ANALGÉSIE n. f. est emprunté (1823) au grec analgêsia, de an- négatif (→ 2 a-) et algos « douleur » (→ algie).
❏
Le mot, employé en médecine, se distingue de anesthésie*, qui avait cette valeur mais en change au milieu du XIXe siècle ; il désigne une insensibilité pathologique ou provoquée par médicaments.
❏
Il a pour dérivé
ANALGÉSIQUE adj. (1878 ; attesté dès 1860, comme substantif,
un analgésique) qui désigne et qualifie un médicament qui apaise la douleur ;
ANALGÉSIER v. tr. (1909), précédé par
ANALGÉSIANT, ANTE adj. (1877).
■
ANALGÉSINE n. f. (1898) a servi à désigner l'antipyrine.
◈
Par substitution de préfixe, on a formé
HYPERALGÉSIE n. f. (1891) « sensibilité extrême à la douleur », d'où
HYPERALGÉSIQUE adj. (1891).
ANALOGIE n. f. est d'abord le calque du latin analogia dans le titre de l'ouvrage de César, De analogia, traduit en français en 1213. Le mot latin est emprunté au grec analogia, de ana- (→ ana-) et -logia, de logos « discours, raison » (→ -logie) ; il a servi aux grammairiens pour désigner l'aspect systématique des langues (opposé à anomalia ; → anomalie). La série, avec analogue et analogique, s'emploie depuis le moyen français. Ces trois termes correspondent à trois mots latins, tous empruntés au grec, les mots analogia et analogikos étant dérivés de analogos, « proportionnel », qui s'applique strictement à l'identité des rapports entre les termes de deux ou (plusieurs) couples d'éléments. Ce sens mathématique se conserve en latin, puis dans les langues d'emprunt.
❏
Analogie, après son emploi comme titre, est repris avec la valeur assez vague de « ressemblance » (1423) connue en latin, puis en mathématiques (1503) et en logique, d'où (raisonner...) par analogie (1690).
◆
Le mot s'est appliqué à des ressemblances de structures et de fonction en sciences naturelles (1791 ; déjà 1767, en botanique). L'emploi d'analogie en lexicographie (1949, P. Robert), pour « relation sémantique entre unités lexicales », procède de l'adjectif analogique.
❏
ANALOGUE adj. est emprunté (1503) au latin
analogos, lui-même pris au grec
analogos, mot rare, pour correspondre à
analogie. La construction
analogue à (1770) donne au mot le sens extensif de « semblable ».
◆
L'adjectif est substantivé (1787), notamment au sens d'« organe qui a des ressemblances fonctionnelles avec un autre, en anatomie comparée » (1830, Geoffroy Saint-Hilaire).
■
ANALOGON n. m., terme de philosophie (XXe s. ; in Foulquié, 1936), est directement emprunté au grec.
◈
ANALOGIQUE adj., emprunt (1547) à
analogicus, du grec
analogikos, signifie « proportionnel » et, plus précisément, « relatif à l'analogie, qui repose sur une analogie » (1554).
◆
Analogique reste plus étroitement lié que
analogue au sens précis d'
analogie : le
dictionnaire analogique (1862, Boissière) regroupe les mots par rapports de sens.
◆
Un emploi récent de l'adjectif concerne un calcul par analogie avec des mesures physiques continues, d'où la valeur de « continu », opposé à
discontinu, discret et à l'anglicisme
digital, dans
calculateur, codage analogique.
◆
L'adjectif a pour dérivé
ANALOGIQUEMENT adv. (1557, puis 1636).
■
ANALOGISME n. m., ancien terme de médecine (1732) pris au latin moderne analogismus, désignait l'imitation, en médecine empirique.
ANALYSE n. f. est emprunté (déb. XVIIe s., d'Aubigné) au grec analusis « décomposition » et « résolution », dérivé du verbe analuein, composé de ana- (→ ana-) et de luein « dissoudre » (→ lyse, lytique), auquel correspond le latin solvere (→ solution).
