BANQUEROUTE n. f., d'abord bancqueroute (1466) et en deux mots bancque rotte (av. 1519), est emprunté à l'italien banca-rotta (XVe s.), littéralement « banc rompu », d'où « faillite » parce qu'on cassait symboliquement le « banc » du banquier en faillite. Ce mot est composé de banca (→ 2 banque) et de rotta, participe passé féminin (→ route, raout) de rompere (→ rompre). Le moyen français a utilisé la locution rompre banque « faire faillite » au XVIe siècle.
❏  Le mot désigne une faillite financière, et en droit moderne une faillite accompagnée d'actes délictueux (se différenciant de faillite en ce qu'il marque l'effet de l'insolvabilité). ◆  Son emploi figuré au sens de « débâcle, échec » est ancien (av. 1519), seul et dans la locution faire banqueroute.
❏  BANQUEROUTIER, IÈRE n. et adj., « personne qui a fait banqueroute », au propre et au figuré (surtout adjectivement), a remplacé banqueroute (1540) de même sens.
BANQUET n. m. est probablement un emprunt (fin XIVe s.) à l'italien banchetto « festin », d'abord attesté sous la forme du latin médiéval banchectum à Rome (1363), puis en langue vulgaire (depuis 1554). Banchetto serait dérivé de banco, de même origine que banc*. Le développement sémantique s'expliquerait d'après la coutume germanique du banquet délibératif relatée par Tacite, où des bancs étaient probablement disposés autour des tables, à la différence des repas pris à des tables individuelles. L'hypothèse d'une origine française voyant dans banquet un dérivé de ban, « convocation, invitation », confondu avec banc (à la faveur des formes pourvues d'un -s flexionnel), s'appuie sur le sens le plus ancien, « repas d'apparat », mais n'est pas convaincante.
❏  Le mot désigne un repas d'apparat réunissant de nombreux convives ; il a développé quelques acceptions spéciales, en histoire (grecque, par exemple avec Le Banquet, dialogue de Platon traduisant le grec sumposion ; française, etc.) et en religion (antique, catholique). ◆  Dans un contexte moderne, le mot est lié aux célébrations familiales ou collectives (politiques, etc.). L'expression noces et banquets illustre ce contexte. ◆  Par métaphore poétique, il se dit d'un grand rassemblement solennel et des félicités partagées par les humains (le banquet de la vie).
❏  En est dérivé BANQUETER v. intr. (fin XIVe s.) « prendre part à un banquet » d'où « faire bonne chère ».
■  Du verbe est dérivé BANQUETEUR, EUSE n. (1532, Rabelais) « personne qui a l'habitude de faire bombance ».
BANQUETTE n. f. est probablement emprunté (1417) à l'ancien provençal banqueta « siège à plusieurs places », lui-même dérivé de l'ancien provençal banc (→ banc) et à rapprocher du franco-provençal bankĕta « petit banc pour traire ». Il est senti comme un dérivé de banc.
❏  Le mot, attesté une première fois au sens ancien de « selle » comme mot du Languedoc, se répand au XVIIe s., désignant un banc, quelquefois rembourré et recouvert, servant à s'asseoir (1681). Il s'est employé dans les locutions faire banquette « attendre » et, dans le vocabulaire du théâtre, jouer devant les banquettes « jouer devant une salle presque vide », encore usitée. ◆  Dans plusieurs régions de France, le mot désigne un accotement, un talus à sommet plat. Banquette de tir, « marche, dans un dispositif fortifié ».
BANQUISE n. f. est emprunté tardivement (1773) à une langue scandinave moderne, suédois (packis), danois (pakis, v. 1170) ou norvégien (pakkis). Ces mots sont composés, dans chaque langue, des formes modernes qui correspondent à l'ancien norrois pakki (→ paquet) et à iss « glace » (→ iceberg, inlandsis), ce dernier appartenant à une racine germanique °isam, °isaz, qui a des répondants en indo-iranien (avestique isav- « glacé »). L'adaptation en français s'est faite par assimilation de la finale au suffixe -ise et altération de la syllabe initiale d'après banc, « écueil, récif », l'attraction de banc étant favorisée par la prononciation scandinave du p- initial, intermédiaire entre p sourd et b sonore. On a d'abord dit banc de glace (1751), parallèlement à l'anglais field of ice (devenu ice field) à la même époque.
