APHASIE n. f., terme de médecine, est emprunté (1829) au grec aphasia « incapacité à parler », de l'adjectif aphatos, de a- (→ 2 a-) et de phanai « dire » (1re pers. phêmi). Ce dernier relève d'une base indoeuropéenne °bhā- « parler » dont on retrouve la trace dans blasphème, fable, prophète.
❏
Le mot a d'abord concerné, généralement, toute impossibilité de parler. C'est au cours du XIXe s. que les savants, et notamment Broca qui employait le terme aphémie, de a- privatif et du grec phêmê, autre dérivé de phanai (v. 1860), puis Déjerine, Wernicke (en allemand, 1874), ont élaboré les concepts modernes de l'aphasie, liés à la physiologie de l'hémisphère gauche du cerveau. Le mot, absent du dictionnaire de médecine de Littré et Robin (1855) et du Littré, semble rare avant le dernier quart du XIXe siècle. Le physiologiste J. Lordat, lui-même aphasique, emploie alalie (1842). C'est probablement Trousseau, polémiquant avec Broca et critiquant le terme aphémie, qui imposa aphasie, en 1864. Les syntagmes analysant le concept (aphasie de Wernicke, de Broca, etc.) sont chez Pierre Marie (v. 1900) ; ils correspondent à des réalités très différentes. L'aphasie est au centre d'une discipline, la neurolinguistique.
❏
Le dérivé
APHASIQUE adj. (1864), aussi substantif (1865), s'emploie pour « relatif à l'aphasie » et « atteint d'aphasie ».
◈
PARAPHASIE n. f. (1864, de Fleury) est formé sur
para-, et d'après
aphasie, pour désigner un trouble du langage où les éléments linguistiques sont déplacés.
APHÉLIE n. m., attesté chez Furetière (1690), est composé savamment en latin moderne (aphelium, 1596, Képler), d'après apogaeum (→ apogée), du grec apo « loin » (→ apo-) et de hêlios « soleil » (→ hélio-).
❏
Le mot désigne le point de l'orbite d'une planète où elle se trouve à sa plus grande distance du Soleil.
APHÉRÈSE n. f. est un emprunt (1521, apheresis) au latin des grammairiens aphaeresis, lui-même emprunté au grec aphairesis « fait d'enlever », dérivé de aphairein, de aph- (apo- ; → apo-) et de hairein « prendre » (→ hérésie), probablement indoeuropéen, mais dont les correspondants sont rares et incertains (hittite, arménien, selon Meillet).
❏
Ce terme de grammaire désigne le retranchement du début d'un mot (opposé à apocope). Il s'est employé au sens général du grec, en mythologie (1580, aphairaise), en théologie, pour « fait de sortir du corps, pour l'âme » (1605), et en chirurgie (1787) pour « ablation » ; ces valeurs ont disparu.
APHONIE n. f. est emprunté (1617) au grec aphônia, de a- privatif (→ 2 a-) et de phônê « voix » (→ phono-).
❏
Le mot désigne en physiologie la perte de la voix. Il s'est employé littérairement au figuré pour « silence » (Chateaubriand).
❏
Le dérivé
APHONIQUE adj. (
XXe s.) est didactique et rare.
◈
APHONE adj. est un emprunt (1834) au grec
aphônos. Il est assez courant pour qualifier une personne qui n'a plus ou peu de voix, pour des raisons physiologiques ou psychosomatiques, mais non cérébrales
(Cf. aphasique). Il signifie littérairement « qui ne produit aucun son ».
APHORISME n. m., d'abord déformé en auphorisme (1270), afforime (id.), amphorisme (1370), puis repris savamment en 1490, est emprunté au bas latin aphorismos, appliqué aux maximes hippocratiques. C'est un emprunt au grec aphorismos « définition », de aph- (apo- ; → apo-) et de horismos « délimitation », de horizein « délimiter » (→ aoriste, horizon). Cf., pour le sens, défini et terme.
❏
Le mot, proche du sens grec au XVIe s., s'est étendu, peut-être par influence de l'italien et de l'espagnol, aux maximes politiques (v. 1600), puis à tout bref précepte, notamment moral. Il est resté didactique.
❏
APHORISTIQUE adj. (1545) semble formé en français ; comme son dérivé APHORISTIQUEMENT adv. (1845), il est très didactique.
