ANNAMITE adj. et n., attesté en 1838, est dérivé de Annam, nom d'un royaume situé au centre du Viêt-Nam. An nam vient du chinois ān-nán, de an « paix » et nam « Sud », mot que l'on retrouve dans Viêt-Nam. C'est le nom donné par les Chinois en 111 av. J.-C. à l'ancien royaume du Nam Viêt, rebaptisé par les Vietnamiens Dai lo Viêt en 939. Le nom An nam, reparu au XVIIIe s., fut adopté par le colonisateur français (1887, protectorat).
❏  Le mot qualifie ce qui est en rapport avec l'ancien royaume d'Annam, et avec ses habitants, désignés par le nom Annamite. La langue du groupe thaï dénommée l'annamite est aujourd'hui appelée vietnamien.
❏  ANNAMITIQUE adj. est emprunté en géographie (1845) au latin moderne annamiticum (1651, Alexandre de Rhodes) à propos d'une chaîne de montagnes, dite chaîne ou cordillère annamitique, aussi monts d'Annam.
L ANNEAU n. m. est issu, d'abord sous la forme anel (XIe s.), du latin anellus, annellus, variante de anulus, lui-même diminutif de anus « anneau » (réemprunté ; → anus).
❏  Ressuffixé en anneau (1380), le mot désigne tout cercle de matière dure (surtout de métal) servant notamment à attacher qqch., forme et fonction s'appliquant à de nombreuses spécialisations techniques : « élément d'une chaîne » (anels, XIIe s. « fers d'un prisonnier » ; au sens général, 1636), « bague » (anel, XIIe s.), « évidement circulaire d'une clé » (1611), « moulure cylindrique, en architecture » (1627), etc. ; il s'agit alors d'objets fabriqués.
■  Des spécialisations et extensions dépendent de cette valeur générale. Le sens de « bague » a donné en moyen français « fiançailles » (1399), puis « mariage » (XVIe s.). Les acceptions spéciales concernent l'anneau d'or des évêques (XIIe s. ; anneau pontifical, 1380) et le sceau papal dit anneau de pêcheur (XVIe s.), par allusion à saint Pierre. ◆  De nombreux objets techniques particuliers sont constitués par un anneau de fer et se nomment anneau, en marine (1690), en ferronnerie : « marteau de porte » (anel, XIIIe s.), en gymnastique pour un agrès formé de deux cercles métalliques au bout de deux cordes (les anneaux, 1898).
■  Avec la valeur de « forme naturelle circulaire », le mot a aussi de nombreuses applications concrètes : en anatomie (1585), en optique, en astronomie (les anneaux de Saturne, 1690), en sciences naturelles (depuis 1767 en botanique), ou abstraites : en géométrie, et en théorie des ensembles pour un concept où l'analogie d'une forme perceptible cède la place à une structure de relations. ◆  Dans ce sens, apparaît le composé SOUS-ANNEAU n. m.
❏  Parmi les dérivés, le diminutif ANNELET n. m. (anelet, XIIe s.) s'est employé avec plusieurs valeurs spéciales : « petite bague », « boucle d'attache » (jusqu'au XIXe s.), « boucle servant d'ornement » (1455), « grain de chapelet » (1260), « anneau passé aux pattes des faucons » (1392) ; quelques sens techniques apparaissant encore au XVIIIe siècle. ◆  Pour désigner des formes décoratives, par exemple une moulure circulaire (1870), le mot semble encore usité en français actuel ; cependant, il est sorti de l'usage général.
■  L'adjectif ANNELÉ, ÉE (ennelé, 1398) est employé depuis le XVIe s. (1543) pour qualifier les cheveux en boucles, puis un animal dont le corps présente des raies circulaires (1611). ◆  Il s'est spécialisé en histoire naturelle au sens de « formé de segments en anneaux » (1843, Milne-Edwards).
Le verbe ANNELER v. tr. (1398), « garnir d'un anneau » et « disposer en anneaux ou en boucles (les cheveux) » (1584), est à peu près sorti d'usage, sauf en zootechnie.
■  Le terme de zoologie ANNÉLIDES n. m. pl. a été créé par Lamarck (1802) pour désigner l'embranchement animal des vers (segmentés en « anneaux » ou métamères) porteurs de soies.
