1 APPAREILLER v. tr. est un emprunt francisé très ancien (1080) au bas latin °appariculare, du latin classique apparare « préparer », de parare (→ parer).
❏  Du XIe au XVIe s., le verbe signifie en général « préparer » et s'emploie spécialement à propos des aliments (XVIe s.), des filets de pêche et du gréement d'un navire (XIIe-XIXe s.), puis dans diverses techniques. Ce sens survit régionalement (appareiller qqn, en français du Canada) et techniquement, par exemple en chirurgie, en audioprothèse...
■  Depuis le XVIe s. (1544), le verbe a pris intransitivement le sens de « se préparer au départ », puis de « partir, lever l'ancre », en parlant d'un navire. De là un figuré argotique (1840) pour « partir », d'abord chez les marins.
❏  Le dérivé (déverbal) APPAREIL n. m. a pour sens initial (fin XIIe s.) « préparatif », d'où « déroulement d'un cérémonial », « magnificence » (1538), sens proche de celui de apparat* et de apprêt*.
■  Ce sens coexiste, depuis le XIIe s. (v. 1170), avec celui d'« ensemble d'éléments préparés pour obtenir un résultat », où il pourrait venir du latin populaire °appariculus, pour le latin classique apparatus (→ apparat) ou bien résulter d'une métonymie (ou encore les deux). ◆  Appareil s'est dit de l'équipement militaire (XVe s.), d'où haut appareil « armure complète » (XVIe s.). Puis on enregistre de nombreux sens spécialisés, d'abord (1676) en architecture « agencement des matériaux (d'un mur, etc.) », puis (fin XVIIIe s.) en physiologie « ensemble fonctionnel d'organes », en chirurgie (1636) « ensemble des pansements » (1793, à propos d'une opération), en droit (l'appareil des lois), en politique (1929 dans une traduction de Trotsky) où le mot s'inscrit dans la terminologie marxiste (appareil d'État, d'un parti, etc.), sens d'où provient le mot russe dont un dérivé, APPARATCHIK n. m. a été emprunté (1965) pour désigner un membre de l'appareil du parti communiste (russe).
■  La valeur la plus courante de appareil est ancienne, mais ne se développe qu'avec les techniques et les sciences, au début du XIXe siècle. Alors, le mot est encore sémantiquement ambigu, conservant l'idée ancienne d'un ensemble d'éléments préparés pour une opération, par exemple les instruments, le matériel nécessaire pour une expérience de chimie, de physique (1805). De cette idée encore dynamique à celle de « dispositif matériel unique, mais complexe », le passage n'est pas net, avant les spécialisations ; il semble pourtant que appareil de pompe (1691) désignait déjà un objet technique précis (le piston). Dans ce sens concret, le mot s'oppose à outil, à instrument (par l'idée de complexité), et à machine qui évoque la production ou la transformation d'énergie, mais les frontières d'emploi ne sont pas nettes. On parle couramment de appareils de mesure* (1805) et de nombreux syntagmes apparaissent plus tard, comme appareil électrique, ménager, etc. ◆  Parmi les spécialisations lexicalisées, appareil (de photo, photographique) désigne le dispositif de prises de vue (1874 [1838, F. e. w. est erroné]) ; appareil téléphonique devient absolument l'appareil dès 1877, concurremment avec le téléphone*. ◆  Au sens ancien de « préparation complexe » se rattachent l'acception culinaire « ensemble des éléments nécessaires pour faire une sauce, une farce, etc. » (1751) et l'emploi abstrait dans appareil critique (1928), variante de apparat. ◆  En chirurgie dentaire, appareil (XXe s.) sert d'euphémisme pour dentier, puis désigne toute prothèse amovible.
■  APPARAUX n. m. pl., ancien pluriel (XIIe s., apparauz), s'est spécialisé en marine, pour le matériel destiné aux manœuvres de force (agrès et apparaux), et, par analogie, en technique, pour les agrès de gymnastique.
APPAREILLAGE n. m., dérivé d'appareiller, a suivi les divers sens du verbe : « préparatif » (1371) et (1771) « action d'appareiller (en parlant d'un navire) ».
■  Le sens collectif « ensemble d'appareils et d'accessoires » est récent (1928) et vient du sens courant de appareil. Une spécialisation chirurgicale correspond à « prothèse complexe » (attesté 1948).
APPAREILLEUR n. m. (1611), réfection de l'ancien français apparoillerres (v. 1330), s'est dit d'ouvriers,de contremaîtres préparant une opération technique, notamment (1676) en architecture (sens lié à appareil, en parlant des pierres de taille).
■  APPAREILLEMENT n. m., « préparatif » (XIIe s.) et « ustensiles, équipement » (XIIIe s.), a disparu, cédant à appareillage et à appareil.
Les préfixés rapareiller v. tr., « réparer » (1155) et « compléter » (1690), et désapareiller (XIIIe s.) « dépouiller » sont sortis d'usage au XVIe s., sauf en marine, où DÉSAPAREILLER (1762) et rapareiller (1690), refait en RÉAPPAREILLER (1904), sont employés.
2 APPAREILLER → PAREIL
APPARENT, ENTE → APPARAÎTRE
APPARENTER et dérivés → PARENT
APPARIER → 1 PAIR
APPARTEMENT n. m. manifeste la circulation par emprunt des mots romans : emprunté à l'italien appartamiento (1559, Du Bellay) qui l'a pris à l'espagnol apartamiento, il dérive dans cette langue du verbe apartarse « se séparer, se mettre à part » (comme appartare en italien). Ces verbes viennent du latin pars, partis (→ part).
