L
ALLOUER v. tr. est la réfection (1491), d'après louer, de l'ancien français aloer « mettre, placer » et « dépenser », puis (1305) « considérer comme juste, légitime » ; aloer et allouer viennent du latin populaire °allocare « mettre à sa place » et probablement « louer » (comme locare), de ad- (→ à) et locus « lieu* ».
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Allouer prend (fin XVe s.) le sens général d'« attribuer », plus tard spécialisé : « attribuer de façon officielle ».
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ALLOCATION n. f. est emprunté (1478) à un dérivé latin médiéval, de
allocare, allocatio, qui avait pris le sens d'« approbation d'un compte » ; il est repris (1836) pour servir de dérivé à
allouer, avec influence formelle de
location, qui correspond à
louer*.
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Le mot s'est répandu au XXe s. avec les systèmes de protection sociale au sens de « prestation en argent pour faire face à un besoin », avec diverses spécifications (allocations familiales, de maternité, de chômage, et familièrement, par apposition, allocation logement, chômage, etc.). Par métonymie, les allocations se dit de l'organisme qui verse les allocations.
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ALLOCATAIRE n., tiré du radical de allocation (1917), désigne le bénéficiaire d'une allocation.
ALLUMER v. tr. est issu (1080 ; antérieur : voir ci-dessous rallumer) d'un latin populaire °alluminare, de ad- (→ à) et luminare « éclairer », dérivé de lumen « lumière » (→ lumignon).
❏
Employé au sens étymologique, « éclairer » (
XIIe s.),
allumer ajoute en français le sens de « mettre le feu à » (1080), éliminant peu à peu
esprendre et
affouer (de
fou, feu) et rejetant d'autres verbes dans les dialectes (
activa « activer »,
aviva « aviver » en provençal) ; l'italien, l'espagnol, l'ancien provençal ont des formes correspondantes, avec le même sens. Cependant, la valeur étymologique « éclairer » est restée vivante.
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Au sens concret, s'ajoute la nuance « incendier » (
XIIe-
XVe s.), sortie d'usage, et au
XIXe s. des emplois spéciaux, comme
allumer une pipe (1845),
un cigare, une cigarette, allumer un poêle, un fourneau (v. 1850).
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De
allumer une lampe, très ancien, d'où absolument
allumer « faire la lumière » (
XIIe s.), on est passé à
allumer une lampe électrique, puis au
XXe s. à
allumer l'électricité (
in Académie 1932), ensuite à
allumer la radio, un appareil.
Par extension, le verbe s'emploie pour « colorer, rougir (le visage) » (1689, Racine).
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Dès le
XIIIe s., il prend la valeur abstraite d'« exciter les sentiments de (qqn) », « enflammer (qqn, son cœur) » (
XIIe s.), d'où
s'allumer (
XIIIe s.) ; ces emplois sont sortis d'usage, éliminés par des synonymes comme
enflammer, brûler. Mais le sens d'« exciter les désirs de » (déb.
XVIIe s., Malherbe), devenu familier, s'est conservé ou a été repris au
XIXe s.
(Cf. ci-dessous allumeuse) ; cependant
s'allumer « s'enthousiasmer » (1877, chez Zola) ne s'emploie guère.
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D'autres emplois figurés (
allumer la guerre, 1553 ;
la guerre s'allume, 1664) ont disparu, y compris la métaphore sur l'action d'éclairer, de révéler, exploitée en argot ancien, où le verbe signifie « observer (pour reconnaître) » (1808), « guetter » (1787), avec quelques locutions encore parfois attestées en argot moderne, comme
se faire allumer « repérer » (1960).
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En revanche, la métaphore du feu dans
allumer qqn « tirer sur lui » (1957), « bombarder, attaquer avec une arme » (1954), est vivante dans l'usage familier
(se faire allumer).
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L'interjection populaire
allume !, qui a signifié « courage ! » (1866) et « attention » (1888), est sortie d'usage.
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Un emploi métonymique pour « mettre en marche (un appareil électrique) » est usuel (allumer la radio, un radiateur) ; l'emploi pour « faire démarrer (un moteur) » est vivant en français de Belgique, et aussi du Liban.
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Parmi les dérivés, le participe présent
ALLUMANT, ANTE adj. (
XVe s.) ne s'est maintenu que dans des syntagmes techniques comme
poudre allumante (mil.