■  ANNELÉS n. m. pl. (1845) avait déjà désigné un sous-ordre de sauriens (lézards) à peau ornée d'anneaux (1803) : les caractéristiques visibles et superficielles s'effaçant de manière notable devant des caractères plus structuraux.
Le dérivé latin anularius, annularius a produit le français ANNULAIRE (1546, comme adjectif), qui, substantivé au masculin (1539), désigne le doigt qui porte normalement un anneau. Ce passage d'un détail culturel à l'anatomie souligne l'importance des coutumes sociales dans la vision de la réalité naturelle.
❏ voir ANAL, ANUS.
ANNÉE → AN
1 ANNEXE adj. est emprunté (v. 1265) au latin annexus, participe passé de annectere, adnectere, « attacher à », de ad- (→ à) et de nectere « joindre, unir », alors synonyme de ligare (→ lier), d'abord « enlacer ». Ce verbe remonte à une racine indoeuropéenne °nodh-, que l'on retrouve dans nodus (→ nœud). En latin, nectere-nexus correspond à plectere-plexus « tresser »-« chose entrelacée » (→ plexus, plier) ; dans le premier, l'idée générale de « lier, attacher » l'emporte, mais les deux concernent une opération technique primitive, impliquant l'utilisation de végétaux, de fibres.
❏  Comme adjectif, annexe signifiait en ancien français « uni, réuni » et aussi « adjoint, très uni (de personnes) » (1370).
■  Sorti d'usage à l'époque classique, il sera repris au début du XIXe s., probablement par adjectivation du substantif (ci-dessous) pour « contigu et dépendant (d'un bâtiment) » et au XXe s. « secondaire, accessoire » (1924), se disant aussi d'un document joint à un autre (1929). Dans ces emplois modernes, le sens du mot est centré sur l'idée d'accessoire et non plus de réunion.
2 ANNEXE n. f. apparaît au XIVe s., et il est repris vers la fin du XVe s. (1495). Son sémantisme dominant, on l'a vu, est « chose accessoire ». C'est au sens d'« élément complémentaire » que ce nom féminin apparaît au pluriel, notamment (1495) pour parler d'un bénéfice ecclésiastique secondaire, puis, en droit, de dispositions complémentaires d'un texte juridique. ◆  Les valeurs concrètes sont plus tardives, par exemple en anatomie, au XVIe s. (A. Paré) dans des syntagmes comme annexes de l'œil (1835), etc. ◆  Des spécialisations sont apparues, « bâtiment (1546), chapelle secondaire » (1718) ou « embarcation auxiliaire, canot » (attesté 1898 dans les dictionnaires).
❏  Le dérivé ANNEXER v. tr., qui vient de 1 annexe, apparaît en droit pour « attacher à un dossier » (1277) et signifie aussi « s'attacher (qqn) » (annexer à soi, v. 1290). Il prend aussi la valeur générale d'« unir étroitement (des personnes, des choses) » (XIVe s. ; jusqu'au XVIIe s.). ◆  Il se dit spécialement par influence probable du substantif annexion, ancien dans l'acception politique (ci-dessous), pour « faire passer sous une dépendance » (XIVe s.) avec des valeurs spéciales, politiques, juridiques et économiques (1688), aussi pour « attirer (qqn, des personnes) dans un groupe » (1908).
■  ANNEXÉ, ÉE adj., après s'être employé en poétique (rime annexée, 1548), se dit d'une personne, d'un groupe, d'un pays passé sous une nouvelle souveraineté (1907). Il est substantivé pour « habitant d'un pays annexé » (1907).
■  DÉSANNEXER v. tr. « disjoindre » (1476) a disparu, le mot étant repris en politique (1875).
■  RÉANNEXER v. tr. « joindre de nouveau » (1476), a été repris lui aussi (1875) dans ce contexte.
ANNEXION n. f. est soit dérivé de annexer, soit emprunté au dérivé latin tardif annectio. Le mot est déjà attesté en anglo-normand au sens moderne de « rattachement d'un territoire à une nouvelle souveraineté » (1397-1398), sens passé en France, où le mot prend des valeurs plus générales, alors écrit annexcion (fin XIVe s.), puis annexion (1548). Le mot est devenu un euphémisme pour « envahissement, occupation », « domination ». ◆  Il a pris des valeurs abstraites, en grammaire de l'arabe (1810), en droit (annexion d'une pièce à un dossier, 1866) et, généralement, pour « intégration (d'un élément nouveau) » (1955, T. L. F.).