❏  Le mot désigne un amas de glaces flottantes formant un immense banc et de là, par extension, un amas de glace flottant sur la mer (→ iceberg).
BANTOU, OUE adj. et n. s'applique à un vaste ensemble de langues africaines, ainsi qu'aux populations qui les parlent, vivant au sud d'une ligne joignant le mont Cameroun à l'embouchure de la rivière Tana, sur l'océan Indien. Le mot bantu a été créé en anglais par W. H. Bleek, vers 1860, à partir de la racine ntu « homme », avec le préfixe ba- indiquant le pluriel. Parmi les très nombreuses langues bantoues, le lingala, le kikongo, le swahili sont des langues véhiculaires internationales.
❏  BANTOUSTAN n. m. désignait, pendant le régime de l'apartheid en Afrique du Sud, un territoire attribué à une ethnie noire.
■  BANTOUISTIQUE n. f., mot didactique, désigne l'étude des langues bantoues.
BANYULS est tiré du nom de Banyuls-sur-Mer, dans les Pyrénées orientales, aboutissement catalan du latin balneolum, de balneum « bain ».
❏  Le mot, attesté en 1891 (Verlaine) vaut pour « vin de Banyuls » et désigne un vin doux naturel du Roussillon.
BAOBAB n. m., d'abord bahobab (1592), puis baobab (1752), est un emprunt à l'arabe būḥĭbāb, « fruit aux nombreuses graines », étymon satisfaisant des points de vue morphologique (bahobab étant la forme la plus ancienne), sémantique et aussi géographique, la première attestation étant localisée en Égypte.
❏  Le mot, jusqu'au milieu du XVIIIe s., a désigné le fruit ovoïde comestible d'un gros arbre de l'Afrique occidentale. Ce n'est qu'au XVIIIe s. (1757) que, par métonymie, il désigne cet arbre lui-même, le fruit étant dès lors appelé pain de singe. Baobab, d'abord terme de voyage, a été répandu avec la connaissance de l'Afrique coloniale, dans la seconde moitié du XIXe s., le baobab en pot de Tartarin de Tarascon (Daudet) illustre cette diffusion. ◆  En français d'Afrique, il se dit par extension d'un très grand arbre, quelle qu'en soit l'espèce (fromager, par exemple), le baobab proprement dit étant considéré comme symbolique de l'Afrique.
BAPTÊME n. m., d'abord batesma (v. 1050), francisé pour la finale et repris étymologiquement (pour le p) en baptesme (v. 1155), baptême (1690), est emprunté au latin chrétien baptisma, baptismus, lui-même emprunt au grec chrétien baptizma ou baptismus (Nouveau Testament), désignant le sacrement que l'Église administre, par le symbolisme de l'eau, afin d'introduire un nouveau fidèle dans la communauté chrétienne en le purifiant du péché originel. Le mot grec vient du verbe baptizein « administrer le sacrement chrétien », spécialisation du sens de « plonger, immerger », dérivé de baptein « être plongé dans », qui s'employait à propos de la trempe du fer, de la teinture des étoffes et, chez les tragiques, à propos d'une épée tachée de sang. Ce mot est rapproché de l'ancien norrois kvefja « plonger, étouffer ».
❏  Le mot, repris comme terme liturgique chrétien, s'est étendu à l'immersion rituelle qui initie à la vie spirituelle dans d'autres religions. Il a développé d'autre part des emplois extensifs (baptême du sang, 1704) et métonymiques. ◆  Par extension, il s'emploie à propos de la cérémonie burlesque par laquelle on asperge d'eau de mer ceux qui passent l'équateur ou le tropique pour la première fois (1690). Il désigne aussi, d'après une valeur plus ancienne de baptiser, la cérémonie au cours de laquelle on bénit une cloche et on lui donne un nom (1834), et celle où l'on nomme et on lance un navire. ◆  Il glisse vers le sens figuré d'« initiation, apprentissage », dans quelques locutions usuelles comme baptême de l'air « premier voyage en avion », baptême du feu « première épreuve de combat ».
