ARSENAL n. m. est une forme tardive, succédant à deux séries de mots bien distincts : tarsenal (mil. XIIIe s.), tercenal, tersenal (employés jusqu'au XVIe s.), et archenal (v. 1400), arsenail (XVe s.), arsenac (1459), aboutissant à la forme arsenal (1601) qui a éliminé les autres. Il s'agit d'un emprunt à l'arabe dār (᾿aṣ-)ṣan῾a [sin᾿a] « maison de construction, de fabrication » (qui a donné darse), peut-être emprunt direct (pour la première forme en t), mais surtout par les dialectes italiens, qui ont assourdi le d arabe (de dār) en t, tersanaia (déb. XIVe s., à Pise), tarcenale (Naples), d'où l'italien terzana (XIVe s.). Les formes sans t venant du vénitien ancien arzana (1307), on suppose que le d arabe a été interprété d'après l'article vénitien di (d') et que la fausse coupe di arzana (pour darzana) en a résulté. Le suffixe -al est savant, il a alterné en français avec -ail et -ac considéré comme populaire au XVIIe s. (Furetière). Le succès du mot est lié à l'importance de l'arzana de Venise, créé vers 1104 et reconstruit en 1337, à l'époque de la suprématie maritime de la République. Cet arsenal de Venise était encore le premier d'Europe vers 1800 (voir les Mémoires d'outre-tombe, IV, 6) ; les autres villes italiennes ont suivi.
❏  Le mot français, fixé et répandu fin du XVIe-début du XVIIe s., a évolué. De l'idée centrale, « lieu où l'on construit et répare les navires », on était passé (dès le XVe s., pour archenal) à « lieu où l'on fabrique les armes et les munitions de guerre » (Furetière, 1690), ce qui reflète les différences de situation entre la République maritime de Venise et le royaume de France. ◆  Dès le XVIIe s., arsenal signifie aussi « dépôt d'armes », d'où le sens figuré « grande quantité d'armes » (et de là « matériel compliqué ») et la métaphore abstraite (XVIIIe s., Malezieu, in Trévoux, alors dans le style burlesque), « ce qui fournit des moyens d'attaque ou de défense » (l'arsenal des lois).
❏ voir DARSE.
ARSENIC n. m. est un emprunt (v. 1250) au latin arsenicum, hellénisme, de arsenikon. Le mot grec est un emprunt oriental, probablement de l'iranien ancien °zarnik « couleur d'or » (persan zarnīx, zarnīk), par une langue sémitique. En grec, le mot était rapproché de arsenikos, arrenikos « mâle » (sans rapport étymologique).
❏  Comme le grec et le latin, le français arsenic désigne en alchimie des composés toxiques (en termes modernes : acide et anhydride arsénieux, sulfures d'arsenic, arséniosulfures), dont certaines variétés (sulfures) ont reçu d'autres noms : réalgar, orpiment, employés en alchimie et donc plus chargés de valeurs symboliques.
Les principaux emplois du mot, du XIVe au XVIIIe s., concernent le sulfure naturel d'arsenic (v. 1250), sulfure jaune (moins riche en soufre que l'arsenic rouge, ci-dessous), dit aussi orpiment (XIVe s.) et appelé au XVIIe s. arsenic jaune. ◆  Une autre valeur concerne le composé d'arsenic réduit (1611), appelé réalgar, arsenic rouge (1562), rubis d'arsenic (1685). ◆  Enfin, arsenic désigne (v. 1393) l'anhydride arsénieux, substance inconnue des Romains à la différence des précédentes et appelée aussi mort-aux-rats, et arsenic blanc (1562 ; critiqué comme impropre au XIXe s.) ; cette valeur était encore en usage au XIXe s., sous la forme arsenic du commerce (1814). ◆  Le mot s'applique aussi, en général, à tout composé arsenical servant de poison (déb. XVIe s.), d'où des emplois figurés et régionaux pour « personne, enfant insupportable ». ◆  En alchimie, arsenic des philosophes (1721) désignait le mercure.
■  Depuis la seconde moitié du XVIIe s. (attesté 1694), les chimistes emploient l'expression régule d'arsenic, donnant dès lors à arsenic sa valeur moderne de corps simple, qui sera analysé plus tard.
■  Arsenic a conservé deux emplois modernes, l'un dans la terminologie chimique (1751), l'autre dans la langue courante, où il continue à désigner l'anhydride arsénieux (dit aussi mort-aux-rats), utilisé en poudre comme toxique violent et moyen classique d'assassinat (voir ci-dessus).
❏  À l'exception de ARSENICAL, ALE, AUX adj. (1578), les dérivés encore vivants attestent la fixation du sens chimique moderne où le mot arsenic, désignant désormais le corps simple, doit céder la place à des désignations complexes dans ses emplois traditionnels. ◆  Apparaissent alors ARSÉNIATE n. m. (1782, chez Guyton de Morveau), « sel d'arsenic », d'où ARSÉNIATÉ, ÉE adj. (1803) ; ARSÉNIEUX, EUSE adj. (1787) dans acide arsénieux (Fourcroy) et anhydride arsénieux ; ARSÉNIÉ, ÉE adj. (1792) ; ARSÉNIQUE adj. (1787, acide arsénique ; un adjectif arcenique se référait à l'ancien sens, XVIe s.) ; ARSÉNITE n. m. (1787) ; ARSÉNIURE n. m. (1833) avec la valeur différente de ces deux suffixes chimiques.
■  La liste s'enrichit de composés : ARSÉNICO-AMMONIACAL, ALE, AUX adj. (1748), ARSÉNIOSULFURE n. m. (1865), ARSÉNIOÉTHYLE n. m. (1866), et aussi ARSÉNIFÈRE adj. (1834) et, en arséno-, ARSÉNOLITHE n. m. (1878), ARSÉNOBENZOL n. m. (1922), ARSÉNOBENZÈNE n. m. (XXe s. ; terme introduit par Michaelis et Schulte, 1873).
■  Du radical de arsenic et -ine dans des éléments de composés comme alcarsine, vient ARSINE n. f. (1846), « hydrogène arsénié », puis (1887) « gaz toxique dérivé de ce corps », d'où ARSINIQUE adj. (1920-1924).
■  Le dérivé ARSÉNICISME n. m., « intoxication par un toxique arsenical » (1898), procède du sens courant, non chimique.
? ARSOUILLE n., mot argotique, apparaît à la fin du XVIIIe siècle. Son origine est le verbe arsouiller (attesté cinq ans plus tard chez Babeuf, mais antérieur sauf si le verbe est dérivé du nom ; voir ci-dessous), de sens et d'origine douteux. On a proposé d'y voir une altération de se resouiller, de souiller (Sainéan), ou encore une suffixation péjorative de l'ancien français harser, herser (P. Guiraud). Arsouiller a un sens imprécis mais très fort à l'époque révolutionnaire et semble correspondre à maltraiter, voire à massacrer.
❏  Le sens initial (1792), alors défini « souteneur de tripot », a pris une valeur injurieuse et plus vague. Passé dans la langue courante dans la seconde moitié du XIXe s. (mais Vidocq nomme déjà un Milord l'Arsouille, en 1828), arsouille a pris le sens de « voyou ».