■  Du sens politique, largement dominant, dérivent ANNEXIONNISTE adj. et n. (1853) et ANNEXIONNISME n. m. (1866), témoignant de la vitalité du concept en pleine période d'expansion coloniale pour la France.
ANNIHILER v. tr. est emprunté, d'abord sous les formes anniller (1302), anichiler (1315), au latin d'Église adnihilare, composé de ad- (→ à) et de nihil « rien » (→ nihilisme), et devenu adnichilare au moyen âge. Comme annihilation, le verbe a été refait au XVIe s. d'après le latin classique.
❏  Annihiler a le sens juridique de « rendre nul » (1466) et la valeur générale d'« anéantir » ; il est devenu didactique et abstrait, retrouvant une valeur concrète avec la physique nucléaire.
❏  ANNIHILATION n. f. est emprunté (1377, adnichilation) au latin médiéval adnichilatio, dérivé de adnichilare. La réfection savante, comme pour le verbe, se fait très probablement au XVIe s. (attesté 1610).
■  Les valeurs juridiques et abstraites sont didactiques. ◆  En physique, le mot sert à désigner la transformation de la matière en énergie.
De nouveaux dérivés du verbe sont apparus : ANNIHILABLE adj. (1899 ; une fois au XIVe s.), ANNIHILANT, ANTE adj. (mil. XIXe s., E. Sue), ANNIHILATEUR, TRICE adj. (1865).
ANNIVERSAIRE n. m. et adj. apparaît au XIIe s., emprunté au latin anniversarius, composé de annus (→ an) et du participe passé du verbe vertere « revenir » (d'abord « tourner » ; → version), employé comme substantif en religion (IXe s., anniversarium).
❏  Le mot désigne, d'abord en religion, une cérémonie, une messe faite au retour annuel du jour du décès (aussi féminin, 1423), alors synonyme de bout de l'an*, puis un nombre quelconque d'années après un événement. ◆  Malgré sa forme et son origine didactiques, le substantif est usuel, à cause des coutumes sociales de célébration au cours de la vie humaine, et il correspond au registre de la fête. ◆  En revanche, l'adjectif, réemprunté (1330) au latin classique, est resté didactique ou religieux (messe anniversaire). ◆  Dans le contexte social, le nom est concurrencé par des formations en -aire sur un nom de chiffres rond (cinquantenaire, centenaire, bicentenaire, etc.).
L ANNONCER v. tr. résulte (1080) de l'évolution du latin impérial adnunciare, annuntiare, composé de ad- (→ à) et de nunciare, de nuntius « messager » et comme adjectif « annonciateur » (→ nonce) [Cf. ange pour le sens]. Nuntius est d'origine obscure, mais on suppose parfois un rapport avec novus (→ 1 neuf) ; ses composés ont donné des mots français (comme dénoncer, énoncer, prononcer et renoncer).
❏  Le verbe concerne le langage, comme énoncer et prononcer ; pour annoncer, le discours est adressé à qqn et devient un « message ». Le sujet du verbe peut être l'énonciateur ou (XVIIe s.) un signe qui révèle qqch., notamment un événement futur. Apparu dans un contexte religieux (annunciar las virtuz Crist, v. 980) dans un sens voisin de « dire solennellement, prêcher », et aussi laïque pour « raconter » (v. 980, anuncier), le verbe s'emploie ainsi jusqu'au XVIe s. au moins. ◆  Dès le XIe s. (1080), il s'applique aussi à une déclaration concernant un fait inconnu, au sens de « révéler », ou un fait à venir. C'est cette dernière valeur qui va devenir dominante en français moderne, souvent avec l'idée de publicité (fin XIVe s., Froissart). ◆  Par extension, annoncer qqn (v. 1650) se dit pour « faire savoir son arrivée ». ◆  Le mot s'emploie aux jeux de cartes (1866), d'où annoncer la couleur au figuré (XXe s.) « faire connaître clairement ses intentions ». ◆  S'annoncer, « se manifester » (2e moitié XVIIe s., Bossuet), se dit aussi des personnes (XXe s.). En français de Suisse, cet emploi est usuel pour « se présenter, s'adresser (quelque part) » et, en emploi absolu, pour « s'inscrire, accepter de participer », par exemple à un jeu, une compétition.