❏  Au début, et notamment au XVIIe s., le mot désigne la partie d'un « grand logis » (Furetière) affecté (mis à part) à un usage d'habitation particulier (les appartements d'un prince dans un palais, etc.). Avec l'évolution du logement et l'apparition d'immeubles d'habitation « prédécoupés » (au déb. du XIXe s.), le mot désigne un logement négocié à part, dans une construction qui en comporte plusieurs ; il possède normalement plusieurs pièces (mot qui procède d'une métaphore analogue), mais il existe des emplois emphatiques, pour « chambre d'hôtel » et pour studio (mot récent, dévié de son sens), qui trahissent le souci commercial de masquer la dégradation des conditions spatiales de logement à l'époque moderne. L'idée de subdivision, de mise à part (Cf. département) avait disparu (sauf en français du Canada, où le mot peut équivaloir à « pièce », dans un logement) et appartementt figure dans le champ sémantique du logement, avec logement, maison ; cependant, l'idée de partage réapparaît avec l'expression née du commerce immobilier : vente (vendre) par appartements (ou « à la découpe »), qui s'emploie au figuré (années 1980). ◆  Il est abrégé familièrement et couramment en APART' n. m. (1976), forme précédée par la variante à part (1842), peut-être due à un jeu de mots avec se mettre à part.
APPARTENIR v. tr. ind. est emprunté (XIIe s.) au latin tardif appertinere, composé de pertinere (→ pertinent), probablement modifié sous l'influence de pars, partis (→ part) en °appartinere. L'italien a aussi une forme en -are : appartenare, mais l'ancien provençal conserve une forme plus latine apartener. Pertinere, apparenté à tenere (→ tenir), signifie « s'étendre de manière continue » et « s'appliquer à, tendre à, concerner » ; son composé impertinens a donné impertinent*.
❏  Appartenir signifie d'abord (v. 1155) « faire partie de », mais il a très tôt (v. 1170) la valeur juridique moderne « être la propriété de », converse de posséder, et celle, figurée (v. 1200), de « constituer un caractère propre à (qqn, qqch.) ». De là l'emploi impersonnel (1360) il appartient à (qqn) « c'est le rôle, le devoir de... » et au XVIIe s. « c'est le privilège de... ». Le verbe s'est employé à propos d'êtres humains, d'abord pour « être parent de (qqn) » (XIIe s.), puis « être attaché à son service » (1538). Appartenir à un homme se dit aussi, comme se donner, de la soumission d'une femme (1898) et s'appartenir correspond à « disposer de soi-même » (1829).
❏  Le dérivé APPARTENANCE n. f. est d'abord employé au pluriel (v. 1170) pour « ce qui dépend d'un bien immeuble » (Cf. dépendances), valeur proche du sens initial de appartement*. Le sens général, « fait d'appartenir à, d'être propre à », n'apparaît qu'au XVIe s. (1536).
■  APPARTENANT, ANTE n. a signifié (XIIe-XIVe s.) « parent » et s'est dit pour « convenable, juste » (XIIe-XVe s.). Il s'est employé au XVIIe s., notamment en droit, pour « qui concerne, dépend de qqch. » (1690). Tous les emplois ont disparu.
APPÂTER v. tr. Le verbe appaster (1540 ; v. 1530, au pronominal), précédé par appasteler (av. 1500), construit avec le suffixe -eler, est composé de l'ancien français past « nourriture, repas », qui avait pris au XVe s. le sens de « fragment comestible pour attirer les animaux » ; past, comme l'italien et l'espagnol pasto, l'ancien provençal past, vient du latin pastus « pâture, nourriture », dérivé du verbe pascere « nourrir » et « engraisser », source des verbes paître* et repaître*. Par ses dérivés, il a suscité pasteur* et, moins prévisible, empêtrer*. La racine pat- « manger » se retrouve dans plusieurs langues indoeuropéennes (le gotique, le grec).
❏  L'emploi du pronominal s'appaster de (qqch.) « se nourrir de » (Marot) a disparu. Le verbe actif semble s'être d'abord employé pour « nourrir, engraisser (la volaille), etc. ». Puis appaster, plus ou moins influencé par l'ancien verbe apaistre (composé de paistre ; → paître), est passé à « faire manger (un enfant) » (1690), puis « attirer avec un appât » (voir plus loin) et, figurément dès le XVIe s. (1549), « attirer (qqn) par l'espoir d'un gain, d'une récompense ». Le verbe est aujourd'hui plus rare que son dérivé (ci-dessous).
❏  APPÂT n. m., d'abord appast, désigne le morceau comestible servant à attirer des animaux pour les prendre ; aujourd'hui et depuis le XVIIe s. au moins, il évoque surtout la pêche. L'acception « nourriture pour engraisser des volailles ou du bétail » (1549), qui correspond au premier sens du verbe, a disparu.
■  Le sens figuré, courant dans la langue classique, correspond à celui du verbe appâter (l'appât du gain) ; appast se disant au figuré pour « ce qui attire » (1549). Le pluriel ancien les appas se spécialise au début du XVIIe s. pour désigner les attraits, les charmes (de la gloire, etc.) et, surtout, ceux d'une femme attirante (Cf. attrait et, par une autre métaphore, charme). Usuel au XVIIe s. où les appas ont des emplois plus variés, « agrément, charme extérieur (d'une personne, homme ou femme) » et aussi « attraits (d'une chose) » (depuis Malherbe), le mot, même en parlant des attraits physiques d'une femme, est devenu au XIXe s. archaïque ou plaisant, par exemple un euphémisme pour les seins dans « l'argot des bourgeois » (Delvau, 1867). ◆  Ce sens extensif de appat (appast, les appas) a produit à son tour un verbe appaster (1550), puis appâter (XVIIe s.) « attirer par ses charmes », sorti d'usage.
+ APPELER v. tr. est un emprunt ancien (1080) au latin appellare « s'adresser à (qqn), recourir à (qqn) » et par affaiblissement « nommer » ; il est préfixé d'un verbe °pellare, variante de pellere « pousser » (→ pousser), d'un radical °pel-, à rapprocher peut-être du grec pallein « secouer ». °Pellare aurait signifié « se pousser, aller vers », d'où pour appellare le sens d'« aller vers qqn pour lui parler » ; de même com-pellere (→ compulsion), inter-pellere signifiant « interrompre » (→ interpeller).