❏  ARSOUILLER v. d'abord argotique pour « massacrer » (1795), employé aussi au XIXe s. comme intransitif pour « avoir un comportement de canaille », a gardé ces valeurs régionalement jusqu'au milieu du XXe s. Toujours en argot, il a pris la valeur affaiblie de « injurier, réprimander » (1867, Delvau), attesté la même année en Suisse romande, où il continue de s'employer (Jura suisse). En français régional de France, ce sens existe, mais l'intransitif, notamment pour « s'enivrer » (aussi s'arsouiller) semble plus répandu.
L ART n. m., l'un des mots les plus importants de notre culture, vient de l'accusatif du latin ars, artis, nom féminin à valeur très générale, signifiant « façon d'être » (Cf. Ovide, qui associe mores « les mœurs, les habitudes », et artes) et « façon d'agir ». C'est, avec le thème °-ti-, une des réalisations de la racine armus (→ arme), qui désigne le haut du bras et l'épaule, mot apparenté à artus — dont le diminutif articulus a donné article* —, et au grec arthron « articulation » (→ arthro-). Armus est lié au grec harmos « jointure, épaule » (→ harmonie), et renvoie à une racine indoeuropéenne °er-, °ar-, r̥̄- que l'on retrouve dans le verbe grec arariskein « arranger » et en arménien. Élargi par °-ei, cette racine a donné le latin ritus « compte », le grec ari-thmos « nombre » (→ arithmétique) ; ritus ayant pris le sens religieux (→ rite) correspondant au sanskrit ṛtam, qui transmet la notion générale d'« ordre », conforme à la religion (rite) ou à la logique (« compte ; nombre ») [Cf. Ernout et Meillet]. ◆  Ainsi, le latin ars réunit des idées essentielles, toutes liées à l'activité humaine tendue vers un ordre, que cet ordre soit dicté par les dieux ou imposé par les lois logiques (Cf. la notion de « loi », elle-même ambiguë). Ars a pris en latin le sens d'« habileté acquise par l'étude ou la pratique », et celui de « talent », opposé à natura, à ingenium, à scientia, puis est passé au sens de « métier, profession » (d'où artifex) et à la valeur péjorative de « ruse », d'où artificium (→ artifice). Le mot a servi d'équivalent au grec tekhnê (→ technique), d'où la valeur de « traité », qui a abouti en français par exemple à art poétique et en ancien provençal à « grammaire » (v. 1300). Le composé iners « inhabile », se retrouve dans inerte*, et les dérivés latins de ars dans artisan et artiste. Le latin ars, artis est passé dans toutes les langues romanes, sauf le roumain.
❏  Le premier groupe d'emplois en français correspond à la valeur générale de « moyen, méthode, connaissance » (fin Xe s.), aussi attesté dans males arz (1080, Roland), qui désignera un peu plus tard (XIIIe s.), d'après le latin médiéval, la sorcellerie et les connaissances occultes. Benoit de Sainte-Maure (v. 1165) donne au mot deux valeurs venant du latin : « discipline des études » (les sept arts) et « habileté pour parvenir à un effet ». ◆  De ce dernier sens vient en ancien français la valeur de « ruse, artifice » (XIIe-XVIIe s.), antérieure en ancien provençal (1025) et continuée par l'acception classique, qui correspond plutôt à « affectation » qu'à « artifice ». ◆  Par ailleurs, l'idée d'habileté plus ou moins secrète et d'efficacité technique s'incarne dans l'emploi pour « sorcellerie » de art seul (v. 1130), de male arz (pluriel ; déb. XIIIe s.), mauvais art (v. 1450) et subtil art (av. 1465).
Au début du XIIIe s., art a le sens général d'« activité professionnelle et manuelle » ; à partir du XVIe s., cette valeur sera appuyée par l'emploi de artisan*. De ces emplois médiévaux, le français moderne a retenu des syntagmes du modèle l'art de (et infinitif) et des locutions, comme c'est du grand art. ◆  Au XVIe s. apparaissent par réemprunt au latin une spécialisation technique, « méthodes propres à une discipline », et une valeur générale, en opposition à nature (1580, Montaigne), qui correspond à tout ce qui est produit par l'homme (on parlera plus tard de culture). Ces sens humanistes ont donné lieu à des emplois toujours vivants, mais souvent mal interprétés, depuis le développement des sens modernes liés à l'esthétique (voir plus loin) ; cependant des locutions comme les règles de l'art, l'enfance de l'art, l'art et la manière conservent ces valeurs anciennes, passablement isolées dans la langue contemporaine. ◆  De même, certains usages de un art, les arts, continuent à faire vivre deux valeurs médiévales. La première est conceptuelle : « connaissance appliquée liée à un domaine d'activité réglée » (c'est-à-dire : technique*), d'où un homme de l'art « un médecin », l'art de la guerre et récemment (pris à l'anglais martial arts, ce qui explique l'archaïsme apparent) les arts martiaux, ou encore art poétique, calque latin du grec poietikê tekhnê « méthode de création », chez Aristote. ◆  La seconde est institutionnelle : les sept arts (XIIe s.) désigne les disciplines enseignées en tant que méthodes, et non en tant que connaissances abstraites dites scientiae, dans le trivium : grammaire, dialectique, rhétorique, et dans le quadrivium : arithmétique, géométrie, histoire, musique, chacun de ces termes étant à prendre au sens latin et médiéval, non pas moderne. De là maistre en ars (1432 ; en hars, 1427), aux arts (1594), enfin maître ès arts (1534). Il s'agit là de techniques intellectuelles orientées vers la maîtrise du langage, des structures numériques et sonores, musicales (qui sont liées) et de celle du discours de connaissance (historia) ou de conviction (la rhétorique). Dans ces emplois, une partie du concept interfère avec celui que l'on désigne en français moderne par science. ◆  Il en va de même en ancien provençal, où l'on trouve art d'astronomia (XIVe s.), de arithmeticha (1492), à côté de art de trobar [de trouver] « rhétorique » et art de gramatica (les deux v. 1290). ◆  Au XVIIe s., les arts, à l'université, désigne les humanités et la philosophie (1636), dans faculté des arts (1690). Disparues avec les mutations de l'institution pédagogique, ces valeurs de art ont néanmoins subsisté, surtout par une série de syntagmes. Arts mécaniques (1265 ; 1361, in F. e. w.), en opposition aux arts libéraux du trivium et du quadrivium, introduit et conserve la valeur de « technique artisanale », et est prolongé par les arts et métiers (1786). ◆  Les beaux-arts (1640 ; aussi belles arts au féminin, Bossuet, 1653), expression diffusée au milieu du XVIIIe s., c'est-à-dire « les techniques de la beauté », s'applique, en opposition à arts mécaniques et aussi à arts libéraux, qui a changé de valeur : ce sont au XVIIIe s. les techniques nobles, poésie, musique, peinture, mais aussi l'art militaire et l'art naval. On voit alors se dégager deux oppositions, l'une conceptuelle « utilité »-« agrément » (les beaux-arts), l'autre sociale, les techniques pratiquées par l'honnête homme (Trévoux) étant opposées aux techniques vulgaires ; la seconde opposition, discutée et contestée par Diderot dans l'Encyclopédie, est la clé de l'opposition artiste*-artisan*, dès le milieu du XVIIIe s. (voir ces mots).