❏  Les dérivés sont formés savamment sur le latin baptisma.
■  BAPTISMAL, ALE, AUX adj. (XIIe s.), d'usage liturgique, n'est plus guère employé que dans le syntagme hérité fonts baptismaux ; il est littéraire au sens figuré de « pur, serein » (attesté au XIXe s., notamment chez Hugo, 1877).
■  BAPTISME n. m. (1863, Renan) est le nom donné à une doctrine religieuse orientale et, sous l'influence de l'anglais baptism, chrétienne.
■  L'adjectif correspondant à ce dernier, BAPTISTE, d'abord emprunté (1751) au latin chrétien baptista, nom donné à Jean, « celui qui donne le baptême » et qui demeure dans Jean (le) Baptiste, a été repris au XIXe s. d'après l'anglais baptist.
ANABAPTISTE n. et adj. est emprunté (1525) avec suffixation en -iste au grec ecclésiastique anabaptizein, de ana-* et de baptizein. ◆  Le mot désigne les membres d'une secte protestante qui, n'admettant pas la validité du baptême catholique administré peu après la naissance, sont soumis à un second baptême lorsqu'ils sont adultes.
BAPTISER v. tr., d'abord baptizer (v. 1050), est emprunté au latin ecclésiastique baptizare, lui-même repris du grec baptizein.
■  Le mot, qui a été introduit avec une valeur liturgique, « administrer le baptême », a développé le sens de « donner un nom de baptême à (qqn) », d'où « donner un sobriquet » (XIVe s.). Par plaisanterie, il entre dans la locution figurée baptiser le vin « mêler de l'eau au vin » (1580). ◆  Par extension, il s'emploie, comme baptême, à propos de la cérémonie de bénédiction d'une cloche, d'un navire, au cours de laquelle on leur donne leur nom (1680).
■  Au XIIIe s., baptiser a produit BAPTISEUR n. m., réfection de bautizeor (1250-1300), inusité entre le XVIe et le XVIIIe s., très rare depuis, et REBAPTISER v. tr. « baptiser une seconde fois ».
■  Celui-ci s'est d'abord employé dans un contexte religieux, de même que DÉBAPTISER v. tr. (1564) dont le sens laïc de « donner une autre dénomination à qqch. » n'est enregistré qu'en 1870.
BAPTISTÈRE n. m., réfection (1611) de baptisterie (1080), avec accent tonique sur la syllabe -ster-, puis baptestire (v. 1155), est emprunté au latin chrétien baptisterium « fonts baptismaux » et « édifice où l'on baptise ». Le mot existait antérieurement au sens laïc de « piscine pour se baigner et nager » (Pline) et est emprunté du grec baptistêrion « salle de bain », puis en grec chrétien « lieu où l'on baptise », de baptizein.
■  Le mot s'emploie surtout aujourd'hui en art pour désigner le bâtiment séparé, près d'une église, où étaient situés les fonts baptismaux.
BAPTISTAIRE adj. (1564), terme didactique formé sur le latin baptizare, d'après baptistère, se dit de ce qui constate un baptême (registre baptistaire), également employé comme nom masculin au sens d'« extrait de baptême ».
BAQUET → 1 BAC
1 BAR n. m. est emprunté (1180-1200) au moyen néerlandais baerse, barse désignant plusieurs poissons (la perche, le bar), mot apparenté au moyen néerlandais borstel « poil, brosse, soie ». Ce dernier, de même que l'allemand Bürste « brosse », est à rapprocher de l'ancien indien bhṛś-ti « pointe », remontant à la racine indoeuropéenne °bhrsti-, °bhorsti-. Le poisson est ainsi nommé en raison de ses nageoires dorsales faites de durs piquants.
❏  Le mot désigne une sorte de poisson de mer très vorace à chair très estimée ; il a été repris en héraldique pour une figure représentant un poisson en pal et un peu courbé (fin XIIIe s.). En français contemporain de France, le mot est en concurrence avec son synonyme régional (méridional) loup.
■  En français d'Afrique, le mot désigne couramment un gros poisson de mer de l'Atlantique et de l'océan Indien, le tassergal.