❏  Le français appeler signifie donc d'abord « s'adresser à qqn (par un cri, des paroles) », secondairement « en le nommant » ou « en le désignant par un caractère propre » (XIIIe s.). Le verbe s'emploie spécialement (XIIe s.) pour « invoquer (Dieu, les saints) » et « faire venir par la voix » (v. 1160), « inviter à venir (une personne dont on a besoin : un médecin, etc.) ». Par extension, on appelle qqn du geste, des yeux (1528) et, de nos jours, à l'aide d'un instrument, notamment le téléphone. Appeler au secours (1690), d'abord à son secours (1538), est resté usuel.
■  Du sens initial, spécifié par le recours au nom, vient la valeur de « nommer » (XIIe s.), réalisée dans appeler les choses par leur nom (1678, La Fontaine) et, fréquemment, dans s'appeler (XIVe s.), par extension « signifier », employé dans l'expression cela s'appelle (et infinitif ou nom) « c'est bien, c'est vraiment... » (XVIe s.), d'où voilà qui s'appelle... (avec un nom ou un infinitif ; 1671). ◆  Appeler a diverses valeurs spéciales : « désigner pour convoquer » (1538), d'où appeler (sous les drapeaux) « mobiliser » (1835), en relation avec appel et appelé ; en droit, « citer devant un juge » (XIVe s.), « nommer à voix haute les parties » (appeler une cause, 1549), « faire venir (des témoins) ». ◆  Le sujet peut aussi désigner une puissance supérieure, Dieu, appeler qqn à soi (1080) correspondant alors à « faire mourir ». ◆  La valeur féodale de « défier » (XIIe s.) a disparu, mais appeler au combat (1597), en duel (1636) seraient encore compris. ◆  Appeler qqn à (un rôle, une fonction) « lui confier » (1560) a été précédé par appeler qqn en (un rôle) (XIIIe s.), sorti d'usage. ◆  En appeler, expression juridique, issue de appeler en emploi absolu, « recourir à un tribunal supérieur » (1270), sens qui correspond au latin juridique et au premier sens de appel (ci-dessous), s'emploie au figuré (fin XVIIe s.) et dans des expressions métaphoriques, telle en appeler à la postérité (XVIIe s., Boileau). ◆  Avec un complément nom de choses, appeler correspond à « susciter, faire se produire » appeler le mépris sur qqn (XVIe s., Montaigne). ◆  Enfin, avec un sujet nom de choses, le verbe correspond à « avoir pour conséquence vraisemblable, entraîner » : son attitude appelle une réplique.
❏  Le principal dérivé, le déverbal APPEL n. m., apparaît au sens de « recours » (fin XIe s., apel et apiau) ; la valeur usuelle « action d'appeler (pour faire venir) » est attestée plus tard (v. 1172, Chrétien de Troyes), après l'acception disparue d'« accueil ». Dans le premier sens, appel est demeuré usuel en droit pour « recours à une juridiction supérieure » (1382), d'où cour d'appel, en appel, etc., et dans l'expression usuelle sans appel, qui se dit d'une décision irrémédiable. ◆  Au sens usuel, appel s'emploie dans faire appel à (qqn, qqch.), d'abord faire un appel (1835) « demander des secours » ; il a de nombreuses spécialisations, comme « vérification de la présence des membres d'une collectivité » (1690), « discours ou écrit s'adressant au peuple » (appel au peuple, au sens propre).
■  L'emploi dans un contexte militaire est très ancien, avec la valeur spéciale « signal de rassemblement » (XIIIe s.), repris au début du XIXe s. avec une acception précise : « réunion des hommes de troupe pour vérifier les effectifs », le mot s'appliquant aussi (1835) au fait de convoquer les jeunes gens appartenant à une classe d'âge pour désigner ceux qui doivent faire le service militaire (appel du contingent) ; de là les appelés (ci-dessous).
■  D'autres emplois concernent un signal émis par un instrument (sonnerie de cor à la chasse, XIIIe s.) ; au XXe s., appel téléphonique, appel de phares ; un signe d'imprimerie (dans appel de note, 1866). ◆  Appel à l'aide et faire appel à qqn « requérir comme une aide » correspondent à un emploi du verbe ; se rattache à ce sémantisme appel au peuple, employé familièrement pour « demande d'aide financière ». ◆  Ce sont les finalités de l'acte d'appel (avertir, prévenir, requérir, demander...) qui modulent les emplois du nom, plus encore que ceux du verbe ; appeau, appel a signifié « provocation en duel » (XVIe s.), appel du pied « battement de pied en escrime » (1690) et figurément (XXe s.) « appel discret », appel de fonds « demande d'argent » (1835). ◆  Enfin, une métaphore concerne un mouvement (de ce qui est attiré, comme l'appel adressé à qqn le détourne ou l'attire), par exemple dans appel d'air (1857) ou encore en sports « mouvement de départ du saut » (1901). ◆  HYPERAPPEL n. m., composé où appel est dans son emploi en informatique (attesté 1999 en français) désigne le système d'appel d'un logiciel à partir d'un autre, par simple sélection à l'écran et activation d'une touche ou d'un bouton.
Le pluriel ancien (au cas régime) et le cas sujet du singulier du mot appel, en ancien français, était apeaus ; tandis que, normalement, il évoluait en appel, appels, avec la disparition des cas, la forme ancienne, harmonisée en APPEAU n. m. (pl. : des appeaux), se spécialisait (1380) pour désigner le sifflet (d'appel) utilisé pour faire venir les oiseaux à la chasse, sens déjà réalisé par appel (1270) [l'influence du paronyme appât a dû jouer] ; d'où le sens figuré de « leurre » (XVe s.) et la valeur technique « oiseau dressé pour appeler et attirer d'autres oiseaux » (1671).
