ANTICHRÈSE n. f. est un emprunt juridique de la Renaissance (1554) au grec antikhrêsis « usage d'une chose pour une autre », de anti- (→ anti-) et de khrêsis « usage », qui réalise la même base que khrêma « chose », et au pluriel « biens, richesses ». La valeur de « recherche d'utilisation pour son profit » ne permet aucun rapprochement décisif, mais on évoque une parenté avec le latin hortari « faire vouloir » (→ exhorter).
❏
Le mot désigne un contrat par lequel le débiteur abandonne les revenus d'un bien immeuble à son créancier.
❏
Il a pour dérivé ANTICHRÉSISTE n. (1829).
ANTICHTONE adj. est emprunté (1562, Rabelais) au latin antichtones, au pluriel, emprunt au grec antikhthôn « terre opposée, située aux antipodes », de anti (→ anti-) et de khthôn « terre » (→ chtonien).
❏
Le mot a été repris comme nom (1568, Thevet) pour « populations de terres opposées » puis (1721) « population des antipodes » (→ antipode). Il est archaïque.
ANTICIPER v. tr. est emprunté (v. 1355) au latin anticipare, composé assez tardif (Varron) de ante « avant » (→ anté-) et de capere « prendre » (→ capter, chasser), peut-être formé d'après participare (→ participer).
❏
Le verbe français a d'abord un emploi transitif et signifie « devancer (qqn) » puis (1442) « devancer (un temps fixé) » et « faire (qqch.) avant le temps prévu ». Des spécialisations existent en droit : anticiper un appel (1508). Depuis le XVIe s. (1549), le verbe signifie aussi « imaginer par avance ». L'emploi intransitif, construit avec sur, semble apparaître en droit au sens d'« usurper (des droits) » (1671) ; l'emploi absolu est antérieur (XVIe s., à propos de la fièvre et pour « prendre les devants ») et s'est spécialisé en musique (1776), puis au XXe s. en sports (1932), où il signifie « agir en prévoyant la réaction de l'adversaire ».
❏
Le participe passé
ANTICIPÉ, ÉE adjectivé (1694 ; dans un autre sens, 1537) est relativement courant.
◈
ANTICIPATION n. f. est emprunté (1380) au dérivé latin
anticipatio. Le nom correspond au verbe et s'emploie dans la locution adverbiale
par anticipation (1648). Il a reçu plusieurs valeurs spécialisées, en finances (1781, Necker), en rhétorique (1718), en musique (1776), la plus fréquente évoquant les réalités supposées de l'avenir, dans la narration (
romans [1848], films... d'anticipation), en concurrence avec l'anglicisme
science-fiction. Par métonymie, le mot s'applique aussi à ce genre de narration. Comme
anticiper, le mot s'emploie aussi en sports (1925).
◈
Les dérivés français du verbe, avec des suffixes savants, sont
ANTICIPATIF, IVE adj. (1826) et
ANTICIPATEUR, TRICE adj. (1922, Proust), didactiques.
ANTICLINAL, ALE, AUX adj. et n. m. est un emprunt (attesté 1845) à l'anglais anticlinal, mot dû à Buckland et Conybeare, employé par Lyell (1833), et tiré du grec antiklinein « pencher en sens contraire », de anti- (→ anti-) et klinein « pencher », verbe qui repose sur la même racine indoeuropéenne que le latin clinare (→ incliner).
❏
L'adjectif qualifie en géologie les formes qui présentent une convexité vers le haut. L'emploi le plus fréquent est le nom masculin pour « pli anticlinal ».
❏ voir
SYNCLINAL.
ANTIDOTE n. m. est un emprunt ancien (XIIIe s.) au latin antidotum (Celse), pris au grec antidotos, adj., « donné contre, donné comme remède », de antididonai, lui-même formé de anti- (→ anti-) et de didonai, d'une racine °dō- représentée dans presque toutes les langues indoeuropéennes (→ donner). Le mot latin signifie « contrepoison » puis (IVe s.) « remède » ; il s'emploie au figuré.
❏
Le mot désigne un contrepoison et, au figuré (antidot, v. 1150), un remède contre un mal moral, sens repris au XVIIe s. (1645).
❏
Les dérivés, ANTIDOTÉ, ÉE adj. (XVIe s., Rabelais), ANTIDOTER v. tr. (1564), ANTIDOTAIRE adj. (1314), ANTIDOTISME n. m. (1878) sont archaïques, sauf le néologisme didactique ANTIDOTIQUE adj. (v. 1950).