❏
Le mot désigne d'abord une décomposition d'éléments de nature intellectuelle et abstraite, une critique, puis un procédé de raisonnement (1641). À la même époque, en logique (1637), il s'oppose à
synthèse. Il s'applique aussi à la décomposition des éléments du discours (1775), par exemple dans
analyse logique, analyse grammaticale (1778).
◆
L'emploi concret, en chimie, est attesté au début du
XVIIIe s. (1726) et semble découler du sens chimique du verbe
analyser (ci-dessous).
◆
Le mot est entré dans l'usage courant, notamment à propos de l'examen psychologique du comportement, au
XVIIIe siècle.
■
Une autre valeur est celle de « résolution, solution » et concerne la démonstration mathématique ; elle se combine avec la première valeur du mot. L'analyse, d'abord méthode par déduction (1636, Descartes), c'est-à-dire algèbre (voir ce mot), devient une branche des mathématiques par l'expression analyse des infiniment petits (1695).
❏
ANALYTIQUE adj. traduit d'abord, par emprunt, le grec
analytikos chez Aristote, employé substantivement pour « démonstrations » et titre d'une partie de la logique (
Les Analytiques, 1579).
◆
Le mot est repris, peut-être par le latin
analyticus, en mathématiques (1630, Viète, fondateur de l'algèbre), et plus largement en épistémologie, en relation avec
analyse (« j'ai suivi la voie analytique », Descartes, 1642), d'où
géométrie analytique (attesté 1840).
◆
Il correspond aux emplois logiques et linguistiques d'
analyse dans
ordre analytique (1757), et rejoint le sens plus courant du mot, « décomposition intellectuelle d'éléments », dans la seconde moitié du
XVIIIe s., par exemple dans
un esprit analytique (1770).
◆
D'après Kant,
analytique (déb.
XIXe s.) s'oppose à
synthétique pour qualifier les jugements dont les valeurs de vérité dépendent de termes analysables et non pas des faits.
◆
De là
ANALYCITÉ n. f., pour
°analyticité « caractère analytique, tautologique » ;
Cf. anglais analyticity (1939).
■
Le dérivé ANALYTIQUEMENT adv. (1668) est didactique.
◈
ANALYSER v. tr. est dérivé d'
analyse, manifestant la vitalité de ce mot au
XVIIe s., d'abord en chimie (1679), le verbe semblant antérieur au substantif dans cet emploi. Il devient usuel au
XVIIIe s. comme verbe abstrait (1725), par exemple en psychologie (1746, Condillac), d'où
s'analyser (1801).
■
Ce verbe a plusieurs dérivés. ANALYSEUR n. m. s'est dit d'une personne qui analyse (1791) et s'emploie encore en parlant de divers dispositifs, avec la notion concrète d'analyse : « prisme analysant la lumière » (1838), d'où prisme analyseur (1855), etc.
■
ANALYSABLE adj. (1849) et INANALYSABLE adj. (1837) sont usuels.
■
INANALYSÉ, ÉE adj. (1838) semble plus didactique.
◈
ANALYSTE n., autre dérivé d'
analyse, apparaît (1638) dans le contexte des mathématiques, puis au sens de « personne qui analyse des idées, des sentiments » (1780) et « critique qui analyse une œuvre » (1829), sens rare.
◆
Un emploi concret concerne la chimie (1875).
◆
Au
XXe s., le mot s'applique à l'analyse économique, financière, puis à celle de l'information, d'où
ANALYSTE-PROGRAMMEUR en informatique (v. 1960).
◈
D'autres emplois de
analyse, analytique, analyser et
analyste concernent la psychanalyse (ci-dessous).