■  Dans ce dernier sens, un synonyme est le participe présent APPELANT, substantivé (qui a d'autres emplois, depuis 1390, comme adjectif dérivé de appeler).
APPELÉ, ÉE p. p. a été substantivé (XIVe s.) en droit pour « personne citée en justice » et dans l'allusion évangélique il y a beaucoup d'appelés et peu d'élus (1672).
■  Le mot a été repris dans le contexte de la conscription militaire (Cf. ci-dessus appel et appeler) pour « jeune homme mobilisé dans l'armée » (1832), opposé à militaire de carrière : on parle des appelés du contingent ; au XXe s. le mot remplace conscrit devenu archaïque.
■  Le dérivé APPELABLE adj. (1170), spécialisé en droit (XVIe s.), a vieilli.
■  APPELLEMENT n. m., en ancien français « expression de la volonté divine » (XIIe s.), puis « convocation » (XIIIe s.) et « fait de nommer qqn » (1549), a disparu.
■  APPELEUR n. m. (1611), réfection de l'ancien français apeleor « demandeur en justice » (XIe-XIIIe s.), s'est dit (1863) de l'oiseau nommé aussi appelant.
APPELLATION n. f., emprunt (1172) au dérivé latin appellatio, a signifié en ancien français « appel d'un jugement ». Repris ou dérivé de appeler, il signifie « action de nommer » (v. 1550), surtout « nom donné (à une chose) » (XIIIe s.) et « façon de dénommer » (XIVe s., Oresme). Pour « action de nommer les lettres de l'alphabet » (1762), il a été remplacé par épellation. ◆  Il s'est spécialisé en droit commercial, notamment dans appellation d'origine (1922), appellation contrôlée, sens courant en parlant des vins.
■  APPELLATIF, IVE adj. est emprunté (v. 1350) au dérivé appellativus, mot du latin des grammairiens, qui calque le grec prosêgorikos « qui sert à nommer ». Nom appellatif a été remplacé par nom commun ; le substantif un appellatif (v. 1550) est lui aussi archaïque.
■  APPELLATOIRE adj., emprunté (1466) au dérivé latin appellatorius, est un terme de droit ancien, concernant la procédure d'appel.
Le préfixé verbal RAPPELER est très ancien (rapeler, 1080), d'abord au sens de « faire revenir (qqn) par un appel », puis (v. 1175) « appeler pour faire revenir » ; le deuxième sens, chronologiquement (par le hasard des attestations), étant logiquement le premier, exprime la cause, l'appel et non l'effet cherché. Des valeurs spéciales sont attestées, « faire revenir (des bannis, des proscrits) » (v. 1240), « battre le rappel des troupes » (déb. XVIIIe s.).
■  Une valeur abstraite importante, plus que dans appeler, apparaît très tôt (fin XIIe s.) : « faire revenir (un contenu psychique) à la conscience, à la mémoire » ; il a donné le verbe pronominal SE RAPPELER (av. 1673) qui fonctionne en concurrence avec se souvenir de... et avec rappeler qqch. à sa mémoire (1694) ; la construction analogique se rappeler de (XVIIIe s. : 1787, Féraud), sans cesse combattue par les pédagogues, est très vivante dans l'usage spontané.
■  Avec un sujet exprimant une chose, rappeler correspond aussi à « évoquer » (fin XVIe s.). Un autre figuré du verbe transitif (XVIIe s.) signifie « faire revenir (qqn) à (un état) ». Rappeler un sentiment correspond à « raviver » (déb. XVIIe s.). Rappeler qqn à la vie (1670) « faire revivre », rappeler à l'ordre (1789) « réprimander » figurent parmi d'autres constructions analogues.
■  Enfin, le sens logiquement le plus évident, « appeler de nouveau » (appeler et rappeler qqn au téléphone), semble paradoxalement récent.
Le dérivé (déverbal) RAPPEL n. m. (1260) utilise les principales valeurs du verbe avec des spécialisations : « action de faire revenir », spécialement des bannis (1311), aussi rappel de ban (1549) ; « batterie de tambour ou sonnerie de clairon » (1762) dans battre, sonner le rappel, battre le rappel s'employant au figuré pour « réunir toutes les ressources, demander des aides partout » (1869) ; « applaudissements pour rappeler un comédien » (1875). Au sens abstrait de se rappeler, rappel signifie « évocation » (1875). ◆  Des sens originaux par rapport au verbe se développent : « répétition, retour » par renvoi à une même chose (1803), « fait de payer une somme due (appointements...) en retard » (1825) et, concrètement, « fait de ramener une chose à soi », notamment en alpinisme (1904), avec une valeur technique précise (faire du rappel), impliquant une corde pouvant être « rappelée » (descente en rappel), et en technique dans ressort de rappel (1904).
Des formes dialectales anciennes, rapeau et avec nasalisation RAMPEAU n. m. (XVIe s., Brantôme), désignent le second coup d'une partie de quilles jouée en deux manches et, dans les dialectes, de nombreux jeux de quilles.
❏ voir SEXE (SEX-APPEAL).
APPENDICE n. m. est un emprunt ancien (1281) au latin appendix, -icis, « supplément », formé sur pendix et de appendere « suspendre », tous deux dérivés de pendere (→ appendre, pendre). Le mot latin a perdu son sens virtuel « ce qui est suspendu » ; il est surtout abstrait et didactique.
❏  Cependant le français apparaît (1233, apendiches) au sens concret de « dépendances ». Le sens latin de « supplément, addition (à un texte) » est resté didactique en français (1611).
■  C'est Réaumur qui donne au mot (1757), d'après des emplois plus généraux au sens de « prolongement » (comme appendice caudal, nasal...), sa valeur aujourd'hui dominante de « prolongement secondaire d'un organe », valeur qui a produit le sens spécial « appendice du cæcum », aujourd'hui le plus courant, renforcé par plusieurs dérivés.