XXe s.).
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ALLUMÉ, ÉE adj. s'est employé au figuré (1180, lèvre allumée) surtout dans teint allumé (v. 1230), toujours en usage, et se dit en blason d'un animal dont les yeux sont d'un autre émail que le corps (1671).
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D'autres sens figurés et populaires, aujourd'hui archaïques, correspondaient à « excité sexuellement » (1888) et à « ivre, éméché » (1859). L'adjectif a été repris pour « inspiré et un peu fou ».
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ALLUMEMENT n. m. (
XIIIe s.,
alumement « feu ») a disparu, de même que
allumance n. f., alumerie n. f. « incendie » (1508) et « illumination » (
XIVe-
XVe s.), ou
alumelle n. f. « ce qui sert à allumer » (une fois
XIIIe ; puis
XVIe s.), qui sera éliminé par
allumettes.
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Certains dérivés sont restés dans l'usage courant.
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ALLUMEUR, EUSE n. désigne une personne chargée d'allumer qqch. (d'abord des chandelles, 1321) ; ce sens a subsisté jusqu'au XIXe s. par le syntagme allumeur de réverbères, encore connu après la disparition de la fonction désignée.
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Le sens figuré, « personne qui provoque, “allume” (un conflit) » (1540), a disparu avec l'emploi correspondant du verbe.
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Des sens figurés développent certaines autres valeurs, dans des spécialisations populaires du XIXe s., désignant par exemple (1835) un compère chargé de faire monter le prix des enchères (il « allume » la vente), un dénonciateur, indicateur de police (1899), un agent provocateur (1894), le complice d'un voleur chargé du guet (1896).
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Dans ce type d'emplois, le féminin allumeuse est plus courant pour désigner une racoleuse (1861), prostituée ou entraîneuse et, en général, une femme qui « allume », excite les hommes (1891, chez Huysmans).
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Par ailleurs, allumeur désigne des dispositifs, notamment celui qui déclenche l'allumage d'un moteur à explosion (1863), concurrencé en français de France par le nom de marque Delco, et celui qui provoque une déflagration (in Larousse, 1948).
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ALLUMETTE n. f. apparaît en ancien français (1213) pour désigner une petite bûche destinée à faire prendre le feu ; depuis 1845 on parle d'allumettes phosphoriques, puis chimiques et plus tard d'allumettes suédoises (1878), d'où allumettes de sûreté, progrès technique important, puisque le dispositif ne se contente plus de transmettre le feu, mais le provoque. L'expression allumette-bougie est attestée en 1833. Brin d'allumette se dit en Afrique subsaharienne.
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Les locutions brûler comme des allumettes (1690), marchande d'allumettes (1723), au figuré « tout petit commerce », mince, maigre comme une allumette (v. 1650), d'où jambes d'allumettes, et l'emploi de une allumette pour « jambe maigre » (1877) renvoient à l'origine au sens ancien de « bûchette », de même que les figurés pour « ce qui allume la guerre, les passions » (depuis le XVIe s., Calvin). Le sens moderne a produit (il ne faut pas) jouer avec les allumettes « avec le feu ».
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Le mot a désigné, par analogie de forme, un morceau de viande (allumette de veau, 1789) ; une attestation en moyen français est une faute typographique, puis (1739) un gâteau (XIXe s.), sens encore vivant, ainsi que des frites très fines (en apposition : pommes allumettes).
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Il a pour dérivés ALLUMETTIER n. m. (XVIe s., Rabelais), repris au XIXe s. (1829), et l'argotique ALLOUF n. f. de finale obscure (1900).
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Dérivé assez récent de
allumer, ALLUMAGE n. m. (1845) est rare au sens général, « action d'allumer », et s'est spécialisé en parlant des explosifs (1928) et surtout de l'inflammation du mélange gazeux des moteurs à explosion (1866). Ce sens est devenu usuel au
XXe s. et a donné lieu à des locutions, comme
avance, avancer à l'allumage (au figuré, 1912, « aller vite »), et à un composé,
AUTO-ALLUMAGE n. m. (1913).
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ALLUMABLE adj. (1866) est rare.
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Le verbe a plusieurs composés usuels :
ALLUME-FEU n. m. (1866),
ALLUME-GAZ n. m. (1891),
ALLUME-CIGARETTE n. m. (1922) et
ALLUME-CIGARE n. m. (1900).