◈
Analyse et les mots apparentés sont communs à la plupart des langues européennes modernes. En allemand,
analyse a servi à former un composé appelé à un succès mondial :
psychoanalyse, « analyse psychologique », mot créé par Freud
(→ psycho-). Psychanalyse et ses dérivés ont donné naissance, par aphérèse, à de nouveaux emplois de
ANALYSE (v. 1960 ; reprenant un emploi ancien, pour
psycho-analyse, 1896), à
ANALYSER v. tr. (1912 ;
analysé, 1939 ;
se faire analyser, 1954), d'où
ANALYSANT, ANTE n. (1924), ainsi qu'à
ANALYSTE n. (1907) et
ANALYTIQUE adj. (1905) qui tendent à remplacer les mots en
psycho-, au moins dans l'usage spontané des personnes familiarisées avec ce domaine.
ANANAS n. m., nom d'un fruit exotique, est rapporté en 1578 par le voyageur et écrivain Jean de Léry ; on l'avait transcrit sous des formes différentes (amanat, 1544 ; nana, 1554) supposant une transmission orale. L'origine est soit l'espagnol ananas, soit le mot-source indien (tupi-guarani) que l'espagnol a emprunté.
❏
Le mot désigne un gros fruit conique, à enveloppe écailleuse, de couleur orangée, à chair jaune clair très estimée pour son goût.
◆
Par extension, il s'applique à la plante qui produit ce fruit (fin XVIIIe s.) et sert à qualifier une couleur comparée à celle du fruit (1823).
◆
Ananas-fleur désigne une variété d'ananas à fleurs roses, cultivée comme ornementale.
◆
Le mot entre dans des syntagmes courants, comme jus d'ananas, ananas frais, en conserve.
❏
Le dérivé
ANANERAIE n. f., « plantation d'ananas », ne s'emploie que dans les régions francophones où l'ananas est cultivé.
◈
Un mot aramak apparenté a donné le nom d'un autre fruit tropical,
ANONE n. f. (
anon, 1556, lui aussi par l'espagnol).
ANANGO n. m., emprunt à une langue africaine, désigne en français d'Afrique un vêtement d'homme très ample à longues et larges manches. Le mot s'emploie aussi adjectivement : chemise anango.
ANARCHIE n. f. est emprunté par Oresme (v. 1372) au latin anarchia, employé dans les traductions d'Aristote pour rendre le grec anarkhia, de an- (a- privatif ; → 2 a-) et arkhê « commandement » (→ -archie, monarque).
❏
Le mot apparaît avec une valeur antique et technique pour « état politique où les affranchis peuvent jouer un rôle dans le gouvernement ». Il ne se répand qu'au XVIe s. (v. 1562 Bonivard) avec la valeur générale de « désordre politique faute d'autorité ».
◆
De ce sens général péjoratif, « absence de gouvernement ; désordre qui en résulte », on est passé à « confusion, désordre » (1742) et, pendant la Révolution, à « doctrine politique basée sur la suppression du pouvoir de l'État », valeur qui se développe au XIXe s. (1840, Proudhon). À la fin du siècle, le concept est en relation et en opposition avec le socialisme et le syndicalisme (Cf. les composés anarchosyndicalisme et -syndicaliste).
◆
De la même période date l'abréviation populaire de anarchiste, anar (ci-dessous), qui manifeste la vitalité du mouvement.
◆
Des mots concurrents, comme libertaire, puis gauchiste, marquent le recul du concept, dans des contextes plus récents.
❏
ANARCHIQUE adj. (1594) a suivi l'évolution sémantique du substantif. Il signifie par extension « désordonné, confus » (1866) et se détache alors de toute allusion politique (
un développement anarchique, etc.).
◆
Il a pour dérivé
ANARCHIQUEMENT adv. (1834).
■
ANARCHISTE n. est un mot de la Révolution (1791), devenu usuel au milieu du XIXe s. avec le développement de anarchie et qui prend des connotations nouvelles à la fin du XIXe siècle.
■
ANARCHISME n. m. désigne la doctrine politique des anarchistes (1834) et, comme anarchiste, a pris une valeur extensive pour « refus de l'autorité, en général » (1917).
