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Le français
appeler signifie donc d'abord « s'adresser à qqn (par un cri, des paroles) », secondairement « en le nommant » ou « en le désignant par un caractère propre » (
XIIIe s.). Le verbe s'emploie spécialement (
XIIe s.) pour « invoquer (Dieu, les saints) » et « faire venir par la voix » (v. 1160), « inviter à venir (une personne dont on a besoin : un médecin, etc.) ». Par extension, on
appelle qqn
du geste, des yeux (1528) et, de nos jours, à l'aide d'un instrument, notamment le téléphone.
Appeler au secours (1690), d'abord
à son secours (1538), est resté usuel.
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Du sens initial, spécifié par le recours au nom, vient la valeur de « nommer » (XIIe s.), réalisée dans appeler les choses par leur nom (1678, La Fontaine) et, fréquemment, dans s'appeler (XIVe s.), par extension « signifier », employé dans l'expression cela s'appelle (et infinitif ou nom) « c'est bien, c'est vraiment... » (XVIe s.), d'où voilà qui s'appelle... (avec un nom ou un infinitif ; 1671).
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Appeler a diverses valeurs spéciales : « désigner pour convoquer » (1538), d'où appeler (sous les drapeaux) « mobiliser » (1835), en relation avec appel et appelé ; en droit, « citer devant un juge » (XIVe s.), « nommer à voix haute les parties » (appeler une cause, 1549), « faire venir (des témoins) ».
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Le sujet peut aussi désigner une puissance supérieure, Dieu, appeler qqn à soi (1080) correspondant alors à « faire mourir ».
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La valeur féodale de « défier » (XIIe s.) a disparu, mais appeler au combat (1597), en duel (1636) seraient encore compris.
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Appeler qqn à (un rôle, une fonction) « lui confier » (1560) a été précédé par appeler qqn en (un rôle) (XIIIe s.), sorti d'usage.
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En appeler, expression juridique, issue de appeler en emploi absolu, « recourir à un tribunal supérieur » (1270), sens qui correspond au latin juridique et au premier sens de appel (ci-dessous), s'emploie au figuré (fin XVIIe s.) et dans des expressions métaphoriques, telle en appeler à la postérité (XVIIe s., Boileau).
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Avec un complément nom de choses, appeler correspond à « susciter, faire se produire » appeler le mépris sur qqn (XVIe s., Montaigne).
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Enfin, avec un sujet nom de choses, le verbe correspond à « avoir pour conséquence vraisemblable, entraîner » : son attitude appelle une réplique.
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Le principal dérivé, le déverbal
APPEL n. m., apparaît au sens de « recours » (fin
XIe s.,
apel et
apiau) ; la valeur usuelle « action d'appeler (pour faire venir) » est attestée plus tard (v. 1172, Chrétien de Troyes), après l'acception disparue d'« accueil ». Dans le premier sens,
appel est demeuré usuel en droit pour « recours à une juridiction supérieure » (1382), d'où
cour d'appel, en appel, etc., et dans l'expression usuelle
sans appel, qui se dit d'une décision irrémédiable.
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Au sens usuel,
appel s'emploie dans
faire appel à (qqn, qqch.), d'abord
faire un appel (1835) « demander des secours » ; il a de nombreuses spécialisations, comme « vérification de la présence des membres d'une collectivité » (1690), « discours ou écrit s'adressant au peuple » (
appel au peuple, au sens propre).
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L'emploi dans un contexte militaire est très ancien, avec la valeur spéciale « signal de rassemblement » (XIIIe s.), repris au début du XIXe s. avec une acception précise : « réunion des hommes de troupe pour vérifier les effectifs », le mot s'appliquant aussi (1835) au fait de convoquer les jeunes gens appartenant à une classe d'âge pour désigner ceux qui doivent faire le service militaire (appel du contingent) ; de là les appelés (ci-dessous).
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D'autres emplois concernent un signal émis par un instrument (sonnerie de cor à la chasse, XIIIe s.) ; au XXe s., appel téléphonique, appel de phares ; un signe d'imprimerie (dans appel de note, 1866).
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Appel à l'aide et faire appel à qqn « requérir comme une aide » correspondent à un emploi du verbe ; se rattache à ce sémantisme appel au peuple, employé familièrement pour « demande d'aide financière ».
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Ce sont les finalités de l'acte d'appel (avertir, prévenir, requérir, demander...) qui modulent les emplois du nom, plus encore que ceux du verbe ; appeau, appel a signifié « provocation en duel » (XVIe s.), appel du pied « battement de pied en escrime » (1690) et figurément (XXe s.) « appel discret », appel de fonds « demande d'argent » (1835).
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Enfin, une métaphore concerne un mouvement (de ce qui est attiré, comme l'appel adressé à qqn le détourne ou l'attire), par exemple dans appel d'air (1857) ou encore en sports « mouvement de départ du saut » (1901).
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HYPERAPPEL n. m., composé où appel est dans son emploi en informatique (attesté 1999 en français) désigne le système d'appel d'un logiciel à partir d'un autre, par simple sélection à l'écran et activation d'une touche ou d'un bouton.
