ARCHIVES n. f. pl. est un emprunt médiéval (1282) au bas latin archivum, emprunt au grec tardif arkheia, pluriel neutre qui avait pris le sens de « lieu où l'on conserve des documents officiels », la valeur initiale du singulier arkheion étant « résidence des hauts magistrats de la cité », de arkhê « autorité ». Il s'agit donc d'un dérivé indirect du verbe arkhein « commander » et « commencer » (→ archi-), et non d'un mot directement apparenté à archéo- « ancien, antique » (qui correspond cependant au même thème).
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Surtout employé pour « documents d'usage historique », archives a aussi repris (1416) le sens de « lieu où on les conserve », plus ou moins confondu pour le sens avec bibliothèque (XVe s.).
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Une acception figurée correspond à « souvenirs du passé ». Une archive, « document d'archives », est d'usage récent (1913, in T. L. F.).
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L'importance accrue des archives dans la constitution et la gestion d'une mémoire historique apparaît dans la création de dérivés.
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ARCHIVER v. tr. (1556) semble rare en français classique et repris à la fin du XIXe s. (1898) ; on parle aussi de archiver, non un document, mais une information.
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De là ARCHIVAGE n. m. (1951), d'où PRÉARCHIVAGE n. m. (1963) et ARCHIVABLE adj. (1958).
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ARCHIVISTE n. (1701) remplace archivaire (1486) à l'aide d'un suffixe (-iste) de nature plus scientifique ou didactique, d'où l'expression archiviste paléographe (1829).
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ARCHIVISTIQUE adj. (1932), substantivé peu après (1934-1935), désigne une science liée à la paléographie et aux études médiévales, parfois associée à l'archéologie et entrant dans les disciplines annexes de l'histoire et de la philologie, comme au développement des sciences documentaires et bibliothécaires.
ARCHIVOLTE n. f. est, comme architrave, un italianisme, mais sans rapport étymologique puisque archi- y représente le latin arcus (→ arc). Il est emprunté (1694) à l'italien archivolto, d'un latin médiéval supposé °archivoltum, qui représenterait l'ancien français arvol (arc volt), ou le latin classique arcus volutus « arc courbé », de volvere « courbé » (→ volute, voûte).
❏
Le mot désigne une bande moulurée sur la face interne d'un arc.
ARCHONTE n. m. est emprunté, d'abord sous la forme alconte (v. 1220) puis arconde (XIIIe s.), prise au grec médiéval, et par réfection archonte (1681, Bossuet), au grec arkhôn, arkhontos « chef » et « archonte », important magistrat à Athènes. Arkhôn est le participe présent de arkhein « commander » (→ archi-).
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Le mot désigne en ancien français un grand dignitaire de l'Empire byzantin ; repris au XVIe s. (archon), il s'applique alors aux principaux magistrats, dans les villes de Grèce antique, seule acception vivante en histoire.
❏
Le dérivé ARCHONTAT n. m. (1693) désigne la dignité d'archonte.
ARÇON n. m. fait partie de la famille de arcus « arc », mais n'est plus senti comme tel ; archet est dans une situation analogue, malgré l'existence de arche (d'un pont) [→ arc]. Le mot est un emprunt ancien (1080), sous des formes diverses (arson, archon...), au latin populaire °arcio, -onis, dérivé de arcus « arc » ; il correspond à l'italien arcione, à l'espagnol arzón.
❏
Le mot a eu de nombreuses valeurs en ancien français, « petit arc » (XIe s.) [d'où arçonner v. tr. « courber en arc »], « archet d'instrument à cordes » (fin XIIe s.), « petit arc utilisé en technique » (XIVe-XVIIIe s.), certaines conservées dans des dialectes.
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Cependant, son acception actuelle est aussi la plus ancienne (1080, arçun). Le mot désigne alors, au pluriel, les deux pièces courbes qui forment le corps de la selle, et diverses expressions donnent à arçons la valeur de « selle » : sur ses arçons (v. 1270) correspondant à « à cheval », perdre (XIIe s.), vider (voidier, XIIe s.) les, ses arçons « tomber de cheval ». Puis sont attestées tenir, être ferme sur ses arçons (1671), se remettre sur ses arçons (1699, au figuré), avec des valeurs métaphoriques.