■
ANARCHISANT, ANTE adj. (1925) est encore en usage, alors qu'ANARCHO n. m. (fin XIXe s.), formation argotique sur anarchiste, a été remplacé par ANAR n. m. (1901), aussi employé comme adjectif et, rarement, au féminin.
■
Enfin anarcho- sert d'élément de composition dans ANARCHOSYNDICALISME n. m. et ANARCHOSYNDICALISTE adj. et n. (v. 1900), à propos de l'introduction des principes anarchistes dans l'action syndicale.
ANATHÈME n. m. est d'abord un terme religieux (1174), emprunt au latin ecclésiastique anathema, qui transcrit le grec biblique anathêma « malédiction ; objet maudit ». Ce dernier est la péjoration du grec classique anathêma, qui signifiait « offrande votive » (littéralement « ce que l'on place ou pose en plus »), par un renversement propre à l'usage de l'Église, mais qui n'est pas clairement expliqué. Le mot grec pour « malédiction » est katathêma. Anathêma est préfixé de thêma, -atos « dépôt » (→ thème), qui existe surtout en composition et qui appartient, comme thesis (→ thèse) et le latin facere (→ faire), à une vaste famille indoeuropéenne.
❏
En français, le mot est sorti du domaine religieux (fin
XVIIe s.) mais est resté didactique. Il désigne aussi (déb.
XVIIe s.) la personne qui fait l'objet d'un anathème, notamment celle qui est retranchée de la communion des fidèles (1680).
■
La reprise du mot au sens grec, « offrande » (1596), est attestée jusqu'au XIXe s. en contexte moderne (« ex-voto ») et s'emploie en terme d'antiquité (1764) pour « victime immolée ».
❏
ANATHÉMATISER v. tr. (déb. XVe s.) calque un dérivé latin (et grec) anathematizare.
◆
Il a pris aussi une valeur laïque (XVIe s., Amyot), très didactique, comme le dérivé ANATHÉMATISATION n. f. (v. 1420, en religion ; « condamnation absolue », 1895).
ANATOMIE n. f. est emprunté au latin anatomia, formé sur le grec anatomê, de ana- (→ ana-) et tomê « coupure » (→ -tome, -tomie), dérivé de temnein « couper, fendre », d'origine indoeuropéenne. Le mot, concret à l'origine, a pris en latin un sens abstrait, « étude de la structure des organismes », passé par emprunt savant en ancien provençal (anathomya, v. 1250) et en français (anathomie, anatomie, 1314).
❏
Le mot, souvent altéré en nathomie, nothomie, notomie (XIVe-XVIe s.), prend au XVIe s., par suite de la levée de l'interdit religieux sur cette pratique, le sens concret de « dissection » (1552), sorti d'usage au XVIIe siècle. Par ailleurs, il signifie au figuré « examen détaillé, analyse », valeur usuelle jusqu'au XVIIIe s., puis archaïque.
◆
Le nom de la science, devenu courant, donne lieu à anatomie comparée (1730), anatomie humaine, etc., puis à anatomie pathologique (1835), branche des études médicales. Le mot est employé pour « étude des formes extérieures du corps, en art », aussi dans anatomie artistique (1883).
◆
Par métonymie, anatomie s'est dit pour « squelette » (une fois au XVe s., puis XVIe-XIXe s.), sens disparu comme le familier « personne maigre » (1690, jusqu'au XVIIIe s., plus tard en français régional, souvent altéré).
◆
De là, l'acception encore vivante de « corps disséqué » (1611), d'où pièce d'anatomie (1821) et, par extension, celle de « représentation du corps analysé » (1751).
◆
Un autre sens extensif est « forme extérieure du corps », d'où avoir une belle anatomie, familier.
❏
ANATOMISTE n. « spécialiste de l'anatomie » est dérivé en français (1503) comme
ANATOMISME n. m., qui a désigné (1863) la tendance à expliquer les phénomènes physiologiques et pathologiques par l'anatomie.
■
ANATOMISER v. tr. a signifié « disséquer » (1503, jusqu'au XIXe s.) et, au figuré, « analyser en détail » (1552, Rabelais).