Cependant, c'est au XIXe s., sous l'influence de l'allemand Kunst, que le mot français art va changer de domaine. Certes, dès le XVIIe et le XVIIIe s., on pouvait parler d'un art pour désigner la sculpture, la peinture, la littérature ou la poésie ; mais le concept général était toujours lié aux oppositions évoquées ci-dessus. Ceci reste vrai dans de nombreux emplois, avant 1850 environ. Beaux-arts, de son côté, attesté au milieu du XVIIe s., reste un terme dans une classification. Même dans les emplois absolus du mot art appliqué à la peinture ou à la sculpture (chez Diderot, par exemple), il ne s'agit pas de la valeur moderne. La valeur du mot art est alors liée à l'importance prise par le sentiment dans la création esthétique, à l'intérieur de la dialectique nature-art, d'origine ancienne (latine), et à la notion de beau idéal. Seul artiste* a pris au milieu du XVIIIe s. un sens quasi moderne (mais il en conserve et en développe d'autres). C'est l'esthétique allemande, où Kunst transmet une idée de « savoir », plus centrale que celle d'« activité » (le mot est apparenté à können « savoir, connaître »), qui transmet la valeur esthétique générale au français, par Mme de Staël, B. Constant, puis par Stendhal et les premiers romantiques. G. Matoré, étudiant ce mot, a montré que l'expression l'art pour l'art, employée par B. Constant (1804) après une conversation avec un disciple de Schelling, laquelle correspond au glissement complet du mot vers le concept esthétique, vient des idées des philosophes et écrivains allemands, Kant, Goethe, Schiller, Wieland, Hegel. ◆  Dès lors, art, en français, reçoit d'autres emplois, et la notion se subdivise, selon les domaines de l'esthétique, en arts plastiques, arts appliqués, arts décoratifs (d'où le style Arts déco, après l'Exposition des arts décoratifs, en 1925). ◆  En outre, selon un décompte assez arbitraire, septième art désigne le cinéma (1921), huitième et neuvième art la télévision et la bande dessinée. D'autres qualifications concernent l'origine (art nègre, à l'époque cubiste), les styles, les époques, etc. ◆  L'expression histoire de l'art, qui correspond à une notion culturelle essentielle, est attestée dans sa valeur actuelle au début du XIXe s. (L'Histoire de l'art par les monuments, de Séroux d'Agincourt, commence à paraître en 1811) ; là encore, il s'agit d'un concept allemand (Lehrgebaüde der Geschichte der Kunst in der Altertum, par Winckelmann, 1764), modifiant profondément la tradition issue des vite (« vies ») de Vasari (1550-1586). ◆  Par métonymie, art s'applique aussi à l'ensemble des œuvres (chez G. Planche, av. 1874) et, rarement, aux artistes (1891 chez Verlaine).
■  Désormais associé aux notions de beauté et d'esthétique, l'art est devenu aussi un objet de connaissance et de critique et l'une des références de la consommation dite culturelle (objet d'art ; le marché de l'art...), liée aux thèmes de la conservation du patrimoine et de sa manifestation publique (Cf. musée, exposition...). ◆  En butte à une critique sociale très vive depuis les mouvements de contestation, dada et surréalisme en tête, l'art est aujourd'hui confronté d'une part à non-art, à anti-art (v. 1980) et aux formes marginales désignées par des syntagmes, qu'ils soient formés en français, art naïf, art brut (1944, Jean Dubuffet), empruntés : op'art (1964) ; pop'art (v. 1955), land art (mots anglais), ou enfin calqués : art minimal, art conceptuel, de l'anglais, art pauvre, de l'italien arte povera.
Voir le schéma.
❏  Art n'a pas de dérivé vivant. L'ancien et moyen français ARTIEN ou ARCIEN n. m. (XIIIe s.) a désigné jusqu'au XVe s. un savant, habile dans les arts libéraux, puis spécialement (XIIIe, jusqu'au XVIIIe s.) un étudiant en philosophie.
■  ARTISER v. tr., « fabriquer » (XVIe s.), puis « arranger avec art » (1793), a rapidement disparu.
❏ voir ARTICLE, ARTICULER, ARTIFICE ; ARTISAN, ARTISTE, INERTE, ORTEIL ; ARTILLERIE.
⇒ tableau : Les sens du mot art
ARTÈRE n. f. est un emprunt ancien (1213) au latin arteria, hellénisme. Le grec artêr, d'où vient artêria, est issu comme aortê (→ aorte) d'un verbe aeirein signifiant « attacher » et aussi « élever, soulever » : il s'agit peut-être de deux mots distincts, d'origine inconnue. Cette origine est peut-être indoeuropéenne, si l'on admet le rapprochement avec le préfixé arménien gerem « je prends » (Meillet) et en rapport avec le hittite °sryō, d'un radical °sēr- « haut » (Heubeck). ◆  Le terme grec, employé par Hippocrate et Aristote, désigne les artères et fréquemment la trachée (« l'artère rugueuse », trakheia artêria, aspera arteria en latin). Au moyen âge, l'opposition arteria-vena est exploitée selon le savoir médical d'Hippocrate et de Galien ; elle correspond à la pulsation observée de ces conduits ; elle est surtout pratique, quant à l'impossibilité de pratiquer la saignée (artaires ne doit on sainnier, Alebrant, in Godefroy) et correspond à la croyance selon laquelle les artères, vides de sang après la mort, sont des conduits d'air (grec aêr) contenant un esprit vital considéré comme un « sang spirituel ».
❏  Le mot a eu de nombreuses variantes en ancien français, artheire (v. 1300), artire (déb. XIVe s. ; puis 1484). Grande artère (1546) désignait l'aorte. Au sens de « trachée », on relève artere (v. 1380) et, pour lever l'ambiguïté, artère vocal (fin XIVe s.) et artère du poumon (1538), artère de l'haleine (1579), remplacés par trachée artère (trachie arterie, dès 1240).
■  La différenciation par rapport à « veine », déjà connue dans l'Antiquité, entraîne un emploi plus précis à partir du XVIe s. (1578), mais le concept moderne date du XVIIe s. après la découverte de la circulation du sang par Harvey. La nomenclature anatomique moderne ainsi que les dérivés autres que artériel datent de cette époque. ◆  La locution on a l'âge de ses artères apparaît à la fin du XIXe s., après la mesure de la tension artérielle.
■  Le mot a aussi le sens figuré de « voie de communication » (1831), d'où « ligne électrique ou de distribution de gaz » (1960, dans les dictionnaires généraux).
❏  Le dérivé ARTÉRIEL, IELLE adj. succède (1503) à arterial, emprunt (déb. XIVe s.) au latin arterialis dans vena arterialis (XIe s.), sanguis arterialis (v. 1225), d'où veine arterial « artère pulmonaire », sang arterial (1491) puis sang artériel (1503). L'hésitation entre les deux formes, au XVIIe s., se résout au profit de artériel, employé de manière autonome pour « des artères » (1803).
■  ARTÉRIOLE n. f. (1673) désigne une petite artère.
■  ARTÉRITE n. f. (1821) est emprunté au latin médical arteris, de arteria, désignant l'inflammation d'une artère. ◆  Il a pour dérivé ARTÉRITIQUE adj. (mil. XXe s.) et n. (1977).
■  De artère ou du latin arteria procèdent des composés, à partir du XVIIIe siècle. ARTÉRIOGRAPHIE n. f. « étude, anatomie des artères » (1771) est sorti d'usage ; le mot a été repris (1907) pour désigner la radiographie des artères. ◆  Les dérivés ARTÉRIOGRAPHIQUE adj. (1836) et ARTÉRIOGRAPHE n. m. (1826), au premier sens du mot, sont aussi sortis d'usage, remplacés par les dérivés de ARTÉRIOLOGIE n. f. (1762), ARTÉRIOLOGIQUE adj. et ARTÉRIOLOGUE n. (1836).
