ATTRAPER v. tr., formé de a-, de trappe* et d'un suffixe verbal (1165, atraper), s'est tellement détaché de son origine et est devenu si courant, avec de nombreux dérivés et composés, qu'il doit être considéré comme indépendant, en français moderne.
❏  La valeur initiale « prendre à la trappe, au piège » s'est employée jusqu'au XIVe s. et est encore attestée au XVIIe s. (par ex. dans les Fables de La Fontaine) ; mais des valeurs extensives apparaissent tôt : « se saisir de (qqn, un animal) » (v. 1200) et dès vers 1200 en picard « tromper (qqn) par une ruse » ou (1465) « allécher ». ◆  Ces valeurs, comme « prendre sur le fait » (1564), relèvent du sémantisme général de « prendre » qui s'est substitué à celui, très spécifique, de « prendre au piège », conservant il est vrai l'idée de tromperie, de ruse, mais intégrant parfois celle de poursuite (Cf. chasser).
■  Deux autres valeurs se sont développées en français classique et moderne. La première correspond à « obtenir, saisir », notamment par ruse, d'où attraper son but (1669, Racine), et aussi abstraitement (« saisir par l'esprit », 1689) et avec l'idée d'« arriver au bout de » (1678), d'où « se maintenir jusqu'à » (attraper le bout, la fin de l'hiver, etc.), aujourd'hui régional. ◆  Une autre valeur, concrète, correspond à « frapper, heurter » (1644, Scarron), aujourd'hui familière, d'où s'attraper « se heurter » (2e moitié XVIIe s.) et régionalement « se faire mal, se blesser ». Dans le même contexte, « recevoir (un coup) » (fin XVIIe s.) suscite au XIXe s. des locutions populaires : attraper la fève, le haricot (1856) « recevoir un coup destiné à un autre », où attraper correspond à « obtenir » ; ces locutions ont disparu. Un emploi voisin concerne les maladies (attraper un rhume, 1694) et reste très vivant.
■  De attraper (qqn), « saisir », vient par atténuation le sens de « réprimander », apparu dans l'« argot des gazetiers » (1866, Delvau), familier et aujourd'hui enfantin, d'où s'attraper réciproque (1878).
■  L'idée de « saisir » conduit aussi au sens de « comprendre, saisir pour exprimer ou reproduire », dans attraper la pensée, la manière de qqn (1666). ◆  Un emploi concret, certainement ancien, existe encore, surtout en milieu rural, pour « attacher, coller au fond d'un récipient » (ça attrape).
❏  Le déverbal ATTRAPE n. f. est d'abord attesté (atrape, v. 1240) au figuré pour « procédé déloyal », puis « tromperie » (XVIe s., Calvin) et spécialement « embuscade » (XVe s.), « croc-en-jambe » (déb. XVIe s.), emplois disparus. ◆  Une valeur concrète, « piège » (XIVe s.), s'est continuée dans des dialectes jusqu'au XIXe s., et reste vivante en français des Antilles, au propre (tendre une attrape) et au figuré (tomber dans une attrape). Des acceptions techniques en dépendent, par exemple « corde de retenue » en marine (1691) et déjà « ancre » au début du XVe s. (1409).
■  De dragées d'attrape (1835), où attrape signifie « action de tromper », on est passé à attrape (XXe s.) « objet servant à faire une farce », d'où farces et attrapes.
ATTRAPEUR, EUSE n. (1526), « trompeur », succède à attrapart, attrapar (XVe s., Soties). Une nouvelle dérivation correspond à « personne qui attrape, critique » (1866).
■  ATTRAPOIRE n. f., « piège, fourberie » (atrapouere, 1547 ; -oire, 1574), s'est employé jusqu'au XVIIIe siècle.
■  ATTRAPOIR n. m. a lui aussi signifié « piège » (1575).
■  ATTRAPABLE adj. (1850, Balzac), « que l'on peut attraper, saisir », est rare.
■  ATTRAPAGE n. m. (1869) est concurrencé par ATTRAPADE n. f. (1926), qui correspond au sens de « critiquer, réprimander ».
