ARPION n. m. est un emprunt argotique (1821 ; 1628, selon Sainéan) au provençal arpioun « petite griffe », de l'ancien provençal arpa « griffe » ou d'un latin populaire °harpigo, de harpago (→ harpon).
❏
Le mot, avec la valeur de « petite griffe », désigne d'abord en argot la main, puis (1827, harpion) le pied. Dans ce sens et pour « orteil » (1828, Vidocq), il a été usuel et familier, et tend à vieillir.
ARQUEBUSE n. f. est une altération, peut-être due à l'initiale ar- des mots issus du latin arcus (→ arc), de haquebuse, hacquebusse (1475). Ce mot, emprunté au néerlandais hakebusse, parent de l'allemand Hakenbüchse, signifie « canon (Büchse, busse) à crochet » (Haken, hake), les premières armes de ce type étant fixées par un crochet à un chevalet, pour le tir. Le premier élément appartient à une famille germanique (anglais hook). Le second est le correspondant du français boîte*. Des Pays-Bas, le mot a pénétré en Flandres, puis en Bourgogne au milieu du XVe s., parfois altéré en hacquebute, sous l'influence de buter « tirer » (1470, forme fréquente en moyen français). La finale française -buse vient probablement de la métaphore qui associe les oiseaux de proie, employés en fauconnerie, avec les armes à feu (Cf. faucon, fauconneau) ; c'est cette finale, combinée avec arque-, évoquant une autre arme, l'arc, qui l'a emporté aux XVIe-XVIIe siècles. La variante arquebouse vient de l'italien archibugio (bugio signifie « trou »), lui-même pris à l'allemand ; elle n'a pas vécu.
❏
Le mot se diffuse lorsque l'arme, s'étant allégée, se répand, au XVIe s., époque où les armes à feu prennent une place essentielle dans la stratégie militaire, comme en témoignent les dérivés.
◆
Arme vieillie, puis abandonnée au profit du mousquet, puis du fusil, l'arquebuse a laissé des traces dans le vocabulaire actuel : l'eau d'arquebuse ou d'arquebusade (1685), appelée plus tard arquebuse, macération de plantes aromatiques (dites elles aussi arquebuse) dans l'alcool, qui était censée guérir les blessures d'armes à feu.
◆
Par ailleurs, l'argot familier emploie arquebuse, comme d'autres noms d'armes anciennes, au sens de « fusil, arme à feu, pistolet » (Cf. arbalète, tromblon).
❏
Les dérivés apparaissent lors de la vogue de l'arquebuse.
■
ARQUEBUSADE n. f. (1564), d'abord arquebuzaide (1475), désigne un tir d'arquebuse.
■
ARQUEBUSER v. tr. remplace (1573) harquebutter, hacquebuter (1516), dérivés de la forme hacquebute.
■
ARQUEBUSIER n. m. est la réfection (1564) de hacquebutier (1506).
◆
Ces dérivés ont vieilli et sont devenus des termes d'histoire, en même temps que arquebuse.
L
ARRACHER v. tr. est issu, avec une substitution de préfixes (ad- au lieu de ex-, é-), du latin populaire °exradicare, du latin classique eradicare (dont un dérivé a donné éradication*). L'ancien français a esrachier et, avec le préfixe dé-, desrachier ; le préfixe a-, selon Bloch et Wartburg, exprime le mouvement qui consiste à tirer vers soi, à soi.
❏
Le mot s'emploie depuis le début du
XIIe s. (au participe passé
arachié) pour « enlever de terre (une plante à racines) », puis pour « détacher avec effort » (exemple :
arracher un dent). De nombreuses métaphores correspondent à « tirer, enlever », soit en extirpant, soit en prenant de force ; d'où le sens figuré (
XVIe s.) « obtenir (qqch.) de qqn, malgré ses résistances »
(arracher un aveu, un secret... à qqn).
■
Avec un complément nom de personne, arracher correspond à « chasser, faire partir de force » (1690), sens ressenti comme métaphorique (arracher qqn à qqn, à qqch.). Des emplois pronominaux extensifs sont usuels, comme s'arracher qqn « se disputer sa présence », d'où familièrement on se l'arrache (par plaisanterie on se m'arrache), ou s'arracher à, de (qqch., un lieu, un état).
■
Dans les années 1960, sous l'influence du participe passé substantivé ARRACHÉ, employé (1894) en sports (poids et haltères) et en locution dans à l'arraché « par un effort violent » (1925), arracher intransitif et s'arracher (1968) correspondent familièrement à « accomplir un effort intense » et à « avoir un effet intense » (ça arrache). Une variante emploie le déverbal dans la locution adverbiale à l'arrache.
❏
Le dérivé
ARRACHAGE n. m. (1597, rare ; puis repris, 1835) ne s'emploie guère que concrètement, alors que
ARRACHEMENT n. m. (1542, après des formes disparues comme
aracement, XIVe s. ;
erracement, 1260, en architecture) s'emploie aussi au figuré :
l'arrachement des adieux, un arrachement.
■
ARRACHEUR, EUSE n. (1539 ; aracheour, XIIIe s.) s'emploie surtout pour les activités agricoles d'arrachage (arracheur de pommes de terre) et dans arracheur de dents, vieilli au sens concret (1531), mais très vivant dans la comparaison mentir comme un arracheur de dents, les barbiers chirurgiens ambulants ayant l'habitude de rassurer par tous procédés de rhétorique leurs clients, avant de les opérer.