2 BAR n. m. est l'abréviation (1857) de bar-room (1833) emprunt à un mot anglo-américain désignant un débit de boissons où l'on boit debout près du comptoir (depuis 1807), lequel apparaît dès 1788 sous la forme abrégée bar. L'anglais bar, d'abord (XIIe s.) barre « barre de bois ou de métal », est un emprunt (XIIe s.) au français barre*. Comme barre en français, ce mot a de nombreux sens, désignant notamment la barre d'un comptoir, puis le comptoir (1475) et enfin le lieu où l'on boit (1592). Room « place » (XIVe s.), puis « pièce d'une maison » (XVe s.), vient de l'ancien anglais rum, emploi substantivé d'un adjectif germanique °rumaz, « spacieux », formé avec °ru-, que l'on a rapproché du latin rus, ruris « campagne » (→ rural).
❏  Le mot, d'abord cité dans un contexte américain — également sous la forme francisée barre (1853) —, s'est rapidement acclimaté ; la forme bar a évincé bar-room ; bar zinc, relevé chez Huysmans, n'a pas vécu (→ zinc). Depuis son emprunt, il connote le luxe, jusque dans la quasi-obscurité des lieux qu'il a reprise au bar américain, se distinguant ainsi de café. Par extension, il s'applique avant la fin du XIXe s. à tout lieu où l'on sert pareillement des boissons, dans les théâtres, les bateaux, les hôtels et même les locaux privés. Par métonymie, il désigne le comptoir lui-même (1928), par exemple dans prendre un verre au bar, tabouret de bar. ◆  En français d'Afrique, le mot s'applique à un lieu public où l'on peut danser et consommer des boissons.
❏  BARMAN n. m. est emprunté (1873) à l'anglais barman, lui-même composé de bar (→ 2 bar) et de man « serveur », spécialisation de « homme » (→ mannequin). Le mot est réservé au serveur d'un bar ; ce serait un abus que de l'employer pour celui qui sert dans un café : on dit garçon de café dans le second cas.
BARMAID n. f. est emprunté à la même époque (1861) à l'anglais barmaid (1658), dont maid « serveuse » (XIVe s.) est l'abréviation de maiden « fille, jeune femme », également « servante », mot d'origine germanique dont la racine se retrouve dans des désignations du garçon et du jeune homme en slave, en celtique et dans l'avestique magu. ◆  Le mot est assez peu usité, probablement handicapé par maid, beaucoup moins acclimaté en français que man (et même que le féminin woman).
❏ voir SNACK-BAR, VOITURE, WAGON(-BAR).
3 BAR n. m., attesté depuis 1914, est un mot créé en 1906 après barie (1889) par le physicien et météorologiste norvégien Bjerknes, d'après le grec barus « lourd » (→ bar-, baro-, bary-).
❏  Bar est le nom d'une unité de pression atmosphérique valant un million de baryes.
❏  L'adoption du mot a entraîné la formation de termes désignant des sous-multiples du bar : MILLIBAR n. m. (1914), le plus usuel, CENTIBAR n. m., DÉCIBAR n. m. (l'anglais a milibar, centibar, decibar dès 1914).
BARYE n. f. (1900), formé savamment sur le radical du grec barus avec le suffixe -ie, désigne la pression uniforme exercée sur une surface de un centimètre carré par une force égale à une dyne.
❏ voir BARYTON, BARYUM.
BAR-, BARO-, BARY-, premier élément de composition de mots savants, est, sous sa forme bary-, calqué du grec baru-. Celui-ci représente l'adjectif barus « lourd », d'où « pénible, difficile à supporter ». C'est un ancien adjectif en -us qui appartient à une racine indoeuropéenne °gwer- « lourd » que l'on retrouve dans le sanskrit gurú, l'avestique gouru (→ gourou), le gotique kaurus, le latin gravis (→ grave). En grec, baru- est le premier terme d'une centaine de composés dont la plupart figurent dans des textes poétiques ou techniques ; il réalise souvent une valeur métaphorique ou figurée soit qu'il s'agisse d'un son grave, soit qu'il s'agisse d'accablement, de peine.