■  ATTRAPERIE n. f., « tromperie » (1611), n'est plus en usage.
Plusieurs composés sont formés avec attrape-. ◆  Attrape-minoult « procédé trompeur » (1576), attrape-minou « hypocrite » (1624) font référence aux valeurs péjoratives de minaud, minou, noms du chat (Cf. grippeminaudgripper correspond à « attraper »).
■  Dès le XVIe s., attrape-lourdaud « ruse grossière » inaugure une série très vivante : ATTRAPE-NIGAUD n. m. (1798), ATTRAPE-NIAIS n. m. (1812) et, plus récemment, ATTRAPE-GOGO n. m. (→ gogo), ATTRAPE-COUILLON n. m.
■  Sans idée de tromperie, mais avec la valeur concrète de « saisir », ATTRAPE-MOUCHE n. m. désigne une plante carnivore (1700) et un oiseau (1752).
■  ATTRAPE-NEIGE s'est dit plaisamment (1888) d'une longue robe.
Le préfixé RATTRAPER v. tr. correspond à une valeur itérative par rapport à certaines acceptions du verbe simple : « attraper (un prisonnier) pour la deuxième fois » (XIIIe s.), « prendre une seconde fois dans un piège » (1740) ; au figuré « tromper une seconde fois » (1603), d'où on ne m'y rattrapera plus (1740), et « prendre à nouveau sur le fait » (1596). ◆  Le verbe s'emploie aussi pour « regagner (ce qu'on croyait perdu) » (1690), d'où se rattraper (1845) au jeu, en affaires, et « rejoindre (qqn) en allant plus vite » (1636), acception très usuelle. ◆  Le pronominal se rattraper à s'emploie aussi pour « se retenir, se raccrocher » (1872), d'où la locution figurée se rattraper aux branches (1872).
Il a pour dérivé RATTRAPAGE n. m., « action de rattraper », « de se dédommager » (1875), qui signifie spécialement « fin d'alinéa placé en tête de la feuille suivante (et qu'il faut rattraper) » (1867).
■  RATTRAPEUR n. m. s'emploie rarement au sens général, et aussi dans une acception technique (1907).
ATTRIBUER v. tr. est emprunté (1313) au latin attribuere, de ad- (→ à) et de tribuere, originellement « répartir entre les tribus », de tribus (→ tribu), comme les verbes ayant fourni contribuer, distribuer, rétribuer.
❏  Attribuer signifie « allouer dans un partage », d'où s'attribuer qqch. (1541), puis (1370, Oresme) « considérer comme étant l'effet, le résultat de (qqch.) », ces deux sens étant bien attestés en latin classique.
❏  Le seul dérivé français est ATTRIBUABLE adj. (v. 1571), les autres mots de cette famille provenant de attributum, supin de attribuere.
ATTRIBUT n. m. est un emprunt (XIVe s.) au latin médiéval attributum « propriété, qualité » (VIIIe-IXe s.), devenu terme philosophique (XIIIe s.). ◆  Le mot a en français le sens général de « caractère propre » et désigne spécialement l'emblème qui accompagne une figure symbolique. ◆  En grammaire (1680), l'attribut est un mot, participe ou adjectif, lié à un nom sujet ou objet par le verbe être.
Le latin attributum a fourni deux dérivés savants : ATTRIBUTIF, IVE adj. (1516 en droit), spécialisé plus tard (1866) en linguistique, et ATTRIBUTAIRE adj. (1874), terme de droit, désignant la personne bénéficiant d'une attribution.
■  ATTRIBUTION n. f. est emprunté (1370, atribucion) au dérivé latin attributio (surtout terme de droit) pour désigner l'action d'attribuer. ◆  Au pluriel, depuis le milieu du XVIIIe s. (1768), il se dit des pouvoirs du titulaire d'une fonction. Le singulier est passé dans la terminologie grammaticale (1866, rapport d'attribution) à propos d'un type de complément d'objet secondaire introduit par les prépositions à, pour.