■  Un composé devenu assez usuel est ARTÉRIOSCLÉROSE n. f., mot formé en 1823 en allemand par Lobstein et qui a suscité athérosclérose*. ◆  Le dérivé ARTÉRIOSCLÉREUX, EUSE n. et adj., « (malade) atteint d'artériosclérose » (1907), est aussi en usage.
■  ARTÉRIOPATHIE n. f. « maladie des artères » (av. 1855) est plus technique.
■  ARTÉRIECTOMIE n. f. (1931), employé en chirurgie, est formé tardivement.
ARTÉRIOTOMIE n. f., en revanche, est un emprunt de la Renaissance (XVIe s., Paré) au latin arteriotomia (IVe-Ve s.), utilisé au moyen âge.
■  De là, ARTÉRIOTOME n. m. (1890).
❏ voir AORTE, ARTIMON.
ARTÉSIEN, IENNE adj., d'abord (1242) artisien, avec les variantes arthisien, arthesien, vient des formes anciennes de Artois, région du nord de la France. Ce toponyme vient du latin médiéval Pagus Atrebatensis, pays du peuple celtique, Atrebates signifiant « occupants, maîtres du sol, propriétaires ».
❏  Nom d'une monnaie au XIIIe s., le mot est attesté comme nom (arthisiens, 1530) et adjectif (arthesien, 1548) pour « (habitant) de l'Artois ». ◆  Un emploi spécial, lexicalisé, est puits artésien (1835) « puits foré à l'aide d'une sonde profonde », d'abord pour chercher l'eau d'une nappe souterraine, procédé pratiqué en Artois.
ARTHR(O)- élément tiré du grec arthron « articulation, membre » et, tardivement terme de grammaire, « article » (→ article), dérivé de artunein « disposer, préparer », appartient à la même famille indoeuropéenne que arithmos (→ arithmétique) ou que le latin ars, artis (→ art).
❏  On le trouve dans des mots empruntés au grec par le latin ou formés dans une langue moderne.
❏  ARTHRITE n. f. est la francisation (1646) de arthritis (v. 1580), emprunt au bas latin, hellénisme, le grec arthritis désignant la goutte. Il se dit d'une inflammation articulaire.
■  ARTHRITIQUE adj. est la réfection (fin XVIe s., Paré) de artritique (v. 1170), emprunté au latin médical arthriticus, dérivé de arthritis, après plusieurs autres formes.
■  Le préfixé POLYARTHRITE n. f. (1868) a précédé PÉRIARTHRITE (1890) ; polyarthritis avait été créé en latin moderne par Broussais (1826), qui l'opposait à monoarthritis.
■  ARTHRITISME n. m. est dérivé de arthrite au XIXe s. (1865) pour désigner ce qu'on appelait aussi goutte larvée, c'est-à-dire une diathèse.
1 ARTHROSE n. f., au sens ancien d'« articulation », est un emprunt (XVIe s., artrose ; 1644, arthrose) au grec tardif arthrôsis. Le mot est en concurrence avec le latinisme article, avec arthron (XVIe s. ; grec arthron), enfin avec articulation, qui l'emporte au XVIIe siècle ; il n'a jamais été usuel.
■  2 ARTHROSE n. f., « altération non inflammatoire des articulations », semble formé (1911, selon T. L. F.) par substitution de suffixe sur arthrite (ci-dessus). ◆  Le dérivé ARTHROSIQUE adj. et n. apparaît dans les dictionnaires généraux en 1960.
■  Ambroise Paré, en même temps que arthrose, a emprunté au grec DIARTHROSE n. f., « articulation mobile des os », SYNARTHROSE n. f., « articulation des os », et ÉNARTHROSE n. f., « articulation formée d'une éminence osseuse et d'une cavité ». ◆  D'autres composés sont plus récents, tels GONARTHROSE n. f., formé sur le grec genu (→ genou), qui désigne (mil. XXe s.) l'arthrose du genou et COXARTHROSE n. f., du latin coxa « hanche » (→ cuisse), qui s'applique à l'arthrose de la hanche (attesté 1959).
ARTHROPODES n. m. pl., terme savant, est la francisation du latin moderne arthropodium (R. Brown), d'abord adapté en arthropodion (Boiste, 1823), mot formé en botanique au début du XIXe s. sur les éléments grecs arthron « articulation » et pous, podos « pied » (→ podologie). Il n'a pas fait fortune.
■  Les zoologistes Siebold et Stannius ont ensuite créé le mot latin arthropoda en 1845 pour désigner le regroupement proposé par Latreille en 1825 sous le nom de Condylopes ; on a longtemps dit en français animaux articulés (mais les articulés, chez Cuvier, englobent aussi les vers). Cet embranchement, dont le nom s'est imposé au milieu du XIXe s. (1855, Leydig, en allemand), comprend les crustacés, les myriapodes, les arachnides et les insectes, soit les trois quarts des formes animales actuelles.
D'autres composés en ARTHRO-, -ARTHRE sont attestés depuis le début du XIXe s., comme ARTHRALGIE n. f. (1821), de -algie, pour « douleur articulaire », ARTHROPATHIE n. f. (1840), « affection articulaire », et en chirurgie ARTHROTOMIE n. f. (1883), ARTHRECTOMIE n. f. (1887), ARTHROPLASTIE n. f. (1928 dans les dictionnaires).
■  ARTHROSCLÉROSE n. f., « raideur des articulations » (→ scléreux), semble récent (mil. XXe s.), de même que ARTHROGRAPHIE n. f., « examen radiologique d'une articulation ».
ARTICHAUT n. m. est un emprunt de la Renaissance (1538, artichault) à l'italien, transmettant lui-même en l'occurrence un mot d'origine arabe, al-kharshōf. Il s'agit de la forme lombarde articcioco, transmise oralement (ccio- accentué se prononçant tcho, cho écrit à la française). Cette forme, différente du toscan carciofo (qui a donné en français l'éphémère carchoffle, avant 1506, dans un emploi figuré), vient probablement de l'espagnol alcarchofa, emprunt à l'arabe al ḫaršūf, dont le toscan a éliminé l'article, mais conservé le f final (comme l'espagnol). L'anglais artichoke, l'allemand Artischocke viennent aussi du lombard.
❏  Le mot, dans les langues qui l'ont adopté, désigne à la fois une plante herbacée potagère (Cynara scolymus) et sa partie comestible (capitules et bractées) ; en français, il s'applique par analogie à d'autres plantes. Tête d'artichaut désigne la partie comestible ronde et supérieure.
■  La locution cœur d'artichaut « personne volage » (seconde moitié du XIXe s., in Delvau, Larchey) fait allusion aux « feuilles » (bractées) imbriquées, que l'on mange une à une, et au « cœur » tendre des jeunes artichauts.
■  Des sens figurés concrets se réfèrent aux « feuilles » de forme hérissée (1762, « pièce de fer hérissée de pointes »).
■  Un sens argotique (1881) forme calembour sur le « porte-feuilles » ; il est vieilli, mais son apocope ARTICHE n. m. (1883), d'abord « porte-monnaie », puis « argent », est encore employée.