APHRODISIAQUE adj. est emprunté (1742) au grec aphrodisiakos, adjectif tiré de Aphroditê, nom de la déesse de l'amour (latin Venus), sans étymologie connue, avec la même valeur que aphrodisia (au pluriel) « plaisirs érotiques ». Le diminutif Aphrô (à valeur hypocoristique à côté du nom rituel) a donné, par l'intermédiaire de l'étrusque apru, le latin aprilis (→ avril).
❏
Rare et récent (mil. XIXe s.) en emploi archéologique (« de la déesse Aphrodite »), le mot sert surtout à qualifier les substances qui excitent le désir sexuel, après s'être employé pour « vénérien » (1793).
◆
L'emploi substantif, un aphrodisiaque, est relativement courant.
❏
APHRODISIE n. f., emprunt au grec
aphrodisia, a désigné (1838) l'âge nubile et a été repris au
XXe s. pour « appétit sexuel » (
in Larousse, 1928).
■
ANAPHRODISIE n. f. est emprunté (1803) au préfixé grec anaphrodisia et signifie « absence de désir sexuel ».
◆
De là ANAPHRODISIAQUE adj. (1850) et n. m. (1855).
■
ANTIAPHRODISIAQUE adj. est formé (1810) en français.
APHTE n. m., d'abord sous la forme afta (1478), puis afte (1548), aphta (1549), aphte (1550), est un emprunt au pluriel latin aphtae, hellénisme pris au grec aphthai, nom pluriel dérivé du verbe aptein « brûler », signifiant d'abord « attacher », puis « se mettre à », terme concret d'origine obscure.
❏
Ce mot médical, désignant l'ulcération virale de certaines muqueuses, est devenu relativement courant.
❏
Le dérivé APHTEUX, EUSE adj. (1768) est, lui aussi, assez courant, notamment à cause de son importance en médecine vétérinaire, par exemple dans fièvre aphteuse des bovidés (1769).
1 API n. m., d'abord adjectif dans pomme apie (1571), est issu du latin mala Appiana (Pline), « pomme apienne », de Appius nom propre romain.
❏
Le mot, avec la variante empruntée apiane (pomme apiane, 1573), puis dans pomme d'apie (1615), d'api ou encore pomme api (1690) — qui ne se dit plus —, désigne une variété de pomme croquante et d'un rouge vif sur un côté. De là rouge, rose comme une pomme d'api, à propos d'un visage, souvent enfantin.
2 API adj. inv. est un emprunt au mot tahitien, avec le sens de « neuf, nouveau », qui s'emploie en français de Polynésie. Des voitures api.
APICULTURE n. f. est formé au XIXe s. (1845) pour désigner l'élevage des abeilles, sur le latin apis « abeille », d'après agriculture (→ culture). Le latin apis vient d'un thème °ap(i), peut-être indoeuropéen, et son diminutif est à l'origine du mot abeille*.
❏
Le mot désigne une activité d'élevage des abeilles, productrices de cire et de miel, pratiquée sans interruption depuis l'Antiquité et même la protohistoire.
❏
APICULTEUR, TRICE n., formé d'après
agriculteur, désigne simultanément (1845) la personne qui pratique l'apiculture.
■
APICOLE adj., formé aussi sur apis et colere, a d'abord désigné en tant que substantif (1845) l'apiculteur. Le mot est repris ensuite (1866) comme adjectif, pour « de l'apiculture ».
◈
Le latin
apis a aussi produit
APIDÉS n. m. pl. (1892), après
apiaires (1839) et
apides (1842), du latin savant
apidae (Laach) et
apiarii, tous deux dérivés du mot latin classique. Le mot désigne en entomologie la famille d'hyménoptères à laquelle appartient l'abeille.
APNÉE n. f. est emprunté (fin XVIe s., apné) au grec apnoia « absence de vent, calme » et « absence de souffle ». Ce mot est dérivé de apnoos « qui ne respire pas, sans souffle », lequel est formé du préfixe privatif a- (→ 2 a-) et de pnein « souffler, respirer » (→ neume, pneumatique, pneumonie).
❏
Hellénisme isolé de la fin du XVIe s., le mot est repris au XVIIIe s. (1747) pour désigner la suspension momentanée de la respiration, en médecine puis (mil. XXe s.) en plongée sous-marine (plonger en apnée).