ATTRISTER → TRISTE
ATTROUPEMENT → TROUPEAU
AU → LE, LA, LES
AUBADE n. f. est la francisation, d'après aube (1432), de albade (déb. XVe s.), emprunt à l'ancien provençal albada (provençal moderne aubada) « concert du matin » (→ aube), correspondant symétriquement à la sérénade* « concert du soir ».
❏  Le mot désigne un air, un morceau de musique donné sous la fenêtre d'une personne, en général une femme ou une jeune fille, le matin et, par extension, à toute heure. ◆  Aujourd'hui archaïque ou évocateur du passé, le mot a été employé ironiquement pour « tapage, huées », notamment dans donner l'aubade, employé au XVIe (Marot) puis au XVIIIe s. (1718).
❏  Le dérivé AUBADER v. tr. (1548) est archaïque ; il s'est employé populairement (1901, Bruant) pour « insulter, donner l'aubade ».
AUBAINE n. f. est dérivé (1237) de l'ancien français aubain n. m., qui désignait pendant la féodalité un étranger protégé et soumis à des droits et taxes. Ce mot apparaît au milieu du XIIe s. sous les formes féminines de l'adjectif, la gent aubaine, puis comme nom masculin sous les formes aubaine, albin, etc. Il correspond au latin médiéval albanus (Xe-XIe s.), d'origine incertaine. Si le masculin aubain, albanus était antérieur, on pourrait penser à un latin populaire °alibanus « qui est ailleurs », dérivé de alibi « ailleurs » (→ alibi) ; si c'est la forme féminine aubaine adj. et n., comme les attestations françaises le suggèrent, l'origine est probablement le francique °alibanni « homme d'un autre ban*, d'une autre juridiction » ; l'origine germanique est par ailleurs corroborée par l'emploi du latin médiéval albanus des Flandres au Soissonnais et non en France occitane. Aubain, d'emploi juridique, est devenu un terme archaïque (ou historique) à partir du XVIIe siècle.
❏  Aubaine a d'abord signifié (aubene, 1237) le droit du seigneur sur les biens de l'aubain protégé ; ce droit, devenu régalien au XVIe s., n'a été aboli qu'en 1819. Proudhon faisait encore usage de l'expression droit d'aubaine pour parler du profit du capital.
■  Le mot a dû sa fortune à un emploi figuré du XVIIe s. (1668, La Fontaine) au sens de « profit inespéré », resté très vivant. ◆  De la valeur spéciale du mot en commerce, les francophones du Québec ont tiré un sens nouveau, « solde » (à côté de vente, calque de l'anglais sales), alors qu'en français de France le mot n'a qu'une valeur générale, celle de « chance ; bonne occasion ».
1 AUBE n. f. est un emprunt (sous la forme albe, 1080) au latin populaire alba, féminin substantivé (« la blanche ») de l'adjectif classique albus « blanc » (→ albe), par exemple dans alba lux, alba dies.
❏  La forme évoluée moderne aube est attestée au XIIe s. (v. 1170). La locution l'aube des mouches (XVIe s., Rabelais) a désigné l'heure la plus chaude du jour, où les taons se réveillent et piquent. ◆  Un sens métaphorique, « début » (Cf. matin), apparaît aussi à la fin du XVIe s. chez d'Aubigné (l'aube de la vie). ◆  Démotivé, à l'aube a pris en français actuel la valeur vague de « très tôt le matin ».
❏  De même origine latine, mais du latin d'Église dans l'expression alba vestis « habit blanc », vient 2 AUBE n. f. (1174 ; d'abord albe, v. 1040) « vêtement de lin blanc du prêtre ».
L 3 AUBE n. f., succédant (1283) à alve (1080) puis auve (fin XIIe s.), est issu du latin populaire alapa, en latin médiéval « couverture de livre » (IXe s.), attesté au Ier s. au sens de « gifle », et qui aurait eu à l'origine la valeur de « paume (de la main) ». Alapa est d'origine obscure ; ni le verbe alapare, alapari, trop tardif, ni le latin alipes « ailé », de ala « aile* », ni enfin le latin populaire aleps, alepis de adeps « graisse » (→ adipeux), ne convenant. La thèse de l'emprunt étrusque (alapu ; selon Schuchardt) reste très hypothétique.