+ ARTICLE n. m. est un emprunt ancien (1248), avec adaptation de la finale, au latin articulus, diminutif de artus, artuum, n. m. pl., désignant les membres, et dont l'acception primitive « articulation, jointure » est passée au dérivé. Ce mot est un élargissement de la racine armus (→ arme), comme ars, artis (→ art). Artus représente la même famille indoeuropéenne que le grec arthron (→ arthr[o]-). Articulus a en latin diverses acceptions, « jointure », « nœuds des arbres », « orteil* » (mot issu par voie orale de articulus) et, par extension, « moment précis du temps » ; en grammaire, il traduit le grec arthron ; en rhétorique, il désigne une division du discours. Les valeurs du latin ont toutes été conservées en français, ce qui suppose plusieurs processus d'emprunts.
❏  Le premier sens français (mil. XIIIe s.) concerne la partie numérotée d'un texte juridique, sens toujours vivant, puis d'un compte et en général de tout écrit, valeur large assez rare ou bien spécialisée (articles de dictionnaire, d'encyclopédie) et utilisée par extension pour « point d'un raisonnement » (déb. XIVe s.) avec un sens voisin de celui de chapitre. ◆  Article de foi, d'abord article de la foi (XIIIe s.), parfois article employé seul (artikel en anglo-normand, XIIIe s.), désigne un point de croyance. L'expression s'est employée par comparaison : croire comme, prendre pour un article de foi « croire fermement » (1633, Corneille). Elle a pu contribuer à donner au mot article la valeur figurée de « propos, argument » (av. 1286, Adam de la Halle) et de « sujet, matière », d'où des expressions comme c'est un article à part (XVIIe s., Boileau), un autre article (1690) et sur cet article (se mettre sur l'article de..., 1672). Dans ce sens, le mot s'est spécialisé en droit pénal (articles d'une accusation), d'où en moyen français un verbe articler contre qqn (1530). ◆  Depuis le début du XVIIIe s. (1711), article désigne en outre un écrit faisant partie d'un ensemble (journal, revue) : ce sens est très fréquent depuis le développement de la presse périodique.
■  Du latin in articulo mortis, au sens temporel de articulus, absent en français moderne, vient article de la mort (1190), d'où en (l')article de la mort (1410), puis à l'article de la mort (1450), qui traduisent l'expression latine. Cette valeur temporelle était vivante en ancien français : par exemple dans en article de... « au moment de » (v. 1200).
Le sens grammatical du latin articulus est passé en français dès le XIIIe s. (1263) pour désigner le déterminant principal du substantif, les articles étant dits, en français, définis et indéfinis.
■  Par ailleurs, le sens anatomique de articulus, correspondant au grec arthron, a eu cours en moyen français (XVIe s.), en concurrence avec arthrose, arthron (→ arthro-) et avec articulation (ci-dessous). Ce sens de « jointure, articulation » a disparu ; il était encore employé en dessin et en peinture au XVIIIe siècle. ◆  Une valeur métonymique, « partie du membre entre deux articulations » (1549), a été reprise en botanique (1791) et surtout en entomologie (1789), domaine où le mot est toujours employé pour « partie des membres des insectes ».
Enfin, du sens initial appliqué aux éléments d'un compte ou d'une liste d'objets, vient (mil. XVIIIe s. ; article de commerce, 1771) le sens commercial d'« objet vendu au public », d'où « objet usuel ». ◆  De là l'expression faire l'article (1826, chez Balzac) qui correspond au développement de la réclame et signifie « faire valoir la marchandise », puis figurément « défendre les intérêts de qqn » (1861) et « faire un éloge intéressé ». ◆  Être à son article « à son affaire » se dit dans plusieurs régions ; être porté sur l'article (1888) s'est dit familièrement pour « rechercher l'amour physique » (Cf. sur la chose).
❏  Article a peu de dérivés français, sinon en journalisme, ARTICLER v. intr., « écrire un, des articles » (1805), sorti d'usage, et ARTICLIER n. m. (1839), « auteur d'articles », vieux, repris en argot de métier pour désigner un chroniqueur connu.
■  Dans ce même domaine, le latin articulus a servi à former le diminutif ARTICULET n. m. (1866), « petit article de journal ou de revue », en général péjoratif (« article insignifiant »).
Les dérivés latins de articulus, en revanche, ont produit plusieurs mots français empruntés, souvent considérés intuitivement comme dérivés de article.
■  ARTICULER v. tr., emprunt au dérivé latin articulare, signifie d'abord (1265) « prononcer distinctement » et plus spécialement, repris au début du XVIIe s. dans articuler sa langue (1605), « former nettement les sons (d'un élément de discours) », et aussi abstraitement « formuler (une pensée, une hypothèse) » (1904). En musique (1863), et métaphoriquement en peinture (1676), le verbe correspond à « marquer avec netteté les éléments ; faire ressortir une structure ». ◆  Articuler a par ailleurs, d'après une autre acception du latin articulus et de article, le sens d'« exposer en détail (qqch.), article par article » (1413) et, en droit, « exposer, énoncer » (XVIe s.). De là articuler un fait (1604) « l'affirmer », sens vieilli. ◆  L'emploi en anatomie, pour « joindre par une articulation », procède au XVIIe s. de articulé (ci-dessous) ; il est beaucoup moins usuel que articulation, articulaire, et que désarticuler (ci-dessous). ◆  Des valeurs extensives de articulation vient l'emploi concret du verbe pour « joindre, unir de manière fonctionnelle » (1863), au pronominal s'articuler, « être réuni en un assemblage mécanique » (1873), et abstraitement « se succéder en étant en rapport » (1929). ◆  Les emplois abstraits mentionnés ci-dessus, « exposer en détail » et « formuler », sont repris au XXe s. avec cette notion d'organisation fonctionnelle d'éléments.
■  ARTICULÉ, ÉE adj. se dit de la voix qui prononce distinctement (1552), d'un discours nettement prononcé et enfin (1904) d'un système de signes (une langue) organisé en phonèmes. ◆  Parmi les emplois correspondant au verbe, un autre a pris une valeur autonome, pour « qui a des articulations » (XVIe s., Paré) ; d'où les articulés (1815, Lamarck), classe de brachiopodes (emplois archaïques).
ARTICULATION n. f., emprunt (1478) au dérivé latin articulatio, désigne d'abord la jointure des os, formant un assemblage fonctionnel. Dans ce sens, le mot se substituera à article et à arthrose, employés au XVIe siècle ; il s'étendra au XVIIIe s. de l'anatomie humaine à la zoologie, en relation avec articulé ; une extension de ce sens, en mécanique (1690), prépare la valeur abstraite d'« organisation fonctionnelle ».
■  Vers la fin du XVIe s. (A. Paré), articulation, d'après articulé et articuler, désigne la prononciation nette des sons du langage. Remplaçant un dérivé du verbe, articulement, n. m. (XVIe s., Pasquier), rapidement sorti d'usage, articulation se dit pour « énonciation point par point, article par article » (1694) et, en droit, pour « allégation de faits nouveaux » (1690). ◆  Beaucoup plus tard, articulation signifie concrètement et abstraitement « manière dont un système complexe est organisé fonctionnellement », sens lié aux valeurs rhétoriques et logiques du verbe, et développé par le structuralisme (exemple, la double articulation du langage, A. Martinet, 1949).
■  ARTICULATOIRE adj., formé sur articulation en anatomie (av. 1590, Paré), s'est spécialisé au sens phonétique (1897, Rousselot).
ARTICULAIRE adj., emprunté au latin articularis, correspond (1505) au sens anatomique de articulation, par exemple dans maladie articulaire (1640), capsule articulaire (1812).