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Arçon au singulier a désigné aussi la selle (XIIIe s.) et par extension (XVIIe s.) son pommeau. Enfin, dans pistolet d'arçon (« de selle »), attesté au XVIIe s., arçon prend le sens de « fente, poche de chaque côté de la selle ».
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Par analogie, le mot désigne (1873) les poignées métalliques de chaque côté de l'instrument de gymnastique appelé pour cela cheval-arçons n. m. inv. (1911), puis cheval-d'arçons n. m. inv. (1946 in T. L. F.) ; cette dernière forme, plus courante, est critiquée par les puristes. Les arçons se dit aussi (1939) de l'exercice de gymnastique fait au cheval-d'arçons.
❏
Le composé
DÉSARÇONNER v. tr., « faire tomber de la selle » (fin
XIIe s.), a pris au figuré la valeur de « troubler, déconcerter » (1581). Le pronominal (
XIIIe s.) a vieilli, mais le verbe actif et le participe passé sont restés dans l'usage courant, beaucoup plus que
arçons lui-même. Les images évoquées par le verbe ont entraîné une certaine confusion entre
arçons, mal connu, et
étriers.
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De là DÉSARÇONNANT, ANTE adj. « déconcertant » (1870), DÉSARÇONNEMENT n. m., employé au propre (1625) et au figuré pour « faillite » (mil. XIXe s.).
ARCTIQUE adj. semble avoir existé en ancien provençal (artic) avant que n'apparaisse en français la forme artique (1338) ; le c étant une réfection savante (1522) prise au latin arcticus, emprunt au grec arktikos, adjectif tiré de arktos « ours » (mot indoeuropéen de la même famille que le sanskrit ŕ̥kş̄a- et que le latin ursus) et employé pour désigner les constellations encore appelées en français la Grande et la Petite Ourse.
❏
Arctique signifie d'abord « qui concerne l'Ourse », c'est-à-dire la Polaire, le nord ; et par une extension qui conduit l'adjectif du domaine astronomique à la géographie : « qui concerne les régions septentrionales, proches du pôle Nord » (Cf. polaire), avec une substantivation, l'Arctique.
❏
Le mot forme couple depuis le grec avec ANTARCTIQUE adj., qui apparaît en français en même temps (1388) et est emprunté au latin antarcticus, grec antarktikos, formé sur anta « opposé » (→ anti-) et arktikos. Malgré l'importance reconnue au XXe s. du continent antarctique, le mot est moins courant en français moderne que son correspondant, la relation sémantique intuitive entre arctique, pôle, polaire et nord étant très forte, et la concurrence de austral se faisant sentir (boréal, pour sa part, est poétique ou spécialisé).
-ARD, -ARDE, suffixe d'adjectifs et de noms, du latin -ardus, établit un rapport entre un lieu et ses habitants (campagnard) ou s'ajoute à un verbe (vantard), à un nom (chançard) avec une valeur péjorative.
ARDÉLION n. m. est emprunté (1583) au latin ardelio, variante de ardalio « importun qui fait l'empressé », emprunt au grec ardalos « homme sale », dérivé de arda « boue, saleté », rattaché par les Anciens au verbe ardein « abreuver (le bétail), arroser », d'origine inconnue.
❏
Le mot, courant et familier dans la langue classique (XVIIe-déb. XVIIIe s.), désigne une personne qui se mêle des affaires d'autrui d'une manière indiscrète et importune. Il sort d'usage au début du XIXe s., puis est repris (rarement) comme archaïsme littéraire.
ARDILLON n. m. est un dérivé, sous la forme hardillon (1231), du francique hard*, « corde formée de fils entrelacés et tordus », avec le suffixe diminutif -illon.
❏
Le mot a d'abord désigné une petite corde d'attache et, probablement par analogie de fonction, une boucle d'attache (sens non attesté), puis, avec influence possible de dard, la pointe servant à assujettir une boucle en pénétrant dans un trou de la courroie ou ceinture (hardilon, XIIIe s. ; ardillon, 1444).