❏  Du latin populaire, le mot français, qui signifie d'abord (1283) « planchette reliant les deux arçons de la selle », aurait retenu la valeur non attestée en latin de « palette ». Cette acception s'applique à une roue de moulin (1283) ou de navire (navire à aubes), puis d'une turbine.
❏  Le dérivé collectif AUBAGE n. m. (1845), « ensemble des aubes (d'une roue) », est technique.
AUBÉPINE n. f., d'abord masculin (albespin, XIIIe s. ; aubespin, 1268), est emprunté au latin populaire albaspinum, °albispinus du latin classique alba spina « épine blanche » (→ albe, épine). Mais le mot français proviendrait d'une forme calquée sur un composé gaulois ; spina désignant en latin une autre plante, le prunier sauvage.
❏  Le mot désigne un arbuste épineux à fleurs blanches ou roses très odorantes et par extension une branche fleurie, des fleurs de cet arbuste.
Le masculin AUBÉPIN n. m. est une réfection littéraire de aubespin.
❏  Le dérivé AUBÉPINIER n. m. (1905) dérive du sens « fleur de l'arbuste », pour aubépine, qui désigne plus fréquemment l'arbuste même. Le mot est rare.
AUBÈRE adj. et n. m. est un emprunt du XVIe s. (1573) à l'espagnol hobero, d'origine incertaine, peut-être emprunté à l'arabe ḥubārā « outarde », par comparaison avec le plumage de l'oiseau.
❏  Le mot qualifie et désigne un cheval à robe blanche et rousse.
AUBERGE n. f. est emprunté, sous la forme aulberge (1477), au provençal moderne aubergo, de l'ancien provençal alberga, alberja (XIIe s.) désignant un campement sommaire, une baraque. Le mot français, comme le franco-provençal, vient du verbe arbergar, dissimilé en al-, qui correspond à l'ancien français arberger (XIe s.), habergier (v. 1188). Comme les verbes italien, catalan, espagnol anciens qui y correspondent, ce verbe est un emprunt au germanique de l'Ouest °haribergôn, variante méridionale de heribergôn, importé en Gaule par les mercenaires germaniques au sens de « loger une armée » (→ héberger).
❏  Auberge a remplacé en français des dérivés comme abergerie n. f. « hébergement » ; il apparaît au sens de « droit de gîte, de logement » et ne semble prendre sa valeur moderne qu'à la fin du XVIe s. (1606, Nicot), ce que semble confirmer l'apparition du dérivé aubergiste vers le milieu du siècle. ◆  En français moderne, auberge donne lieu à des locutions comme auberge espagnole « lieu où l'on ne trouve que ce qu'on a apporté », on n'est pas sorti de l'auberge « la situation (mauvaise, difficile) n'est pas dénouée ». ◆  En emploi concret, le mot a reculé devant hôtel et ses dérivés (comme taverne, cabaret, etc. ont reculé devant café) ; il a été repris pour désigner de petits hôtels ruraux (comme hostellerie) et dans des expressions désignant des systèmes d'hébergement collectif : par exemple, en France, auberges de jeunesse, d'où, par le sigle A. J., AJISTE n. « membre de l'association des auberges de jeunesse ».
❏  AUBERGISTE n. (1667) désigne la personne qui tient une auberge. Le mot évoque aujourd'hui le passé.
AUBERGINE n. f. est un emprunt tardif (1750), probablement par voie régionale, au catalan alberginia (XIIIe s.), lui-même emprunté avec des modifications à l'arabe ᾿al (article) bādinǧān, du persan bātingān, apparenté à un nom sanskrit.
❏  D'abord botanique et s'appliquant à une plante potagère (Solanacées), le mot est devenu courant pour désigner le fruit oblong et arrondi de la plante, consommé comme légume. Aubergine amère, se dit en français d'Afrique d'une plante potagère (Solanacées) dont le fruit, semblable à une petite tomate, a un goût amer (on l'appelle aussi tomate amère). ◆  La couleur violette du fruit européen a suscité un adjectif de couleur (1866) et plusieurs figurés populaires, « nez rouge », « évêque » (1847), « auxiliaire féminine de police, à uniforme de cette teinte ». Cette dernière valeur (1977) a disparu deux ans plus tard au profit d'une évocation de couleur différente (bleu tendre), pervenche.