Articuler, articulé et articulation ont servi à former des mots préfixés.
■  DÉSARTICULER v. tr. (1778) s'est employé en chirurgie puis généralement, au concret (mil. XIXe s.) et à l'abstrait (1922), au sens structurel de articuler, articulation. ◆  Le participe passé DÉSARTICULÉ, ÉE adj. s'emploie surtout au concret. ◆  DÉSARTICULATION n. f. y correspond, en parlant des os (1813), en chirurgie (1814) et, généralement, au concret et à l'abstrait (1932). ◆  À noter que le moyen français déarticuler, v. tr., d'où déarticulation, n. f. (XIVe-XVIe s.), avait un sens tout différent et correspondait à « articuler très nettement ».
■  Le participe passé articulé a produit 1 INARTICULÉ, ÉE adj., d'abord « mal pourvu d'articulations » (main inarticulée, 1380), alors antérieur à l'adjectivation de articulé, puis (1582) au sens initial de articuler et articulé, ée, pour qualifier des sons, une parole émis sans netteté, emploi usuel, ou bien non organisés selon l'articulation d'une langue humaine. ◆  Les dérivés INARTICULATION n. f. (1794) et INARTICULABLE adj. (Galiani ; av. 1787) sont demeurés rares. ◆  Articulé, au sens anatomique, a servi en outre à former 2 INARTICULÉ, ÉE adj. (1701), dont le masculin pluriel substantivé, les inarticulés, désigne une classe de brachiopodes (1885), sens archaïque, ainsi que MULTIARTICULÉ, ÉE adj. (déb. XIXe s.) et PLURIARTICULÉ, ÉE adj. (1842), rares.
❏ voir ORTEIL.
ARTIFICE n. m. est emprunté (XIIIe s.) au latin artificium « technique, métier » et « adresse », composé de ars, artis (→ art) et de facere (→ faire).
❏  La première spécialisation (artefice, mil. XIIIe s.) est « art de tromper », d'où, dans la langue classique, « moyen habile et plus ou moins trompeur » ; ce sens a reculé par rapport à celui de « moyen ingénieux » (voir ci-dessous). ◆  Le mot avait aussi (1318) le sens latin de « métier, exercice d'un art manuel » (en relation avec le latin artifex), sens qui disparaît au XVIIe siècle.
■  Celui d'« engin, instrument » (1314) s'est spécialisé (XVIe s.) à propos des engins préparés pour une fête, et notamment des artifices d'éclairage et des artifices de feu d'après l'italien fuoco artifiziale ; il ne subsiste en français moderne que par l'expression feu d'artifice (1594), aujourd'hui employée aussi au figuré (« ce qui éblouit »). ◆  Ce sens a produit un dérivé isolé, ARTIFICIER n. m. (1594).
■  Enfin, artifice, sans péjoration, désigne l'habileté (1505) et, dans la langue classique et moderne, un moyen habile témoignant d'ingéniosité ; cette valeur est devenue fréquemment péjorative, impliquant la complication inutile, le manque de naturel, notamment en esthétique, mais non plus la tromperie, comme dans les emplois classiques.
❏  ARTIFICIEL, IELLE adj., emprunt (1262-1268 B. Latini, puis 1370) au dérivé latin artificialis « conforme à la bonne méthode (ars) », n'est que partiellement lié à artifice, quant au sens. En effet, artificiel n'a qu'exceptionnellement signifié « trompeur, insidieux » (1532) et jamais « habile ». ◆  Il s'est opposé à naturel, en conservant l'idée d'activité humaine réglée, de méthode, qui ne s'est pas maintenue dans artifice ; cette valeur moderne apparaît dès les premiers emplois. ◆  L'adjectif a aujourd'hui deux types d'acceptions ; l'un, objectif, correspond à « produit par la technique », et « non naturel » : lumière artificielle (1765), respiration artificielle (1834), lac, satellite artificiel. Dans une spécialisation terminologique, textile artificiel, qui suppose des opérations sur des fibres naturelles, s'oppose à synthétique ; de là de l'artificiel (1947). ◆  L'adjectif signifie aussi « produit par une convention, un code », par exemple dans langage artificiel (1890), d'où « agissant par des processus automatiques » : intelligence artificielle (1968). ◆  La seconde valeur, subjective et péjorative, correspond à « factice, sans naturel ni simplicité » (XVIIe s., Bossuet) puis à « peu naturel, peu nécessaire » (des besoins artificiels), voire « arbitraire » (classification artificielle). L'adjectif reflète a contrario les ambiguïtés du concept de « nature-naturel ». ◆  Il est substantivé au féminin dans une artificielle (1959) pour escalade artificielle.
■  Le dérivé ARTIFICIELLEMENT adv. (1265, artificialment) ne retient guère en français moderne que la seconde valeur de l'adjectif, « de manière affectée ou arbitraire ».
■  Au contraire, les mots didactiques ARTIFICIALISME n. m. (1908, Boutroux), employé en philosophie avec plusieurs valeurs successives, ARTIFICIALITÉ n. f. (1916), ARTIFICIALISER v. tr. (1947, Sartre) et ses dérivés ne concernent que le sens objectif de artificiel.
ARTIFICIEUX, EUSE adj., emprunt (v. 1275 ; mil. XIVe s. in F. e. w.) au dérivé latin artificiosus (Cicéron), « fait avec art et méthode ; habile », a en français le sens latin (v. 1370), l'acception péjorative de « retors, rusé », puis (1569) « ingénieux » ; c'est un mot littéraire, comme son dérivé ARTIFICIEUSEMENT adv. (XIVe s.), « avec habileté », puis (XVIe s.) « avec ruse, faussement ».
ARTEFACT n. m. est un emprunt scientifique (1905) à l'anglais artefact, variante de artifact, du latin artis factum « fait par l'art, par la technique humaine (et non par la nature) » (→ artifice). ◆  Le mot s'emploie d'abord en médecine pour désigner l'altération d'un tissu vivant examiné, due à une intervention scientifique, et, plus généralement, un phénomène artificiel, d'origine humaine, dans l'étude de faits naturels. ◆  Par passage au domaine abstrait, il se dit pour un contenu de pensée artificiel, créé ad hoc ; l'anglicisme, rejoignant alors l'usage normal de artifice, est alors particulièrement inutile.
ARTILLERIE n. f. est dérivé de l'ancien verbe artillier (déb. XIIe-XVIe s.), « équiper d'engins », altération sous l'influence de art « technique » d'un autre verbe, de l'ancien français atilier (attesté 1170), « parer, arranger ». Ce verbe représente par évolution phonétique un latin populaire °apticulare, dérivé de aptare « adapter ; équiper », de aptus (→ apte). P. Guiraud préfère revenir à l'hypothèse du XIXe s., selon laquelle le verbe proviendrait directement du latin articulare (→ article).
❏  Artillerie apparaît au début du XIVe s. (v. 1307), désignant l'ensemble des engins de guerre ou, si l'on veut, des armes* lourdes, ainsi que le magasin où on les entrepose, et ceci jusqu'au XVIe siècle. L'emprunt au vénitien, arsenal*, qui ne concerne d'abord que la marine, le remplacera plus tard. Le mot a aussi désigné l'armurerie, « le mestier [...] de faiseur d'arcs, de flesches, d'arbalestes » (1375).
