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Comme en latin, les
armes, dans
La Chanson de Roland (1080), désignaient spécifiquement l'
armure, mais ce dernier mot (
XIIe s.) permit à
armes de s'appliquer de préférence aux armes offensives.
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Dans ce sens, de nombreux syntagmes spécifient la nature des armes :
armes molues (moulues) [1247],
esmoulues (1270) qui désignait les armes pointues, tranchantes ;
armes de trait (1562),
de jet (1694),
à hampe (1691), synonyme de
hautes armes (1690), « piques et hallebardes » (les deux derniers sortis d'usage).
■
Étant l'un des mots clés du domaine de la guerre, arme évolue selon les mœurs et les techniques, de la féodalité aux conflits mondiaux et à l'arme nucléaire, en passant par l'invention des armes à feu (en provençal armas de fuech, 1567 à Nice ; 1671 en français).
◆
La phraséologie est très abondante, souvent au pluriel et avec la valeur symbolique de « situation militaire ». As armes (« aux armes ») est attesté dès Roland (1080), aux armes au XVe s. (1465) et aux armes citoyens en 1790, dans ce qui va devenir La Marseillaise (Cf. ci-dessous alarme).
◆
Gens d'armes (1306) signifie « soldat » (→ gendarme), comme homme d'armes (av. 1309, Joinville).
◆
Des expressions d'ancien français, comme a armes, d'armes, par (per) armes puis en armes, signifient « en combattant ou en s'y préparant » ; seule la dernière s'est conservée. Parmi les expressions verbales, porter les armes (1080), « servir dans une armée », et avoir, porter, prendre armes (XIIe s.) concernent en particulier le fait d'être armé chevalier, mais faire armes signifiait en général « combattre » (XIIIe-XIVe s.). Être sous les armes (1671) est encore usuel. Rendre (v. 1200), poser (1559), mettre bas (1606) les armes signifient « se rendre ». Fait d'armes (déb. XIVe s., Joinville) « exploit guerrier » reste en usage.
◆
Les armes, depuis le XIIe s., équivaut à « métier de soldat » et à « campagne militaire » (d'où les premières armes, aussi au figuré).
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Le premier emploi extensif du mot (v. 1170) est celui du blason, que l'on retrouve dans une forme dérivée, armoiries (ci-dessous) : les armes et l'écu ou le blason, à la guerre comme au jeu du tournoi, sont les signes distinctifs du chevalier ; elles sont portées par un héraut d'armes (Cf. héraldique). Signes distinctifs du guerrier, elles deviendront ceux du noble héréditaire, l'allusion au combat disparaissant assez vite.
◆
Un cas analogue de symbolisation, mais où le mot arme ne s'est pas conservé, est celui des emblèmes de jeux de cartes en français, trèfle représentant la garde de l'épée, cœur la pointe de flèche, carreau le fer de la lance (peut-être aussi le carreau ou flèche) et pique le fer de la pertuisane.
Un sens métonymique de
armes est « troupe ; soldats » (1508) en concurrence avec
armée* ; il reste de cet emploi des expressions, par exemple
place, commandant d'armes, et un sens technique (1730), « corps de l'armée, infanterie, cavalerie, etc. ».
◆
Une spécialisation, qui apparaît dans la langue classique (1670), est « épée ou fleuret » d'où, au pluriel, « escrime »
(faire des armes) ; elle correspond à la vogue du combat singulier, non plus seulement comme moyen de régler les conflits personnels par le duel, mais comme exercice (on dira plus tard : sport).
◆
D'autres sens extensifs, comme
armes Dieu (
XIIe s.),
armes de Dieu (
XIVe s.) « vêtement d'Église », et au figuré
armes espirituelles (v. 1120), sont sortis d'usage.
■
Par analogie, arme s'est dit des défenses du sanglier (1390), d'épines, d'aiguillons de plantes (1799), de tiges de fer en charpenterie (1704), etc.
■
Le mot est employé métaphoriquement dans de nombreuses expressions anciennes ou classiques : faire ses premières armes (1495, au propre) « débuter dans une carrière » (1831), baisser les armes « céder » (1690) ; être sous les armes se disait d'une femme parée (1718). Le contexte du combat amoureux sert de prétexte à de nombreux emplois littéraires, surtout depuis la préciosité, dont la plupart ont vieilli.