❏  Certaines de ces formations sont passées en français soit directement (baryphonie, 1814), soit par dérivation sur des adjectifs grecs (baryencéphalie, baryglossie). Dans ces emprunts, bary- exprime la difficulté, la gêne.
❏  Bary-, en tant que variante de bar-, baro-, n'apparaît qu'à la fin du XIXe s. dans des composés de physique (→ bary-, art. baryte). ◆  La forme vivante de l'élément de composition est baro-, probablement formé sur le radical du substantif baros « poids, pesanteur », au figuré « poids de la souffrance, oppression, torpeur », dérivé de barus.
■  Le premier composé : BAROMÈTRE n. m. est emprunté (1666) à l'anglais barometer (1665-1666, Boyle) « instrument mesurant la pression de l'atmosphère », lui-même formé du grec baros et metron (→ mètre). ◆  Il a produit BAROMÉTRIQUE adj. (1752 ; v. 1740 selon Wartburg).
■  Baromètre a évincé BAROSCOPE n. m. (→ scope, -scopie), nom en anglais (1665) du premier baromètre (ce dernier étant défini comme un baroscope statique). En français, le mot a été repris pour désigner une balance permettant de démontrer le principe d'Archimède et de mesurer la perte de poids d'un corps plongé dans le gaz (1855).
■  L'élément a pris récemment un certain essor avec le sens plus général de « pression » en biologie et en physiologie : baresthésie n. f., barognosie n. f., barophile adj., barotraumatisme n. m., baronarcose n. f. en témoignent.
? BARAGOUIN n. m., d'abord barragouyn (1391) et barragouin (1532), est d'origine controversée : l'hypothèse la plus répandue y voit un composé des mots bretons bara « pain » et gwin « vin ». Elle s'appuie sur la localisation des premières attestations dans l'ouest de la France avant que le mot ne se répandît un siècle après la réunion de la Bretagne à la France ; le contexte de l'attestation de 1391 l'oppose à chrestien et à françois ; mais le locuteur, originaire du Loiret, l'applique à un habitant de la Guyenne. On suppose qu'à l'origine, le mot a servi de sobriquet à l'encontre des Bretons, tiré de leur expression favorite, « pain, vin », entendue dans les auberges françaises que fréquentaient les pèlerins bretons. Dauzat, en faveur de cette hypothèse ingénieuse, relève le nom propre Painvin (Loire-Atlantique) et une chanson « Baragouinez, guas de basse Bretagne... ». D'autres hypothèses, moins satisfaisantes, ont été proposées : le latin Berecynthia, nom de Cybèle, mère des dieux, célébrée par un culte orgiastique, l'ancien provençal barganhar « marchander » (Cf. barguigner), une onomatopée désignant l'action de parler indistinctement et de patauger, un emprunt à l'espagnol barahunda « tumulte », lui-même emprunté de l'hébreu bārūch habbă « béni soit celui qui vient au nom du Seigneur ». P. Guiraud, qui recherche des étymologies sociolinguistiquement proches et vraisemblables, évoque un composé tautologique du type barater « s'agiter » (→ baratter) et gouiner, variante de couiner* « crier ». Par ailleurs, l'initiale onomatopéique bar- dans barbare évoque étymologiquement la langue incompréhensible des étrangers.
❏  Le mot, d'abord employé comme terme d'injure xénophobe, a été repris au XVIe s. chez Rabelais qui lui donne le sens de « personne parlant un langage incompréhensible » (1532) et, par métonymie, de « langue barbare » (1532). Par extension, il est passé au sens actuel de « langage incorrect » (av. 1560).
❏  BARAGOUINER v. intr., d'abord attesté sous la forme de l'infinitif substantivé barragoiner « parler incorrect » (1578, mais antérieur ; Cf. baragouinage), est employé comme verbe aux sens de « parler une langue étrangère que personne ne comprend » (1611) et, transitivement, « prononcer indistinctement » (1666).
■  Il a pour dérivés BARAGOUINAGE n. m. (1546, Rabelais), en partie synonyme de baragouin, et BARAGOUINEUR, EUSE n. (1669, Molière), tous deux d'usage familier.
BARAKA n. f. est emprunté (1912) à un mot arabe qui signifie « bénédiction, faveur du ciel ».