❏ voir
HAIRE.
L +
ARDOIR, ARDRE v. tr., d'abord sous la forme ardoir, très usuelle jusqu'à la fin du XVe s., est issu (v. 880) du latin ardere « brûler », forme apparentée à ardor (→ ardeur) et dérivée, comme ardor et aridus (→ aride), de arere « être sec ». Ce verbe indoeuropéen a des correspondants en sanskrit (āsaḥ « cendre »), en grec (azein « sécher » ; → azalée), en ancien haut allemand (asca « cendre »), en arménien. Ce verbe ardere est passé dans toutes les langues romanes. D'abord intransitif, pour « se consumer », il est employé transitivement depuis le IVe s. pour « incendier ».
❏
Le verbe est très courant en ancien et moyen français comme intransitif, « se consumer », et transitif (fin Xe s.), « consumer, incendier », avec une abondante phraséologie et des valeurs extensives, se disant de ce qui détruit en rongeant (chancre, etc.), de ce qui donne une sensation de brûlure. Il entre dans des formules de malédiction (mal feu arde... « qu'un mauvais feu le brûle ! »), encore au XVIIe s. (le feu Saint-Antoine l'arde !).
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D'une manière générale et sous toutes ses formes (ardoir, ardre, arder), il entre en concurrence avec brûler* (du latin ustulare), à partir du XVe s., et cède devant lui dans la première moitié du XVIe siècle. Il devient alors archaïque, malgré ardent et ardeur (ci-dessous), aride et ses dérivés n'étant pas spontanément mis en rapport.
❏
Le participe passé
ARS, ARSE adj. (
XIIe s.) a disparu en même temps que le verbe ; il a eu certaines de ses valeurs, concrètes et figurées.
◆
D'autres dérivés du verbe (
ardance, ardeor, puis
ardeur n. m.) ont disparu.
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De ars proviennent ARSIS n. m. « lieu incendié ou surface brûlée » (XIIe s.), « incendie », conservé jusqu'au XIXe s. au figuré et dialectalement (sentir l'arsi, un goût d'arsi « de brûlé ») ; ARSIN n. m. (XIIe s.) « incendie », « action de brûler », conservé en foresterie (bois arsin, 1694 ; d'où arsin, 1784) ; enfin le verbe ARSER v. tr. (1281) « brûler », sorti d'usage au XVIe s. avec ses dérivés, tel arsure n. f. (XIIIe s.).
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Mais le verbe latin survit en français par ses dérivés.
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ARDENT, ENTE adj. est un emprunt ancien (fin
Xe s.) au participe présent latin
ardens, du verbe
ardere. Ardent a absorbé l'ancien participe
ardant de
ardoir, ardre. Ainsi le
mal des ardents (v. 1213,
ardenz), qui désigne une maladie infectieuse très douloureuse, probablement l'érésipèle gangreneux, utilise le participe de
ardre, alors que deux siècles plus tard
Ardent, dans
le bal des Ardents (1392) où des danseurs vêtus de fourrures brûlèrent vifs, est une substantivation de l'adjectif.
◆
Ce dernier signifie donc « qui est en feu » (
le buisson ardent de Moïse,
XIIIe s.) et (v. 1200) « qui chauffe », en parlant du soleil, emplois aujourd'hui littéraires, en général remplacés par
brûlant. L'emploi pour « allumé » (
XIIe s.) est archaïque.
◆
Depuis le
XIIIe s.,
ardent se dit aussi pour « qui met le feu, qui incendie », valeur archaïque aujourd'hui
(Cf. la chambre ardente, qui pouvait condamner au bûcher).
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Une extension encore vivante correspond à « très vif, de couleur de feu » (1307), par exemple dans
un blond ardent.
■
Les sens extensifs de l'ancien français, très nombreux, sont sortis d'usage : « très chaud (en parlant du temps) », « qui donne une sensation de chaleur, de brûlure », fièvre, soif, maladie ; Cf. ci-dessus le mal des ardents.
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Certains emplois abstraits, qualifiant (déb. XIIe s.) un homme avide, un animal ou un homme porté à la sexualité (archaïque ; encore ardent taureau, 1833 ; étalon ardent, 1863), une personne violente, combative (ardent au combat, XIIe s.), sont devenues archaïques.