◆
Le mot désigne aussi, surtout au féminin ARRACHEUSE (1852), une machine ou un outil pour arracher les plantes, en concurrence avec ARRACHOIR n. m. (1863). ARRACHIS n. m. a plusieurs sens en sylviculture : arrachage d'arbres, arbre, plant arraché et terre où les arbres ont été arrachés.
■
D'ARRACHE-PIED loc. adv., formé sur de, arracher et pied* (1515), a d'abord eu le sens de « tout de suite (en s'arrachant à l'immobilité) », puis de « sans interruption, sans relâche », peut-être avec l'idée d'effort comme pour arracher le pied d'une plante, d'un arbre.
◆
Sa valeur moderne est « en soutenant un effort pénible » ; elle semble correspondre à une reprise de l'expression, après une époque où elle est jugée basse et familière (fin XVIIe-XVIIIe s.).
ARRANGER v. tr. (XIVe s.), d'abord arengier (XIIe s., v. 1160), est formé en français avec le préfixe a- et le verbe rangier, ranger, de rang*, mot d'origine francique.
❏
Le verbe a pour valeur initiale « disposer à son rang, à son ordre », d'abord en contexte militaire, des soldats à leurs rangs. À l'idée de ranger,
arranger ajoute celle de « déterminer (l')ordre même dans lequel on range » (Littré).
S'arranger (v. 1200) s'est dit pour « se disposer » (en parlant de personnes), puis (1694) « s'installer ». La détermination d'une disposition interne à l'objet qui est arrangé fait que la notion est modifiée et enrichie par rapport à celle de rangement ; le verbe correspond (1538) à « mettre dans l'ordre convenable ». D'où l'éloignement sémantique par rapport au verbe simple et les spécialisations, par exemple de vêtements disposés pour vêtir, parer (1696, La Bruyère), en musique (mil.
XIXe s.)
arranger un morceau pour un instrument, un orchestre, ou encore le sens courant de « réparer, remettre en état » (1863) et le sens vieilli de « préparer » en cuisine (1866).
■
Avec un complément nom de personne, arranger a pris dès le moyen français (arengier, 1492), comme assaisonner, accommoder (vieilli), le sens de « maltraiter » (1778) puis en argot celui de « voler, duper » (1896).
■
Avec un complément désignant des personnes ou leurs intérêts, arranger correspond aussi à « mettre d'accord » (1665), arranger une affaire (1798) se disant pour « régler par une conciliation » et arranger qqn pour « lui faire des conditions favorables, en commerce ». Ce sens est très distinct de celui que le verbe a pris en français d'Afrique, où arranger qqn se dit pour « rendre service, aider, s'occuper de ».
◆
Avec la même idée de convenance, le verbe se construit avec un sujet nom de chose et un complément nom de personne ou un pronom pour « satisfaire, contenter, être agréable ou commode » (1835) : cela m'arrange, ne m'arrange pas ; cette valeur positive est souvent présente dans le verbe au pronominal : s'arranger avec qqn (1771), s'arranger « se débrouiller » (1747), s'arranger « aller mieux », s'arranger de qqch. « s'accommoder de... » (v. 1860).
❏
Le dérivé
ARRANGEMENT n. m. (v. 1300) sélectionne quelques sens du verbe, avec la valeur d'« action d'arranger » et, dans la langue classique, « organisation, ordre » : ce sens est aujourd'hui didactique, par exemple en algèbre (1863), ou littéraire. Les principales spécialisations sont rhétoriques (1647 Vaugelas, du style), musicales (1863 ; le mot, au
XXe s., équivaut à
orchestration, en jazz), juridiques ou financières (1732, « convention », « disposition »).
■
Le participe présent ARRANGEANT, ANTE est adjectivé (1863) au sens de « conciliant » (personnes).
■
ARRANGEUR n. m. (déb. XVIIe s.) est rare, sauf en musique (1863) et notamment en jazz, dans un sens voisin de orchestrateur.
■
ARRANGEABLE adj. (1re moitié XIXe s.) a servi à former INARRANGEABLE adj. (1888).
◈
Les dérivés préfixés
DÉSARRANGER v. tr. (v. 1570) et
RARRANGER v. tr. (1821), qui cède devant
réarranger, sont rares.
Rarranger des personnes s'est dit pour « réconcilier » (1862, Goncourt).
L
ARRÊTER v. est issu (1080) d'un latin populaire °arrestare, de ad- (→ à) et du latin classique restare « être immobile » (→ rester).
❏
Le verbe, dès les XIe-XIIe s., est à la fois transitif (arrêter qqn, qqch.) et intransitif (arrêtez ! ; il n'arrête pas). La valeur première de l'intransitif est « cesser d'avancer, de marcher », puis « rester, s'attarder » (XIIe s.) et « tarder » (sortie d'usage), et aussi « prendre fin » (XIIe s.), en parlant d'un tournoi, en concurrence avec le pronominal, valeurs toujours en usage. Des emplois extensifs concrets, comme arester jusqu'à « s'étendre » (1247), arrester dans qqch. « persévérer » (1370), ont disparu.
◆
Quant au transitif, il s'emploie d'abord pour « empêcher (qqn, un véhicule, un animal) d'avancer, de se mouvoir » (XIIe s.), puis au XVIIe s., « empêcher (qqn) d'agir » et « interrompre » (1779). Il est alors construit avec un complément nom de personne.
◆
Arrêter qqch. se dit (fin XIVe s.) pour « empêcher de bouger, fixer » et, en ancien français, « confisquer (des biens) » (1255) ; aussi pour « suspendre (une activité, un processus) » (v. 1500) avec des spécialisations (« intercepter », XVIIe s.) et des locutions : arrêter les frais (1867).