◆
Passe d'armes, récent (1838), se dit au figuré pour « discussion vive et rapide » (1874). Combattre à armes égales (1690) vaut pour « avoir des chances équivalentes ».
◆
Passer l'arme à gauche, familier pour « mourir » (1832), est expliqué par une image de l'escrime où passer l'arme à gauche correspond à « se faire désarmer par l'adversaire ».
■
Au-delà des emplois figés, où arme correspond à l'idée générale de « moyen pour combattre », le mot s'est lexicalisé dans ce sens au XVIe s. (depuis 1553) pour « moyen d'attaque, moyen de pression ».
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ARMOIRIES n. f. pl. est dérivé du verbe ancien français
armoier, armoyer « combattre » (v. 1180) qui avait pris au
XIVe s. (1381) le sens de « garnir (un écu) des figures du blason », d'après une des valeurs figurées de
arme (voir ci-dessus). Le dérivé
armoierie, qui signifiait « ensemble des armes » (v. 1350-fin
XVIe s.) et « salle d'armes » (1420), avait lui aussi reçu cette valeur symbolique : « ensemble des bannières des chevaliers » (1373, Froissart), « signes héraldiques » (
armories, 1334 ; aussi
armoisies au
XVIe s.).
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Ce dernier sens a seul survécu en français moderne, avec le dérivé
armoirié (1596), devenu
ARMORIÉ, ÉE adj. (1718),
ARMORIER v. tr. « orner d'armoiries » (
XVIIe s. ; mais les héraldistes disaient, selon Furetière,
armoyer) et
ARMORIAL, ALE, AUX adj. (1606), « qui décrit les armoiries », surtout diffusé comme nom (1690), pour « livre contenant les armoiries ».
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ALARME n. f. vient (v. 1470) de l'appel (cri, sonnerie, etc.)
à l'arme (
crier à l'arme, v. 1310), c'est-à-dire au combat. C'est un emprunt à l'italien
all' arma, la forme française ancienne était
aus armes, as armes. Du domaine de la guerre, avec
sonner l'alarme (
XVIe s.,
sonner a l'arme), le mot est passé (1560) à la psychologie, pour désigner une inquiétude et (déb.
XVIIe s.) une frayeur vive ; dans la langue classique,
les alarmes de la pudeur sont encore senties comme appartenant à la grande métaphore guerrière appliquée aux relations érotiques.
◆
Signal d'alarme a servi à désigner un cri (fin
XVIIIe s.) puis (
XXe s.) le dispositif permettant d'arrêter un train en cas de danger (
in Larousse 1928).
Tirer le signal, la sonnette d'alarme, s'emploie aussi au figuré.
◆
Dispositif d'alarme, alarme, dans le contexte « sécuritaire », concernent (v. 1970) un dispositif électronique d'alarme contre le vol.
◈
Le mot a plusieurs dérivés.
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ALARMER v. tr., rare au sens d'« appeler aux armes » (v. 1620, d'Aubigné), est très employé au figuré dans la langue classique (depuis 1611) comme alarme, pour « troubler, inquiéter », « apeurer », « effaroucher (la pudeur) », mais aussi « éveiller le désir » (1665, Molière). Vieillies, ces acceptions résistent mieux au pronominal, et s'alarmer (1642) « s'inquiéter » est toujours usuel.
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De ce verbe alarmer, la partie la plus vivante est probablement les participes adjectivés, ALARMÉ, ÉE adj. (1664) et surtout ALARMANT, ANTE adj. (attesté 1766) « qui cause de l'inquiétude, quant à l'avenir ».
■
ALARMISTE n., tiré de alarme (1775, d'après Boiste), semble contemporain de alarmant ; Mercier, en 1801, le croyait créé par les révolutionnaires pour dénoncer les critiques contre des mesures en effet inquiétantes.
■
Cependant, ALARMISME n. m. n'est attesté que depuis 1956 (Mémoires de De Gaulle).
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TÉLÉALARME n. f. (1982) désigne un dispositif d'alarme, de demande de secours à distance.