■
ANATOMIQUE adj. est emprunté (1546) au dérivé bas latin anatomicus ; il a lui-même pour dérivé ANATOMIQUEMENT adv. (1651).
◈
De nombreux composés en
ANATOMO- soulignent l'importance du concept, articulé avec ceux de morphologie, de physiologie, dans
ANATOMOPHYSIOLOGIE n. f. (déb.
XXe s.), de pathologie, dans
ANATOMOPATHOLOGISTE n. m. (1833),
ANATOMOPATHOLOGIQUE adj. (1835), d'où le nom de la discipline
ANATOMOPATHOLOGIE n. f. (1865), ou encore avec le concept de clinique médicale :
ANATOMOCLINIQUE adj. et n. f. (1887). Cette série exprime avec d'autres la scientifisation de la médecine, au cours du
XIXe siècle.
L
ANCÊTRE n., notation moderne de ancestre (XIIe s.), procède du latin antecessor, -orem, dérivé spécialisé du verbe antecedere (→ antécédent) « marcher (cedere ; → cession, concéder, décéder...) devant (ante) » (→ anté-). Antecessor a pris les sens d'« avant-garde militaire » et de « prédécesseur (en droit) », sens dominant en latin médiéval, où le mot s'applique aussi (VIIIe s.) aux ascendants, empiétant sur le sens de avus (→ aïeul).
❏
Ancestre, forme dérivée du nominatif, a éliminé l'ancien français ancessor (anceisor, v. 1050), de l'accusatif (cas régime), les deux formes existant aussi en ancien provençal. Le type ancessor, représenté aussi en catalan, disparaît au cours du XVe siècle.
◆
Un emprunt savant, antecesseur (v. 1250) s'est employé pour « prédécesseur » (jusqu'au XVe s. ; repris 1898, Huysmans, par latinisme littéraire), puis pour « ancêtre » (1521). La graphie ancêtre apparaît au XVIe siècle.
◆
Ancestre a dès l'origine sa valeur actuelle, mais signifie aussi en ancien français « prédécesseur » (XIIe s.), et aussi « vieillard » (mil. XIIe s., Wace), sens disparus, le premier étant repris au XIXe s. (Dumas) au sens d'« initiateur, devancier » et le second au XXe s. ironiquement, pour ancien : comment ça va, l'ancêtre ? (Cf. grand-père).
◆
Le mot est plus vivant et a des valeurs plus nettes dans les lieux francophones où se pratique le culte des ancêtres, notamment en Afrique subsaharienne, en Polynésie, en Nouvelle-Calédonie, où les ancêtres peut désigner les esprits des morts, en milieu kanak. S'agissant des vivants, le mot est quasi synonyme de vieux. Dans ces cultures, on emploie aussi en français l'expression les anciens.
❏
Le dérivé ANCESTRAL, AUX adj. (1853) reprend l'anglo-normand ancestrel (XIIIe-XVe s.) et conserve le s de l'ancienne graphie ; il signifie « des ancêtres ; ancien et héréditaire » avec la valeur extensive de « traditionnel, hérité ».
G
ANCHE n. f. apparaît en 1402 sous la forme ence, qui désigne une gouttière ; anche (1413) signifie « goulot (de bouteille) » ; ces formes remontent au francique °ankja (Cf. ancien haut-allemand ancha « jambe » et « tuyau ») qui semble avoir désigné le canal d'un os long.
❏
Divers sens se développent dans les dialectes français du Nord, dont « gouttière » (ence), « goulot », « tuyau » (av. 1585, Ronsard) puis « robinet d'un pressoir » (1655, enche).
◆
La valeur musicale, « embouchure (de cornemuse, etc.) », a donné par métonymie le sens moderne de « languette vibrante » (1530), pour certains instruments à vent, d'abord le hautbois, puis la clarinette, ensuite le saxophone et tous les instruments dits à anche. De là jeu d'anches (1690), nom d'un registre de l'orgue.