❏  Le principal est APPENDICITE n. f. (1898), du latin moderne appendicitis, créé par le chirurgien américain R. H. Fitz en 1886 et qui désigne l'inflammation de l'appendice du cæcum.
■  On peut citer aussi APPENDICULAIRE adj. (1866) dans point, douleur appendiculaire, « au niveau de l'appendice », qui dérive du diminutif archaïque APPENDICULE (XVIe s.), d'où APPENDICULÉ, ÉE adj. (1803).
■  Par ailleurs, appendicite a pour dérivé APPENDICITEUX, EUSE adj. et n. (1907) et pour composé APPENDICECTOMIE n. f. (1872) « ablation de l'appendice », cette opération bénigne et courante étant désignée fautivement mais fréquemment par appendicite.
❏ voir APPENDRE, APPENTIS.
L APPENDRE v. tr. est issu, d'après pendre, du latin appendere « suspendre », composé de pendere (→ pendre), aussi représenté en italien, portugais.
❏  Le verbe a plusieurs valeurs en ancien français, surtout abstraites, pour « dépendre, convenir à » (1080), « s'appliquer à » (apendre a, 1271), aussi concrètes, pour « toucher à, être contre » (v. 1200, en wallon) [Cf. ci-dessous appentis]. Repris au XVIe s. dans un emploi abstrait, le verbe signifie « appartenir à, relever de », toujours par l'idée de « dépendre ». Disparu, il a été repris comme archaïsme, au sens de « suspendre » (s'appendre, chez Chateaubriand ; dans appendre des drapeaux, 1863).
❏  Les dérivés sont tous archaïques, sauf appentis (ci-dessous) et peut-être APPENDU, UE adj. « suspendu » (1636). ◆  L'ancien français apendance n. f. (1233, jusqu'au XVIe s.) a été remplacé par dépendance, comme apendant (XIIe-XVe s.) par dépendant, soumis.
APPENTIS n. m. désigne (XIIe s.) un petit toit à une seule pente, appuyé contre un mur, et par extension (1694) un bâtiment accolé à un autre. Divers sens techniques d'architecture ont eu cours à partir du début du XVIIIe siècle.
❏ voir APPENDICE.
APPÉTIT n. m. est emprunté (v. 1180, apetit) au latin appetitus « désir », nom d'action correspondant au verbe appetere « chercher à atteindre ; approcher », de ad- et de petere « se diriger vers » qui survit en français par plusieurs verbes préfixés (compétition, impétueux, répéter...) et par les dérivés petitio, petulans (→ pétition, pétulant). La valeur psychologique de appetitus s'est fixée par l'emploi du mot (Cicéron) pour traduire le grec hormê « pulsion, désir ».
❏  Cette valeur générale existe toujours en français dans un, des appétits « passion, désir » (v. 1180), spécialement en un sens érotique (1636), ou dans l'appétit de... « désir de... » et à l'appétit de... « selon le désir », et au figuré « à cause de » (XVe s.) ainsi qu'en philosophie (1671, appétit concupiscible).
■  Mais l'emploi le plus courant du singulier (l'appétit), souvent non qualifié, est, depuis le milieu du XIIIe s., le désir de nourriture, l'envie et le plaisir de manger. C'est dans ce sens que se sont imposés expressions sociales (bon appétit ! XVIIe s.), locutions (ouvrir l'appétit ; appétit ouvert, 1690) et proverbes (l'appétit vient en mangeant, 1534).
■  En cuisine, les appétits désigne les herbes aromatiques ; dans plusieurs régions de France (Nord et Ouest : de la Vendée au Poitou) c'est le nom de la ciboulette, parfois de l'ail nouveau (aillet).
❏  Les dérivés français au sens général du verbe sont APPÉTITIF, IVE adj., formation savante (v. 1260) demeurée très didactique, et le participe présent APPÉTISSANT, ANTE adj. (v. 1393), usuel au sens de « qui stimule l'appétit » et par extension « qui semble bon à manger, donne envie de manger ». Il s'emploie aussi d'après le sens général de appétit, pour « alléchant, engageant ».
Plusieurs mots sont empruntés aux dérivés latins de appetere.
■  APPÉTITION n. f., emprunt (1537) à appetitio, est didactique comme appétitif, qui lui correspond.
■  APPÉTENCE n. f. est emprunté (1555) au dérivé latin appetencia pour servir de substantif au verbe appéter (ci-dessous). ◆  Ce mot littéraire a servi à former INAPPÉTENCE n. f. (1752), terme de médecine, et APPÉTENT, ENTE adj. (1857).
APPÉTER v. tr. est emprunté (XIIIe s., en picard apetter ; puis v. 1370) au verbe latin appetere, avec le sens large de « désirer, rechercher ». Il a vieilli au XVIe s. et ne s'employait plus au XVIIe s. que dans un contexte didactique et scientifique, en parlant de choses.
APPLAUDIR v. tr. est un emprunt du moyen français (1375) au latin applaudere, de plaudere « battre » et spécialement « battre des mains », mot expressif d'origine incertaine (Ernout et Meillet). Le geste culturel d'approuver, de célébrer en claquant dans ses mains existait à Rome, en même temps que celui de « chasser » par le même geste (explodere « huer », de même origine, avec ex-), là où on a plus tard sifflé.
❏  En français, le sens figuré, « confirmer » (1394), semble précéder la valeur concrète « battre des mains pour approuver » (1531). Applaudir à tout rompre est attesté en 1746 (D. D. L.). ◆  De là de nouveaux figurés (XVIe s., Montaigne), « approuver avec éclat », notamment dans le pronominal s'applaudir de « se féliciter », courant depuis le XVIIe s. (1680).
❏  Le dérivé APPLAUDISSEMENT n. m. (1532, Rabelais) signifie au figuré « vive approbation » (1671).
■  APPLAUDISSEUR n. m. (1538) est plus rare, malgré applaudisseur à gages (1787), membre d'une claque*.