◆
D'autres, toutefois littéraires, restent vivants en français moderne ; ils correspondent à ardeur et signifient « plein de passion, de force psychique », s'appliquant aux personnes, aux sentiments (XIIIe s.), avec des constructions comme ardent de et infinitif (v. 1300), disparu, ardent à et infinitif (1465), ardent pour qqch. (XVIIIe s.).
■
Au sens concret, en général archaïque, l'adjectif s'est conservé dans des syntagmes figés : buisson ardent (ci-dessus), chapelle ardente (2e moitié XVIe s., du Fail), d'autres ayant disparu comme esprits ardents (1690) « liquides inflammables ».
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Les substantivations, à part celle du mal des ardents (ci-dessus), ont disparu, les ardans (1549) ayant désigné les feux follets, en termes précieux les chandelles (1660). Par métaphore, l'argot ancien disait les ardents (1842) pour « les yeux ».
■
Le dérivé adverbial ARDEMMENT (ardamment, fin XIIe s.) ne s'emploie qu'avec les valeurs figurées de l'adjectif, pour « passionnément ».
◈
Il en va de même pour
ARDEUR n. f., emprunté (
XIIe s.,
ardor) au latin
ardor, -oris « action de brûler, clarté brillante », et d'abord « sécheresse », acception réservée ensuite à un autre dérivé de
arere, ariditas (→ aride). Ce sens concret coexiste en latin avec « désir intense ».
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Le mot, d'abord sous la forme ardor, ardur, refait en ardeur (v. 1225), apparaît au sens de « chaleur vive », désignant par exemple le feu de l'enfer, puis de « brûlure, sensation de brûlure » (de la soif, 1125). Certaines spécialisations ont disparu (ardeur d'estomac, 1783), toutes sont archaïques (ardeur de la fièvre, 1550). Le premier sens disparaîtra progressivement avec le verbe ardre ; d'autres mots, liés à feu, à brûler, le remplaceront ; le recul de ardent, surtout au sens concret, est parallèle.
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Mais ardeur, dans ses emplois psychologiques, a mieux résisté. Ces valeurs, directement issues du latin, sont anciennes (v. 1170), mais leur sémantisme est passé de « désir intense » (qui brûle) à « énergie active », la motivation du feu ayant disparu.
◆
Le sens de « ferveur (religieuse) » (1226) est archaïque et le mot s'emploie surtout en français moderne pour « zèle, énergie » (XVe s.) et « passion amoureuse » (depuis 1190).
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Un autre dérivé bas latin, ardura « brûlure », avait fourni au français ARDURE n. f. (XIIe-XVIe s.), « brûlure », « chaleur » (XIIIe-XVIe s.), « sécheresse », qui a eu au figuré plusieurs sens partagés avec ardeur.
?
ARDOISE n. f. apparaît (2e moitié XIIe s.) pour désigner une pierre, un schiste argileux qui se débite en plaques (une ardoise, fin XIIIe s.) et sert à couvrir les maisons. On a eu recours pour l'expliquer à des formes du bas latin des Gaules, traditionnellement °ardesia (forme reconstituée ad hoc et contestée), qui se serait répandu par la France du Nord. Il faut plutôt remonter au radical gaulois °ard- « haut », que l'on retrouve dans °Arduenna, les Ardennes, nom de montagnes (→ ardu). Il s'agirait alors d'une pierre ardenoise, hypothèse appuyée par la diffusion du mot à partir du nord-est de la France. L'adjectif arduensis « des Ardennes », attesté au IXe s., fournit un étymon très plausible (J.-P. Chambon, in F. e. w.).
❏
Le mot français, d'abord attesté dans la moitié nord de la France (Picardie, Champagne, puis Normandie :
pierre d'ardoise, 1345), désigne la plaque d'ardoise façonnée servant à couvrir les maisons. Le procédé est attesté dans les Ardennes au
XIIe s. (confrérie d'ardoisiers de Fumay), en Anjou peu après, mais les attestations du mot dans la région de la Loire ne datent que du
XVe siècle. Le sud de la France connaît la tuile (latin
tegula), le Centre et diverses régions les pierres de couverture (gaulois
°lausa, latin
lapis) ; le chaume dominait dans le Nord. L'ardoise est un matériau noble, d'abord réservé aux palais, châteaux, églises, et qui ne se diffuse qu'aux
XVIe et
XVIIe siècles (d'après Chambon,
ibid.).
