (1840), et qui s'était employé (dep. 1541) pour « désaccord, hostilité », sens sorti d'usage.
■  Au XXe s., le mot aliénation (puis aliéner, aliénant, 1943 Sartre, etc.) a connu une nouvelle carrière, étant choisi pour traduire l'allemand Entfremdung, expression d'une importante notion philosophique chez Hegel, puis Marx, « état où l'être humain est comme détaché de lui-même, détourné de sa conscience véritable par les conditions socio-économiques ». Le succès du concept amène l'emploi du mot et de certains dérivés (aliénant, aliénateur) dans un sens plus vague « perte par l'être humain de son authenticité », réunissant le thème cher au XVIIIe s. des méfaits de la vie en société et celui du XIXe s. de l'exploitation de l'homme par l'homme.
Les composés préfixés DÉSALIÉNER v. tr. (1947) et DÉSALIÉNATION n. f. correspondent à la diffusion du sens marxiste de aliéner et aliénation.
L'emploi initial de aliéner a en outre servi de base à une série de dérivés juridiques, postérieurs à 1 aliénation (ci-dessus).
■  ALIÉNATAIRE n. (XVIe s. ; repris 1793) correspond à « personne au profit de laquelle on aliène un bien ».
■  ALIÉNATEUR, TRICE n. (1596) signifie « personne qui aliène un bien au profit d'une autre ».
■  ALIÉNABLE adj. (1523) « qui peut être aliéné » a pour dérivés ALIÉNABILITÉ n. f. (1795) et la série antonymique préfixée, formée par INALIÉNABLE adj. (1539), employé en droit et figurément à propos de droits qui ne sauraient être mis en cause, d'où INALIÉNABLEMENT adv. (1584), rare, et INALIÉNABILITÉ n. f. (1722).
ALIGNER → LIGNE
? ALIGOT n. m., mot attesté en français écrit en 1839, est un emprunt à l'occitan du Rouergue aligot (t prononcé), d'origine incertaine, peut-être à rapprocher du mot d'origine francique haricot « ragoût ». D'usage régional courant, dans le Rouergue et le Cantal, le mot a été diffusé par la gastronomie dans le reste de la France à partir des années 1960-1970.
ALIGOTÉ n. m., écrit alligotet en 1866, est probablement l'altération de l'ancien français harigoter « couper en morceaux, déchirer » (voir 1 haricot) pour désigner un cépage blanc de Bourgogne et le vin produit avec ce cépage. En apposition, Bourgogne aligoté.
ALIMENT n. m. est un emprunt ancien (1120) au latin alimentum, dérivé du verbe alere « nourrir », employé concurremment avec nutrire (→ nutrition). Les correspondants en germanique (par exemple l'ancien anglais alan) et en celtique, du verbe alere et de certains dérivés, comme adolescere, d'où adultum (→ adolescent, adulte), le populaire altus « qui a grandi », d'où « grand, vieux » (→ haut), font remonter à un thème indoeuropéen, d'ailleurs mal établi.
❏  Le mot français semble d'abord désigner ce qui nourrit le cœur (une fois au XIIe s.) ; on ne le trouve en emploi concret qu'au XIVe s. (1379). Ensuite, les emplois abstraits, en parlant de l'esprit (1601) ou dans aliment de l'âme « eucharistie » (fin XVIIe s., Bourdaloue), sont des métaphores du sens concret. ◆  En droit, le mot correspond (1690) à « pension alimentaire », valeur attestée bien avant en ancien provençal (alimens), en saintongeais (aleements, 1469) et conservée par l'anglais alimony. ◆  Par extension, aliment se dit pour « ce qui sert à entretenir le feu » et pour « action de se nourrir » (fin XVIIe s.), sens bientôt assumés par alimentation (ci-dessous).
❏  Le dérivé ALIMENTER v. tr. est d'abord attesté au figuré (une fois au XIVe s., mais rare avant le XIXe s.) pour « entretenir (un feu, un cours d'eau) », puis (1460) au sens propre de aliment : « fournir de la nourriture à » ; il est alors didactique par rapport à nourrir, comme s'alimenter par rapport à manger. ◆  Il se dit au figuré (1763, Rousseau) pour « entretenir (la conversation, un sentiment) » et en technique pour « approvisionner » (1845), puis « fournir en énergie ».