? AUBERT ou AUBER n. m., mot de l'argot des coquillards (1455), semble dérivé du latin albus « blanc » (→ albe). La finale peut provenir (Esnault) de haubert ; on a évoqué l'expression blanc haubert « haubert brillant », blanc signifiant en argot « monnaie d'argent ». Sainéan puis Guiraud ont supposé un calembour sur maille « petite monnaie » et « maille du haubert », mais sans preuve.
❏  Le mot, qui désigne populairement l'argent (monnaie), est encore employé au XXe s. (1936, Céline), mais n'est plus usuel.
AUBETTE n. f., mot régional attesté après 1850 dans son sens moderne en Belgique et dans l'ouest de la France, reprend le moyen français aubette (v. 1475-1480), hobette (1491) à Lille, dont les variantes sont attestées en wallon : Liège ; houbète à Namur, etc. Il remonte à l'ancien français hobe, emprunt au haut allemand Hûbe « toit d'un édicule », du germanique °hūbon, rattaché à la racine indoeuropéenne °keu-bh- « voûte ».
❏  Influencé graphiquement par aube, le mot est attesté en 1808 (aubète) au sens de « corps de garde pour les officiers subalternes », puis (apr. 1850) « abri, kiosque ». Considéré comme ancien et « bien français » à cause de sa forme, qui évoque aube, alors qu'il s'agit d'un emprunt germanique par les dialectes du nord-est de la francophonie européenne, le mot a été promu recommandation officielle, en France pour remplacer Abribus, nom déposé. En fait, les usages de l'ouest de la France sont archaïques et le mot est devenu rare en français actuel de Belgique ; il n'est guère employé en France.
L AUBIER n. m. est la réfection suffixale (1344) de albor (v. 1160), aubor (v. 1150), issus du latin laburnum (Pline) croisé avec alburnum, de albus « blanc » (→ albe). L'ancien français a aussi, avec la finale originelle, ambour (v. 1330) ; aubrier (XIIIe s.) est aberrant.
❏  Le mot désigne d'abord la viorne ou le cytise, arbuste à bois blanc. Le sens moderne du mot, « partie tendre et blanche du bois, entre le cœur dur et l'écorce », apparaît au XIVe s. sous la forme aulbain, ressufixé au XVIe siècle ; aubel (1521), aulbier (1581), au XVIIe s. aubier et aubour (1671). La forme aubier l'a emporté.
AUBURN adj. est un emprunt (1835) à l'anglais auburn, lui-même emprunté à l'ancien français auborne « blond », issu d'un dérivé du latin albus « blanc » (→ albe), mais appliqué en anglais à une couleur rousse.
❏  Le mot, déjà attesté comme mot anglais chez Stendhal (auburn hair, 1817), qualifie une couleur de cheveux d'un châtain roux, cuivré.
AUCUN, UNE adj. et pron. apparaît en français sous la forme alcun (entre 950 et 1000) avec une valeur positive. C'est très probablement un emprunt au latin populaire °alcunus, de °alicunus, altération du latin classique aliquem unum « un certain » (attesté chez Varron). Aliquis, lui-même de alius, alia, aliud « autre » (→ aliéner) avec quis (→ qui), est peu représenté dans les langues romanes ; c'est un autre mot de la même famille, alter, qui a véhiculé le concept (→ autre). Alius est en rapport avec le grec allos (→ allo-), avec des formes celtiques et germaniques et avec quelques mots indoeuropéens orientaux. Le second élément du mot latin est unus (→ un).
❏  Le mot signifie d'abord « quelqu'un », positivement. ◆  Employé avec ne dans une phrase négative, le français alcun, puis (XIIIe s.) aucun, a pris comme adjectif une valeur négative (1000-1050). ◆  Il a gardé longtemps au pluriel sa valeur positive (1532, Rabelais, les aucuns), emploi dont le français moderne garde une trace dans le pronom d'aucuns « certains ».
