LE FRANÇAIS DE BELGIQUE
La langue française en Belgique
En Belgique francophone, c'est-à-dire picarde et wallonne, l'histoire de la langue est la même que celle de la France du Nord, malgré les spécificités historiques. Dominée par la France de 1214 (Bouvines) à 1477, date où elle passe aux Habsbourg, alliés par mariage à l'Espagne, la région sera occupée par les armées révolutionnaires françaises, intégrée à l'Empire napoléonien, puis reviendra à la Hollande (1815) avant d'acquérir son indépendance en 1830 (reconnue en 1831 : Conférence de Londres). Cette Belgique est divisée d'Ouest en Est par l'ancienne frontière romano-germanique, le pays du Nord parlant flamand, langue germanique héritée du bas francique ancien (le « francique » de ce dictionnaire) et variante du néerlandais. Le Sud emploie le français et des dialectes d'oïl, dont le principal est le wallon.
À partir du XIVe s., le français l'emporte en Belgique comme langue de culture ; ainsi l'élite flamande est très francisée au XVIIIe s., à l'image des Néerlandais et des Allemands eux-mêmes. Encore au XIXe s., ce sont souvent des Flamands qui font la littérature belge en français : Verhaeren, Maeterlinck. Mais, après 1850, comme dans de nombreux pays d'Europe pour d'autres langues germaniques et slaves, une renaissance du flamand modifie les données : le pays flamand abandonne le français dans la plupart des domaines où il s'exerçait (droit, enseignement supérieur) et, en 1932, une loi divise la Belgique en trois zones linguistiques. Ces trois langues officielles sont le néerlandais, le français et l'allemand (à l'extrême est du pays). Bien que situé en zone flamande, Bruxelles est officiellement et effectivement bilingue. La proportion de francophones diminue, semble-t-il, lentement (de 46 % en 1900 à 43 % en 1963). Malgré de vives tensions entre les deux communautés, l'enseignement du français reste très actif chez les néerlandophones, alors que les francophones apprennent peu et mal le néerlandais : cette situation a été observée notamment à Bruxelles.
Le français de Belgique va d'un usage spontané oral régionalisé (wallonismes) — avec des influences flamandes parfois dénoncées vivement et qui sont surtout actives en zone de contact (Bruxelles) —, à un usage maîtrisé, écrit et oral, remarquablement proche de la norme « centrale ». Ainsi, certaines tendances, comme l'influence des américanismes sur le lexique, sont communes au français de France et de Belgique. La vitalité du français de Belgique dans tous les domaines d'expression, notamment littéraire, est grande. Ses problèmes propres relèvent de l'équilibre de deux communautés culturelles à l'intérieur d'une nation : ils sont à l'évidence politiques, et non linguistiques.
A. Rey
BIBLIOGRAPHIE
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