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Beaucoup plus ancien (
XIe s.), le verbe
RALLUMER (
ralumer, v. 1050) a signifié aussi en ancien français « redonner la vue à (un aveugle) » et a pris au
XVIe s. des valeurs figurées :
rallumer un conflit, une passion (Montaigne) ; le pronominal
se rallumer étant plus ancien que l'actif (une fois au
XIIIe s.) dans cet emploi.
❏ voir
ENLUMINER, ILLUMINER, LUMIÈRE, LUMINAIRE, LUMINEUX.
ALLUSION n. f. est un emprunt de la Renaissance (1558) au bas latin allusio « jeu », notamment « jeu verbal », dérivé du supin de alludere « jouer », de ad- (→ à) et ludus « jeu » (→ ludique). Alludere et le bas latin allusio ont pris le sens de « plaisanter, se jouer de » mais aussi « parler sans insister », passant ainsi de l'idée de « badinage » à celle de « suggestion sans parole explicite », de la rhétorique à la logique.
❏
Le mot français signifie à la fois « jeu de mots plaisant » (1558) et « expression qui éveille une idée, sans désigner clairement » (1593). De là on passe au sens moderne de « sous-entendu », vers le milieu du XVIIe s. (attesté 1671).
❏
Le dérivé
ALLUSIF, IVE adj., attesté en 1624 dans la traduction française des
Progrès et avancement des sciences de Francis Bacon, semble inusité avant 1770. L'idée initiale de « jeu »
(ludus) y a à peu près disparu. L'adjectif, qui s'applique aussi aux personnes (
allusionniste étant inusité), a pour dérivé
ALLUSIVEMENT adv. (
XXe s.), assez employé.
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Le verbe ALLUDER (v. 1500) est resté un latinisme rare et a suivi la même évolution de sens.
◈
Les dérivés directs d'
allusion, ALLUSIONNEL, ELLE adj. (1866),
ALLUSIONNISME n. m. (1916) et
ALLUSIONNISTE adj. et n. (1900 ; puis 1917) sont exceptionnels.
ALLUVION n. f. est un emprunt (1527) au latin alluvio, de alluere « baigner, faire couler de l'eau sur... », composé de ad- (→ à) et de luere ou lavere (→ laver), qui s'oppose à ab-luere « enlever en lavant, purifier » d'où vient ablution. Comme alluvies, alluvio désigne l'inondation (sens emprunté par le provençal, v. 1350), mais aussi la terre apportée par l'eau.
❏
Le mot apparaît au sens latin de « débordement (d'un cours d'eau) » mais s'applique assez vite aux terres apportées par un tel débordement (1636), peut-être par l'intermédiaire de terre d'alluvion « apportée par l'eau » (1583). Ce sens est juridique.
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L'acception géologique, dominante en français moderne (1815), existe déjà en latin ; cependant, sa reprise ne concerne plus l'inondation, directement observable, mais le résultat des lents processus géologiques : du droit (« accroissement de terrain par alluvionnement »), le mot est passé à la science.
❏
Le dérivé
ALLUVIAL, ALE, AUX adj., qui concerne surtout le droit puis la géologie, apparaît dans une traduction (1802) ; il a été concurrencé par
alluvien (1836), mot abandonné.
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ALLUVIONNAIRE adj. (v. 1844), ALLUVIONNEMENT n. m. (av. 1877) et ALLUVIONNER v. (1908 comme v. trans.) concernent seulement la géologie.
ALLYLE n. m., mot de chimie (Dictionnaire de Nysten, 1855), est formé du latin alium, ou allium (→ ail) et de -yle, du grec hulê « substance ». Il désigne un radical chimique découvert sous forme de sulfure dans l'essence d'ail et qui est présent dans de nombreux esters. C'est un radical non saturé univalent.
❏
ALLYLIQUE adj. (1865) qualifie les corps contenant le radical
allyle et la transformation de ses homologues
(transposition allylique).
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ALLÈNE n. m. est la réduction de
allylène, dérivé de
allyle, pour dénommer un hydrocarbure gazeux, dit aussi
propadiène.
ALMAMI n. m., emprunt à la langue des Peuls, désigne un chef religieux musulman, et politique, d'une communauté peule.