◆
Les autres valeurs du mot sont toutes sorties d'usage, ainsi que les dérivés.
❏
En musique, le mot a pour dérivés ANCHER v. tr. (1752) « munir (un orgue) d'un jeu d'anches », précédé par DÉSANCHER v. tr. (1636) « enlever l'anche de (un hautbois, etc.) ».
ANCHOIS n. m. est un emprunt (1546 ; 1564, anchoie) à l'ancien provençal anchoia (d'où anchouiado, en français anchoïade), qui correspond au catalan, à l'espagnol anchoa (fin XVe s.), au portugais anchova et doit remonter à une forme mal déterminée du latin populaire, qui a donné aussi l'italien acciuga (l'anglais anchovy, l'allemand Anschove, Anschovis viennent des langues romanes). Une glose apya a suggéré un latin populaire °apiua ou °apiuva, que l'on rapproche du grec aphuê « petits poissons, friture » (peut-être de a- privatif et phuein « pousser ») ; si cette origine est exacte, les formes modernes sont irrégulières. Le grec a donné l'emprunt latin aphye, qui est passé en français sous la forme afye (1582), puis aphie (1775), sortie d'usage.
❏
Le mot, attesté après l'ancien provençal anchoia (1397), et qui lui est probablement emprunté (au féminin, anchoie), désigne un petit poisson comestible, souvent conservé dans l'huile ou la saumure. D'où les syntagmes usuels filets d'anchois, beurre d'anchois.
❏
Le dérivé
ANCHOITÉ, ÉE adj., qui vient probablement du languedocien
anchoiat, à côté du dérivé français
anchoisé (1810), se dit de poissons préparés comme l'anchois (1765,
sardine anchoitée).
■
ANCHOYADE ou ANCHOÏADE n. f., « préparation d'anchois, sauce à l'anchois », est un emprunt à l'occitan (provençal) anchouïado, de anchoïa, anchouïa, qui correspond à anchois. Le mot est dans Mistral (fin XIXe s.).
L
ANCIEN, ENNE adj. vient par évolution phonétique du très bas latin anteanus (VIIe s.), adjectif dérivé de ante « avant » (→ ains, antérieur, antique) ou d'un latin populaire antianus (XIIe s.), qui ont une valeur hiérarchique plutôt que temporelle. Dans ce cas, ce serait un mot de clerc, « demi-savant ».
❏
Le mot français signifie (mil.
XIe s.) « qui existe depuis longtemps », mais il conserve longtemps la valeur hiérarchique du latin populaire :
l'Ancien des jours « Dieu » (
XIIIe s.),
les anciens désignant de hauts personnages, des évêques conseillers (1466), etc. Cette valeur, en français moderne, disparaît ou est imprégnée par le sens chronologique.
◆
En parlant des humains,
ancien a signifié « vieux, âgé » (mil.
XIIe s.) et, comme nom, « vieillard » ; ce sens s'est perpétué localement dans le terme d'adresse
mon ancien (1781) et par la valeur rurale de « père, mère » (attestée
XIXe s.) ;
Cf. vieux.
◆
L'adjectif qualifie ce qui dure encore (choses et personnes), ou ce qui a disparu. Spécialisé pour qualifier des objets valorisés (
XIXe s. ;
meubles, livres anciens) et alors opposé à
vieux, il peut être substantivé
(aimer l'ancien). L'expression
à l'ancienne (attestée 1935) qualifie une préparation à la manière d'autrefois, traditionnelle. L'idée de tradition est en effet souvent présente, même en parlant des personnes ; l'adjectif peut être alors substantivé
(les anciens).
◆
Un emploi spécial et normal depuis le
XIe s. (1080) concerne une époque antérieure, et notamment les peuples, les auteurs de l'Antiquité
(Cf. antique). Ancien est normalement opposé à
moderne.