ANTIENNE n. f., qui doit se prononcer avec un t, est le produit (1262) de l'évolution phonétique, par antevenne (fin XIIe s.) puis antievre, antievne (fin XIIe s.) et anteffle (1215), du latin médiéval d'Église antefana, altération de antiphona, devenu antephona d'après ante. Antiphona est emprunté au grec antiphonê « chant alternatif », de anti- (→ anti-) et phônê (→ phonétique). En ancien français, antievre est en concurrence avec antoine (1382), sans doute éliminé par l'homonymie avec le prénom.
❏
Mot liturgique désignant le refrain après chaque verset d'un psaume, exécuté à l'origine par deux chœurs alternés, et certains hymnes et prières, il a pris (XIVe s.) le sens figuré et péjoratif de « chose qu'on ressasse » et celui de « vif reproche », notamment au XIXe s. dans des locutions avec chanter : chanter une antienne à qqn « lui faire des reproches » (1808), chanter toujours la même antienne (1835). Ces expressions ont vieilli.
❏
Le mot grec et son emprunt latin
(antiphona) ont produit en latin médiéval un dérivé
antiphonarius, passé en français (1302,
antiphonar) ;
ANTIPHONAIRE n. m. a éliminé la forme évoluée
antefinier (1119) pour désigner un recueil de chants liturgiques. Le rapport entre ce mot et
antienne n'est plus perçu.
■
D'autres emprunts, antephone, antiphone (1553) « antienne », antiphonie n. f. (1380), etc., ont disparu.
◈
Par ailleurs, deux mots d'argot ancien sont rattachés par les étymologistes à
antiphona.
■
Ce sont ANTICLE n. f. « messe » (1596) et ANTIFFLE n. f. « église » (1561), que Sainéan rapportait à antique et antif « antique » (ou, pour le second, à l'italien antifona). Gossen (F. e. w.) fait venir de antiffle « église » l'argot battre l'antifle, l'antife (1721) « marcher », d'où (1885) « faire le trottoir » et, au figuré, « mentir » (1830), qui semble vivant jusqu'en 1914. Mais l'évolution sémantique n'est pas claire.
ANTIFONGIQUE adj. est une formation savante (mil. XXe s.) de anti- (→ anti-) et du latin fungus « champignon », sans doute emprunté au mot d'une langue méditerranéenne qui a fourni le grec spongê (→ éponge) et l'arménien sunk « éponge, chêne-liège ».
❏
L'adjectif qualifie toute substance apte à détruire les champignons (au sens botanique du mot) et notamment plusieurs antibiotiques. Il est aussi substantivé.
❏ voir
FONGUS.
ANTILLAIS, AISE adj. et n. est un dérivé du nom des Antilles, tiré comme l'italien, l'espagnol, le portugais (Antilhas) du nom d'une île inexistante portée sur la carte, en 1474, par le florentin Paolo Toscanelli. Cette île Antilla était placée dans l'Atlantique, à l'ouest des Canaries et, Colomb, qui avait cette carte lors de son premier voyage (1492), donna ce nom aux îles réelles qu'il rencontra en Amérique centrale.
❏
Le mot s'applique à l'ensemble formé par les Bahamas, les
Grandes Antilles (Cuba, Haïti, Porto Rico, Jamaïque) et, plus souvent, aux
Petites Antilles ou
Caraïbes (îles au vent et sous le vent). En français,
antillais qualifie spécialement ce qui a rapport aux Antilles françaises, Guadeloupe, Martinique, Saintes
(l'économie antillaise, le créole antillais).
ANTILLANITÉ n. f., mot et notion introduite par Édouard Glissant, désigne la spécificité culturelle des populations antillaises, de leur parole créole, de leur histoire marquée par la déportation des esclaves.
◆
ANTILLANISME n. m. se dit des faits de langue spécifiques du français des Antilles, souvent en rapport avec le créole.
ANTILOGIE n. f. est emprunté (1623) au grec antilogia « réplique » et « contradiction », de anti- (→ anti-) et de -logia (→ -logie).
❏
Ce mot didactique désigne une contradiction interne, dans un texte. En philosophie (Renouvier), il s'applique au scepticisme issu de l'équilibre entre arguments opposés. Il est rare.
ANTILOPE n. f. apparaît isolément (1622) et a été précédé par les formes médiévales antule (v. 1200), antelu et antelop (XIIIe s., B. Latini) pour désigner un animal mythique. Il est emprunté au latin médiéval anthalopus (XIe s.), pris au grec byzantin anthalops. Ce mot grec, emprunt à une langue non identifiée, est attesté dans un commentaire sur l'Hexaéméron de Basile de Césarée (après le IVe s.). Le latin de Pierre Damien (antalopus, antholops) a évolué en Antilops (latin d'Angleterre, XIIIe s.). L'italien a emprunté antalupo.