■
Ardoise a pris des valeurs spécifiques, dont (1379) « support, d'abord en ardoise, pour écrire à la craie », instrument typique de l'écolier (XIXe-déb. XXe s.) puis l'ardoise étant aussi employée pour noter les consommations servies à crédit, s'ajoute l'idée de crédit (avoir, laisser une ardoise, depuis 1868) ; au figuré, le mot a pris récemment le sens de « coût » (l'ardoise sociale, 1984).
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À ce sens se rattachent tenir l'ardoise « compter les points » à la belote (1965) et, en argot sportif, l'acception « tableau d'honneur en cyclisme » (1949), d'où faire l'ardoise « noter les écarts des coureurs cyclistes » (le motard qui fait l'ardoise est appelé ardoisier, 1950).
◆
De l'idée de couverture vient le sens argotique de « coiffure » (1878), d'où « tête » dans se fourrer qqch. dans l'ardoise (1878) « s'imaginer », locution disparue.
◆
Les urinoirs publics ayant une plaque d'ardoise, une ardoise (1912) désigne en argot l'urinoir, d'où prendre (1920), se payer, mouiller une ardoise « uriner dans un urinoir public » (argot vieilli).
■
De couleur d'ardoise et de ardoisé (ci-dessous) vient l'adjectif de couleur ardoise (1852), d'où gris, bleu ardoise (1891).
❏
Les dérivés sont assez nombreux.
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ARDOISIER, IÈRE adj. (1580), « de la nature de l'ardoise », « qui contient de l'ardoise », et ARDOISIÈRE n. f. (1564), « carrière d'ardoise », semblent à peu près contemporains.
■
ARDOISIER n. m. doit être plus ancien (1506, ardoissier) pour désigner le couvreur d'ardoises, mais postérieur au sens moderne, « ouvrier ou exploitant d'une ardoisière » (1826).
■
ARDOISÉ, ÉE adj., « couvert d'ardoise » (1580), a disparu, comme le verbe ARDOISER dans ce sens (1845).
◆
L'adjectif a été reformé pour « qui a la couleur gris foncé de l'ardoise » (1693). De là ardoiser (1845) et ardoise (ci-dessus) à propos de la couleur grise de l'ardoise.
■
ARDOISAGE n. m. « couverture en ardoise » (1928) semble plus vivant que ardoiser avec cette valeur.
ARDU, UE adj. est emprunté au latin arduus « élevé » et spécialement « en pente raide, escarpé », d'où au figuré « difficile ». C'est probablement un mot celte, attesté par l'irlandais ard « haut », le toponyme Arduenna, Ardennes, d'un gaulois °ard (→ ardoise), mais qu'on ne peut faire remonter à une racine indoeuropéenne commune (le sanskrit ūrdhráḥ « droit » ne semble pas convenir).
❏
Calque du latin en moyen français (1395), ardu est repris au XVIe s., employé au XVIIe s., mais il vieillit après 1650 (Furetière le considère comme « un terme dogmatique »).
◆
Un autre sens, qui correspond à « élevé, grand » ou à « profond », par métaphore du sens étymologique (XIVe-XVIe s., en parlant d'un amour, du pouvoir, etc.), est repris avec la nuance d'inaccessibilité (1611, « escarpé »), puis sort d'usage.
◆
L'idée de difficulté est réanimée au XIXe s., l'adjectif qualifiant de nouveau toute question difficile à résoudre ou à comprendre.
❏
L'adjectif reste isolé :
ARDÛMENT adv. est quasiment inusité.
■
Quant à ARDUITÉ n. f. (XVIe s.) « difficulté », il n'a pas été repris comme l'a été ardu.
ARE n. m. est un emprunt artificiel, créé par décret de la Convention en 1793, au latin area « surface » (→ aire).