Trois valeurs peuvent s'amalgamer dans les emplois substantivés humains : l'âge, l'idée de paternité (anciens et ancêtres s'influençant mutuellement, mais les anciens, « les ancêtres », est sorti d'usage) et même d'héritage, de patrimoine (d'où les anciens [1593] « les biens patrimoniaux ») et celle d'autorité plus ou moins vénérable ; s'y joindra l'idée d'un long exercice d'une activité, d'une profession, qui connote l'expérience et la compétence (depuis fin XVe s., Commynes). De là des emplois comme conseil des Anciens, dans la constitution de l'an III, ou, déjà au XVIIe s., celui qui correspond au sens de « vétéran (dans l'armée) » (1690). Cette valeur du mot est très vivante, à côté de ancêtre, dans les cultures traditionnelles d'Afrique et d'Océanie où les personnes âgées sont un objet de respect ; les anciens s'applique aussi, dans le même contexte, aux ancêtres*, esprits des morts, objets de culte.
◆
De l'acception pour « disparu, qui n'est plus tel », viennent les emplois modernes de ancien élève (d'où un ancien, 1810) et une, son ancienne (1873) pour une ancienne maîtresse.
❏
Parmi les dérivés, deux sont restés vivants.
■
ANCIENNEMENT adv. (1150) est en concurrence avec autrefois et jadis et s'emploie aussi au sens de « depuis toujours » (1278).
■
ANCIENNETÉ n. f. signifie d'abord (XIIe s.) « les temps anciens, l'Antiquité », sens disparu, et « caractère de ce qui est ancien ». Le sens de « vieillesse » (mil. XIIe s.) a disparu.
◆
Le mot a désigné par métonymie une chose ancienne, un fait ancien (v. 1300).
◆
Des valeurs spéciales se sont dégagées, comme « priorité de réception dans un corps, temps d'exercice d'une fonction » (1680), « caractère ancien d'une famille » (1636).
ANCILLAIRE adj. est un emprunt (1803) au latin ancillaris, dérivé de ancilla « servante », qui a donné l'italien ancella (XIIIe s.), l'ancien et moyen français ancele (1050), ancelle (XIIIe s.) « servante » qui s'est employé jusqu'au début du XVIIe s. (parfois repris au XIXe s.). Ancilla repose sur la même racine indoeuropéenne que colonus (→ colon) et cultura (→ culture).
❏
Le mot qualifie d'abord ce qui a rapport aux servantes ; il ne s'emploie plus que dans amours ancillaires (1855), sens qui correspond au dérivé latin ancillariolus « homme qui recherche les servantes », attesté chez Ménage (1713, Menagiana) et qui a donné en français ancillariole (1732), rapidement disparu.
ANCIVE ou ANSIVE n. f., emprunt probable au malgache, s'emploie en français de Madagascar et de la Réunion à propos d'une conque marine et de l'instrument de musique traditionnel fait de cette conque.
L
ANCOLIE n. f. est issu (1325) du bas latin aquileia, mot peut-être dérivé de aquila (→ aigle), à côté de l'emprunt aquilée, aquillée (XVe s.), sorti d'usage. La forme moderne provient d'altérations du latin, aquilegia, acoleia, etc. La nasalisation de acolie en ancolie a pu être suscitée par mélancolie, la fleur étant un symbole de ce sentiment (attesté XVe s.) [Cf. souci, pensée, noms de fleurs].
❏
Le mot désigne une plante (Renonculacées) aux fleurs de couleurs variées. La variante ancholie (XVIe-déb. XVIIe s.), pseudo-savante, coexiste avec diverses altérations populaires.
L
ANCRE n. f. est issu (v. 1160) du latin ancora, emprunt ancien au grec ankura, passé dans de nombreuses langues, notamment romanes et germaniques. Ankura vient avec un suffixe en r- du thème ank- que l'on retrouve dans plusieurs dérivés, dont ankôn « coude » (→ angle), thème attesté en indoeuropéen (sanskrit áńkas « vallée profonde »). L'idée originelle est celle de crochet, de chose recourbée.