❏
Le mot réapparaît au XVIIIe s. (1754) sous l'influence de l'anglais antelope (1673), lui-même pris au français, et se diffuse avec la connaissance de l'Afrique, pour désigner un ruminant svelte, à longues cornes, des régions tropicales.
◆
En français d'Afrique, il produit des syntagmes courants désignant des espèces très distinctes (antilope-cheval, antilope royale, antilope-son, pour le cob de Buffon) ; les zoologistes ont employé et emploient d'autres syntagmes (en 1841, antilope à bourse, à pieds noirs, pourpre, bleue, chevaline, noire, etc.).
❏
Les dérivés savants ANTILOPIDÉS n. m. pl. (1861) et ANTILOPINÉS n. m. pl. (1892) ont éliminé la forme masculine antilopins (attestée 1866).
ANTIMOINE n. m., sans aucun rapport avec l'anticléricalisme, est emprunté (XIIIe s.) au latin médiéval antimonium, assez obscur, où l'on retrouve probablement l'arabe ᾿iṯmid, peut-être lié au grec stimmi, stibi « antimoine en poudre, kôhl » (qui a donné le latin stibium), mot d'origine égyptienne ; antimonium désignait un produit très utilisé en alchimie, soit le sulfure d'antimoine (qui s'allie facilement à l'or, d'où son nom de regulus, régule « petit roi »), soit d'autres composés du corps simple définis beaucoup plus tard par la chimie moderne.
❏
Connu pour ses propriétés purgatives, ce sulfure est le seul désigné usuel du mot antimoine en français classique (XVIe-fin XVIIIe s.). La poudre d'antimoine est le kôhl. La valeur chimique moderne s'établit à l'extrême fin du XVIIIe siècle.
❏
Le mot n'a qu'un dérivé vivant, ANTIMONIÉ, ÉE adj. (1757), l'adjectif ANTIMONIAL, AUX « relatif à l'antimoine » (1612), sorti d'usage, ayant produit au XVIIe s. un substantif pour « médecin préconisant l'usage de l'antimoine ».
◆
ANTIMONIURE n. f. (1838) et ANTIMONIATE n. m. (1801) désignent des combinaisons de l'antimoine.
ANTINOMIE n. f. est emprunté (1546, Rabelais) au latin antinomia, qui calque le grec, de anti- (→ anti-) et de nomos « loi », mot d'une importante série indoeuropéenne en °nem- (langues germaniques, etc.), signifiant « prendre » et complémentairement (grec nemein) « attribuer, répartir » (→ nomade).
❏
Le mot désigne une contradiction entre deux lois, d'abord juridiquement, puis philosophiquement (1801, dans la doctrine kantienne). Dans l'usage courant, il signifie simplement « contradiction, opposition » et l'idée de loi (nomos) n'y est plus perçue.
❏
Le dérivé
ANTINOMIQUE adj. (av. 1847, date où l'on trouve chez Balzac l'adverbe
antinomiquement) est resté didactique, dans un usage plus général que l'adjectif.
■
ANTINOMISME n. m. et ANTINOMISTE n. (in Larousse, 1866) sont rares.
ANTIPATHIE n. f. est, comme plusieurs mots de la série en anti-*, un emprunt de la Renaissance (1542) ; il reprend le latin antipathia, du grec antipatheia formé sur anti- et pathos « sentiment, passion » (→ patho-), comme son opposé sumpathia (→ sympathie).
❏
Didactique et alchimique, pour « rapport de deux substances sans affinités », le mot rejoint (1re moitié XVIIe s.) le domaine psychologique et devient usuel pour « aversion, hostilité instinctive » (à l'égard d'une personne).
❏
Le dérivé
ANTIPATHIQUE adj. (1568) est longtemps réservé aux choses qui déplaisent (
sympathique est resté plus courant dans l'emploi correspondant) et ne se dit des personnes qu'à partir du
XVIIIe s. selon les textes connus (v. 1770).
■
Il a pour dérivé ANTIPATHIQUEMENT adv. (1674, Hauteroche).
❏ voir
APATHIE, EMPATHIE.
ANTIPHRASE n. f. est emprunté (1546 ; isolément au XIVe s., antifrase) au latin des grammairiens antiphrasis, pris au grec antiphrasis « désignation par le contraire », de anti- (→ anti-) et de phrasis (→ phrase).