◈
De
arme au sens militaire vient encore le préfixé
INTERARMES adj. inv. « commun à plusieurs armes, infanterie, cavalerie, etc. » (1948, dans les dictionnaires).
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ARMER v. tr. est emprunté très anciennement (980) au latin
armare, dérivé de
arma (→ arme) qui a plusieurs significations : « équiper d'armes », « équiper (un vaisseau) », « fortifier (une place) » et plus généralement « garnir, pourvoir ».
■
En français, le verbe, plus ancien encore que arme, signifie d'abord « pourvoir (qqn) d'armes défensives, d'une armure » (1170) et, très tôt comme en latin, « équiper (un navire) pour la navigation » (1118) : le dérivé armement et l'emprunt armateur sont liés à ce sens (voir ci-dessous).
◆
Les sens figurés, « prémunir », « exciter à la guerre, à la lutte », semblent appartenir à la langue classique, mais apparaissent sporadiquement plus tôt : armer qqn de vertus, de pouvoirs, etc. (1495). L'ancien français a connu d'autres métaphores, « flatter » ; armer de coups « battre », etc.
◆
Armer une ville, un fort, sens pourtant attesté en latin, n'apparaît qu'en 1669 et armer un canon au XVIIe s. (1691). Le sens technique « rendre (une arme à feu) capable de tirer (en tendant le ressort de percussion) » n'est attesté qu'au XVIIIe s. (1752).
◆
D'autres valeurs techniques ou spéciales existent dont, en musique, « indiquer la tonalité au moyen des altérations convenables » (1768). De armer un arbre, « le protéger en garnissant sa tige » (1505), vient un sens spécial de armure.
◆
D'une manière générale, le verbe s'emploie, peut-être d'après le sens ancien en marine, pour « garnir ou fortifier » (1532), notamment en technique, par exemple dans armer un aimant (1668), un fourneau de mine (1776) et, au XXe s., armer un puits de mine.
■
De « donner des armes à, militariser » vient au XVIIe s. le sens extensif de armer (un peuple, une nation, un groupe) « pousser au combat, à la guerre » (1667, Racine) et, abstraitement, armer le courage, l'esprit à qqch. (1650, Corneille) ; avec une valeur analogue, étaient déjà en usage armer de (vertu, courage...) [1495] et armer (qqn, un sentiment...) contre qqch. (XVIe s., Montaigne).
■
Le pronominal S'ARMER (d'abord soi armer) est courant au propre (1170) en ancien français pour « revêtir l'armure » comme, par extension, pour « se préparer à une lutte » (soi armer encountre qqn, XIIIe s.). En moyen français, s'armer se dit aussi pour « devenir chevalier » (XIVe-XVe s.).
◆
Les valeurs figurées sont nombreuses, de soi armer (sous-entendu des signes chrétiens, pour se protéger du démon) « se signer », en ancien français (XIIe s.), d'où s'armer du signe de la croix (1690), explicite, aux valeurs abstraites de s'armer des armes de la raison (Montaigne), s'armer contre qqn (XVIIe s.), en faveur de qqn (id.).
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Le participe passé ARMÉ, ÉE, adjectivé depuis le XIIe s., possède la plupart des valeurs du verbe, avec des locutions, par exemple armé de toutes armes (XIIe s.), disparue ; de pied en cap (fin XIIe-déb. XIIIe s., Gace Brûlé) ; armé jusqu'aux dents (fin XVe s.) « jusqu'au visage » est encore en usage. À main armée apparaît au sens analogique de « par la force des armées » (Froissart) et est repris (XXe s.) pour « en se servant d'armes », au cours d'un délit (cambriolage à main armée).
◆
Force armée (1811) désigne en droit public la troupe requise pour faire exécuter la loi puis, au pluriel, les armées d'un pays.
◆
Le mot s'emploie aussi en blason, dans lion, aigle armé « dont les griffes ou serres sont d'un autre émail que le corps » (1456). Au figuré poisson armé s'est dit (1611-fin XIXe s.) d'un poisson à écailles pointues.
◆
Un sens technique, lié à armature, est « muni d'une armature métallique », dans béton, ciment armé (1898), d'où (mil. XXe s.) un nouvel emploi du verbe.
■
ARMÉ n. m. se dit de la position du mécanisme d'une arme à feu prête à partir (1890) ; de là, le cran de l'armé.