■  Le composé plaisant APPLAUDIMÈTRE n. m. (v. 1950), « système d'appréciation d'un succès », tend à vieillir, remplacé par le sondage d'opinion et la mesure effective d'audience, dans les médias.
❏ voir EXPLOSION, PLAUSIBLE.
APPLIQUER v. tr. est emprunté (1280, apliquier) au latin applicare « aborder, aller vers », « appuyer » et « employer son esprit à », de ad- (→ à) et d'un verbe intensif plicare, variante de plectere sans le t- suffixal (comme complicare et explicare), et qui signifie « plier » (→ plier). Plectere (d'où plexus) signifie d'abord « tresser, entrelacer », une idée de complexité restant présente dans de nombreux composés (complexe, perplexe). Cette connotation, lorsqu'il s'agit de la vie intellectuelle, se mêle au sens de « mouvement vers », propre à applicare. Applicare a produit en ancien français, par voie orale, aploier (XIIe s.), et en moyen français applier (1357), tous deux disparus.
❏  Le verbe, construit avec à, signifie d'abord « employer, utiliser », et le pronominal s'appliquer, en emploi réfléchi (1403), « apporter une attention soutenue et intense ». Appliquer (un nom, une phrase) à qqn « lui attribuer » (1303, apliquier), appliquer (une comparaison) à qqch. (1664) sont restés usuels, de même que appliquer sa volonté (1350), son esprit à qqch. (1375). ◆  Cependant, la valeur concrète de appliquer, « placer contre », qui apparaît tôt en médecine (1314), reste très vivante. ◆  Un autre figuré, « mettre à exécution » (1280), passe de la première valeur, l'utilisation, à celle de mise en œuvre, de mise en pratique, réalisées aussi par application, notamment dans appliquer une peine (attesté 1791).
Entraîné par l'usage du nom (voir ci-dessous), le verbe a pris la valeur de l'anglais to apply, au Canada (appliquer pour un poste), à Maurice, et signifie « poser sa candidature ».
❏  Le participe passé APPLIQUÉ, ÉE est adjectivé aux sens d'« attentif », « occupé » (XVIIe s.). Sciences appliquées (1863), arts appliqués (1928) correspondent plutôt à application qu'au verbe appliquer.
Les diverses notions réalisées par le verbe se retrouvent pour APPLICATION n. f. (1314, applicacion), emprunt au dérivé latin applicatio et (plus souvent) dérivé du verbe.
■  Il signifie concrètement (1380) « action de placer, d'appuyer contre », une métonymie correspondant à « gifle, soufflet » (faire une application, 1656), est sortie d'usage. On parle de dentelle (1866), broderie d'application (1677). ◆  Au sens abstrait de appliquer, application s'emploie en droit (application de la loi, 1666), puis en sciences pour « mise en pratique » (1751), emplois aujourd'hui très vivants, soutenus par le verbe et par des expressions comme mettre, mise en application.
■  La valeur psychologique du substantif, pour « fait d'appliquer son esprit, de s'appliquer », est attestée depuis Montaigne (1580) et a donné naissance à inapplication (ci-dessous).
■  Par calque de l'anglais application, le mot s'emploie en français dans les régions francophones en contact avec l'anglais, pour « candidature » (au Canada francophone, à Maurice, notamment), par exemple dans formulaire d'application.
■  Dans le domaine informatique, le mot s'emploie (années 2000) pour un programme spécifique répondant à des besoins précis, d'abord en matière de traitement de texte, de graphisme, ensuite (2009) à propos de programmes additionnels sur un système informatique portatif (téléphone portable, lecteur, tablette, en anglais iPhone, iPod, iPad). Dans ce sens, l'abréviation APPLI n. f. est courante.
Enfin, APPLIQUE n. f., qui a d'abord la valeur d'« action d'appliquer » concrètement, dans l'expression d'applique (1363), a reçu par métonymie le sens d'« élément appliqué » et spécialement (1831) « appareil d'éclairage fixé au mur, à la paroi ».
■  D'autres dérivés sont APPLICABLE adj. (appliquable, 1282), abstrait et aussi concret (1690), d'où APPLICABILITÉ n. f. (1819).
■  APPLICAGE n. m. (1823) concerne l'action d'appliquer un ornement sur un objet.
■  APPLICATEUR n. m. (1834) s'est dit d'un ouvrier qui applique des substances et aussi (XXe s.) d'un dispositif.
INAPPLICABLE adj. (1762) concerne les réalités intellectuelles et les procédés techniques ou pratiques qui ne peuvent pas être concrètement appliqués.
■  INAPPLICATION n. f. (1671) désigne le manque d'application intellectuelle et, plus rarement (1873), l'impossibilité d'appliquer, de mettre en œuvre. Ces préfixés en in- sont donc absolument hétérogènes.
■  Le verbe RAPPLIQUER signifie d'abord « rattacher » (mil. XVIe s.), puis (1675) « appliquer, placer contre, une nouvelle fois ». ◆  C'est l'argot (1837, Vidocq) qui lui a donné sa vitalité, en le détachant de son origine immédiate, mais en retrouvant curieusement une valeur du latin applicare « aller vers ». Rappliquer, c'est en effet familièrement « revenir, arriver ».
APPOGIATURE n. f. est emprunté (1821) à l'italien appogiatura, dérivé du verbe appogiare, lui-même issu, comme le français apoyer, appuyer* et l'espagnol apoyar, du latin populaire °appodiare.
❏  Cet emprunt de la langue musicale désigne une note (dite d'agrément) placée avant une note principale, « s'appuyant sur elle », à un degré au-dessus ou au-dessous.