❏  ANNONCE n. f., déverbal, se dit d'abord (1440, anunce) de l'avis figurant sur un produit, puis (XVIe s.) de l'avis portant sur un mariage, chez les protestants. Il prend au XVIIe s. la valeur générale d'« avis au public » (1678), d'où feuille d'annonces (1835), sorti d'usage. Le mot s'est spécialisé au théâtre (1680), toujours au sens d'« avis ». Il s'est diffusé avec le développement du journalisme, pour désigner une brève information publicitaire (XIXe s., d'où le dérivé annoncier, ci-dessous) et, dans le syntagme petites annonces, à propos des offres d'objets, de services, d'emplois. Le mot est récemment passé au vocabulaire de l'audiovisuel, parfois en composé (bande-, film-annonce, 1970 et 1965). ◆  Il a une autre spécialisation en bridge (1928) ainsi que le verbe annoncer.
Annoncer a un dérivé plus ancien, ANNONCEUR n. m. (annoncieres, v. 1190), rare ensuite (« vendeur à la criée », 1439), réapparu au XVIIe s. (1611 ; puis au sens de « héraut », en 1690), mais encore rare, et enfin repris dans un sens spécialisé au théâtre (fin XVIIe s., « comédien qui donne une annonce »). ◆  Les sens modernes sont liés à la publicité dans les journaux (1853, « personne qui rédige les annonces »), puis dans l'audiovisuel (dès 1900, « personne qui présente et commente un film muet », sens disparu). ◆  Au XXe s., d'abord au Canada (1930), le mot désigne la personne ou l'entreprise qui finance des annonces (1939, en France). ◆  Le mot a été proposé en France (v. 1970) pour remplacer speaker ; il est effectivement employé au Québec pour la personne qui fait des annonces et des commentaires, à la radio et à la télévision.
■  ANNONCIER, IÈRE n. désigne (1847) la personne qui est chargée des annonces dans un journal, puis (1877) celle qui les fait paraître.
Deux emprunts au latin sont entrés en français par l'usage de l'Église.
■  ANNONCIATION n. f. (XIIe s.), pris au latin d'Église adnuntiatio, le plus souvent spécialisé pour désigner le « message » de Gabriel (dans le même contexte que ange). ◆  Le mot, qui possède plusieurs variantes formelles, a éliminé l'ancien anuncion, dérivé du verbe, mais est sorti d'usage au sens général, « action d'annoncer » (XIIe-XVIIIe s.). ◆  Par extension de l'acception religieuse, une annonciation désigne (1438) un tableau religieux représentant ce sujet. ◆  Le même mot latin a donné l'italien annunziata, d'où l'Annonciade, nom d'un ordre religieux (1590) ; d'abord (1516) « représentation de la scène de l'Annonciation ».
■  ANNONCIATEUR, TRICE adj. (XVe s.), emprunt au latin ecclésiastique adnunciator, dérivé de adnunciare, a remplacé annonceur dans ses anciens emplois comme nom, et est resté vivant comme substantif d'agent du verbe annoncer, au sens de « faire présager » (signes annonciateurs de...). ◆  Le mot, au masculin, a eu des sens techniques (1928, « avertisseur »), aujourd'hui disparus.
DÉSANNONCER v. tr., formé de dé- (dés-) et annoncer (années 1970), terme de radio, s'emploie pour « commenter la fin d'une diffusion ». ◆  Le déverbal DÉSANNONCE n. f. est très courant, en radio comme dans les médias visuels.
❏ voir DÉNONCER, ÉNONCER, PRONONCER, RENONCER.
ANNONE n. f. est emprunté (v. 1160), d'abord sous la forme annune (déb. XIIe s.), au latin annona « production, récolte d'une année », dérivé de annus (→ an).
❏  Ce mot didactique désigne le ravitaillement du peuple romain en denrées alimentaires, ainsi que l'impôt payé pour assurer ce ravitaillement.