◆
Des spécialisations concrètes concernent le fait de fixer un nœud (arrêter un point, 1690), de terminer les contours d'un dessin (arrêter une esquisse, 1845).
◆
En contexte abstrait, arrêter se dit de la pensée, de l'esprit qui se fixe à, sur qqch. (fin XIVe s.) et pour « fixer (son choix) » (id.).
◆
Parmi les extensions et spécialisations, « choisir, décider » (fin XIVe s.), par exemple arrêter le lieu, le jour d'une rencontre, emploi juridique ou d'usage littéraire, est à l'origine de arrêté n. m., et d'un sens de arrêt (ci-dessous).
◆
Un autre emploi, d'usages courant et ancien (XIIe s.), « s'emparer de (qqn) ; capturer », correspond à arrestation.
◆
S'arrêter (XIIe s.) a pris des valeurs figurées dans s'arrêter à, sur qqch. (1370) « y insister, s'y attarder », d'où s'arrêter (ne pas s'arrêter) aux apparences (1680). S'arrêter de et infinitif (1575) correspond à cesser de ; cet emploi a été repris avec l'intransitif (arrêter de faire qqch.), avec une valeur spéciale au négatif qui correspond à « continuer, faire sans cesse » (il n'arrête pas de...).
◆
ARRÊTÉ, ÉE adj. s'emploie surtout à propos d'un véhicule, d'un mécanisme à l'arrêt. En français de Suisse, un adjectif oral, ARRÊTE, a la même valeur (une montre arrête).
❏
Du sens de « décider », vient l'emploi du nom
ARRÊTÉ n. m. pour « décision d'un tribunal, d'une juridiction », valeur voisine mais distincte de
arrêté n. m. (1414) « décision écrite » et « règlement (d'un compte) ».
◈
Le verbe
arrêter a en ancien français deux substantifs dérivés :
arreste n. f. (
XIIe s.) « obstacle » et surtout « délai, retard », puis (
XIVe s.) « arrêt », disparu au
XVIe siècle.
■
En revanche, arrest, arest (1175) puis ARRÊT n. m. est demeuré usuel.
◆
Ce déverbal désigne l'action, le fait d'arrêter ou de s'arrêter et par métonymie une halte, une situation de repos (1530). De arrêt (1690), en parlant d'un chien qui s'immobilise à la chasse, d'où chien d'arrêt (1794), vient être en arrêt « être sur le qui-vive » (1919).
◆
La valeur figurée de « retard » (XIIe-déb. XVIIIe s.) et celle d'« empêchement » (XIIIe s.) sont entièrement sorties d'usage, alors que « suspension (d'une action, d'un processus) » (XIIIe-XVIe s.) témoigne d'une relative vitalité depuis le XIXe siècle.
◆
C'est avec une valeur voisine que l'expression sans arrêt a été reprise (1939), après avoir signifié en ancien français « sans retard » et « à l'instant même ».
◆
De même, de arrêt d'une activité « interruption », on est passé à l'expression usuelle arrêt de travail (d'abord du travail) et à arrêt de (du) développement en physiologie.
◆
À partir de arrêt d'un véhicule, emploi fréquent (opposé à marche), on passe à l'expression adverbiale ou adjective à l'arrêt — qui s'oppose à en marche — et, par une métonymie usuelle, à « lieu où s'arrête un véhicule de transport en commun » (arrêt d'autobus, de car), correspondant à station pour les transports par voie ferrée, même urbains. Dans ce sens, l'expression arrêt buffet, comme exclamation (dix minutes d'arrêt buffet) puis comme nom (1890), s'emploie plaisamment pour « arrêt, interruption ».
◆
Au Québec, arrêt est substitué à stop pour « point où les véhicules doivent marquer le pas » et « panneau de circulation obligeant les véhicules à s'arrêter un instant », là où on emploie un stop en français d'Europe.
■
Diverses spécialisations techniques correspondent à la valeur de « processus interrompu ou fixé » et par métonymie à « dispositif pour maintenir un système immobile ». Cette métonymie est ancienne (fin XIVe s.) avec des valeurs spéciales en parlant des harnais (1392), en couture (1393, aussi point d'arrêt), plus tard en serrurerie (1751), etc. ; un autre dérivé, arrêtoir (ci-dessous), possède une valeur voisine. Arrêt est aussi synonyme de cran de sûreté (1690, pour les armes à feu) et cran d'arrêt (où arrêt a sa valeur active) s'emploie à propos des couteaux à lame pliante (dans le dictionnaire de l'Académie, 1932), d'où un cran d'arrêt, un tel couteau.
■
De arrêter au sens de « capturer », arrêt a pris le sens de « saisie » (XIIIe s.), « arrestation » (fin XIVe s.), sorti d'usage en emploi général et libre, mais auquel se rattache mandat d'arrêt et pour le pluriel, arrêts, dans l'armée, le sens de « défense faite à un officier de sortir d'un lieu assigné » (v. 1700), d'où arrêts simples et arrêts de rigueur (1825).
■
Avec une valeur psychologique où arrêter (s'arrêter) concerne l'attention, la volonté, arrest a signifié « fermeté de caractère » et « attention » (fin XIVe s.), d'où, au XVIIe s., un homme sans arrêt « irrésolu » ou « volage ».