■
De armé adj. vient le préfixé SURARMÉ, ÉE adj. (1955), « dont l'armement est excessif ».
◈
Plusieurs dérivés du verbe, courants et polysémiques, s'en sont relativement détachés, par le sens
(armée, armure), ou se sont spécialisés :
armement.
◈
ARMÉE n. f. est le participe passé substantivé au féminin : « troupe armée ». Le mot désigne d'abord (1305) une expédition militaire, mais aussi une flotte de guerre (v. 1350) comme l'ancien provençal et l'espagnol
armada, qui sera emprunté en français. Le sens moderne est assuré au
XIVe s. (1365) ; il se substitue à l'ancien français
ost (du latin
hostis « l'ennemi » puis « l'armée ennemie ») qui devient archaïque aux
XVe-
XVIe siècles.
Armée coexiste avec
troupe.
◆
Un sens figuré (1690) est d'ailleurs quasi synonyme de celui de
troupe, « grande quantité », dans
une armée de...
■
La locution Armée du Salut est un calque (attesté en 1885, chez Daudet) de l'anglais Salvation Army, métaphore religieuse.
■
Le mot entre dans des syntagmes qui correspondent à l'extension de la notion, qui requiert de plus en plus de précision : armée de mer (fin XVe s.), armée navale (1599), disparu, armée de terre (1680) ; à armée active (1789) s'opposera armée de réserve (1811). Ces syntagmes, à partir du début du XVIIe s., correspondent à la valeur spéciale « ensemble des troupes levées par un pays » (1636), comme dans armée de terre (1845), de mer (1890), puis de l'air (1934). Plusieurs armées célèbres sont dénommées : la Grande Armée « celle de Napoléon », ainsi appelée depuis 1814 ; l'armée Rouge « soviétique », l'armée des ombres « la Résistance armée ». Armée de libération nationale (A. L. N.) est le nom de l'organisation militaire algérienne créée en 1954 qui combattit les forces françaises jusqu'en 1962, date à laquelle l'indépendance fut obtenue.
◆
Un emploi technique, dans l'organisation militaire française, distingue l'armée (d'où général d'armée) du corps d'armée.
■
De là le préfixé INTERARMÉES adj. inv. (mil. XXe s.), distinct de interarmes (ci-dessus).
◈
ARMEMENT n. m. (1310, en marine) a sélectionné parmi les sens du verbe
armer, dont il dérive, deux valeurs principales : « ensemble des armes et des moyens de guerre d'un navire » (1525) et (1630), au singulier, « préparatif de guerre », correspondant au sens le plus usuel de
désarmement, d'où « ensemble des armes » (1636), déjà
armement de teste « casque » (1483). Dès 1310, apparaît la seconde valeur du verbe, la plus ancienne pour ce nom : « action d'armer un navire » et « profession d'armateur ».
■
Plusieurs sens techniques extensifs, pour « action d'armer » : l'armement d'un pistolet (1879), d'une fusée (1930), ou figurés, en musique (1829), mines (1928), électricité, pêche, où le mot a la valeur générale d'« équipement », apparaissent aux XIXe et XXe siècles.
■
D'autres dérivés, comme armacion (1279) puis armoison (1607), armaison (1611), ont disparu.
■
ARMABLE adj. « qu'on peut armer » s'est employé au XVe s. et au début du XVIe siècle.
■
ARMEUSE n. f., du sens technique du verbe, désigne une machine disposant l'« armure » de protection des câbles électriques (1948, dans les dictionnaires généraux).
◈
Le verbe a produit plusieurs verbes préfixés.
■
DÉSARMER v. tr. apparaît (1080) pour « enlever l'armure de », puis (XIIe s.) « dépouiller de ses armes », le pronominal possédant les mêmes valeurs. Un sens spécial est, en escrime, « enlever l'épée des mains de (l'adversaire) » (1718).
◆
Le verbe assume aussi la valeur contraire à armer un navire depuis 1466, avec un emploi intransitif (1701), aussi appliqué aux marins : « être congédié » (1773).