❏
Le dérivé
APNÉIQUE adj. (1883) « de l'apnée » s'emploie surtout en médecine.
■
APNÉISTE n. (1987) désigne le plongeur en apnée.
APO-, premier élément de mots empruntés au grec, souvent par le latin tardif, notamment ecclésiastique ou juridique, ou formés dans une langue moderne. Apo, préposition et préverbe grec, a les valeurs d'« éloigner, écarter » (d'où « extrême »), de « rendre », ou encore évoque l'aboutissement d'un processus ; il peut enfin avoir une valeur négative. C'est une forme indoeuropéenne (Cf. sanskrit ápa) ; il correspond au latin ab (→ à).
❏ voir
les mots en APO-, et aussi APHÉLIE ; 2 POLICE (D'ASSURANCE).
APOCALYPSE n. f. est emprunté comme nom propre (v. 1160) au mot du latin ecclésiastique désignant le texte de saint Jean, d'après le grec tardif apokalupsis « révélation », du verbe apokaluptein « découvrir, révéler », de apo- négatif (→ apo-) et de kaluptein « cacher, envelopper », d'une racine °kel-, que l'on retrouve dans le latin celare (→ celer).
❏
Le sujet terrifiant et symbolique du texte désigné induit des sens figurés, d'abord pour « révélation » (1549), puis « langage, discours hermétique » (1680), d'où style d'Apocalypse (1798), sorti d'usage.
◆
Des syntagmes, tels que bête de l'Apocalypse (1690), et le dérivé apocalyptique (ci-dessous) étant pris avec l'idée de terreur, de cataclysme, apocalypse lui-même évoque la fin du monde (2e moitié XIXe s., Renan, etc.), une guerre meurtrière, un cataclysme.
❏
APOCALYPTIQUE adj., emprunt (1532) au dérivé grec
apokaluptikos, est employé au
XVIe puis au
XVIIIe s., d'abord pour qualifier le texte sacré, puis en parlant d'un style symbolique et visionnaire, voire obscur et embrouillé.
■
Au XIXe s. (1836, E. Quinet), l'adjectif prend sa valeur moderne : « de fin du monde, cataclysmique ».
■
APOCALYPTIQUEMENT adv. est dans la correspondance de Grimm (1770).
❏ voir
EUCALYPTUS.
APOCOPE n. f. est emprunté (v. 1501) au latin apocope ou apocopa, grec apokopê, dérivé du verbe apokoptein « couper », de apo- (→ apo-) et de koptein « frapper, trancher », appartenant à une famille indoeuropéenne représentée dans le latin capus « chapon » (→ chapon) et le lituanien kapiù « tailler, abattre ».
❏
Le mot désigne, en grammaire et en rhétorique, le retranchement de la fin du mot. Comme aphérèse, il s'est employé en chirurgie, désignant une fracture avec perte osseuse (v. 1740).
❏
Le dérivé APOCOPER v. tr. (1578) est rare.
❏ voir
SYNCOPE.
APOCRYPHE adj. est un mot religieux emprunté (v. 1220, apocrife) au latin ecclésiastique apocryphus (saint Augustin), lui-même emprunt au grec apokruphos « tenu secret », de apo- (→ apo-) et kruptein « cacher » (→ crypte).
❏
Il qualifie les textes bibliques ou évangéliques non reconnus par l'Église et prend au XVIIe s. (1636) une valeur profane, « qui n'est pas authentique » ; dès le moyen âge, mais dans un contexte religieux, il s'est appliqué à autre chose que des textes et opposé à authentique.
◆
Le substantif s'applique à un auteur apocryphe (apocrife, isolément au XIIIe s.), à un écrit (1845), spécialement Les Apocryphes, « livres de la Bible non canoniques » (1878).
APODICTIQUE adj. est un emprunt savant (1690) au grec apodeiktikos par le latin apodicticus. L'adjectif grec est dérivé du verbe apodeiknunai « démontrer », de apo- (→ apo-) et deiknunai « faire voir, montrer » ; ce verbe vient d'un radical indoeuropéen °deik, dik, que l'on retrouve dans le latin dicere (→ dire).
❏
Le mot, qualifiant ce qui est évident par démonstration, s'est appliqué avec Kant à ce qui entraîne l'adhésion nécessaire de l'esprit.
❏
Le dérivé APODICTIQUEMENT adv. (in Larousse 1928) est rare.