APPOINT, APPOINTER → POINT
APPONDRE v. tr. est issu du latin apponere, de ad- et ponere « poser » ; ce verbe est attesté en Bourgogne au XIVe s. (1334) et en Suisse au XVe s. Dans le français du Jura et jusqu'aux Hautes-Alpes, appondre s'emploie encore pour « réunir, mettre bout à bout », et pour « atteindre le niveau de (qqch.) », au figuré « arriver à, parvenir ».
APPONSE n. f., son dérivé, peut désigner dans les mêmes régions une pièce ajoutée, une rallonge, ou bien la couture assemblant deux éléments. ◆  Le dérivé APPONSER v. tr., « ajouter », peut se substituer à la forme ancienne appondre.
+ APPORTER v. tr. est un emprunt ancien (aporter, 2e moitié Xe s.) au latin apportare (à partir de Plaute, Térence), formé de ad- (→ à) et de portare (→ porter), qui signifie « porter à qqn (un objet, des nouvelles) ». Les principales langues romanes ont un équivalent : apportare (italien), aportar (catalan, espagnol, portugais).
❏  Le verbe a pris au latin sa valeur concrète et abstraite (« transmettre, communiquer », 1080), prenant aussi le sens de « causer, faire exister ou mettre à disposition (un sentiment, un bien) » (v. 1230) et même de « produire », plus tard remplacé par rapporter. Au sens concret, apporte ! se dit à un chien qu'on incite à rapporter un objet (1675). ◆  Apporter du soin, etc. à qqch. (1595) correspond à « mettre du soin ». En parlant des circonstances, apporter des facilités, des obstacles (XVIIe s., La Rochefoucauld) se dit pour « amener ». ◆  Le verbe s'emploie aussi pour « fournir (des capitaux, des biens) », d'abord dans apporter une dot (1668).
❏  Le déverbal APPORT n. m. a signifié depuis l'ancien français (XIIe s.) jusqu'au XVIIIe s. « action d'apporter », emploi général qui s'est effacé devant la métonymie, pour « chose qui est apportée », sauf en droit dans apport de pièces (1751). ◆  Le mot a eu des valeurs spéciales, « offrande religieuse, impôt, etc. » aux XIVe et XVe siècles ; d'autres sens apparaissent plus tard : « bien apporté par un époux à la communauté » (1583), « profit d'un capital » (1538), concurrencé ultérieurement par revenu et rapport, « contribution en capital à une société » (1835). ◆  Concrètement, apport se dit d'une alluvion (1898) ; abstraitement et généralement (XXe s.) d'une contribution au savoir, à une entreprise, à un contenu de pensée (concept). ◆  Les autres dérivés sont archaïques : apportage n. m. (1379, jusqu'au XVIIIe s.), apportement n. m. (1380, jusqu'au XVIIe s.), ou assez rares.
■  APPORTEUR, EUSE n., « celui qui apporte » (XIIIe s., inusité après le XVIe s.), a été repris en droit commercial (1865).
Le verbe préfixé RAPPORTER v. tr. (XIIe s.) a pris une importance très grande, jusqu'à se substituer au verbe simple dans plusieurs emplois. Rapporter réalise les différentes valeurs du préfixe re- : « apporter (qqch.) au lieu d'origine », spécialement d'un chien (attesté 1690), puis « apporter à son retour (une chose qui ne vient pas du lieu où l'on revient) » (fin XIVe s., Froissart), le sens d'« apporter une deuxième fois » étant rare. Rapporter des impressions, des souvenirs (XVIe s.) signifie « revenir avec et conserver... ». L'idée de profit s'exprime au figuré dans rapporter de la gloire (1636), de la honte (1694), des coups (1718), etc. à qqn, le sujet désignant une action.
■  Au sens financier, le verbe s'emploie d'abord à propos du retour d'une avance à la masse d'une succession (2e moitié XIIIe s.), puis sans l'idée de retour, pour « produire » (1531) et « procurer un avantage » (1587). Ces valeurs, soutenues par une acception courante de rapport (ci-dessous), sont aussi en relation avec produit, profit, revenu.
■  Sur le plan du langage, rapporter correspond à « raconter (ce qu'on a vu, entendu, appris) » (XIIIe s.), c'est-à-dire « ramener de l'information », spécialement « redire des choses négatives, des critiques, des calomnies » (XIVe s.) et, sans valeur péjorative, « citer, alléguer (un exemple) » (XVIIe s., Pascal). De nos jours, la valeur péjorative s'est spécialisée pour « dénoncer » (surtout dans le langage enfantin). ◆  Du sens concret de « prendre (qqch.) pour porter ailleurs » (1535), spécialement dans rapporter des terres (1718), on peut rapprocher celui de « tracer et noter (des mesures, des formes observées) » (1765). Cette idée de transfert, appliqué à une information, à un contenu sémantique, rend compte de valeurs figurées pour rapporter qqch. à... : « comparer » (1538), aussi au pronominal se rapporter à « ressembler à », « attribuer (qqch.) à une cause » (XVIIe s., 1668, La Fontaine). Le pronominal se rapporter à qqn signifiait « s'en remettre à la décision » (1530) et « avoir confiance en lui » (1538) ; ces emplois ont vieilli au profit de s'en rapporter. S'en rapporter à qqn, à qqch. (XVIe s.) « s'y référer » est toujours en usage. ◆  L'idée de relation se spécialise en grammaire dans se rapporter à « avoir un rapport grammatical avec » (1701).
■  Une autre idée, celle de « retour en arrière », correspond à l'emploi juridique pour « abroger, révoquer (un arrêté, etc.) » (1258), d'où l'ancien emploi de se rapporter pour un procès jugé, terminé. Dans cet emploi, le paronyme reporter a pu jouer un rôle.