■  Le verbe a servi à former SURALIMENTER v. tr. (1896), d'où SURALIMENTÉ, ÉE adj., et SOUS-ALIMENTÉ, ÉE adj. (1925), substantivé au milieu du XXe s. (v. 1960), préfixés qui correspondent à sur- et sous-alimentation (ci-dessous).
ALIMENTATION n. f. est formé (1412) à partir du verbe au sens concret, avec plusieurs extensions, psychologique (1842), d'emploi rare, économique pour « approvisionnement renouvelé (d'une ville, d'un marché) » (1845), technique au sens de « fait de fournir en combustible, en énergie » (1845), sens devenu usuel à propos des machines, de l'énergie électrique, des munitions d'une arme, etc. Par une autre extension, le mot s'applique au commerce et à l'économie des denrées alimentaires (1926).
■  Les préfixés SURALIMENTATION n. f. (1891), qui s'emploie aussi à propos des moteurs (1926) et SOUS-ALIMENTATION n. f. (1891) sont employés à propos de l'alimentation humaine.
■  Sauf en moyen français dans un emploi sorti d'usage, le nom d'agent ne concerne que le sens figuré : ALIMENTEUR n. m. « dispositif réglant l'alimentation d'une machine, etc. » (1908).
■  Il en va de même pour l'adjectif ALIMENTATEUR, TRICE (1866), substantivé pour désigner le conducteur qui transfère l'énergie à une antenne (1960), à un appareil distributeur dans les mines (1974).
ALIMENTAIRE adj. est emprunté (1580) au latin alimentarius, dérivé de alimentum. Au sens concret de aliment, « relatif aux aliments, qui sert d'aliments », il entre dans des syntagmes courants, comme pâtes alimentaires (1866), produits alimentaires, industrie alimentaire, d'où le composé agro-alimentaire (→ agro-, à agreste). ◆  En droit, pension alimentaire (v. 1650) désigne une somme destinée à procurer la subsistance de qqn, versée par exemple en cas de divorce (on a dit aliments en ce sens) ; provision alimentaire (1690) s'emploie dans le même contexte. En physiologie, on relève conduit alimentaire (1751), ration alimentaire (1814), bol alimentaire (id.). ◆  Enfin, au figuré, l'adjectif s'applique à ce qui n'a qu'un but lucratif : littérature alimentaire (1905), travail alimentaire.
Sur aliment et médicament a été formé le mot-valise ALICAMENT n. m. (années 1990) pour un aliment dont la composition est censée avoir un effet médicamenteux (désignation d'intention publicitaire).
ALINÉA n. m. est la substantivation (mil. XVIIe s.) de la locution latine a linea « en sortant, en s'écartant de la ligne » (→ ligne), employée en dictant (Cf. en français aller, passer à la ligne) et attestée aussi en français (1694).
❏  Le mot désigne chez Guez de Balzac (av. 1654) la séparation, par renfoncement du début du texte, d'un début de paragraphe, puis (1817) le texte compris entre deux de ces séparations successives.
ALIPHATIQUE adj., dérivé didactique (1902) du grec aleiphas, atos « graisse », se dit en chimie de la série des graisses à chaîne carbonée saturée linéaire ou ramifiée ouverte (opposé à aromatique).
❏  ALICYCLIQUE adj., mot-valise tiré de aliphatique et cyclique (probablement créé en anglais), désigne les composés cycliques dérivés de ceux de la série aliphatique.
ALIQUOTE adj. est un emprunt du XVe s. (1484) au latin aliquot « un certain nombre de », pour qualifier la partie d'un nombre contenue un nombre exact de fois dans un tout.
❏  Le latin aliquantus « d'une grandeur donnée (et quelconque) » s'est employé au féminin en français (1653) et a été francisé en ALIQUANTE adj. à propos de la partie d'un nombre qui n'est pas contenue un nombre exact de fois dans un tout. Les deux adjectifs sont archaïques.
? ALISE n. m., représenté dans de nombreux dialectes et en francien dès le XIIe s. (alie, 1153 ; puis alèze), serait l'un des rares représentants en français de la langue gauloise, le mot pouvant être issu d'un °alika, le germanique Aliza étant dans cette hypothèse (corroborée par des toponymes) emprunté au gaulois. P. Guiraud préfère le rapprocher de l'ancien adjectif lis, alis du latin lixare (→ alizé, lisse).
❏  Le mot, surtout régional en français moderne, désigne le fruit d'une variété de sorbier.