■  La spécialisation pour « armes à feu de gros calibre » correspond à l'évolution de l'armement (canon apparaît en 1339). ◆  Le mot désigne aussi par métonymie la partie d'une armée (on dira plus tard l'arme) qui est chargée du service de ce matériel (l'artillerie et l'infanterie). ◆  Par métaphore, et comme arsenal, artillerie a désigné un matériel, des provisions (artillerie de gueule, au XVIe s.). Le sens spécialisé moderne donne lieu à une autre métaphore, « ce qui sert à bombarder, à tirer sur qqn ».
❏  ARTILLEUR n. m. (1334) vient aussi de artillier et suit les valeurs prises par artillerie : « celui qui s'occupe du matériel de guerre », « fabricant d'armes », puis spécialement « des armes à feu lourdes ». ◆  Le mot désigne aux XIXe et XXe s. aussi bien le militaire qui sert dans l'artillerie que celui qui est spécialisé dans le service des armes lourdes, avec une technicité de plus en plus grande et le recours à des applications mathématiques, comme la balistique.
ARTIMON n. m. est emprunté au génois (1246), alors que la variante artemon l'est au latin artemo, d'où vient le mot italien. Artemo, -onis « voile ou mât de navire » est très probablement lui-même un emprunt au grec artemôn, mot attesté tardivement dans les Actes des Apôtres (voyage de saint Paul). On peut croire à une création des gens de métier avec le suffixe -môn des noms d'instruments. On a évoqué un dérivé du verbe arteisthai « se préparer », apparenté à artunein « préparer » (→ arthr[o]-), bien que Vitruve lui fasse correspondre un autre mot grec, pagôn, simple équivalence sémantique. Chantraine penche pour une dérivation de artan « suspendre », dérivé du verbe aeirein « attacher, atteler » (→ aorte, artère).
❏  En français, le mot a désigné la plus grande des voiles que l'on hissait au mât de la proue d'un navire, puis (1621) la voile hissée au mât de la poupe. L'usage moderne a fait porter l'accent sur le mât lui-même, celui de la proue (1248, en latin médiéval) puis celui de la poupe (1660). Le mot s'emploie surtout dans mât d'artimon (1570), voile d'artimon (1667).
ARTISAN n. m. est un mot de la Renaissance (artisan, cité comme mot génois, 1409 ; puis artizan, 1546), emprunt oral à l'italien artigiano « celui qui exerce un métier », et emprunt écrit à artesano (1442), de arte « métier », du latin ars, artis (→ art), avec le suffixe -igiano (→ partisan). Le mot italien concernait fréquemment les techniciens des arts plastiques.
❏  Le français artisan, après avoir désigné (jusqu'au XVIIIe s.) les spécialistes de toutes les techniques, arts libéraux autant que arts mécaniques, a dépendu de cette distinction appuyée par celle qui s'est faite (mil. XVIIIe s.) entre artisan et artiste*. ◆  Du sens ancien, subsiste l'emploi figuré (XVIe s., Ronsard) « personne qui est la cause de qqch. ; auteur » (il fut l'artisan de son malheur), au féminin artisande (1594) puis artisane (v. 1660). ◆  En outre, au XVIe s., en rapport avec art au sens d'« habileté », un adjectif artisan, ane signifie « habile », voire (déb. XVIIe s.) « intrigant ». ◆  Artisan a longtemps été quasi synonyme de ouvrier, et s'oppose dans divers usages régionaux à paysan et à bourgeois. C'est au cours du XIXe s. que se fait la distinction économique entre le travailleur manuel qui exerce sa profession pour son propre compte (envisagé après Marx comme un petit capitaliste) et le salarié d'une entreprise. ◆  Vers la même époque (1845), on trouve le féminin ARTISANE, déjà attesté au XVIIe s. (1680) pour « femme d'un artisan ». ◆  De même, un adjectif artisan, ane s'emploie pour « relatif à un artisan » (1863) et les premiers dérivés apparaissent (ci-dessous). ◆  Dès lors, artisan désigne une catégorie socioprofessionnelle proche du commerçant. Après avoir été limité à une compétence mécanique (au sens de arts mécaniques) par rapport à artiste, mais valorisé par rapport à ouvrier, par la notion de technique maîtrisée, l'artisan, devenu un professionnel indépendant et qualifié, récupère des valeurs positives (d'où maître artisan, artisan d'art, etc.).
❏  Les premiers dérivés semblent d'usage régional.
■  ARTISANERIE n. f. est chez George Sand, mais reste rare ; le mot a été reformé (1934) pour « ouvrage d'artisan » et, récemment, entre dans la série des noms de commerce en -erie.
■  Les deux dérivés aujourd'hui usuels, artisanat et artisanal, attestent la notion socio-économique moderne de artisan. ARTISANAL, ALE, AUX adj. (1924) est devenu usuel, avec la connotation de travail manuel soigné et personnel, opposé à industriel. ◆  Il a pour dérivé ARTISANALEMENT adv. (v. 1950) qui insiste sur cet aspect non industriel.
■  ARTISANAT n. m. (1920, J. Fontèque à Metz, selon les Annales de la faculté d'Aix, in F. e. w.) correspond à l'italien artigianato (1907) et, en français, à paysannat ; il signifie « condition d'artisan » et « ensemble des artisans », « activité d'artisan », et s'emploie aussi au figuré.
ARTISON n. m. est la réfection (1562) de artoizon (déb. XIIIe s.), artuison (XIVe s.), probablement issu, selon P. Guiraud, du provençal artison « irritation », de arta « irriter », par la même métaphore que l'ancien français gratte, gratison désignant des insectes. Le verbe provençal vient du latin artare « gêner, serrer », dérivé de artus « étroit, serré », mot probablement apparenté à la racine de artus (→ article).
❏  Le mot rare en français général désigne un insecte qui ronge le bois, les étoffes et fourrures. Il s'emploie encore en Bourgogne pour « mite » et désigne en Auvergne et en Savoie, un acarien du fromage.
❏  Le dérivé ARTISONNÉ, ÉE adj. (1807) qualifie ce qui est rongé par les insectes.
1 ARTISTE n. et adj. vient par emprunt (v. 1400) du latin médiéval artista ou de l'italien artista, le premier dérivé du latin classique ars, artis (→ art), le second de arte (de ars).
❏  En français, c'est un mot savant, proche par le sens de artisan : « Homme de mestier, que les clers appellent artistes », écrit Christine de Pisan. La valeur est celle du latin artifex et non celle du latin tardif artista, « étudiant des arts libéraux, à l'université », sens adopté par artiste (1404 et jusqu'au XVIIIe s.) qui a eu la valeur spéciale d'« architecte » (1578). ◆  En moyen français, artiste est aussi adjectif et signifie « fait avec habileté et méthode : avec art » (1554) ; les emplois modernes à propos des personnes sont plus récents (Cf. ci-dessous artistique-artiste, au XIXe s.).