◆
Aux sens analogiques et figurés du verbe simple correspondent désarmer la colère, etc. de qqn (XVIe s., Montaigne) puis désarmer qqn au XVIIe s. (1640, chez Corneille). Se désarmer « se laisser fléchir » (fin XVIIe s.) a disparu, mais désarmer v. intr. (mil. XIXe s.) « abandonner » s'emploie, surtout au négatif (sans désarmer « sans désemparer »).
◆
Le verbe a pris, au sens propre, des valeurs différentes : « obliger (une troupe) à rendre les armes, à se rendre » (1669), désarmer v. intr. signifiant « cesser de se battre » (1636) puis, en politique, « réduire ou supprimer son armement (d'une armée, d'un pays) » (1890), sens où désarmement semble antérieur. De là, l'idée de « réduire ou supprimer le potentiel militaire d'un pays, généralement un vaincu », que le verbe assume à partir du traité de Versailles, en 1918. Ce sens, comme pour désarmement et pour réarmer, est devenu très usuel.
■
Les dérivés de désarmer suivent la même évolution. DÉSARMÉ, ÉE adj. s'emploie au propre (XIIe s.) et au figuré pour « sans force » (XVIIe s., Retz), puis « apaisé, sans ressentiment » (1667), sens auquel correspond plus récemment DÉSARMANT, ANTE adj. (1910), lequel se dit pour « qui désarme l'hostilité, rend indulgent ».
■
DÉSARMEMENT n. m. (1594), spécialement « licenciement des soldats » (1636), vieux, signifie surtout « diminution ou suppression des armées d'un pays » (1864), avec la même valeur que le verbe à partir de 1918. Le mot s'emploie aussi en marine (1689) et en technique.
◈
RÉARMER v. tr. (v. 1495), d'abord
rarmer (1165-1170), aussi en marine (1771), puis à propos d'un fusil (1872), s'emploie également comme intransitif pour « reconstituer ses armées et son armement » (1831), sens où le transitif « redonner une armée, un armement à (un pays) » semble récent.
■
RÉARMEMENT n. m. s'est d'abord employé en marine (1771) et tardivement pour « action de redonner une armée, des armements » (1875).
◆
D'un sens figuré et rare de réarmer, « renforcer (une chose abstraite) » (1869), procède réarmement moral, nom d'un mouvement chrétien fondé en 1921, préconisant, contre les idéologies matérialistes, une réforme par les valeurs chrétiennes dans la vie personnelle.
◈
ARMADA n. f. est emprunté (v. 1550,
armade) à l'espagnol
armada (
XVe s.), qui correspond au provençal
armada, au français
armée (ci-dessus), et désigne une flotte militaire.
◆
Le mot
armade est appliqué (déb.
XVIIe s., d'Aubigné) à la grande flotte envoyée par Philippe II d'Espagne contre l'Angleterre en 1588, puis repris par les historiens sous la forme espagnole
Armada, et parfois appliquée à toute grande flotte (1828 chez Hugo). Au figuré,
une armada se dit familièrement comme
armée, troupe, pour « très grande quantité » (v. 1980).
■
ARMADILLE n. f. est un autre emprunt (1615) à l'espagnol, au mot armadillo, de armado qui correspond au français armé.
◆
Le mot désigne un tatou, animal à carapace articulée en plaques, évoquant une armure. Il s'est appliqué aussi à un cloporte (1804, Latreille ; après cloporte armadille, 1762).
◈
Deux mots usuels,
armure et
armature (voir plus loin), viennent de dérivés latins de
armare.
■
Ce n'est probablement pas le cas de ARMATEUR n. m. « celui qui équipe les navires » (1543, armateur de(s) navires), qui serait emprunté, selon le F. e. w., au vénitien armatore, armadore (XVe s.) ou serait un dérivé français du latin armare, source du verbe armer dans ce sens, le latin médiéval armator étant très tardif (v. 1360, en Dalmatie) et signifiant normalement « armurier » (XIIIe s.).
◆
Le mot s'est employé seul, malgré les ambiguïtés possibles, à partir du XVIIe s. (1671) et s'est étendu de la marine de guerre, désignant aussi le capitaine d'un navire armé pour la course (1671) [Cf. corsaire], puis à la marine de commerce (1723).
◈
Le latin
armatura, dérivé de
armare, a produit par voie orale le mot
armeure et par emprunt
armature.