❏
Le mot désigne administrativement une mesure de surface agraire de 100 mètres carrés.
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Parmi ses composés, les principaux sont CENTIARE n. m. (1793), DÉCIARE n. m. (1793), inusité, et HECTARE* n. m. (1794). Seul le dernier est passé dans l'usage courant, du fait de son utilisation dans les transactions foncières et comme unité géographique.
❏
Le dérivé ARÉAGE n. m. (1803) désigne la détermination de la surface des terres en ares.
AREC n. m. est un emprunt au portugais hareca, par l'italien areca (Pigafetta), avec des hésitations quant à la forme : areca (1525), arecque (1610). Le portugais l'avait pris lui-même à un mot dravidien du sud de l'Inde (côte des Malabars, où l'on trouve aḍakka) pour désigner un palmier.
❏
Le mot désigne le fruit d'un palmier d'Asie et des Antilles (Areca catechu) ainsi que l'arbre lui-même (v. 1540, arecqua) ; il est rare, sauf dans noix d'arec, désignant le fruit contenant divers alcaloïdes.
❏
L'arbre est dénommé en portugais par un dérivé, emprunté au français sous la forme arrecquero (1598), francisé en arequiers (1687), puis ARÉQUIER n. m., qui ne désigne que l'arbre.
ARÈNE n. f., aujourd'hui employé au pluriel pour désigner un amphithéâtre, a longtemps signifié « sable », comme le latin arena dont il est issu (mil. XIIe s.). D'abord écrit harena ou hasena (en sabin fasena), le mot latin a pris la valeur de « place sablée, dans un cirque », harenae, arenae désignant aussi les sables du désert ; il semble (de par sa finale) être d'origine étrusque, en tout cas autochtone de l'Italie.
❏
Araine, areine, courants au sens de « sable » et de « grès » en ancien et moyen français (depuis 1155), viennent par voie populaire du mot latin ;
arène est repris par emprunt au
XVIe s. (1538) et continue à désigner le sable jusqu'au
XVIIe s., encore, par archaïsme littéraire, jusqu'au début du
XIXe s. (par ex., Chateaubriand) ; le mot
sable*, qui existe depuis le
XVe s., s'y est progressivement substitué.
◆
Divers sens techniques, « sable, gravier, argile », ont cours au
XIXe s. et dans les dialectes.
◆
La valeur latine « aire sablée (d'un cirque) », donc « lieu de combats réglés », est passée en français (
arainne, XIIIe s.).
Les arènes, « amphithéâtre romain », est un réemprunt de la Renaissance (1539) dans la série des antiquités.
◆
La valeur moderne, « cirque pour les courses de taureaux », doit être un autre emprunt (1767) à l'espagnol arena, de même origine.
◆
Le mot n'est qu'un terme d'Antiquité (puis de tauromachie) avant la fin du XVIIIe s. où se développent les valeurs métaphoriques et figurées « champ de bataille » et « lieu de débat » (Mme de Staël), après la locution descendre dans l'arène (1787).
❏
Les dérivés français, tel
ARÉNEUX, EUSE adj. (
arenous, XIIIe s.), sont archaïques.
Aréneux a été repris en droit forestier (1810) pour « qui pousse dans le sable ».
◈
Les emprunts aux dérivés latins de
arena sont nombreux.
■
Arenarius a donné ARÉNAIRE adj. (1817), « qui pousse dans le sable » et comme nom masculin (1838) « gladiateur ».
■
Arenatio a fourni en médecine (1793) ARÉNATION n. f.
■
Arenaceus a été emprunté sous la forme ARÉNACÉ, ÉE adj. (1786), substantivé au féminin pluriel pour désigner une famille de roches (1845).
■
Arenula a fourni en médecine ancienne ARÉNULE n. f. (1598), d'où ARÉNULEUX, EUSE adj. (XVIe s., Paré).
■
1 ARÉNA n. f., terme d'alchimie et d'hermétisme, est emprunté (1721) au latin.
◈
Du latin
arena viennent des composés savants.