◆
Ces valeurs ont disparu mais, de l'idée de « décision » (v. 1350), vient un emploi encore vivant en droit, où arrêt concerne une décision, le jugement d'une cour souveraine (depuis XIVe s.), sens voisin de celui de arrêté (ci-dessus), et au figuré un jugement sans appel (déb. XVIIe s., les arrêts de Dieu, du destin).
■
Arrêt en droit a produit ARRÊTISTE n. (arrestiste, 1740), « juriste qui commente les arrêts ».
◈
Plusieurs autres dérivés de
arrêter ont disparu, tels
arrêtement n. m. (
arestement, XIIIe s.) qui s'est employé (
XVIIe s.) là où l'on dit aujourd'hui
arrestation et pour « arrêt » (d'un véhicule, 1801), ou
arrêtance n. f. (
XIIIe-
XVe s.),
arrêtage n. m. (
XIIe-
XVe s.) « arrêt » et « retard », repris au
XXe s. pour « pièce d'arrêt d'un mécanisme » (1924).
■
ARRÊTEUR n. m., sans être entièrement disparu, n'est pas usuel. Le mot (arriesteur, 1330 à Namur) a été employé, surtout en Flandres, pour « personne qui arrête les malfaiteurs » (sens réattesté au XXe s. ; agent arrêteur, 1921) et pour « personne qui fait une saisie » (XVe s.). Arrestateur a eu cours pendant la Révolution (1792-1793).
■
ARRÊTABLE adj. (arrestable, fin XIIIe s.) est demeuré rare, comme INARRÊTABLE adj. (1624).
■
Le composé ARRÊTE-BŒUF n. m. inv. (arreste-beuf, 1532 ; restebos, fin XIIIe s. en anglo-normand, Arveiller) désigne une plante rampante aux longues racines résistantes, capables d'arrêter la charrue.
◈
ARRESTATION n. f. est la réfection d'après le latin médiéval
arrestatio « embargo » (1228), dérivé de
arrestare, du dérivé français
arestaison, arestison (v. 1200) « pause », « délai, retard », « fait de s'arrêter », en usage jusqu'au
XVIe s. (
arrestaison, 1550).
■
Le mot est repris en droit (1370), au sens de « saisie » ; très rare en français classique, c'est une recréation de l'époque révolutionnaire (1792) pour « fait d'arrêter et d'emprisonner qqn ».
■
Quant à ARRÊTOIR n. m. (1838), c'est un dérivé technique au sens voisin de arrêt pour « dispositif (saillie, cran, etc.) qui arrête, fixe un mécanisme ».
ARRHES n. f. pl. est la réfection savante de l'ancien français erres, emprunt adapté du latin juridique arra ou arrha. Le mot latin est la réduction de arabo ou arrhabo, emprunt au grec arrhabôn, mot sémitique (hébreu ῾ērābôn « gage »). Le pluriel français est mal expliqué, le latin juridique pluriel arrae « dot » n'ayant pas été emprunté dans ce sens.
❏
Erres et arres se sont employés au sens de « gage » et au figuré, du XIIe au XVIIIe siècle ; erre au singulier (1350) avait le même sens. La forme arrhe (déb. XVIe s.), arrhes (1610) l'a emporté sur toutes les autres, pour désigner l'acompte versé lors de la conclusion d'un marché pour en garantir l'exécution (verser des arrhes).
◆
Du XIIIe (1272, erres) au XVIIe s., le mot s'est appliqué au cadeau de fiançailles, consacrant un engagement au mariage.
❏ voir
ACCAPARER.
L
ARRIÈRE adv. est issu (XIIIe s.), par l'intermédiaire de areche (980), arere (1080), du latin populaire °arretro, de °adretro, composé du latin classique ad- (→ à) et de retro « en arrière », formé du préverbe re-, marquant retour ou mouvement inverse (→ re-), et du suffixe de intro (de retro a donné derrière* et, indirectement, dernier*).
❏
Arrière, depuis l'ancien français, signifie « en allant dans le sens inverse de celui vers lequel le corps est tourné », là où le français moderne utilise
en arrière. L'adverbe s'emploie aussi (1430) pour « derrière » et, au sens temporel, pour « auparavant » (déb.
XIIIe s., Villehardouin), valeur sortie d'usage sauf en composition (
arrière-grand-père, etc.). Il forme avec des verbes des expressions figurées, tels
mettre en arrière (1288) « mettre en sûreté »,
être arrière, etc.
◆
Le mot s'emploie depuis le moyen français (v. 1375) comme interjection, à la chasse (adressée aux chiens), puis pour faire reculer des hommes, des chevaux (1606), pour éloigner qqn (fin
XVIe s.), aussi
arrière de et pronom :
arrière de moi, de nous (1538 ; considéré comme vieux dès le
XVIIe s., Furetière). Des interjections dialectales
(aré, ari) viennent de cet emploi.
■
La substantivation pour « partie postérieure » est ancienne (XIIIe s.) ; elle a des valeurs différentes de celles de derrière, et qui sont relativement plus abstraites, encore qu'on parle de l'arrière d'un navire (1680), d'une voiture.
◆
Ce substantif sert à former des locutions adverbiales et prépositives, notamment en arrière, d'abord temporel (XIe-XIIIe s.) pour « autrefois, longtemps avant », puis spatial (1606 ; dès le XIIe s., pour « vers le côté opposé à l'avant ») et en arrière de (av. 1475), à l'arrière (dans être à l'arrière de ses affaires, 1530), de l'arrière (d'abord dans scier de l'arrière « ramer en arrière », déb. XVIIe s.). L'ancien français a employé les expressions temporelles ça arriere (v. 1150), ça en arriere (XIe-XIVe s.) « autrefois » et ci arriere (v. 1250) « désormais ». En arrière a des emplois spécifiques en français de Suisse (1854) et de Savoie, pour « auparavant, dans le passé », mais des emplois comme deux ans en arrière tendent à se diffuser en français général.