❏  Le dérivé AUCUNEMENT adv. a eu lui aussi la valeur positive de « dans une certaine mesure » (XIIIe s.), mais ceci après l'emploi négatif (alcunement, XIIe s.), « en aucune façon », qui a prévalu.
AUDACE n. f. est un emprunt du moyen français (1387) au latin audacia, dérivé de audax, audacis « audacieux, effronté », lui-même du verbe audere « désirer, vouloir ». Ce verbe a donné, par le latin impérial ausus n. m., le bas latin ausere, d'où vient oser*. Audere est lié à avere « être avide de », d'où vient l'adjectif avidus (→ avide). L'appartenance indoeuropéenne de la série, que l'on a rapprochée du sanskrit ávati « il se réjouit, il aide », est douteuse.
❏  D'abord employé au sens de « courage entreprenant », audace a pris au milieu du XVIe s. (v. 1543) une valeur péjorative proche d'« arrogance » ; cette valeur existait en latin.
❏  AUDACIEUX, IEUSE adj. en est dérivé (v. 1500), à moins (Bloch et Wartburg) qu'il ne soit tiré du latin audax, avec sa valeur péjorative ; le sens laudatif n'apparaît qu'en 1611 pour l'adjectif, mais antérieurement pour le substantif (av. 1577, Montluc). Le proverbe la fortune sourit aux audacieux est calqué du latin.
■  AUDACIEUSEMENT adv. (1490) a été précédé par un adverbe directement tiré du nom, audessement (1330, pour °audacement) « avec audace ».
❏ voir AVARE.
AUDIENCE n. f. est emprunté (v. 1165) au latin audientia, dérivé du verbe audire « entendre » et « écouter », puis « comprendre ». Ce verbe, qui a donné en français ouïr*, est d'origine obscure ; le rapport avec auris « oreille » (→ oreille) n'est pas établi. Audire semble être indoeuropéen, si l'on retient le rapport avec le grec aio « j'entends », ou encore l'adverbe sanskrit āviḥ « évidemment ». Il a donné en français, par ses dérivés, de nombreux mots (voir ci-dessous).
❏  Audience est l'un des plus anciens ; il apparaît dans en audience « de manière à être entendu » et désigne (1309) le fait d'être écouté. Audience a éliminé l'ancien français oïance, dérivé de oïr (ouïr). ◆  Avec le verbe donner, il prend dès le Roman de la Rose (1275-1280) le sens d'« entretien » ; cette valeur se diffusera dans l'usage juridique (1452, « tribunal »), surtout au XVIe s. (1541, « séance d'un tribunal »). ◆  Au XVIe s. apparaît aussi la valeur « assistance (d'un orateur, etc.) » (av. 1585, du Fail) qui sera concurrencée par auditoire et dont la reprise au XXe s. constitue un emprunt à l'anglais audience, de même origine. Vers 1970-1980 se développe dans les médias l'emploi de audience pour « public touché par une émission », d'où « taux d'écoute » (faire de l'audience), en relation avec audimètre et Audimat (ci-dessous). ◆  Dans un contexte tout différent, les audiences, en français d'Haïti, se dit d'histoires racontées en groupe, en général des histoires comiques, divertissantes. Le conteur est appelé l'AUDIENCEUR n. m.
❏  Le dérivé AUDIENCIER n. et adj. m. (audienchier, XIVe s.) « huissier », repris comme adjectif (1690) dans huissier audiencier, est demeuré un terme juridique.
AUDITEUR, TRICE n. est emprunté (1230, en droit) au latin auditor, -trix, nom d'agent correspondant au verbe audire, et signifie dès le XIIIe s. (v. 1262) « personne qui écoute ». Le mot a été appliqué au XXe s. aux personnes qui écoutent la radio (les chers-z-auditeurs). ◆  Depuis longtemps il a des valeurs terminologiques administratives ; le sens de « fonctionnaire du Conseil d'État, de la Cour des comptes » (déb. XIXe s.) continue les auditeurs du Châtelet (1230, premier emploi attesté du mot), et les auditeurs des Comptes, sous l'Ancien Régime.