❏
Mot usuel de marine,
ancre (aussi écrit
encre, hancre en ancien et moyen français) figure dans des syntagmes et des locutions.
Jeter l'ancre (
XVIe s.), d'abord
geter ancre (v. 1165), puis
jeter son ancre, les ancres (1552), s'emploie aussi au figuré (
jeter ses ancres, déb.
XVIIe s., d'Aubigné).
Être à l'ancre (fin
XIVe s., Froissart) « être au mouillage » a signifié au figuré « être inactif, impuissant » (1532) et « être au repos ».
Lever l'ancre a pour valeur métaphorique encore vivante « partir » (v. 1650).
◆
La plupart des syntagmes techniques sont attestés en langue classique :
ancre sacrée (
XVIe s.), d'abord
ancre sacre (1546) « ancre principale », et au figuré « recours », comme
ancre de salut (1823), sont sortis d'usage ;
ancre d'affourche (1691),
à jet (1773),
de bossoir (id.),
ancre flottante (1866),
ancre de miséricorde sont techniques.
■
La forme la plus courante de l'ancre produit des sens dérivés en construction (1561 ; ancrer est antérieur en ce sens), en blason (1671), en horlogerie (1720) pour « pièce d'échappement ». Par analogie, le mot s'emploie en aérostation (1863).
◆
La valeur figurée, « ce qui fixe, consolide, arrête », est ancienne (v. 1165-1170).
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Le dérivé
ANCRER v. tr. (v. 1160) correspond à « amarrer » et s'emploie au pronominal (v. 1210). Il se dit par extension pour « consolider (un mur, une poutre) » (1397). Au figuré, pour « fixer dans une situation », il s'emploie surtout au pronominal (
XVIe s., Amyot).
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S'ancrer, comme le participe passé
ancré, s'emploie surtout au figuré, en français moderne avec l'idée d'attachement obstiné.
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ANCRÉ, ÉE p. p. adj. se dit d'un navire (anglo-normand, 1180) et, en blason, d'une croix aux extrémités en forme d'ancre (1380, Froissart).
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ANCRAGE n. m. est d'abord attesté (1468) au sens de « lieu où l'on peut ancrer » puis (déb. XVIIe s., encrage) « action d'ancrer (un navire) ». Avec cette valeur active, le mot s'emploie aussi en architecture (1898).
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Il se dit d'une redevance de port (1669 ; aussi droit d'ancrage, 1694), après le provençal ancorage, anchorage (1506 à Antibes).
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Au figuré, ancrage signifie abstraitement (1964, Barthes) « fixation, implantation ».
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Le composé
DÉSANCRER v. tr. (v. 1210) signifie « lever l'ancre » et s'est employé au figuré (une fois au
XVIe s., puis 1864).
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ANDAIN n. m. est probablement issu (déb. XIIe s.) du latin populaire °anbianus, du latin ambitus (IIe s.) « pourtour ; bord » et « espace » puis « chemin circulaire ». Cette forme a donné de nombreux mots patois et dialectaux. Ambitus est dérivé de ambire « aller autour, faire le tour de », composé de ambi (→ ambi-) et de ire « aller » (→ errer).
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Andain, représenté au
IXe s. par le latin médiéval
andainus (844), signifie (fin
XIIe s.) « enjambée, pas », puis (v. 1200) « bande d'un pré correspondant à un coup de faux », enfin « chemin tracé par le faucheur » (1636), d'où « rangée d'herbe fauchée » (v. 1200 ; répandu
XVIe s. avec de nombreuses variantes dialectales). Par extension, il désigne un tas de végétaux fauchés.
ANDAINER v. intr., à côté de andaner, s'emploie en Suisse, en Belgique, pour « mettre en andains le fourrage fauché, à la machine ». Le verbe et son dérivé ANDAINEUR n. m. « machine à andainer le fourrage » sont attestés dans les années 1970.
❏ voir
AMBIANT, AMBITION, ANDANTE.