◆
Au pluriel, les arrières s'est employé en vénerie (1763), puis (XXe s.) en parlant d'une armée en campagne (assurer ses arrières).
◆
Le nom singulier, l'arrière, s'est spécialisé au sens de « territoire, zone en retrait, par rapport à la zone des combats » (opposé à front).
◆
Un arrière, en sports (1900), désigne un joueur en équipe placé derrière (opposé à un avant).
◆
Du substantif, vient aussi un emploi comme adjectif invariable, par exemple dans les places, les sièges arrière (d'un véhicule).
◆
Un emploi temporel du nom donne à arrière, en français du Québec, le sens de « retard » (avoir cinq minutes d'arrière).
❏
Le dérivé
ARRIÉRER v. tr., d'abord
arriere, a plusieurs valeurs en ancien français (
XIIIe s.), comme « rendre plus long (un récit) », « porter préjudice à (qqn) » et « empêcher » (
arriere qqn de qqch., 1340), comme intransitif « rester en arrière » et « partir » (
XIVe s.), puis
s'arriérer (1660).
◆
Le seul qui survive est « retarder » (1280), spécialisé dans
arriérer un paiement « ne pas le faire à échéance » (dictionnaire de l'Académie, 1798), précédé depuis l'ancien français par
arriéré.
◆
L'emploi de
arriéré (ci-dessous) pour « mentalement retardé » a suscité un nouvel emploi pour
arriérer « rendre arriéré ».
◆
ARRIÉRÉ adj. « en retard de paiement » (1248) semble repris en parlant du paiement (1611), puis d'une personne (1721).
◆
L'adjectif a disparu au sens concret (
arriéré de « en arrière », 1549) ; de ce sens vient
un ARRIÉRÉ n. m. (1320-
XVe s., repris 1788), qui signifie « dette encore due », avec des valeurs figurées (1824).
◆
À cette acception correspond
arrièrages (1251), altéré en
ARRÉRAGES n. m. pl. « redevance périodique ; montant échu d'une rente » (1272).
◆
Un autre sens de l'adjectif
arriéré (1829), appliqué aux personnes, aux idées, vient plutôt de
en arrière en emploi temporel ; cet emploi correspond à « démodé »
(Cf. rétrograde).
◆
Une spécialisation psychologique (
enfant arriéré, in dictionnaire de l'Académie, 1835), souvent avec substantivation
(un, une arriéré[e]), correspond à « en retard dans son développement mental ».
◆
Ce sens, outre une acception d'
arriérer (ci-dessus), a donné (1909)
ARRIÉRATION n. f., terme datant d'une psychiatrie assurée dans ses références à la normale, quant au développement mental (les choses sont aujourd'hui moins claires).
◈
Arrière sert à former de nombreux composés avec la valeur temporelle de « plus loin dans le temps », soit « avant » (
arrière-grand-père, -grand-mère, etc.), soit « après » (
arrière-petit-fils, etc.), mais aussi par métaphore temporelle de l'espace, « tardif » (
arrière-saison, fin
XVe s.), et surtout avec une valeur spatiale
(arrière-boutique, -cuisine, -garde, -plan, -salle, -train) ou abstraite
(arrière-pensée) [voir les substantifs]. Dans certains cas seulement, il peut commuter avec
avant (avant-garde, avant-train).
ARRIMER v. tr. est un emprunt (1398), adapté par ajout de la voyelle a à l'initiale, sur le modèle des verbes latins en ad, au moyen anglais rimen, remen « arranger » et aussi « débarrasser », de la famille germanique rum « espace, place » (ancien anglais rum, anglais room [→ living-room], allemand Raum, etc.), représentée en ancien scandinave par rum.
◆
Ce substantif est passé au moyen français comme terme de marine, run « le fond de la cale » (1386), avec des sens plus larges au XVe s. (« place, rang »). Run a donné le verbe arrumer (1386-XVIIIe s.) ou arruner (fin XIVe-XVIIe s.) « ranger la cargaison », et en général « disposer » ; c'est ce verbe français qui a donné arrumar en espagnol, catalan et portugais.
❏
En français, la forme arrimer, au sens d'« arranger », aussi rimer « régler, fixer » (Froissart), l'a emporté dans son sens maritime (1398).
◆
L'acception régionale (Canada, Bretagne) de « mettre en ordre » semble plutôt une métaphore de cet emploi qu'un reste de la valeur ancienne.
❏
Les dérivés
ARRIMAGE n. m. et
ARRIMEUR n. m. sont attestés (fin
XIVe s.) en marine en même temps que le verbe.
■
Le premier a produit DÉSARRIMAGE n. m. (1836), et DÉRIMER v. tr. (1870) a laissé la place à DÉSARRIMER.
L
ARRIVER v. intr. est, comme démarrer (→ amarrer), un terme de marine dont le sens s'est élargi. Il provient du latin populaire °arripare, composé de ad- (→ à) et de ripa « rivage » (→ rive).
❏
Le verbe a d'abord (mil.