❏
Le mot désigne la figure de rhétorique par laquelle on utilise un élément du langage dans un sens opposé au sens normal.
❏
Le dérivé ANTIPHRASTIQUE adj. (1612 ; repris au XXe s.) est encore plus didactique.
ANTIPODE n. m. (v. 1370) a aussi été adjectif (1377) ; c'est un emprunt au latin antipodes, mot grec pluriel, de antipous, antipodos, composé de anti- (→ anti-) et de pous, podos « pied » (→ podo-), qui a des correspondants dans plusieurs langues indoeuropéennes, par exemple le latin pes, pedis (→ pédestre).
❏
Le substantif, seul usuel aujourd'hui, désigne des humains qui marchent la tête en bas par rapport à nous. Le mot a été en concurrence avec antichtone*. L'hypothèse, d'abord mythique, de la Terre ronde (Pythagore) devenant une réalité scientifique indiscutée, le mot antipode devient géographique et s'applique aux lieux de la Terre diamétralement opposés (1798). Par extension, aux antipodes de se dit dès le XVIIe s. pour « très loin » ; au figuré, être l'antipode de (qqn, qqch.) signifie « être son contraire » (1646) ; on a employé à l'antipode de (1752), remplacé par aux antipodes de (1913).
◆
L'adjectif s'est aussi employé au figuré pour « opposé au bon sens » (1622) et pour « contraire » dans antipode à (1791) et être antipode de (chez Balzac) ; cet usage a vieilli au XIXe siècle.
❏
Les dérivés sont très didactiques.
■
ANTIPODIEN, IENNE adj. (1613) a qualifié et désigné à la fin du XIXe s. un équilibriste qui jongle avec les pieds ; ce sens, concurrencé par antipode (1924), puis par antipodiste (ci-dessous), a disparu.
■
ANTIPODAL, ALE, AUX adj. (1752 ; antérieur, l'adverbe antipodalement se trouvant chez saint François de Sales) est archaïque.
■
ANTIPODIQUE adj. (1872) s'emploie quelquefois au figuré pour « contraire » (1949, in T. L. F.).
■
ANTIPODISTE n. désigne un acrobate jonglant avec ses pieds (1914), d'où ANTIPODISME n. m. (1930) ; il s'agit alors d'une reprise du sens étymologique (anti et pous, podos).
+
ANTIQUE adj. et n. (XIVe s.) succède à antic (XIIe s.). Ces adjectifs viennent par emprunt du latin antiquus « ancien, éloigné dans le temps », qui, comme anticus, lequel signifie plutôt « en avant dans l'espace », est dérivé de ante « devant, avant » (→ anté-), de même que anterior (→ antérieur). Anticus, antica a donné en ancien français anti, féminisé en antive d'où un masculin analogique antif (v. 1150) employé jusqu'au XVIe siècle ; alors que antic (v. 1180), puis antique procède de antiquus.
❏
L'adjectif français a eu le sens général de « très ancien » ou simplement « vieux », valeur sortie d'usage au
XVIIe siècle.
◆
Au
XVIe s., il s'est spécialisé pour désigner le passé culturel gréco-latin (voir plus loin
antiquité), sens que prend le mot dans la locution
à l'antique (1523). À la même époque (1530), on parle de
un ou
une antique « œuvre d'art de l'antiquité » et
les Antiques signifie « les Anciens ».
Au XVIIe s. le mot est à la fois majoratif, en art : goût, manière antique (1668) et, depuis le XVIe s., péjoratif, par exemple dans sentir son antique « être démodé » (1538), ou dans habit, meuble antique « vieillot, suranné » (Molière).
◆
Du sens d'« âgé » (XVe s.), appliqué par moquerie aux humains, vient une antique « une vieille femme » (1671), sens disparu. Au XIXe s., en argot de Polytechnique, un antique désigne un ancien élève (1866).
◆
Par ailleurs, le sens conservé en français moderne de « relatif à l'antiquité gréco-romaine » a produit des spécialisations, tel « caractère d'imprimerie sans pleins ni déliés » (1550).
❏
Les dérivés français sont rares.
■
ANTIQUEMENT adv. (1394), attesté sporadiquement, est peu usité.
■
ANTIQUISSIME adj. (1583) est stylistique.
■
ANTIQUISANT, ANTE adj. et n. (1910), didactique, se dit de ce qui s'inspire d'un idéal artistique antique.
◈
ANTIQUITÉ n. f. (
antiquitet, 1080) est emprunté au dérivé latin de
antiquus, antiquitas « grande ancienneté ».