ALMANACH n. m. vient du latin médiéval almanach sous diverses formes (anemalhac, 1328 ; almenach, 1303). C'est la transcription romaine d'un mot arabe d'Espagne ᾿al (article) manāḫ « calendrier », d'origine obscure.
❏
Le mot, passé dans la plupart des langues européennes, concerne l'astronomie (« calendrier ») puis les pronostics (XVIe s. en français, d'où un faiseur d'almanachs, un prétendu prophète) et enfin (XVIIe s.) des publications en forme d'annuaires. Celles-ci, devenues populaires, font l'objet d'un vaste colportage du XVIIe à la fin du XIXe siècle ; le mot évoque encore parfois cette littérature populaire et rurale (Cf. l'Almanach Vermot, célèbre en France pour ses jeux, plaisanteries et calembours).
ALMÉE n. f. est un emprunt (1785) à l'arabe parlé ᾿ālm, de l'arabe classique ᾿ālimat (᾿ar raqṣ) « celle qui est experte (à la danse) ».
❏
Le mot désigne en français une danseuse orientale, notamment égyptienne, par un transfert de sens comparable à celui du japonais geisha. Le mot, à la mode au XIXe s., fait allusion aux voluptés orientales, en concurrence avec bayadère.
ALOÈS n. m. est un emprunt (1160) au latin aloes, faux nominatif (VIe s.) pour le génitif grec, à côté d'aloe (d'où la forme française aloë, XIIe-XIIIe s.), du grec aloê, qui désigne plusieurs plantes, dont un arbre oriental (Aquiloria agallocha), et qui doit être un emprunt au vocabulaire oriental. La spécialisation pour désigner une plante grasse (Liliacées) d'Afrique, de Méditerranée et d'Amérique, produisant un suc amer et purgatif, s'est faite en latin.
❏
En ancien français, le mot, sous ses deux formes (souvent
aloé), désigne surtout un bois odoriférant qui servait à parfumer les corps, les habits, la chambre ; le mot était encore plus ancien sous la forme
aloen (
Xe s.), emprunté à l'accusatif latin ; on disait aussi dans ce sens
lignon, linon aloes (
XVe-
XVIe s.), du latin moderne
lignum aloes (1355) et aussi
bois d'aloès (1552, Rabelais).
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Aloé, alloeu (1359) et aloes (XIVe-XVe s. ; puis 1538) s'appliquent ensuite au suc résineux amer, tonique et purgatif (Cf. chicotin), tiré de la plante grasse, le mot s'appliquant aussi à la plante (1549, aloé ; 1611, aloès).
◆
Aloès se dit enfin (1905) de la fibre textile tirée de cette plante. Cet emploi, par exemple dans corde d'aloès, est courant en français de l'île Maurice.
❏
Les dérivés sont des termes de pharmacie. ALOÉTIQUE adj. (une fois au XVIe s. ; puis 1751) s'est dit d'une pilule, puis (1866) d'un acide, dont les sels sont nommés ALOÉTATES n. m. pl. (1866).
ALOPÉCIE n. f. (1538), d'abord allopecie (1505), réfection de formes altérées (allopice, 1377 ; etc.), est emprunté au latin alopecia, lui-même emprunté au grec alôpêkia « chute des cheveux » (comparée à celle des poils du renard), de alôpêx « renard », mot d'origine indoeuropéenne.
❏
Le mot désigne la chute des cheveux, des poils, et son résultat.
❏
Il a pour dérivé ALOPÉCIQUE adj. et n. (1866).
G
ALOSE n. f. (1180), avec la variante alouse (1374), est un des rares témoins français assurés de la langue gauloise, passé par le bas latin attesté alausa : l'espagnol, le provençal, le germanique (d'où allemand Alse) ont aussi adopté ce mot gaulois.
❏
Le mot désigne un poisson marin, voisin du hareng, qui remonte les rivières au printemps pour frayer.
ALOUDA n. m., emprunt à l'hindi faluda, nom d'une bouillie, a pris dans l'île Maurice le sens de « boisson au lait, parfumée et sucrée, servie fraîche » (un marchand, un verre d'alouda).