❏  ANNONAIRE adj. est emprunté (1546) au dérivé latin annonarius « de l'approvisionnement » dans les expressions provinces annonaires et loi annonaire.
ANNOTER et dérivés → NOTE
ANNUAIRE, ANNUEL → AN
ANNULER → NUL
ANODE n. f. est un emprunt (1838) à l'anglais anode, mot créé par M. Faraday par emprunt au grec anodos « chemin vers le haut », opposé à cathode*. Anodos vient de ana « en haut » (→ ana-) et de hodos « voie », mot d'origine indoeuropéenne (→ exode, méthode, odomètre, période).
❏  Le mot désigne en électricité l'électrode positive, et le conducteur lié à cette électrode.
❏  ANODIQUE adj. est un emprunt probable (1897) à l'anglais anodic (1837), comme ANODISER v. tr. à to anodize « traiter l'aluminium par électrolyse anodique » ; de là ANODISÉ, ÉE adj. (attesté 1933) et ANODISATION n. f. (mil. XXe s.).
ANION n. m. est lui aussi emprunté (1838) à l'anglais anion, créé en 1834 par Faraday par emprunt au grec aniôn « ce qui s'élève », du verbe aniêain « s'élever ». ◆  Il a pour dérivé ANIONIQUE adj. (1935), didactique et rare.
ANODIN, INE adj. est à l'origine (1503) un terme de médecine emprunté au bas latin anodynos, mot grec composé de an- privatif (→ 2 a-) et de odunê « douleur (physique, puis en général) », que l'on rattache à une racine indoeuropéenne °ed- signifiant « manger, ronger », et qui a de nombreux représentants en latin (→ comestible).
❏  L'adjectif qualifie un remède qui supprime ou calme la douleur (un analgésique), sans guérir le mal. On est passé de là par métaphore, au XVIIe s., à l'idée d'« adoucissant, mais peu efficace » et d'« inoffensif ». De là le sens usuel et moderne qui apparaît tard dans le XVIIIe s. (1787) à propos de poésie, puis en général (1823) pour « sans caractère affirmé ; fade ou neutre ». ◆  Substantivé, un anodin a désigné (1585) un remède anodin (jusqu'au XIXe s.).
❏  Le dérivé ANODINEMENT adv. (1794) est rare.
ANOMALIE n. f. est un emprunt (1570) au bas latin anomalia désignant chez Varron l'irrégularité dans les langues, le non-systématique, opposé à l'analogia (→ analogue). C'est un hellénisme tiré de anômalia « irrégularité », de an- privatif (→ 2 a-) et de homalos « égal, uni, plan ». Homalos est, comme homoios « semblable, égal », un dérivé de homos (→ homo-), mot d'origine indoeuropéenne (Cf. sanskrit samá- « un, le même », vieux perse hama-, germanique [gotique] sa, sama, vieil irlandais -som, vieux slave samŭ « lui-même »).
❏  Anomalie a été précédé en français par l'adjectif ANOMAL, ALE, AUX (1174 ; repris XVIe s. : 1546), emprunt au bas latin anomalus, grec anomalos, lequel est devenu rare et très didactique (médecine, linguistique), sans doute à cause des ressemblances de forme et de sens avec anormal (→ norme). ◆  Anomalie est en revanche assez usuel, mais a été interprété comme venant du grec nomos « loi », qui n'est représenté en français que par quelques composés savants en nomo- ; le mot s'est alors situé dans le champ conceptuel de la norme, négativement. L'idée initiale d'inégalité, d'aberration, conservée en astronomie (XVIIe s. ; du latin de Képler anomalia), en grammaire, en biologie (1808), a été remplacée par celle de « déviation par rapport à la règle, à la norme », notamment à cause de l'absence de substantif correspondant à normal-anormal (normalité et anormalité sont formés tard, au milieu du XIXe s.). D'où les emplois courants et récents (déb. XXe s.) de une, des anomalies pour « chose(s) anormale(s) ». ◆  Le mot s'emploie spécialement en grammaire (pour les conjugaisons, 1690), en astronomie, en chimie (1811).
❏  Parmi les composés didactiques, le moins rare est ANOMALISTIQUE adj. dans année anomalistique (1750) « temps que met une planète à revenir au même point de son orbite ».