XIe s.,
ariver) le sens originel de
accoster, aborder, verbes de formation analogue. Cette valeur maritime, vivante jusqu'au
XVe s. coexiste avec l'acception générale (
XIIe s.) qui se répand et fait que, dès le
XVIe s., l'origine n'est plus sentie, sauf dans le contexte de la navigation. Ces contextes sont encore vivants, mais
arriver est alors compris comme une spécialisation du sens élargi, sans rapport avec
rive ou
rivage, et ceci même dans des locutions comme
arriver à bon port. En marine à voiles, le verbe s'emploie depuis le
XVIe s. (1573) pour « manœuvrer au vent, augmenter l'effet du vent sur les voiles », avec des expressions comme
arriver tout plat (1771), des constructions du type
arriver sur (un navire) [1690], qui rejoint le sens général. Ce sens est tardif par rapport à la valeur d'origine ; l'espagnol
arribar s'emploie plus tôt avec cette valeur (1493, Colomb), probablement issue de l'idée de gagner au plus vite le port en faisant vent arrière.
■
La valeur normale du verbe, surtout à partir du XVIe s., est « parvenir dans un lieu de destination », « terminer un déplacement », « se mouvoir vers un but » ; dans ces emplois, il s'oppose à partir.
◆
Le verbe a diverses valeurs figurées : arriver à... « parvenir à (un état) », aussi arriver à ses fins (fin XVIIe s.). De arriver à, figurément « parvenir à (qqch.) » (fin XIVe s.), on passe à arriver « réussir » (XVIIe s.), absolument (d'où arriviste, ci-dessous).
◆
En arriver à... et infinitif (1859) forme un verbe complexe, signifiant « parvenir à » sur le modèle de en venir à.
◆
Avec pour sujet un nom de choses, arriver correspond à « parvenir à sa destination ».
■
Depuis le XVIe s., le verbe possède une simple valeur temporelle, « se produire, survenir », d'abord en parlant des saisons, de la nuit, des heures... (1553), puis d'un événement quelconque : ces événements, les choses arrivent ; tout peut arriver ; arrive ce qu'il pourra (1659), remplacé par advienne ; il prend alors une valeur quasi existentielle. Cet emploi très généralisé est utilisé dans le verbe impersonnel : il arrive, il est arrivé (que...) [1640], il arrive à qqn de... et infinitif (1640), ça n'arrive qu'à moi (1756).
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Du sens spatial de « parvenir en un lieu » provient une valeur particulière en sports, « atteindre la fin d'un parcours » (1860), d'où arriver premier..., dernier (1878), repris au sens figuré.
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Une autre extension correspond à « venir, survenir, se manifester », d'une personne (1606), d'une chose (1701), d'où au passif c'est arrivé « la chose s'est produite », et la locution croire que c'est arrivé (1860) « s'imaginer que le projet a abouti, faire comme si c'était fait », avec influence de l'idée de « réussir ». Une autre correspond à « atteindre un certain niveau », sur le plan concret et spatial (1628) et, métaphoriquement, « atteindre une certaine valeur », d'où ne pas arriver à la ceinture (XVIIe s., Scarron), ne pas arriver à la cheville de qqn (1908).
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Le dérivé
ARRIVAGE n. m. (1260) apparaît au sens spécial de « droit de débarquement », puis se généralise en marine et en commerce : « arrivée de marchandises, débarquement » (
XIVe s.), « arrivée d'un véhicule » (1828), « arrivée massive de personnes » (fin
XIXe s.).
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ARRIVÉE n. f. (1527) signifie en général « action, fait d'arriver, par quelque moyen que ce soit », mais ne correspond qu'aux emplois concrets du verbe en marine (1596), en parlant de choses, de véhicules et de personnes.
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Dans ce dernier cas, « moment où une personne arrive, se manifeste » (1680), comme dans l'expression du français d'Afrique, bonne arrivée !, qui correspond à bienvenue. Le mot a pris la valeur métonymique, « lieu où arrivent des voyageurs, des coureurs, etc. », avec une spécialisation sportive (1860), aussi dans ligne d'arrivée (1903) et dans à l'arrivée. Dans tous les cas, il s'oppose à départ.
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Par métonymie, d'abord en technique, le mot s'applique à une canalisation par laquelle arrive un fluide (arrivée d'air, d'essence, mil. XXe s.).
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Le participe présent adjectivé ARRIVANT, ANTE n. a produit au milieu du XIXe s. un substantif : les arrivants (opposé à partants).
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Du sens figuré du verbe, « réussir », ont été dérivés ARRIVISTE n. (1833, devenu courant à la fin du XIXe s. [par exemple, dans Jules Renard]), et ARRIVISME n. m. (1903, chez Péguy) pour l'attitude qui consiste à rechercher avant tout la réussite personnelle. Ces mots sont fortement péjoratifs, de même que carriériste, de sens plus précis.
ARROCHE n. f., nom de plante, est l'altération (XVe s.) par des formes du latin oral (°atrapica, d'où °atrabeca, °atrawea), du latin classique atriplicem, accusatif de atriplex, qui a donné en ancien français arepe (XIIe s.), d'abord °arrepe (par un °atreplece). Une forme arace, arrace s'explique par le grec atraphaxus, d'origine inconnue, latinisé en °atrapeca. Le latin atriplex est soit un emprunt déformé à ce mot grec, qui possède une variante andraphaxus, soit un emprunt parallèle à une langue non indoeuropéenne.
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Le mot désigne une plante comestible et médicinale, aussi appelée belle-dame.