■
ARÉNICOLE adj. et n. f., « qui vit dans le sable » (1808), sert de nom à divers animaux, tel le lombric marin des sables (1801) ; au pluriel, les scarabées (déb. XIXe s., Cuvier).
■
ARÉNIFORME adj. (1803) est rare.
■
ARÉNISATION n. f., « décomposition d'une roche en sable » (mil. XXe s.), est didactique.
◈
De l'anglais d'Amérique du Nord
arena, emprunt au latin, vient en français du Québec
2 ARÉNA n. f. (av. 1980) « terrain de sport couvert », « patinoire couverte ». Le mot est alors emprunté à l'anglo-canadien et étatsunien
arena (1898), spécialisation sportive du mot anglais attesté en 1600 et emprunté au latin, comme le français
arène. On a aussi employé
arène, dans ce sens, mais ce mot est plutôt réservé à l'estrade de boxe appelée
ring en français de France.
1 ARÉO- est un élément de mots savants, tiré du grec araios « rare », d'abord « mince, sans solidité », d'origine inconnue, et que l'on trouve dans ARÉOMÈTRE n. m. (1675) « appareil mesurant la densité des liquides », ARÉOSTYLE n. m. (1547), emprunt au latin araeostylos, du grec, « édifice à colonnes espacées ».
◆
Forme et sens incitent à la confusion avec aéro-. L'élément n'a rien à voir avec le nom du dieu grec Arès (Mars ; voir ci-dessous).
2 ARÉO- est tiré de Arès, nom du dieu de la guerre en Grèce (Mars dans le panthéon romain), mot rattaché depuis l'Antiquité à arê « malheur ».
❏
Aréo- a servi à former ARÉOTECTONIQUE n. f. « technique de la guerre de siège », sorti d'usage, et en astronomie, d'après géographie, ARÉOGRAPHIE n. f. (1877), étude de la surface de la planète Mars, d'où ARÉOGRAPHIQUE adj. (1877).
❏ voir
ARÉOPAGE.
ARÉOLE n. f. est un emprunt au latin areola « petite cour ; petit espace cultivé, dans un jardin », diminutif de area « surface » (→ aire), qui a donné notamment l'italien airola, le catalan airola, l'espagnol eruela et, en France, diverses formes occitanes, du type airole. Le mot latin, à la Renaissance, a servi à rendre le grec phôs « aréole du sein », et « lumière d'un astre ».
❏
Le sens de « petite surface » n'est représenté que par des spécialisations savantes probablement toutes issues du latin savant des humanistes, comme « paume de la main (en chiromancie) » (1611), avec de nombreuses acceptions anatomiques à partir du début du XIXe siècle.
◆
Le mot a servi en médecine (1698), d'après le latin moderne areola (1593), à désigner le cercle qui entoure le mamelon du sein.
◆
D'autres valeurs moins courantes correspondent à des cercles, en pathologie, botanique (1817), astronomie (1793, « halo de la Lune »).
❏
Le dérivé
ARÉOLAIRE adj. (1805, Cuvier) a des emplois extensifs, sans rapport avec
aréole, comme (1877)
vitesse aréolaire (c'est alors l'adjectif correspondant à
aire, pris au sens géométrique),
méthode aréolaire de sondages, par quadrillage des
aires d'un territoire (mil.
XXe s.).
◆
L'adjectif a été repris (1866) pour « de l'aréole du sein », avec le composé
mamillo-aréolaire.
■
ARÉOLÉ, ÉE adj. s'emploie en botanique (1817) et à propos du halo lunaire (1836).
ARÉOPAGE n. m. est emprunté (1538 ; 1495, ariopage par influence du grec) au latin areopagus, grec Areios pagos « colline (pagos) d'Arès », dieu de la guerre (→ 2 aréo-), c'est-à-dire « la colline du meurtre (à Athènes) », ainsi nommée parce que l'on y avait installé le tribunal qui jugeait les affaires de meurtre. Le mot a ensuite désigné le tribunal qui siégeait sur cette colline. Pagos se rattache à la racine indoeuropéenne du latin pax (→ paix), pagus (→ pays), pala (→ pelle), tous mots ayant en commun l'idée d'« enfoncer, fixer ». Le pagos serait donc soit ce qui fixe, ce qui plante, soit (Chantraine) ce qui est fixé, dur, solide.