❏  Le dérivé ALISIER n. m., désignant la plante (1235), est d'abord attesté sous la forme alier (1153), suggérant, comme alie pour alise, que le s (z) pourrait ne pas être étymologique, ce qui rend moins plausible l'hypothèse lixare.
ALITER → LIT
? ALIZÉ adj. et n. m. est d'origine incertaine ; le mot pourrait venir (1573) de l'expression ancienne et rare au lis du vent « dans la direction où le vent souffle », elle-même identifiée soit à au lit du vent (Wartburg), soit au latin licium « chaîne d'un tissu » (Jal) [→ lice], soit ramenée au francique °listia (Dutko). L'emprunt à l'espagnol alisios (Dauzat) paraît impossible, ce dernier étant tardif (attesté 1884). L'hypothèse la plus vraisemblable concerne la série de verbes occitans issus du latin allisus, alis, ancien provençal lis « doux (du temps) » (→ lisse).
❏  Le mot, employé dans vent alizé et comme nom, s'est écrit aussi alisée (1643). Il désigne un vent d'est régulier, sous les tropiques, résultant des hautes pressions (anticyclones) des régions subtropicales et des basses pressions des régions équatoriales (lorsque le champ de pression se renverse, on parle de CONTRE-ALIZÉ[S]).
❏  Le dérivé ALIZÉEN, ENNE adj., attesté isolément au XVIe s. (A. Jamyn, v. 1575-1578), repris au XIXe s. (1877), demeure rare.
ALLAITER → LAIT
ALLAMANDA n. m., emprunt au latin des botanistes, où il désigne un arbuste ornemental provenant du Brésil, est usuel en français de Maurice pour désigner cet arbre et sa fleur jaune, en forme de trompette.
ALLANTOÏDE n. f. et adj. est emprunté (1541) au grec allantoeidês, de allas, allantos « saucisse », d'où « boyau, membrane », mot d'origine obscure qui pourrait correspondre au latin alium (→ ail) et désigner une saucisse à l'ail, et eidos « forme » (→ 2 -ide).
❏  Le mot, aussi adjectif (membrane allantoïde, 1611), désigne et qualifie une membrane embryonnaire.
❏  Le dérivé ALLANTOÏDIEN, IENNE adj. (av. 1820, Nysten) s'applique comme nom masculin pluriel (1846) aux animaux dont l'embryon possède une allantoïde.
■  De là, avec le préfixé privatif a- (an-), ANALLANTOÏDIEN, IENNE adj. « dépourvu d'allantoïde » (1865) au pluriel « ordre des vertébrés dépourvus d'allantoïde » (av. 1900, Grande Encyclopédie).
L ALLÉCHER v. tr. est issu (v. 1175) d'une forme latine populaire °allecticare (Cf. espagnol alechigar « adoucir »), du latin classique allectare (d'où l'italien allettare), fréquentatif de allicere « attirer ». Celui-ci est composé de ad- (→ à) et de lacere « séduire », verbe dont certains dérivés sont représentés en français (→ délecter, délicat, délice, délié, dilettante).
❏  Le verbe, attesté en ancien et moyen français sous diverses formes, alechier, alekier, allicher (1538), également au pronominal s'alechier (XIIIe-XVe s.), a pris la nuance d'« attirer par la promesse d'un plaisir ». Il est surtout employé au passif et au participe passé, d'ailleurs adjectivé en ancien français (XIIIe s.), au sens de « qui cède à la tentation », c'est-à-dire « pécheur », sorti d'usage en moyen français.
❏  Le participe présent ALLÉCHANT, ANTE adj. (1495) est demeuré courant, après une éclipse à partir du milieu du XVIIe s. (il est considéré comme vieux en 1669). Il avait le sens général du verbe, « qui attire, séduit » et s'emploie surtout en français moderne (mil. XIXe s.) en parlant de la nourriture, puis au figuré.
■  ALLÈCHEMENT n. m. (v. 1300), bien attesté au XVIe et au début du XVIIe s., a vieilli.
L'adjectif rare ALLICIANT, ANTE, cher aux poètes symbolistes, est tiré du latin allicere peut-être pour éviter le rapprochement formel avec lécher. C'est un emprunt tardif (1851, Barbey), mais le verbe allicier (une fois au XIIIe ; puis XIVe s.), « attirer (l'attention) » puis « séduire » (1517), s'est employé en moyen français.