Le déverbal RAPPORT n. m. (1214, raiport) reprend et renforce plusieurs valeurs du verbe. Le sens le plus ancien, « récit, témoignage », est devenu rare, et le figuré pour « témoignage des sens » (1678) a disparu. L'acception juridique d'« exposé d'un procès (fait par un juge devant les autres membres du tribunal) » (1283) précède une série d'emplois où rapport équivaut à compte rendu, spécialisés en vénerie (1573), en médecine, pour les experts (XVIe s., Paré), en droit maritime (rapport de mer, 1581), dans l'armée (1793), dans l'administration, la politique, la police (rapport de police), les affaires, la science, etc. Par extension du sens militaire de « compte rendu quotidien », le mot désigne (1888) la réunion des hommes de troupe et des sous-officiers et officiers pour la communication d'informations et d'instructions (d'où la formule : au rapport).
■  Un second sens courant est « action de produire (notamment un profit) ». Comme pour le verbe, il s'agit d'abord (1283) de l'acte par lequel des biens sont apportés à la masse des héritiers par l'un d'entre eux, puis, par métonymie, de ces biens, ensuite d'un revenu, d'un produit (fin XIVe s.), d'où être en rapport « produire, rapporter » (1690), archaïque, peu de rapport (id.), maison de rapport (fin XIXe s.), en usage. ◆  Le sens concret de rapporter fournit pour rapport l'idée d'adjonction matérielle (1690) notamment dans le sens d'« eau apportée par la marée » (1660), d'où terres, etc. de rapport « rapportées » (1718). Comme l'acception de « restitution, action de rapporter » (1835, en comptabilité), ces emplois sont relativement rares.
En revanche, l'idée de « relation constatée par l'esprit », d'abord « conformité » (1538), fournit des emplois du mot parmi les plus fréquents, tant abstraits que concrets. Rapport est alors en concurrence avec relation, raison (ratio) et s'emploie dans l'usage général (rapports de parenté, etc.) comme en sciences (av. 1690, « relation entre deux grandeurs de même espèce »). De nombreuses expressions ont cours : avoir rapport à (1690) « concerner », avoir rapport avec, (être) en rapport « convenir », par rapport à (1677) « en ce qui concerne » et, dans l'usage parlé (1835), rapport à... ; on trouve aussi sous le rapport que... (XVIIIe s., Beaumarchais), de... (1833) et sous tous (les) rapports (1829), n'avoir pas de rapport, (être) sans rapport, etc.
■  Sur le plan concret, et le plus souvent au pluriel, le mot s'applique aussi, depuis le XVIIIe s. (1762), aux relations entre des personnes, en concurrence avec relations, commerce et des mots plus spécialisés. Il s'applique spécialement aux relations sexuelles (1re moitié XIXe s., Chateaubriand), en emploi absolu (avoir des rapports) et aussi dans rapports intimes. ◆  Dans cette acception générale, le mot s'applique aussi aux relations et échanges entre groupes, États, par exemple dans rapports de force, et (XXe s.) à la façon d'appréhender un objet, pour un sujet (notre rapport au monde).
D'autres dérivés du verbe sont sortis d'usage, tel rapportement n. m. (v. 1250) ou rapportage n. m. (1328).
■  RAPPORTEUR, EUSE n. a pour premier sens (v. 1300) celui de « dénonciateur, accusateur » (qui rapporte contre qqn), repris de manière péjorative en français moderne, souvent en contexte enfantin, scolaire. Le mot s'applique ensuite à la personne qui fait un rapport (fin XIVe s.), avec des spécialisations en droit public (grand rapporteur, 1690), en droit pénal, pour « juge d'instruction » (1825), sens disparu, le mot s'appliquant depuis le XIXe s. (1825) dans de nombreux contextes, correspondant alors aux emplois modernes de rapport et non plus de rapporter. ◆  Du sens du verbe, « établir une relation par report », vient rapporteur « demi-cercle gradué pour rapporter les angles » (1680).
■  RAPPORTABLE adj. a plusieurs valeurs : « qui est comparable ou analogue (à) » (1558), « qui doit être rapporté à une succession » (1752), « qui peut être prélevé et apporté ailleurs » (1845).
APPOSITION, APPOSER → POSER
APPRÉCIER v. tr. est emprunté (1391) au latin ecclésiastique appretiare, de ad- (→ à) et de pretiare (→ priser), lui-même de pretium (→ prix). L'ancien français avait aprisier (v. 1270).
❏  Le verbe a pour sens premier « fixer le prix de ; évaluer le prix ». ◆  Son emploi s'est étendu à « déterminer approximativement (une quantité) » (1712), puis « porter un jugement critique (sur qqch. ou qqn) » (1740) et enfin « un jugement favorable » (1793) ; apprécier est comparable, pour le sens et son évolution, à estimer.
❏  Malgré l'existence du bas latin appretiatio, APPRÉCIATION n. f. est probablement dérivé du verbe (1389) ; il ajoute à « action de fixer le prix » le sens d'« action de juger, d'évaluer » (déb. XIXe s.), pas forcément de manière positive, à la différence du verbe.
■  APPRÉCIATEUR, TRICE est d'abord un nom (1509), puis un adjectif (1801 dans le dictionnaire néologique de Mercier), avec la valeur positive de apprécier.
■  APPRÉCIATIF, IVE adj. (1798 ; 1615, en théologie) se dit en revanche de manière neutre pour « relatif au fait de juger, d'évaluer » (1821, Stendhal).
■  APPRÉCIABLE adj. (1486) est devenu courant aux sens de « perceptible » (1765), d'où « assez considérable » (XXe s., in Larousse 1928), et « digne d'estime » (chez Gide, 1918). ◆  Le dérivé APPRÉCIABILITÉ n. f. (1846) est didactique. ◆  L'antonyme préfixé INAPPRÉCIABLE adj. (mil. XVe s.) a perdu sa valeur initiale, « qu'on ne peut apprécier », sauf en parlant d'une évaluation quantitative (1835) ; il a surtout pris le sens positif de « qu'on ne peut apprécier à sa juste valeur », donc « de grande valeur », renforçant ainsi appréciable (même évolution pour inestimable). ◆  Il a pour dérivé INAPPRÉCIABLEMENT adv. (1840).