■
ARMURE n. f., d'abord armeure, apparaît tôt (1130) et désigne l'ensemble des armes défensives, poussant le mot arme, plus général, à ne plus désigner ces armes.
◆
Un autre sens, « armes offensives » (v. 1200), a disparu au XVIe siècle.
◆
L'ancien français connaît d'autres valeurs de armeure, comme « homme en armes » (v. 1280), « bataille » (XIIIe-XIVe s.), « exercice militaire » (1271), « escrime » et « armoiries » (v. 1286). Certains de ces emplois, où armeure était encore senti comme une sorte de dérivé collectif de arme, étaient en concurrence avec armes (ci-dessus). Armeure (1226), puis armure, s'est aussi employé pour « moyen de protection morale », aujourd'hui par métaphore littéraire du sens concret. C'est aussi cette image qui persiste dans les sens figurés, à propos d'animaux (XIIIe s., puis 1611 ; Cf. ci-dessus armadille), de plantes (1501) et d'équipements humains lourds.
◆
Cependant, en relation avec les valeurs figurées de armer et avec armature, les emplois techniques de armure échappent au sens dominant. Le mot s'emploie pour désigner un aimant renforcé (1668), les pièces de renfort d'une machine (1751), en marine (armure de baux, de mât, 1783) et pour désigner la protection des câbles électriques armés (mil. XXe s.). Dans ces emplois, armure est en concurrence avec armature.
◆
Une valeur technique autonome est, d'après l'armure de la navette et celle des lisses du métier à tisser (où armure équivaut à « structure des pièces de renfort »), le sens de « contexture (d'un tissu) » (1751), d'où « mode d'entrelacement des fils de trame et de chaîne, caractéristique des types de tissus » (armure toile, etc.).
■
De armeure, armure est dérivé armeurier (1268), puis ARMURIER n. m. (fin XIIIe s.) « fabricant ou vendeur d'armes ou d'armures », sens sorti d'usage comme celui de « fabricant d'armoiries » (1338).
◆
Armurier a été repris pour « fabricant et vendeur d'armes, spécialement d'armes à feu » (déjà au XVIIe s., Furetière). Des emplois spéciaux ont eu cours en marine et dans l'armée pour « matelot (1736), soldat (1825) chargé de l'entretien des armes ».
■
ARMURERIE n. f. (1364), d'abord armeurerie (1352-1356), désigne la boutique de l'armurier, puis la fabrication et le commerce des armes. Comme armurier, le mot s'est détaché de armure et concerne les armes, aujourd'hui les armes à feu.
■
ARMURÉ, ÉE adj., mot didactique ou technique, dérivé de armure, semble récent pour « vêtu d'une armure » et au figuré « recouvert, protégé comme par une armure » (1947, in T. L. F.). Il s'emploie surtout en parlant de tissus ayant telle ou telle armure (1953).
◈
ARMATURE n. f. est emprunté (1282,
in Arveiller ; puis
XVIe s.) au dérivé latin
armatura « troupes », qui est passé dans la plupart des langues romanes. C'est un emprunt savant, d'abord en latin médiéval,
armatura désignant en architecture au
XIIIe s. la charpente, le cintre sur lequel on construit une voûte, sens réattesté au
XVIIIe s. (1755).
◆
La reprise du mot au début du
XVIe s., au sens d'« armure », « arme », au figuré « ce qui protège », a été sans lendemain, et
armature reprend vers la fin du
XVIIe s. des valeurs techniques, correspondant aux emplois du verbe
armer et parfois de
armure : « structure maintenant les parties d'un objet technique complexe » (1694), « plaques métalliques d'un condensateur » (1836) et « d'un aimant » (1845), « protection d'un câble sous-marin » (1898), « monture d'un parapluie » (
in Larousse 1982).
◆
Le mot s'est aussi appliqué à des objets naturels, en géologie et paléontologie (1752).
◆
Des emplois techniques vient un nouveau sens figuré (1895), « ce qui soutient un organisant ».
■
Le dérivé ARMATURER v. tr., doublet plus explicite de armer (1907), est rare ; un figuré littéraire du participe passé armaturé, « qui a une armature rigide », est attesté avant le verbe (1886).