ARROGANT, ANTE adj. est emprunté comme nom propre Arroganz (1150) puis comme adjectif (XIIIe s.) — Cf. aussi l'adverbe dérivé —, usuel à partir des XIVe-XVe s., au latin arrogans « insolent, présomptueux », participe présent de arrogare « demander en plus », et spécialement « demander indûment, en réclamant ». Arrogans est formé de ad- (→ à) et de rogare (→ arroger). L'idée de demande indue a été retenue par l'emprunt de arroger* ; celle de « hauteur, présomption », par arrogant et arrogance.
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Arrogant se dit des personnes et, par extension (1406), de paroles, de comportements, puis (
XVIIIe s.) d'une entité humaine, pays, nation... Les constructions du moyen français,
arrogant à, contre qqn, ont vieilli ;
arrogant envers qqn (1552) se dit encore.
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Le mot est aussi substantivé (
XVIIe s., Corneille).
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Il semble rare dès le
XVIIe s. par rapport à
fier, et reste assez littéraire.
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Le dérivé ARROGAMMENT adv. (v. 1265) est encore plus marqué.
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ARROGANCE n. f. est emprunté (1170) au latin
arrogantia, dérivé de
arrogans avec les mêmes valeurs.
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Le mot sert de substantif à arrogant ; il n'a guère varié de sens. Une arrogance (1411), « parole arrogante », est sorti d'usage.
ARROGER (S') v. pron. est un emprunt (mil. XVe s.) au latin arrogare souvent employé dans sibi arrogare « s'approprier, s'arroger », verbe composé de ad- (→ à) et de rogare « s'adresser à » et « demander », et dont plusieurs dérivés ont produit des verbes français (→ abroger, déroger, interroger).
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Soi arroger de (et infinitif) correspond en moyen français à « se prévaloir de » ; cet emploi est archaïque.
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S'arroger qqch. (1538) signifie « s'attribuer (qqch.) sans y avoir droit » ; considéré comme vieux au XVIIe s. (1660, Oudin), cet emploi est néanmoins attesté du XVIe s. à nos jours avec des compléments abstraits, comme droit, prérogative, honneur.
❏
Un verbe arroguer (fin XIVe, jusqu'au XVIe s.) s'est employé au sens d'« interpeller avec hauteur, agressivement », que ne semble pas avoir eu le verbe latin. Il s'agit alors probablement d'une formation en termes de droit, à partir de arrogans.
❏ voir
ARROGANT.
?
ARROI n. m. est tiré (1285 ; les attestations antérieures sont erronées) de l'ancien verbe areer (fin XIIe s.), arroier « disposer, arranger », lui-même issu du latin populaire °arredare, qui paraît formé sur le substantif gotique °reps « moyen de subsistance, provision » ; ancien haut allemand rāt, ancien saxon rad ; l'allemand Rat, « conseil ; moyen », lui est rattaché. Il figurerait parmi les mots importés en Gaule romaine par les mercenaires germains, à haute époque. Une autre hypothèse y voit une formation en ad- sur un latin populaire °conredere, du gotique garedan « pourvoir à », formé de ga- « avec » et de °reps. L'italien arredare, l'espagnol arrear, l'ancien provençal arezar témoignent de la large diffusion de cet emprunt germanique. Le français corroyer lui est apparenté.
❏
Arroi et ses variantes signifient en ancien et moyen français « arrangement, installation » et spécialement (XIVe s.) « équipage ».
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Certaines locutions, comme en grand arroi « en grand équipage », sont restées sinon en usage (arroi est devenu archaïque au début du XVIIe s.), du moins connues.
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Le mot, utilisé pour évoquer le moyen âge, réapparaît littérairement au XIXe s. dans en mauvais arroi, archaïque, et s'emploie quelquefois au XXe s. en emploi libre ou dans en (grand,...) arroi, expression d'usage littéraire.
❏
Par ailleurs,
areer, aroyer avait en ancien français un antonyme préfixé
desareier « mettre en désordre », à côté de
desreer (
XIe s.) « dérouter ; sortir du bon chemin », au pronominal « s'emporter » et « se quereller », d'où
desrei n. m. (
XIe s.),
desroi (
XIIe s.) « confusion, désordre ; combat », puis « tourment », avec de nombreux sens extensifs et figurés.
Desareier, resuffixé en
desarroyer, a produit un déverbal encore vivant.
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DÉSARROI n. m. (av. 1475) a éliminé desroi, conservant le sens de « mise en désordre », « désorganisation », et le mot est passé (mil. XVIe s.) au sens psychologique de « trouble moral », avec une idée de confusion, de détresse.
❏ voir
CORROYER.
ARRONDIR, ARRONDISSEMENT → ROND
ARROSER v. tr. vient par emprunt d'un latin populaire °arrosare, altération du bas latin arrorare, du latin classique ad- (→ à) et de rorare, d'après le radical de ce verbe, ros, roris « rosée » (→ rosée ; romarin). Rorare signifie « être humide de rosée » et, transitivement, « humecter, mouiller légèrement ».
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Arroser, qui apparaît au
XIIe s. (1155) et coexiste longtemps avec la forme
arrouser (
XIIIe-
XVIIe s.), s'est spécialisé en géographie (1265) pour se dire d'un cours d'eau par rapport aux terres qu'il irrigue et fertilise, et en agriculture, pour « répandre de l'eau sur (des végétaux) de manière à les faire mieux pousser », puis « irriguer » (1538) et puis pour « répandre un peu d'eau avant de balayer » (1834).