■  AUDITORAT n. m. (av. 1755, Saint-Simon) « fonction d'auditeur-magistrat » est un dérivé latinisant.
AUDITION n. f., attesté un peu plus tard que auditeur (1295, audistion ; forme moderne, 1370), est emprunté au latin auditio, nom d'action qui correspond au verbe audire, et qui comme auditor a deux principaux emplois, en droit et dans l'usage général. ◆  Le mot est d'abord juridique, et ne prend au latin le sens général d'« action d'écouter » qu'avec la traduction d'Oresme (1370). ◆  L'acception physiologique, « fonction du sens de l'ouïe », date du XVIe s. (av. 1590).
■  On parle de l'audition d'un artiste, pour déterminer son engagement, depuis la Restauration (1837, Scribe) ; c'est de cet emploi que vient AUDITIONNER v. intr. (1922), « se faire entendre au cours d'une audition », puis transitif, « écouter (un artiste qui donne une audition) » (v. 1950).
AUDITOIRE n. m. est encore un emprunt à un dérivé latin de audire, auditorium. ◆  Le mot est d'abord juridique (av. 1258) et correspond à auditeur. Comme ce dernier, il prend ensuite (1440) la valeur générale d'« ensemble d'auditeurs » et de « lieu où l'on s'assemble pour écouter » (1430, au féminin), valeur encore vivante en Belgique et en Suisse (où le mot peut être synonyme de aula), alors que le latinisme tardif AUDITORIUM n. m. (1866) l'a emporté en France. ◆  Le mot, d'abord employé en histoire romaine, a été repris à l'anglais auditorium de même origine, pour « salle qui reçoit des auditeurs » (1888).
AUDITIF, IVE adj. est emprunté un peu plus tard (1370, chez Oresme, comme audition) à un dérivé latin de auditum, suffixé en -ivus. Il n'a que le sens physiologique, « relatif à l'ouïe » (conduit, système... auditif), avec des extensions didactiques.
L'adjectif AUDIBLE, emprunté (1488) au dérivé bas latin audibilis, semble complètement inusité avant la seconde moitié du XIXe siècle. Il est alors très didactique, mais devient assez courant au XXe s. avec le développement des sons enregistrés ; d'où le dérivé AUDIBILITÉ n. f. (v. 1897) et la substantivation (l'audible, 1937).
C'est aussi en acoustique qu'apparaissent et se répandent les composés en audi-, comme AUDIMÈTRE n. m. (1836 ; repris 1964), « appareil mesurant l'audience, l'écoute (d'un médium d'information, d'une émission) ». ◆  Audi- sert aussi à former AUDI-MUTITÉ n. f. (→ mutité, à mutisme).
■  La plupart des composés sont en AUDIO-. ◆  Les plus anciens sont AUDIOMÈTRE n. m. (1865) et AUDIOPHONE n. m. (1898), qui remplace audiphone (1880).
■  À audimètre se rattachent AUDIMÉTRIE n. f. et AUDIMÉTRIQUE adj. (1985). ◆  AUDIMAT n. m., formé (1981) avec le -mat- de automatique, est une marque déposée d'audimètre, mais désigne couramment le système d'évaluation et l'audience elle-même (1983).
■  Le composé le plus courant est AUDIOVISUEL, ELLE adj. (→ visuel), répandu avec les nouvelles méthodes en pédagogie, la civilisation de l'image et les médias de masse.
■  AUDIONUMÉRIQUE adj. (1983) concerne le codage numérique des sons enregistrés.
AUDIOGUIDE n. m. apparu vers 1990 désigne (années 1990) un appareil portatif qui contient des commentaires enregistrés permettant une visite guidée autonome.
Les mots anglais auditor et audit, du latin auditor et auditus (nom d'action en -tus de audire) spécialisés en matière de révision comptable, ont été empruntés par le français : AUDITEUR, TRICE n. (1865 en français du Canada) et AUDIT n. m. (1970), d'où AUDITER v. tr. (1875 au Canada, mais, semble-t-il, pas avant 1975 en France) « contrôler sur le plan des finances et de la gestion ».
❏ voir OBÉIR, OUÏR.