❏
En français, le mot désigne à la fois le tribunal d'Athènes et, de manière très littéraire depuis le XVIIIe s. (1719), toute assemblée de hauts personnages chargés de juger, d'apprécier.
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ARÉOPAGITE n. m. est emprunté au grec areopagites par le latin. C'est le nom des membres de l'aréopage (1512 ; ariopagite, 1531).
L
ARÊTE n. f. est issu du latin aresta, latin classique arista « barbe d'un épi » et « épi », qui a pris à basse époque (IVe s.), par analogie de forme, le sens d'« arête de poisson », acception passée dans la plupart des langues romanes, parfois avec la première, « épi », qui existe en ancien français (v. 1180) [et aussi en italien resta].
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Arête a désigné (déb.
XIIe s.) jusqu'au
XVIIe s., et en concurrence avec
barbe, les barbes des graminées, les épis, sens prolongé dans les dialectes. D'autres valeurs aujourd'hui disparues, « tige de lin ou de chanvre » (
XIIe s., Rashi) jusqu'au
XVIe s., « arbustes épineux », au pluriel (1538), procèdent de la même idée latine, « partie fine et longue d'un végétal ».
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Mais c'est l'autre valeur, plus tardive, du mot latin qui l'a emporté, areste (XIIIe s.), écrit arrête au XVIIe s. (1680) puis arête (1701), désignant un élément du squelette des poissons (avaler une arête) et par extension (XVe s.) le squelette entier, dans le contexte familier de l'alimentation, d'où des connotations négatives, les arêtes étant incomestibles, dangereuses lorsqu'on les avale, comme les os* par rapport à la viande. Grande arête « colonne vertébrale du poisson » est tardif (1845) et peu courant.
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Arête(s) de poisson désigne une forme de traits obliques parallèles de part et d'autre d'une droite (1887, en marqueterie).
Au XIIIe s. (1262), le mot prend une nouvelle acception métaphorique, « ligne d'intersection de deux plans, généralement obliques », à la fois en français d'oïl, en franco-provençal (« crête de montagne ») et en occitan (« crête du toit »). Les principales valeurs sont « angle saillant d'un mur », « d'une poutre » (1585), « angle d'une voûte et d'un mur » (1636), puis en sciences « angle des faces d'un cristal » (1751), « angle des faces d'un solide géométrique » (1810), « courbe tangente à la génératrice d'une surface réglée » (1808). Le mot s'applique aussi en technique à l'élévation sur la lame d'une épée (1611) ou d'une baïonnette (1838), à l'extrémité du bord d'une assiette ou d'un plat (1680), à l'angle de la lame d'un patin à glace (1909), plus couramment à la ligne saillante d'un relief osseux (l'arête du nez, XXe s.) et en général à toute saillie rectiligne.
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Les dérivés sont rares au sens d'« arête de poisson ».
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ARÊTEUX, EUSE adj. (aresteux, v. 1580) est peu usité.
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DÉSARÊTER v. tr. (desarester, 1611) est usuel en cuisine et dans l'industrie alimentaire, surtout au participe passé (filets de poissons désarêtés).
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Le sens de
arête en architecture et en charpente a suscité
ARÊTIER n. m. (
arrestier à Tournai, 1440), désignant la pièce de charpente formant l'arête du toit.
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Dès 1309, arestier s'applique à une tuile de faîte, sens où le mot a été remplacé par ARÊTIÈRE n. f. (arrestiere, 1285), probablement issu de tuile arrestiere.
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De là CONTRE-ARÊTIER n. m. (1889) « ardoise précédant l'ardoise coupée qui couvre l'arête ».
ARGAN n. m. est un emprunt de la Renaissance (1556) à l'arabe argān.
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Le mot, longtemps didactique, s'est diffusé avec l'huile d'argan, extraite d'une amande oléagineuse, riche en vitamine E, et utilisée en cuisine et en cosmétique.
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ARGANIER n. m. (attesté 1907) désigne l'arbuste épineux dont le fruit contient l'amande appelée argan.