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Mais le verbe a conservé le sens général de « répandre un liquide sur (qqch., qqn) », notamment, et dès le
XIIe s., des larmes, du sang, avec des métaphores fréquentes dans la langue classique
(arroser de larmes, de sang...) et des locutions littéraires :
arroser la terre de son sang (1690),
son pain de larmes (v. 1700, Fénelon). Une spécialisation populaire concerne l'urine (
arroser la terre, les pissenlits, 1878), une autre, érotique, le sperme (
XVIIe s., selon Guiraud).
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Le sujet désignant la pluie, l'eau,
arroser signifie familièrement « mouiller (qqn) », d'où
se faire arroser, sens attesté récemment mais annoncé par le participe passé, dans
(bien) arrosé « mouillé de pluie » (1606), puis
journée arrosée (1866) « où il pleut beaucoup ».
Une spécialisation figurée assez récente (1719) est « verser de l'alcool dans », « accompagner de boissons alcooliques » ; le participe passé
arrosé est courant dans ces emplois (
café arrosé, 1923).
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Ce sens est précédé par
arouser (un aliment), « tremper dans le vin » (
XIIIe s.), et
de quoy arrouser « de quoi boire » (1537). Au
XIXe s.,
s'arroser est attesté dans ce sens (1863), mais on emploie plutôt
s'arroser le gosier (1925), la dalle (1867), les emplois transitifs anciens,
arrouser sa gorge (chez Villon),
arroser le gouzier (1585), étant archaïques.
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Une autre valeur, liée à la précédente, est « fêter en buvant, en offrant à boire » (1829), aussi
arroser ses galons en argot militaire (1828), d'où
ça (cela) s'arrose (attesté 1934) et
il faut arroser ça.
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D'autres sens figurés, par métaphore de l'eau répandue, existent depuis l'ancien français : arroser qqn (de biens, de prières) « prodiguer » (1258, jusqu'au XVIIe s.), puis « répandre » (arroser ses écrits de belles pensées, 1710).
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Un emploi spécial, « distribuer de l'argent à (des personnes) », apparaît en termes de jeu (1792) et à propos des actionnaires d'une société (1798), déjà avec une idée d'irrégularité, d'échanges illicites, parfois avec celle d'« acompte » (arroser ses créanciers, 1798).
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Un autre emploi concerne l'action de bombarder abondamment (1915), de tirer avec une arme automatique.
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Un autre encore concerne la diffusion d'une information, déjà au XVIIe s. avec arrouser le public (Retz) « y répandre un bruit », valeur reprise au XXe s. pour « diffuser des informations » (1966).
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Les dérivés sont nombreux, aux divers sens du verbe.
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ARROSEMENT n. m. (fin
XIIe s.), d'abord
arosement (v. 1120), s'emploie au sens concret pour « action d'arroser » et « fait d'être arrosé ». On le trouve aussi pour « distribution (illicite) d'argent » (1798) et « bombardement » (1916 chez Gide), alors moins fréquent que
arrosage.
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ARROSABLE adj. (1226), d'abord arousable (XIIe s.), se dit pour « qui peut être arrosé (d'eau) ».
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ARROSOIR n. m. (v. 1550), réfection de arousour (1365), puis arrousoir (1489), désigne un instrument servant à arroser, spécialisé selon les époques, désignant aujourd'hui un instrument de jardinage de forme caractéristique, récipient muni d'un tube et d'une pomme percée de trous (pomme d'arrosoir, 1680), et aussi (XIXe s.) un entonnoir servant à arroser le plancher, le sol avant balayage (à peu près disparu). Par extension, le mot s'emploie, notamment au Québec, pour « système d'arrosage automatique ».
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Au figuré, coup d'arrosoir s'est dit (1874) d'un verre de vin.
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ARROSEUR, EUSE n. (1559 ; arrouseur, 1555), mot tombé en désuétude, puis repris (1839), désigne la personne qui arrose, notamment un jardin ; le thème comique de l'arroseur arrosé (fin XIXe s., titre de l'une des premières scènes du cinématographe) reste connu. Le mot est aussi adjectif (1838) au XIXe siècle.
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Comme nom de véhicule procédant à l'arrosage, arroseur (1905, arroseur automobile) a cédé devant arroseuse n. f. (fin XIXe s., selon Dauzat), mais se dit pour « appareil d'arrosage » (1914 ; arroseur automatique, 1939).
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Au sens figuré argotique de arroser, arroseuse s'est dit de l'artillerie (1916 ; disparu), puis (1956) pour « arme automatique ».
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ARROSAGE n. m. apparaît relativement tard (arrousage, 1603), désignant l'action d'arroser les végétaux, les terres, de manière volontaire et finalisée ; dans ce sens, arrosage a pris en grande partie les emplois de arrosement, « action de pleurer » (1888), « fait d'être arrosé par la pluie » (1893) et « pluie », et s'est dit pour « irrigation » (1752).
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Le mot a acquis certaines valeurs figurées du verbe : « versement d'argent » (1878), « action de boire en l'honneur de... » (1883), « mitraillage » (1922, en argot militaire), « diffusion par un moyen de communication » (1967).
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Il a en outre, comme arrosement, plusieurs valeurs techniques : fabrication de la poudre (1730), textile (1898), mines et machines-outils (XXe s.).
ARROYO n. m. est un emprunt (1831) à l'espagnol arroyo, du latin arrugium, neutre de arrugia « galerie de mine » (d'où en moyen français arrugie, 1562 « canal d'écoulement des eaux, dans une mine »).
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Le mot désigne un canal ou chenal unissant deux cours d'eau (dans des pays tropicaux, notamment en Amérique hispanophone).