❏  Le mot s'emploie dans un contexte arabe et, par extension, comme un équivalent familier de « chance » (avoir la baraka).
BARAQUE n. f., d'abord barraque (1501-1506), est emprunté, probablement par l'intermédiaire de l'ancien provençal (baraca, 1381, dans une charte latine de Marseille), au catalan de Valence barraca « petite construction primitive servant d'abri ». Ce mot, attesté depuis 1249 sous la forme barraqua (en latin) et avant 1276 sous la forme barraque, est d'origine obscure ; barraca serait un dérivé préroman soit de °barra « barre transversale » (→ barre), mot commun à toutes les langues romanes, soit de °barrum « argile » (→ peut-être bardane, embardée, 3 barder), mot ibérique, l'argile et le bois entrant dans la construction de ces abris. P. Aalto, s'appuyant sur la ressemblance entre un type de temple babylonien et l'édifice de pierres sèches courant aux îles Baléares, propose comme étymon du mot catalan le syriaque parakkā, de l'assyrien parakku « temple, palais » ; cette hypothèse séduisante manque de fondements : le mot n'existe pas en arabe, langue qui aurait dû servir d'intermédiaire, et aucune attestation catalane ancienne de barraca ne se rapporte aux Baléares. L'italien barraca ne peut pas être à l'origine du mot français, le seul exemple antérieur au XVIIe s. étant probablement une interpolation.
❏  Le mot désigne une construction en planches servant d'abri. Il a connu deux types d'extensions dans le langage familier : il désigne péjorativement une petite maison mal bâtie, une maison où l'on est placé comme domestique (1821), puis toute maison (Cf. pour la péjoration qui disparaît godasse, bagnole...). ◆  Dans l'argot du métier, le mot désigne la salle de spectacle d'où la locution casser la baraque « obtenir un succès à tout casser » et, à l'opposé, « faire échouer une entreprise ». ◆  Il s'emploie aussi familièrement au sens figuré de maison « entreprise, collectivité, etc. ».
❏  Baraque a produit 1 BARAQUER v., d'abord se barraquer (XVIIe s.), probablement vivant dès la fin du XVIe s. comme l'indique baraquement. Le verbe a vieilli dans son triple usage transitif, intransitif et pronominal, y compris dans son emploi militaire.
■  Le dérivé BARAQUEMENT n. m. (1574), « ensemble de baraques servant de logement », est employé par extension comme synonyme de baraque.
■  BARAQUÉ, ÉE adj., étant donné son emploi récent pour qualifier, familièrement, une personne bien bâtie (XXe s.), serait plutôt dérivé de baraque que tiré du participe passé de baraquer.
2 BARAQUER v. intr., attesté seulement en 1937 (Tharaud in T. L. F.), est emprunté à l'arabe baraka « s'agenouiller, s'accroupir », verbe tiré de la racine brk- signifiant « genou ».
❏  Le mot, attesté assez tard par la littérature, a dû être employé au moins depuis le début du XXe s., par les troupes françaises (ou francophones) du Sud algérien (méhariste est attesté en 1899), à propos du dromadaire (méhari) lorsqu'il s'accroupit pour permettre au cavalier de monter en selle. Il s'emploie aussi transitivement, pour « faire baraquer (un dromadaire) ».
BARATIN n. m. est probablement dérivé (1911) de barat, encore attesté en provençal au sens de « marché, tromperie », déverbal de l'ancien barater, bareter « tromper » (→ baratter). Un emprunt direct au provençal baratin « tromperie » (1468) est moins probable.
❏  Le mot est d'abord un terme de l'argot des pickpockets désignant un portefeuille vide substitué par un complice à la place de celui que prend le voleur. ◆  Par extension, il a pris le sens abstrait de « bluff (d'homme d'affaires, de galant, de juge d'instruction) » dans l'argot des voyous et, de là, s'est répandu dans l'usage familier, ne concernant plus que l'activité de langage trompeur et séducteur. On peut comparer partiellement cette évolution à celle de bidon « faux ».