Le grec anomos a en outre servi à former quelques dérivés savants, noms d'animaux de forme irrégulière : 1 ANOMIE n. f. (1762), ANOMOURES n. m. pl. (1832), de oura « queue », l'irrégularité concernant alors la queue de l'animal.
Le grec anomia, « illégalité », a donné par emprunt 2 ANOMIE n. f. (1884) « absence de loi ou de norme », spécialement « trouble de l'évocation des mots » (Piéron, 1951). ◆  D'où ANOMIQUE adj. (1893).
ANOMALE n. m. (1845) est emprunté au latin scientifique anomala, du bas latin anomalus (ci-dessus anomal), pour désigner un insecte coléoptère.
ÂNONNER → ÂNE
ANONYME adj. est un emprunt de la Renaissance (1540) au grec anonumos, par le bas latin anonymus, formé de an- privatif (→ 2 a-) et de onoma « nom » (→ onomatopée), que l'on retrouve dans synonyme, homonyme, etc. Onoma a des correspondants dans diverses langues indoeuropéennes, entre autres le latin nomen (→ nom).
❏  Anonyme signifie « sans nom » ou plus souvent « dont on ignore le nom propre » et « qui cache son nom ou son auteur » (lettre anonyme, d'où anonymographie, ci-dessous). ◆  L'emploi dans société anonyme (1679), expression répandue au début du XIXe s., a été abrégée en S. A. (XXe s.). ◆  Le substantif un anonyme (1694) est surtout représenté en littérature, en art. ◆  Par extension, l'adjectif s'emploie pour « sans personnalité, sans originalité » (v. 1810, Mme de Staël).
❏  Le dérivé ANONYMAT n. m. (1864) a remplacé anonymie (1837, Balzac) et anonymité n. f. (1782), et garder l'anonymat (1890) se dit au lieu de garder l'anonyme (XVIIIe s.).
■  L'adverbe ANONYMEMENT est chez Beaumarchais (1776).
■  S'ANONYMISER v. pron. est littéraire (1901, Gide) pour « devenir anonyme ». ANONYMISATION n. f. en est dérivé.
■  ANONYMOGRAPHE n. (av. 1943, Le Corbeau, film de H.-G. Clouzot) et ANONYMOGRAPHIE n. f. sont des termes de psychiatrie concernant la tendance pathologique à écrire des lettres anonymes.
ANOPHÈLE n. m. est emprunté (1829, Cuvier) au latin moderne anopheles créé par J. W. Mengen, emprunt au grec anôphelês « inutile, nuisible », de an- privatif (→ 2 a-) et de ôphelês « utile », sans doute d'origine indoeuropéenne, mais de racine inconnue.
❏  Le mot désigne un diptère, voisin du moustique ou cousin, qui peut transmettre le paludisme.
ANORAK n. m. est un emprunt à l'inuktituk (langue des Inuit ou Eskimos), où il est dérivé de anoré « vent ».
❏  Utilisé dès 1905 en français par Charcot (1897 anorach), le mot a été repris vers 1945 avec la vogue des sports d'hiver, pour désigner une veste imperméable et chaude à capuchon ; il est alors acclimaté en français.
ANOREXIE n. f. est emprunté (1584) au latin anorexia, lui-même emprunt au grec tardif anorexia, de anorektos « sans désir, sans appétit », formé de an- privatif (→ 2 a-) et de orektos « tendu », adjectif verbal de oregein « tendre ». Le verbe oregein est rapproché du latin regere « diriger en ligne droite » (→ régir), o- pouvant être un préfixe. Il s'agirait alors de l'importante famille indoeuropéenne qui, par le latin, a donné en français régime, direction, diriger, droit, droite, etc.
❏  Le mot désigne en médecine une perte d'appétit pathologique. Il a reçu une diffusion nouvelle avec la psychiatrie moderne (anorexie hystérique, 1873 ; mentale, 1833) et a servi à former plusieurs dérivés.
❏  ANOREXIQUE adj. (1903) et n. (1920) a remplacé en partie anorectique, adj., dérivé savant (1853 dans le dict. de Lachâtre) du latin anorectus, du grec.
■  ANOREXIGÈNE adj. (v. 1980) s'emploie pour « qui supprime la faim », à propos de traitements amaigrissants.
ANORMAL → NORMAL