■
Le mot a en ancien français la valeur générale de « vieillesse » (1390 pour les humains) et s'emploie surtout dans les expressions d'antiquité (XIIe-XIVe s.), de toute antiquité (1636), par antiquité, qui équivalent à antique (comme adjectif) et à « de manière très ancienne » (comme adverbe).
◆
Le mot ne prend qu'au XVIe s. le sens spécial correspondant à « les plus anciennes civilisations historiques », d'abord dans le contexte gréco-latin, puis, selon les connaissances, celles d'Égypte et du Proche-Orient, voire, mais de manière incertaine, celles d'Asie. Ce sens, d'abord limité à la Grèce et à Rome, est attesté chez Montaigne (1580), mais la valeur « monument, œuvre d'art de la Grèce ou de la Rome antique » était déjà courante (les Antiquités de Rome, par Du Bellay, 1558).
◈
ANTIQUAILLE n. f. atteste un usage plus ancien, apparenté à
antiquité. Le mot est emprunté (fin
XVe s., à Lyon comme nom d'une construction ; puis 1507) à l'italien
anticaglia, dérivé non péjoratif de
antica ; il a cette valeur : « œuvres d'art antiques », au
XVIe et au début du
XVIIe siècle.
◆
Le sens péjoratif « objet ancien sans valeur, vieillerie », dû à la valeur dominante du suffixe
-aille en français, apparaît clairement chez Corneille (1669).
Antiquaille s'est dit plaisamment d'un vieillard (1566) ; c'est un mot burlesque, devenu de mauvais goût à l'époque classique. Il a été repris au
XIXe s. en relation avec le commerce des objets anciens.
◆
De là le dérivé
ANTIQUAILLERIE n. f. (1837, Mérimée), aussi employé abstraitement pour « attitudes démodées, archaïques » (1889, Goncourt).
◈
ANTIQUAIRE n. a une histoire sémantique riche. Le latin impérial
antiquarius, dérivé de
antiquus, signifiait « amateur des choses anciennes » et « copiste, scribe (qui reproduit les textes anciens) » ; ce dernier sens est attesté en français (fin
XIIe s.), mais n'a pas vécu, sinon comme terme d'historien à propos des annotateurs grecs ou romains (1721).
◆
Antiquaire réapparaît à la Renaissance comme adjectif au sens d'« antique » (1552) et comme nom (1568), là où l'usage moderne emploierait
archéologue ; ce sens a vécu jusque dans la première moitié du
XIXe s.
(les sociétés d'antiquaires).
■
Le sens moderne vient de l'allemand Antiquarius (1727), puis Antiquar (av. 1850), pour désigner le commerçant d'objets d'art anciens (mais on dit libraire d'ancien pour les livres).
■
ANTIQUARIAT n. m. « connaissance des antiquités » (1692, Bayle) a disparu. En allemand, le mot désigne le magasin de l'antiquaire et du libraire de livres anciens (Antiquar), sens qui a existé en français (1838) puis a disparu.
ANTITHÈSE n. f. est un emprunt du XVIe s. (v. 1550) au latin antithesis, pris au grec antithesis « opposition », de anti (→ anti-) et de thesis (→ thèse).
❏
Le mot apparaît en rhétorique ; il s'est employé en algèbre (1691, Ozanam) et semble se diffuser au XIXe s., à la fois dans l'usage général, pour « personne ou chose entièrement opposée à une autre » (v. 1830), et en philosophie. Il signifie alors « proposition contraire à une thèse », d'abord chez Kant (déb. XIXe s.), puis à propos de Hegel, repris par Marx, dans la fameuse triade dialectique (absente de Hegel) : thèse, antithèse, synthèse.
❏
ANTITHÉTIQUE adj. est emprunté savamment en rhétorique (v. 1680) au dérivé grec antithetikos, et s'emploie en philosophie (1843) et dans l'usage général (1843, Proudhon).
ANTONOMASE n. f., réfection (1634) de anthonomasie (v. 1275), est emprunté au latin rhétorique antonomasia, hellénisme, le mot grec étant dérivé du verbe antonomazein « appeler d'un nom différent », formé de anti- « à la place de » (→ anti-) et de onomazein « nommer », dérivé de onoma « nom » (→ onomatopée).
❏
Ce mot, très didactique, concerne la figure de rhétorique qui consiste à désigner une personne par une expression qui la décrit, ou d'employer un nom propre typique pour caractériser une personne (dans le premier cas, « le fondateur de la linguistique moderne » pour Saussure ; dans le second, « le nouveau Shakespeare » pour un dramaturge admiré).