❏  Le dénominatif BARATINER v. tr., d'abord employé intransitivement dans l'argot des pickpockets au sens de « refiler un portefeuille vide à la place de celui qu'on vole », a suivi la même évolution, prenant dans l'argot des voyous le sens de « bluffer » (1926), répandu dans le langage familier.
■  Il a pour dérivé BARATINEUR, EUSE n. (1935), utilisé en argot du milieu au sens de « menteur » et répandu dans l'usage familier en parlant d'une personne ayant du bagou. ◆  Tous les mots de la série se sont spécialisés dans le contexte du discours trompeur destiné à séduire, par exemple érotiquement.
? BARATTER v. tr., au participe passé baraté (déb. XVIe s.), puis barretrer (1596), baretter (1611), est d'origine incertaine. L'étymon latin °burratare « bluter la farine », lui-même d'origine obscure, manque de fondement. P. Guiraud propose, avec le préfixe bar- évoquant le va-et-vient, le latin actitare, fréquentatif de agere (→ agir) attesté au sens de « jouer souvent ». Certains évoquent le scandinave barâtta « combat, tumulte », mais sans proposer de voie de passage. Enfin, selon Bloch et Wartburg, le verbe est dérivé de l'ancien français barate « confusion, agitation » (v. 1155), même mot que l'italien baratta « dispute », déjà chez Dante (Enfer, 21, 63), et que l'ancien espagnol barata (Poème du Cid, 1228). Le premier mot roman de cette série est l'ancien provençal baratar « agir, se conduire », qui correspond à l'ancien français bareter « s'agiter » et aussi « tromper » (→ baratin). Du sens d'« agir », l'ancien provençal a tiré « faire des affaires », « troquer ». Ce verbe provençal viendrait du grec práttein « achever, accomplir, agir », variante de prassein (→ pratique), avec anticipation de la voyelle tonique et passage de p- à b-, comme dans le mot qui a donné boîte*.
❏  D'abord dans lait baraté, « petit lait », le mot exprime le fait d'« agiter la crème pour faire le beurre » (1596). Il n'est pas attesté entre 1611 et 1762, et a dû avoir un statut régional avant la seconde moitié du XVIIIe siècle.
❏  Le dérivé BARATTE n. f. (1549), « récipient où l'on bat la crème pour faire le beurre », est lui aussi rare avant la fin du XVIIIe siècle.
■  BARATTAGE n. m. (1845) et BARATTEUSE n. f. (1879), nom de la machine servant à baratter, sont aussi des mots techniques, sans phraséologie ni métaphores.
❏ voir BARATIN, DISPARATE.
? BARBACANE n. f. (v. 1160) est un emprunt d'origine incertaine, peut-être à l'arabe dialectal b-al-baqára, altération de l'arabe classique bāb-al-báquara, « porte pour les vaches », cet ouvrage protégeant une enceinte intermédiaire entre cette fortification et la muraille principale où les assiégés gardaient leur bétail. Cette étymologie, qui suppose en outre une transformation en barbacana sous l'influence de barrana, « extérieur », n'a pu être confirmée par l'archéologie. D'autres y voient un emprunt au persan bālāhāna « étage supérieur, terrasse sur un toit », en expliquant le passage de -l- au groupe -rb- sous l'influence de barbe*, par l'idée de « masque ». On a aussi proposé l'arabe barbaḫk̮āneḫ « rempart » (d'après l'idée de « galerie servant de rempart devant une porte ») formellement très proche ; mais celui-ci ne peut signifier que « maison (kāneḫ) à ouverture, à écoulement », barbah signifiant « évier, tuyau d'aqueduc ». Dans ce dernier sens, attesté en français, le mot vient très probablement du mot arabe signifiant « évier ».
❏  Barbacane est un terme de fortification désignant un ouvrage extérieur percé de meurtrières et protégeant un point important (pont, passage, porte, route). Par métonymie, il s'applique à la meurtrière pratiquée dans le mur des forteresses. ◆  Le sens second en architecture d'« ouverture verticale et étroite dans le mur d'une terrasse pour l'écoulement des eaux » vient très probablement de barbaḫ-kāneḫ (ci-dessus). Les acceptions : « ouverture étroite pour faciliter l'aération entre caves » et « fenêtre très étroite » exploitent aussi l'idée d'ouverture verticale.