■  Depuis que artisan s'emploie (mil. XVIe s.), une répartition s'opère entre les deux mots, mais un artiste, jusqu'au début du XIXe s., peut être à la fois un artisan (sens attesté depuis déb. XVe s., v. 1405) et (depuis mil. XVIIIe s.) un praticien des arts libéraux, ceci incluant les beaux-arts (« techniques de la beauté »). Surtout, le rapport entre artiste et artisan devient au XVIIIe s. nettement hiérarchique, comme celui qui existe entre arts libéraux et arts mécaniques, mais d'une autre manière. L'artiste peut bien exercer une profession technique, mais à condition que son art mécanique « suppose de l'intelligence » (Trévoux, 1711) : le cordonnier est un artisan, l'horloger un artiste. ◆  Des valeurs spéciales ont eu cours pour artiste, comme « personne qui fait des expériences et opérations chimiques » (1662), d'où (1794) « préparateur de chimie », « médecin » (1787) et, plus tard, « vétérinaire » (1858, jusque v. 1900), sens issu de artiste vétérinaire, tiré (1785) de art vétérinaire. ◆  À l'époque révolutionnaire, artiste prend une valeur très majorative : les comédiens (voir ci-dessous), les cuisiniers, les coiffeurs, etc. se disent artistes, tandis qu'on applique le mot à ce que l'on nomme en français moderne ingénieur et même entrepreneur ou industriel (ces valeurs disparaîtront rapidement). La vogue du mot a été vivement critiquée au début du XIXe siècle. Certains de ces emplois ont disparu (1808, « décrotteur, balayeur »), d'autres, du fait de la valeur esthétique dominante (ci-dessous), ne subsistent que par des syntagmes (artiste en cheveux, 1811 ; artiste capillaire, 1864). ◆  Le seul à demeurer usuel dans la langue spontanée est celui de « comédien, comédienne » (1753), aujourd'hui connoté comme naïf et qui est probablement à l'origine d'emplois extensifs comme une artiste « femme galante » (1900), à cause de la réputation des comédiennes et chanteuses (sens disparu), ou encore un artiste « camarade, compagnon » en argot de métier (1883) et, souvent en appellatif, « fantaisiste, bon à rien » (v. 1919), nuance encore vivante (salut, l'artiste !). ◆  Dans ces emplois, l'altération populaire ARTISSE n. (1805, pour le comédien), qui s'applique aussi au type social du peintre bohème (1873, Verlaine), a quelque peu vieilli.
Au début du XIXe s., le mot était passé dans le champ de l'esthétique, avec le mot art* ; il équivaut alors à l'allemand Kunstler et devient un des termes porte-drapeau du romantisme. Depuis cette époque, artiste est étroitement rattaché au sort de art, et détaché de artisan, et ses valeurs évoluent selon la perception de l'activité sociale esthétique, en relation avec poète, écrivain et les mots désignant des activités artistiques, et aussi avec un autre terme générique, créateur. ◆  Comme art lui-même, artiste a un contenu incertain : centré sur les arts plastiques (peintre, dessinateur, sculpteur), à un moindre titre sur l'architecture, il peut ou non englober les arts du son (musicien, compositeur, interprète), du langage (écrivain, poète) et du spectacle ; cette imprécision logique est favorable à un sémantisme affectif et largement lié aux jugements de valeur sociaux.
■  Le nom s'applique par extension à une personne qui, sans créer, a le goût des arts, une sensibilité qui lui fait apprécier l'art (1838) ; il correspond alors à l'adjectif 2 artiste (ci-dessous). Par ailleurs, une valeur particulière où le comportement libre et l'hostilité à l'égard des valeurs bourgeoises l'emportent sur la création esthétique donne à artiste, surtout après 1860, un statut social, impliquant apparence extérieure, vêtement, comportement ; cette acception, dégradée après 1920, a peu à peu disparu ou connote le passé.
❏  Le dérivé ARTISTEMENT adv. apparaît au sens ancien de artiste, pour « à la façon d'un artisan » (1538) et, au figuré, « habilement » (XVIe s.). L'adverbe, disparu, est reformé au sens moderne (1830) et signifie « avec goût, avec le sentiment de l'art ».
ARTISTIQUE adj., dérivé de artiste (1808), devenu nécessaire quand artiste connaît sa grande expansion, s'emploie en parlant des choses, et correspond à peu près au sens du syntagme d'art. ◆  Il signifie aussi « fait avec art » (1859), remplaçant souvent artistement. ◆  Il a pour dérivé ARTISTIQUEMENT adv. (1845).
■  L'adjectif 2 ARTISTE, beaucoup plus ancien (1575) et rare, est au début du XIXe s. réservé aux personnes, et sélectionne dans le substantif au sens moderne (1807, Mme de Staël) les valeurs sociales et esthétiques (il, elle est artiste), neutralisant l'opposition créateur-amateur (d'art). ◆  Artistique, artiste adj., et d'art ont eu tendance à se dévaloriser, en assumant l'aspect institutionnel, parfois académique, de l'esthétique sociale. ◆  Cependant, l'adjectif artiste a été repris en littérature par les Goncourt, avec une valeur spécifique d'école (style, écriture artiste), historiquement marquée.
■  Artistique sert à former ANTIARTISTIQUE adj. (1852), ARTISTISME n. m. (1834), ARTISTERIE n. f., péjoratif (1842), mots sortis d'usage au XXe siècle.
Enfin, ARTISME n. m., dérivé de art d'après artiste, est une création de Valéry (1910), désignant une attitude valorisant l'art, l'activité esthétique, plus que toute autre.
ARTO- est le premier élément de mots savants empruntés au grec artos « pain de froment » (d'origine incertaine), comme ARTOLÂTRE n. m. « adorateur du pain » (1752), appliqué aux catholiques qui croient à la présence réelle du Christ dans l'hostie.
■  Le seul qui corresponde à une terminologie encore vivante est ARTOCARPE n. m., emprunt (1822) au latin scientifique artocarpus (Forster et Forster, 1776) « arbre à pain ».
❏  Par une voie obscure (grec ou latin médiéval), artos a donné une série de formes argotiques, en Italie, en Espagne et en France.
■  ARTON n. m., mot du jargon des Coquillards (1455), ne subsiste au XIXe s. que dans quelques argots de métier, régionalement, et a donné, par agglutination de l'article, LARTON n. m. (1800), dans larton savonné « pain blanc » et larton brutal « pain bis », d'où du brutal « du pain ». ◆  La variante artis, artiz est surtout attestée aux XVIe et XVIIe siècles. ◆  D'autres suffixations argotiques ont eu cours ; la seule forme vivante au XIXe et au début du XXe s. est LARTIF n. m. (1837).
ARUM n. m. est un emprunt au latin aron, latinisé en arum, hellénisme, du grec aron, mot sans étymologie connue, désignant deux plantes différentes, le gouet (arum maculatum, vénéneux) et la colocase. Il est apparenté aux noms de plantes aris « capuchon » et arisaron « capuchon », rendus en latin botanique par arisarum vulgare.
❏  Les formes aronc (1389), aron (1669) ont cédé la place au latinisme arum (1545), plus conforme aux habitudes des botanistes, pour désigner les mêmes plantes.
ARUSPICE n. m., mot didactique d'Antiquité romaine, est un emprunt ancien (1375, Raoul de Presles) au latin haruspex, -icis, sous la forme aruspex (Plaute), d'un élément probablement étrusque, haru- « les entrailles », et de -espex, élément tiré de specere « examiner, voir » (→ spectacle).
❏  Il désigne le prêtre-devin qui examinait des signes naturels (d'abord les entrailles de bêtes sacrifiées) pour interpréter la volonté des dieux. On écrit aussi étymologiquement haruspice.
ARVINE n. f. est la francisation (1878) d'un mot de patois valaisan, arvina (1812), nom d'un cépage du Valais donnant des petits raisins blancs ou bruns (grande, grosse arvine ; arvine brune) et le vin tiré de ce cépage. Le mot est connu dans toute la Suisse romande.