ALOUETTE n. f., d'abord aloete (mil. XIIIe s.), est un diminutif expressif et poétique d'un mot d'ancien français, aloe, avec le suffixe féminin -ette. Aloe et ses variantes (aloie, aloue, encore chez Villon) venaient par évolution phonétique du latin alauda, considéré comme gaulois par les Romains, qui disaient en latin avis galerita (de galea « casque ») pour parler de l'alouette huppée. L'ancien français connaît aloete, aloiette (v. 1230), aloiete, aloeete (fin XIIe s.), avant la forme moderne (XVIe s.).
❏
Le mot désigne le même oiseau que aloe, l'alauda arvensis, et ses variétés ; il est riche en contenus culturels, cet oiseau au chant caractéristique évoquant le matin. Des syntagmes qualifiés désignent des oiseaux de l'espèce : alouette huppée (1569), à crête ou crêtée (1767), alouette des bois (1780), ainsi que des oiseaux d'apparence voisine, appartenant à d'autres espèces : alouette de mer (XVIe s., Belon). Au sens dominant, le mot donne lieu à des locutions et proverbes : il pense (attend, etc.) que les alouettes lui tomberont toutes rôties « il ne fait rien » (1611) ; une autre image, si les nues cheoient (tombent) les aloes sont toutes prises (XVe s.), évoquant une autre perspective absurde. Cette locution a été reprise avec alouette (1534, Rabelais). Au chant de l'alouette « très tôt le matin » semble récente (1835).
◆
D'autres expressions sont formées par analogie de formes. Pied d'alouette désigne une plante ; nœud d'alouette (1863) se disait d'un nœud en marine. Alouette sans tête se dit d'une préparation culinaire « paupiette de veau » (1962 in T. L. F. ; bien antérieur régionalement, par exemple dans le Sud-Ouest), probablement par analogie de préparation (→ aloyau). L'usage de l'expression déborde le Sud-Ouest provençal.
◆
La chasse aux alouettes avec des appeaux a donné lieu à l'expression miroir aux alouettes « apparence qui séduit et trompe ».
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ALOYAU n. m., d'abord allouyaulx (fin XIVe s.), pourrait venir, comme alouette*, de l'ancien français aloe, pour désigner de petits morceaux comestibles cuits à la broche, comme l'oiseau (Cf. alouette sans tête). Mais P. Guiraud, trouvant la métaphore peu probante, le rattache à la famille de allier, aloi, par le verbe ancien aloier. Dans les deux cas, il s'agirait d'une recette plutôt que, comme aujourd'hui, d'un morceau de la bête de boucherie. À l'appui de la dérivation d'aloe, d'autres formes du moyen français aloeaux, aloyaux (XIVe s.) désignent des morceaux de graisse de rognons ou de moelle, de forme allongée. Le singulier correspondant aloel (v. 1250) désignait l'alouette.
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Les allouyaulx (v. 1395) sont d'abord une préparation de rognons, avec leur graisse, et de moelle de bœuf entourés de tranches de bœuf, le mot désignant ensuite ces tranches de bœuf, puis (1611) la partie charnue d'une côte de bœuf, et enfin (1680) le morceau formé par la suite du filet de bœuf, qui sera appelé plus tard contrefilet et rumsteck. La métaphore originelle, qui devait donc évoquer une préparation plus qu'une forme, s'est perdue.
ALPAGA n. m., comme de nombreux emprunts exotiques, se manifeste en français sous plusieurs formes éphémères (alpace, 1579 ; alpaque, 1716 ; alpaca, 1739) ; il est pris à l'espagnol alpaca, emprunt au quichua ou à l'aymara, langues indiennes d'Amérique où le mot désigne un animal proche du lama, élevé pour sa laine fine.
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Alpaga n'est devenu courant en français que quand il a désigné (1808) un tissu contenant de la laine d'alpaga, puis une qualité spéciale de laine mêlée à la soie. En effet, le nom de l'animal est vigogne.
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Un alpaga a désigné le manteau de ce tissu.
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De ce dernier sens viennent l'argot ALPAGUE n. m. (1869) « manteau » et ALPAGUER v. tr. (1935) « saisir au collet (du vêtement) ; arrêter ».
ALPENSTOCK n. m. est un emprunt (1853) à l'allemand Alpenstock, de Alpen « Alpes » et Stock « bâton ».
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Le mot, qui fut à la mode jusque vers 1920, désignait le bâton ferré utilisé par les premiers alpinistes.