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Le pluriel ancien (au cas régime) et le cas sujet du singulier du mot
appel, en ancien français, était
apeaus ; tandis que, normalement, il évoluait en
appel, appels, avec la disparition des cas, la forme ancienne, harmonisée en
APPEAU n. m. (pl. : des
appeaux), se spécialisait (1380) pour désigner le sifflet (d'appel) utilisé pour faire venir les oiseaux à la chasse, sens déjà réalisé par
appel (1270) [l'influence du paronyme
appât a dû jouer] ; d'où le sens figuré de « leurre » (
XVe s.) et la valeur technique « oiseau dressé pour appeler et attirer d'autres oiseaux » (1671).
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Dans ce dernier sens, un synonyme est le participe présent APPELANT, substantivé (qui a d'autres emplois, depuis 1390, comme adjectif dérivé de appeler).
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APPELÉ, ÉE p. p. a été substantivé (
XIVe s.) en droit pour « personne citée en justice » et dans l'allusion évangélique
il y a beaucoup d'appelés et peu d'élus (1672).
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Le mot a été repris dans le contexte de la conscription militaire (Cf. ci-dessus appel et appeler) pour « jeune homme mobilisé dans l'armée » (1832), opposé à militaire de carrière : on parle des appelés du contingent ; au XXe s. le mot remplace conscrit devenu archaïque.
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Le dérivé APPELABLE adj. (1170), spécialisé en droit (XVIe s.), a vieilli.
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APPELLEMENT n. m., en ancien français « expression de la volonté divine » (XIIe s.), puis « convocation » (XIIIe s.) et « fait de nommer qqn » (1549), a disparu.
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APPELEUR n. m. (1611), réfection de l'ancien français apeleor « demandeur en justice » (XIe-XIIIe s.), s'est dit (1863) de l'oiseau nommé aussi appelant.
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APPELLATION n. f., emprunt (1172) au dérivé latin
appellatio, a signifié en ancien français « appel d'un jugement ». Repris ou dérivé de
appeler, il signifie « action de nommer » (v. 1550), surtout « nom donné (à une chose) » (
XIIIe s.) et « façon de dénommer » (
XIVe s., Oresme). Pour « action de nommer les lettres de l'alphabet » (1762), il a été remplacé par
épellation.
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Il s'est spécialisé en droit commercial, notamment dans
appellation d'origine (1922),
appellation contrôlée, sens courant en parlant des vins.
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APPELLATIF, IVE adj. est emprunté (v. 1350) au dérivé appellativus, mot du latin des grammairiens, qui calque le grec prosêgorikos « qui sert à nommer ». Nom appellatif a été remplacé par nom commun ; le substantif un appellatif (v. 1550) est lui aussi archaïque.
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APPELLATOIRE adj., emprunté (1466) au dérivé latin appellatorius, est un terme de droit ancien, concernant la procédure d'appel.
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Le préfixé verbal
RAPPELER est très ancien (
rapeler, 1080), d'abord au sens de « faire revenir (qqn) par un appel », puis (v. 1175) « appeler pour faire revenir » ; le deuxième sens, chronologiquement (par le hasard des attestations), étant logiquement le premier, exprime la cause, l'appel et non l'effet cherché. Des valeurs spéciales sont attestées, « faire revenir (des bannis, des proscrits) » (v. 1240), « battre le rappel des troupes » (déb.
XVIIIe s.).
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Une valeur abstraite importante, plus que dans appeler, apparaît très tôt (fin XIIe s.) : « faire revenir (un contenu psychique) à la conscience, à la mémoire » ; il a donné le verbe pronominal SE RAPPELER (av. 1673) qui fonctionne en concurrence avec se souvenir de... et avec rappeler qqch. à sa mémoire (1694) ; la construction analogique se rappeler de (XVIIIe s. : 1787, Féraud), sans cesse combattue par les pédagogues, est très vivante dans l'usage spontané.
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Avec un sujet exprimant une chose, rappeler correspond aussi à « évoquer » (fin XVIe s.). Un autre figuré du verbe transitif (XVIIe s.) signifie « faire revenir (qqn) à (un état) ». Rappeler un sentiment correspond à « raviver » (déb. XVIIe s.). Rappeler qqn à la vie (1670) « faire revivre », rappeler à l'ordre (1789) « réprimander » figurent parmi d'autres constructions analogues.
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Enfin, le sens logiquement le plus évident, « appeler de nouveau » (appeler et rappeler qqn au téléphone), semble paradoxalement récent.
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Le dérivé (déverbal)
RAPPEL n. m. (1260) utilise les principales valeurs du verbe avec des spécialisations : « action de faire revenir », spécialement des bannis (1311), aussi
rappel de ban (1549) ; « batterie de tambour ou sonnerie de clairon » (1762) dans
battre, sonner le rappel, battre le rappel s'employant au figuré pour « réunir toutes les ressources, demander des aides partout » (1869) ; « applaudissements pour rappeler un comédien » (1875). Au sens abstrait de
se rappeler, rappel signifie « évocation » (1875).
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Des sens originaux par rapport au verbe se développent : « répétition, retour » par renvoi à une même chose (1803), « fait de payer une somme due (appointements...) en retard » (1825) et, concrètement, « fait de ramener une chose à soi », notamment en alpinisme (1904), avec une valeur technique précise
(faire du rappel), impliquant une corde pouvant être « rappelée » (
descente en rappel), et en technique dans
ressort de rappel (1904).
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Des formes dialectales anciennes,
rapeau et avec nasalisation
RAMPEAU n. m. (
XVIe s., Brantôme), désignent le second coup d'une partie de quilles jouée en deux manches et, dans les dialectes, de nombreux jeux de quilles.